RP EVENT : Le Gala des Vankov

La voix féminine s'éleva non loin de lui, le faisant sursauter par la même occasion. Alors que ses doigts se refermaient sur le rebord métallique du plateau, Nathan tournait la tête en direction de son interlocutrice, reconnaissant la jeune femme qui avait chuté plus tôt dans la soirée. Sans doute voulait-elle lui rendre la pareille en se préoccupant de son état comme lui-même l'avait fait auparavant.

« Oh c'est vous... Ne vous en faites pas, je vais bien ! » répondit-il de manière un peu précipitée, une main se perdant dans ses mèches rousses, trahissant son embarras. « J'ai toujours été maladroit, j'ai l'habitude des chutes. Pour un serveur c'est vraiment pas de chance. »

Détourner l'attention de lui en utilisant l'humour. Cependant, il devait veiller à ne pas trop en dire. Le garçon ignorait quelles étaient les véritables intentions de son interlocutrice en venant à sa rencontre mais il ne pouvait pas l'ignorer au risque de paraître impoli en plus d'être suspect après la brève panne de courant. Son attention fut soudain attirée par un seconde duo par-dessus l'épaule de l'inconnue, féminin lui aussi. La voix de l'une des deux silhouettes lui était familière. Victoria ? Évidemment. Il s'agissait de sa maison, pourquoi ne ce serait-elle pas trouvée en ces lieux ? Les propos du père de la jeune femme lui revinrent brusquement en mémoire. Il devait l'avertir mais comment ? L'intéressée était bien entourée et lui-même était en pleine conversation avec l'une des invitées. Avant que le rouquin n'ait le temps de prendre une décision à ce sujet, il découvrit avec horreur que Victoria s'éloignait du buffet.

« Veuillez m'excuser, je dois- »

Une main se posa brusquement sur son épaule, l'interrompant net. Surpris, Nathan se retourna pour dévisager son propriétaire. La présence du masque sur chacun des visages présents ce soir l'empêcha de reconnaître l'individu derrière. En revanche, la voix qui s'en échappa lui fit manquer un battement. Tout comme les informations qu'il lui transmettait au moyen d'un sourire désarmant. Le garçon fut incapable de prononcer le moindre son, laissant volontiers l'autre s'éloigner une fois son message transmis. Cet homme... Il était également présent au concert de Victoria. Que faisait-il ici ? Et quel était son lien avec le maître des lieux ? La gorge soudainement devenue sèche, Nathan déglutit avec difficultés. Dire qu'il était à deux doigts de se saisir de l'une des nombreuses coupes de champagne mises à disposition des invités. Pour apaiser sa gorge et calmer les palpitations de son cœur. Mais ce n'était pas le moment de céder à la panique ! N'en déplaise son visage rendu pâle par ce bref échange en apparence anodin. Il devait prévenir les autres au plus vite !

« Vous devriez retrouver vos amies et profiter de la soirée mademoiselle. » lâcha-t-il d'une voix blanche qu'il espérait convaincante.

Au même moment, un vague hurlement de loup s’immisça dans sa tête. Le signal ? Maintenant ?! C'était trop tôt ! Ou trop tard... Le rouquin balaya la foule du regard à la recherche de cette chevelure flamboyante aperçue auparavant. En vain. Leur cible s'était volatilisée et ils passaient à l'action ? Réprimant son amertume devant l'enchaînement, Nathan prit congé de son interlocutrice pour se diriger vers les cuisines... Avant de se voir arrêté dans sa progression par un brusque tremblement de terre. Pris de court, il chuta de nouveau, à l'image de la plupart des personnes présentes. La panique s'empara des invités. Des exclamations retentirent de toutes parts. Heureusement, l'appel au calme lancé par l'un des représentants du Cercle fut entendu. Bientôt, des individus en uniforme s'animèrent, aidant à se relever ceux et celles qui étaient au sol pour leur intimer de se diriger vers l'extérieur. Nathan n'y échappa pas alors qu'un homme lui attrapait le bras pour le remettre sur ses pieds. Reconnaissant l'habit des membres du personnel, son interlocuteur l'interpella :

