Dès le don de sang finit, Eleonor avait fait sortir le jeune homme. Il allait avoir besoin de repos, et il n'avait plus rien à faire dans cette salle de toute façon. La chirurgienne fit donc escorter le donneur affaibli dans une chambre un peu plus loin, puis avait commencé à recoudre le bras. Une fois le travail terminé, elle révisait un texte sur la biologie des élémentaires. Sauf si la chirurgienne trouvait une meilleure solution, sa patiente irait aux soins intensifs. Elle réfléchissait toujours au problème de température, lorsque l'électrocardiogramme indiqua un changement dans l'activité cardiaque. Eleonor regarda attentivement les pics, tentant de les analyser rapidement au cas où il y aurait un nouveau problème chez sa patiente. Celle-ci se réveilla. Elle semblait totalement désorienté. Aussi la vampire lui donna quelques secondes afin qu'elle puisse recouvrer ses esprits. Puis, tout en remettant son bras recousu en place, car sa patiente semblait vouloir bougé alors qu'elle devait rester calme, Eleonor fit son discours habituel:
-Bonjour. Vous êtes à l'hôpital en salle d'urgence. Rassurez-vous, nous allons prendre soin de vous, mais il faut vous détendre.
-..vivre…feu… brûle... moi... plait... brûler... moi...
Sur le coup Eleonor releva un sourcil, se disant que peut-être sa patiente souffrait encore de délire. Elle ne semblait pas avoir compris les paroles de la chirurgienne et ne s'exprimait pas de façon cohérente. Elle semblait encore un peu dans les vapes. Voilà pourquoi Eleonor ne répondit pas à ces mots dénués de sens. Inutile de rassurer quelqu'un qui ne comprends pas vos paroles. La chirurgienne allait retourner à son texte afin de donner plus de temps à la jeune femme pour se réveiller lorsque celle-ci reparla:
-...confiance... besoin... feu... moi... aider moi... brûler moi...
Encore cette histoire de feu? Et la jeune femme pointait une bouteille d'alcool. Cette fois plus attentive aux besoins de sa patiente, Eleonor cherchait à comprendre ce qu'elle voulait. Bien sûr, l'idée qu'elle veuille se faire brûler avec de l'alcool semblait évidente, mais parce que cette idée était également absurde, Eleonor la relayait toujours au second plan dans sa recherche d'explications. Le rythme cardiaque de sa patiente augmenta, elle serra la main glacée de la vampire, et Eleonor pu sentir dans son regard qu'elle avait toute sa tête. Et elle voulait se faire brûler.
-Oui, je comprends. Je vais voir ce que je peux faire.
Elle avait dit cela afin que sa patiente se détente, car son rythme cardiaque était trop élevé pour son état. L'idée de l'élémentaire était étrange, mais pas…dépourvue de sens, et Eleonor se devait de la considérer. Alors que les infirmiers attendaient anxieux la décision de la chirurgienne, Eleonor avait fait les cent pas quelques secondes, les bras derrière le dos, le regard posé sur le sol. Elle révisait ses connaissances concernant les élémentaires, tentant de juger si cette entreprise était bien sage. Elle risquait gros si elle tentait cette expérience et blessait sa patiente. Les infirmiers présent dans la salle s'y opposaient d'ailleurs catégoriquement, l'un d'entre eux lui dit:
-Docteur, c'est un risque inutile. Nous pourrions très bien la mettre aux soins intensifs et avec les soins adéquats…
-Que savez-vous des élémentaires de feu? Sa température peut sembler adéquate pour un être humain, mais elle ne va pas bien, ça je peux vous l'assurer. Maintenant, s'il-vous-plaît, sortez, et laissez-moi travailler.
Ce n'était pas son genre d'être condescendante avec les infirmiers, mais elle était déchiré entre l'envie de tenter quelque chose et celle de ne pas faire de folie, et le stress ne présentait jamais les gens sous leur meilleur jour. Ses connaissances limités du fonctionnement des élémentaires l'aurait d'abord poussé à refuser la demande de la jeune femme, mais elle savait qu'un élémentaire dans son élément devenait plus fort.
Et de toute façon un élémentaire de feu ne peut pas se brûler. Eleonor avait donc mit ses collègues à la porte, afin qu'ils informent les curieux que mettre le feu à une patiente était sa décision et qu'elle en prenait l'entière responsabilité. Puisque c'était une forme de traitement qui n'avait jamais été testé avant, la chirurgienne se faisait un plan mentalement. Elle devait décider elle-même des procédures à suivre. Elle ferma le détecteur de fumée, couvrit chaque centimètre de sa peau avec du tissu épais ne laissant pas passer le soleil, ouvrit grand les fenêtres et plaça près d'elle un extincteur. Elle constata avec un certain soulagement que le soleil s'était couché, et retira son attirail de protection.
Ce n'est qu'à ce moment, l'extincteur dans une main, qu'elle réalisa à quel point son entreprise était risqué. Si ça tournait mal, l'hôpital pourrait prendre en feu et elle en serait la seule responsable. Elle pourrait être rayé de l'ordre des médecins de France et ne plus jamais se trouver d'emploi dans le domaine. Elle resta immobile un instant, réfléchissant, puis secoua la tête. La première transplantation cardiaque avait été effectué par quelqu'un qui a su prendre des risques, non? Les nouvelles percées en médecine viennent parfois d'expériences dangereuses, et pourtant c'est ainsi que la science progresse. Elle avait placé l'élémentaire sur le sol près des fenêtres et évacué tous les produits médicaux de la salle, de façon à minimiser les risques d'incendie, puis avait recouvert sa patiente de quelques draps qu'elle avait déchiré en lambeaux très facilement du à sa force, et avait imbibé le tout d'alcool chirurgical. Étant donné la vitesse à laquelle pouvait bouger les vampires, l'ensemble de ces actions ne lui avait pris que quelques secondes.
Elle regardait son montage, une boite d'allumettes à la main. L'idée de mettre la patiente aux soins intensifs en espérant qu'elle guérisse, comme l'avait suggéré son collègue, lui traversa une nouvelle fois l'esprit. Non, ce n'était plus le moment d'hésiter. Et puis, si son entreprise réussissait, cela permettrait à d'autres médecins ailleurs dans le monde de guérir des élémentaires de tous les types par ce procédé. Elle prit une allumette, et c'est à ce moment exact qu'elle entendit des cris venant du couloir. Cela la laissa d'abord indifférente, après tout il arrivait quelques fois que des patients hurlent, surtout ceux venant de l'aile de la psychiatrie. Puis elle reconnu la voix de Natsume. Elle hésita à aller le voir. Après tout, la vampire le connaissait, et peut-être saurait-elle lui expliquer la situation. L'homme se débattait et criait, il semblait très concerné par le sort réservé à cette femme. Mais en y pensant, la voir imbibé d'alcool avec un médecin tenant une allumette, ce ne pouvait rien laisser présager de bon hors contexte. Et malheureusement les employés le traitaient comme s'il s'agissait d'un fou, ne faisant qu'attiser sa colère et sa frustration. Eleonor regarda alors sa patiente enveloppé de draps poisseux d'alcool, grelottante et en mauvaise état. Non, elle ne pouvait pas aller voir Natsume, il y avait des priorités. Elle alla fermer la porte, jetant un regard désolé au pauvre homme, puis elle mit des serviettes dans l'interstice entre le bas de la porte et le sol, afin qu'aucune fumée ne s'échappe. Elle revint ensuite vers de la jeune femme et s'accroupit près d'elle:
-Rassurez-vous, aucun employé ici ne cherchera à lui faire de mal, on va juste le reconduire dans sa chambre afin qu'il se repose. Maintenant, j'aimerais que, si vous vous en sentez capable, vous évacuiez la fumée par les fenêtres et maîtrisiez le feu autant que possible. Je dois vous avertir que si je vois le feu devenir trop grand, je l'éteindrais, car je ne peux pas risquer d'incendier l'hôpital.
Elle avait omis de mentionner qu'on pourrait injecter des médicaments à Natsume s'il ne se tenait pas tranquille, car ce n'était pas le moment de l'inquiéter. Pour ce qui était d'éteindre le feu, elle était sérieuse. Pas question de prendre de risque, bien qu'elle savait que les élémentaires avaient un contrôle total de leur élément. Eleonor prit une grande inspiration, craqua l'allumette, et la laissa tomber sur les draps, pensant avec un certain amusement:
Il y a des choses qu'on ne nous enseigne pas à l'école. Ceux-ci s'enflammèrent d'un seul coup. Elle regardait le spectacle, serrant davantage l'extincteur qu'elle avait toujours à la main, se disant que mettre le feu à quelqu'un était bien la dernière chose qu'elle aurait pensé faire dans le cadre de son travail. Le feu demeura heureusement en contrôle, la fumée s'évacuait facilement. Bien que la porte fut fermée et étanche, ce qui garantissait que la fumée ne se propage pas dans le reste de la bâtisse, Eleonor n'aurait pas voulu de fumée dans la pièce non plus si possible, ne serait-ce que par soucis de sa propre santé. De temps en temps, elle rajoutait des bouts de draps et de l'alcool, incertaine à savoir si à ce stade c'était encore nécessaire, mais ne voulant prendre aucune chance.