« Je compte sur vous pour guider les invités vers les issues. »

Déjà, le mouvement de foule opérait. On le poussait de chaque côté, l'enjoignant à emprunter la même direction, tout droit vers le piège. Car dehors, son identité serait contrôlée et la supercherie découverte. Le rouquin réfléchit à toute allure. Il devait créer une diversion et vite. Profitant de l'anonymat de la foule, il se saisit d'une serviette en papier traînant sur un coin de table pour l'enflammer au creux de son poing fermé. La douleur fut immédiate et il serra les dents. Son méfait accompli, il jeta le tissu incandescent en direction des rideaux à proximité. Les flammes ne tardèrent pas à lécher ceux-ci, gagnant toujours plus en intensité et taille. C'était la diversion qu'attendait le garçon pour faire volte-face.

« Au feu ! »

Des regards effrayés se posèrent tantôt sur lui, tantôt sur le début d'incendie qui se profilait. Sans même attendre de réponse, Nathan remonta la foule à contresens, argumentant à quiconque l'arrêtait qu'il se devait d'aller chercher un extincteur de toute urgence en cuisine pour éteindre le foyer avant qu'il ne se propage. A grands renforts de coups d'épaule, le rouquin parvint à se frayer un chemin jusqu'à sa destination dont il ouvrit précipitamment.

« Ils vont procéder à un contrôle d'identité ! »

La révélation sonna de manière bien ridicule à ses oreilles en comparaison des événements qui se succédaient. Mais si elle pouvait permettre à certains d'y échapper en choisissant de se mêler à la foule pour passer inaperçus... Le chef de l'opération hocha simplement la tête, signe qu'il avait reçu le message. Sans même répondre au garçon, il lui colla un 9mm dans les mains, ignorant l'expression horrifiée de l'intéressé.

« N'hésites pas à t'en servir si ça tourne mal. »

Déjà, il s'en retournait pour distribuer d'autres ordres, abandonnant Nathan à ses interrogations. L'objectif n'avait pas changé. Même si Ena Wallace demeurait introuvable, ils devaient mettre la main dessus. A tout prix. Ce fut avec ces consignes que le rouquin fut renvoyé de là où il venait. Mais au moment de franchir les lourdes portes des cuisines, il reposa l'arme sur une table, lui préférant l'extincteur. Sans savoir s'il venait ou non de commettre la plus grosse erreur de sa vie, le garçon s'élança hors des cuisines. Profitant de la panique, il bifurqua du côté des couloirs, bien décidé à retrouver leur cible.

Dans un couloir isolé de la demeure des Vankov, une silhouette bougeait silencieusement. Du lointain, où les convives profitaient de la soirée masquée de leur hôte, parvenaient les rumeurs d’une foule en proie aux doutes et aux craintes. L’ombre du jeune homme - car cette fameuse silhouette était masculine – allongeait sa forme dans les coins et recoins grâce à l’aide de quelques appliques murales, disposées çà et là contre les murs. Atténué par la luxueuse moquette tapissant le sol, le bruit de ses pas était à peine perceptible.

Le consultant stoppa net au croisement entre deux couloirs. Il soupira en regardant autour de lui. Bien que son regard soit maintenant dissimulé au commun des mortel, par un bandeau noir recouvrant ses yeux, il ne semblait pas avoir de problèmes particuliers pour distinguer son environnement et trouver sa route. Les mains dans les poches, il sembla détailler attentivement les onéreux tableaux exhibés autour de lui. Tendant l’oreille comme pour saisir un son quelconque, il avait l’air d’hésiter sur la démarche à suivre.

Le destin décida de trancher pour lui.