Puis d'un seul coup le feu s'éteint. Elle se retrouva alors devant une femme nue, couverte de flammes qui peu à peu s'éteignait. Elle lui donna une blouse d'hôpital, puis fit entrer ses collègues. On remarquait tout de suite que la jeune femme semblait en meilleure état, et la prise de sa température le confirmait. Eleonor reçu quelques bons commentaires et félicitations des membres de l'équipe médicale, puisque manifestement sa tentative avait fonctionné. Elle rendait les poignées de main qu'on lui offrait, très contente du résultat, et même fière. Il faudrait absolument qu'elle rédige un rapport sur cette intervention, ce qui s'était passé devrait être connu des autres médecins. On escorta la patiente vers une chambre, s'assurant que celle-ci ne soit pas trop loin de celle de Natsume, car la chirurgienne avait à lui parler. Eleonor tint à ce que l'élémentaire fut placée dans un lit, car bien qu'elle semblait aller beaucoup mieux, la jeune femme devait encore se reposer après tout ce qu'elle avait vécu. Puis elle enleva ses habits de chirurgienne pour vêtir son habituel sarrau blanc et se dirigea vers la chambre de Natsume, surveillé par un membre du personnel.
-Vous pouvez partir, je m'en occupe, dit-elle.
-On m'a donné l'ordre de ne pas le laisser seul. Plus tôt cet homme a eu une violente crise…
-Je sais, je sais. Mais désormais c'est moi qui le prend en charge. Et je ne crois pas qu'il aura de nouveau recours à la violence.
-Ça m'étonnerait en effet.
La chirurgienne ne comprit tout d'abord pas son propos, mais n'en fit rien et montra le dossier du garçon, qu'elle avait entre les mains, pour qu'on la laisse passer. Eleonor était consciente qu'il n'avait pas été très bien traité, et se demandait encore si elle n'aurait pas du aller le voir plus tôt pour calmer ses angoisses. Après tout, il était normal pour lui d'avoir été inquiet après avoir vu la vampire une allumette à la main prête à brûler cette femme. Le pauvre homme allait être soulagé d'apprendre que l'élémentaire allait bien. Elle le trouva dans sa chambre, et comme la chirurgienne pouvait s'y attendre, il semblait plutôt calme. Peut-être lui avait-on injecté un calmant? Ou alors il avait simplement repris la maîtrise de lui-même. Elle s'en informerait plus tard. Elle le salua, s'assied sur un tabouret près du lit, souriante, et lui annonça sans détour:
-Vous ne me faisiez pas confiance on dirait, Natsume. Pourtant, votre amie s'en est fort bien tirée. Elle a été très courageuse de me faire confiance pour ce genre de traitement.
Elle n'en dit pas plus, voulant lui laisser le temps d'assimiler ses paroles. Le fait qu'elle l'ait appelé Natsume et qu'il voit son visage lui permettrait sans doute de la reconnaître. Quoi qu'elle avait accès à toutes ses informations, ayant son dossier dans les mains. Ainsi son nom complet était Natsume Kageya. Elle tâcherait de s'en rappeler. Elle parcouru rapidement le dossier des yeux afin d'avoir un point de vue global de son état de santé, puis déclara:
-Bon, dîtes-moi, vous voulez aller la voir oui ou non?
Elle réalisa à ce moment qu'elle ne savait même pas le nom de la patiente qu'elle avait soigné. Il faudrait qu'elle s'en informe, d'ailleurs elle aurait plusieurs questions à lui poser après la visite du garçon, si toutefois il acceptait de la voir.
- Spoiler:
J'ai un peu prit les devant pour ce poste. Surtout s'il y a quoi que ce soit n'hésitez pas à le dire, je veux pas décider de l'action toute seule dans mon coin!