Un craquement sonore résonna sous ses pieds et alors qu’il perdit l’équilibre, les lumières commencèrent à clignoter tout autour de lui. Il s’appuya sur un chariot proche de lui pour ne pas tomber tandis que des hurlements lui parvinrent de la salle principale. Le bruit de nombreux pas martela le sol avec véhémence, ne laissant aucun doute quant à la survenue d'un mouvement de panique. De nouvelles explosions secouèrent le bâtiment une seconde fois, renversant l’appui du jeune homme et manquant de l’envoyer au tapis avec celui-ci. Les cris des invités doublèrent d’intensité puis manquèrent de tripler quand des détonations se firent ensuite entendre. Les sens en alerte et le corps raidit par la situation, il fit un tour sur lui-même pour s’assurer que rien ne venait vers lui. Une voix, probablement amplifiée par un pouvoir et dont il connaissait vaguement le propriétaire déferla enfin sur la demeure.

Le mystérieux consultant du Protectorat décida de reprendre sa marche, il accéléra le pas. Cette fois-ci il ne se dirigeait cependant pas vers les convives mais bien vers les méandres du manoir d’Enzo Vankov. Sur son chemin il nota que plusieurs couloirs étaient en piteux état. Au bout de quelques minutes, il se retrouvait dans ce qui était vraisemblablement une zone réservée au personnel. On le devinait au manque de faste dont faisaient preuve mobiliers et ornements. L'absence de luxe n'était pas la seule chose qui détonait dans le paysage : non loin de lui, au sol, deux corps reposaient.

"Aidez-moi..."

Interdit, il sembla analyser la situation avant de se décider à avancer, lentement. Une partie du plafond s'était écrasée dans tout le couloir et il fallait donc procéder avec prudence. La personne ayant appelé à l'aide était une jeune femme blonde, vraisemblablement sonnée et ligotée. Un homme inconscient gisait à ses côtés. S'agenouillant, il releva une manche de l'homme tout en s'adressant à la femme et en regardant autour de lui.

"Que s'est-il passé ? Vous vous en souvenez ?"

Un ange passa.

"Je ne sens pas son pouls.." fit-il après quelques secondes, abandonnant le poignet inerte de l'inconnu.

Il retira son bandeau et plongea ses yeux hazel dans ceux de l'agent du Protectorat (identifiable à sa tenue) en nettoyant le sang sur son visage avec douceur. Se penchant encore plus vers celui-ci, en la fouillant, il continua de parler.

"Comment vous appelez-vous ?"

Il trouva ce qu'il cherchait : la sempiternelle arme blanche réglementaire accompagnée de sa fidèle lampe-torche. Il utilisa la première pour libérer la malheureuse victime de ses liens et la seconde pour tester ses réflexes en la braquant directement sur ses pupilles. Prodiguant avec délicatesse les premiers soins pendant quelques minutes et enjoignant l’infortunée à parler le moins possible, il continua de surveiller les environs pour ne pas risquer de se retrouver dans une situation embarrassante.

Soudain, il huma l'air avec inquiétude. Quelque chose avait changé.

"Mince... il fallait s'y attendre..." fit-il en reconnaissant l'odeur du feu, sans toutefois en savoir plus sur son éventuelle progression dans le bâtiment.

Il regarda attentivement la jeune femme et, jugeant qu'elle n'avait pas l'air en état de bouger, la chargea sur son dos avec son consentement. À défaut de marcher elle pouvait au moins utiliser ses bras pour se tenir à son cou. Une fois sur ses épaules il s'éloigna autant que possible du foyer du probable incendie avec toutefois, visiblement, une idée bien précise en tête.

"Ena Wallace..où est-elle ? Si vous avez lu l’ordre de mission vous savez qu'on ne peut pas la laisser seule. Indiquez-moi la direction à suivre et allons-y ensemble. Nous verrons comment l'aider une fois sur place."

Invariable et inaltérable, l’homme araignée regardait la situation évoluée d’une rationalité et d’un stoïcisme remarquable. Ce qui, malgré tout, laissait entrevoir qu’il n’était pas naturellement comme les autres citoyens qui, dans la grande pièce, n’étaient pas sans stresser de la situation qui devenait de plus en plus chaotique. Par moments, l’espion feinta d’être inquiet, mais ce stresse improvisé n’était destiné qu’à se fondre dans la masse pour se faire discret. Relevant l’une de ses mèches de cheveux lui tombant sur le masque, celui-ci tourna la tête en direction des marches menant au point de vue du deuxième étage, là où, en autre, on tentait de calmer les foules et où monsieur Vankov se tenait. Celui-ci s’adressa à la foule de nouveaux lorsque le courant s’éteignit de nouveau.

- Mesdames et Messieurs, veuillez nous excuser pour ce petit incident bénin. Il semblerait qu'en cuisine on abuse bien de l'électricité pour vous fournir des mets dignes de ce nom, haha !

Blasé par cette situation qui n’était plus qu’un hasard et voyant dans le jeu du maître de la maison, l’espion déposa son verre sur la table avant de se diriger en direction du maître des lieux. Son pressentiment d’agir fût d’ailleurs confirmer puisque les événements s’enchainèrent, enracinant de plus en plus l’engouement chaotique de la foule et de la crainte qui n’était définitivement plus sous le tapis, mais bien aux yeux de tous. Même le maître des lieux, dont le vorace était désormais dans son ombre, ne feignait plus le calme et ordonnait à ses hommes de régler la situation. Ce fût d’ailleurs passager puisque des membres du Cercle, dont le vorace connaissait vaguement l’identité, s’adressèrent brièvement au patriarcat de la famille avant de signaler à la foule à voix haute par l’entremise de leurs pouvoirs de garder leur calme et de se diriger vers les jardins.

Chose faite et ordre exécuté, l’homme particulièrement gourmand sorti de l’ombre pour se glisser aux côtés de l’organisateur de la soirée. Il déposa tendrement sa main sur son épaule d’un geste amical avant de lui chuchoter des mots à l’oreille. Malgré l’aspect bruyant des lieux et de la particularité de la situation, la voix de l’homme était calme, ce qui la rendait imperceptible et ironiquement effrayante dans la tempête se déroulant.

- La situation est quelque peu glissante...

Alors que le propriétaire semblait regarder l’extraction des lieux, le jeune espion fit un signe vague en direction de la pièce.

- Et votre héritière fait des siennes pour faire suite aux multitudes déjà honteuses lors de la soirée, sans compter ses fréquentations. Je ne sais pas ce que ses rebelles désirent, mais vous savez comme moi que ses chiens de la casse ne sont que des pourritures. Ce serait dommage qu’ils entachent votre si beau joyau. Sauf si… Si vous le permettez, j’ai une petite idée pour régler ses désagréments respectifs.

L’espion passa sa main dans sa poche avant d’en retirer une carte qu’il glissa habilement dans la poche de Monsieur Vankov. Chose faite, il lui chuchota une dernière chose à l’oreille.

- Ne me contactez pas, mais sachez qu’elle sera en sécurité malgré les dires. Il va de soi que cela est dans le bon sens de notre partenariat.

Un bref silence s’installa alors entre les deux interlocuteurs. On pouvait presque y entendre la réflexion qu’entreprenait le maître des lieux. Les quelques secondes passèrent avant que l’homme de la maison ne s'exprime d’un ton direct lui étant propre.

- À l’étage.

Le vorace pencha alors légèrement la tête en signe acquiescement et il recula de quelques pas pour rejoindre les ombres. Chose faite, il se tourna vers les escaliers pour y rejoindre son objectif.

Alors qu’il monta les marches en se faisant le plus discret possible, il en profita pour enlever son masque relié au Cercle. Chose faite, il glissa sa main dans son veston pour en retirer un autre qu’il plaça directement sur son visage. Celui-ci, contrairement à l’autre, n’avait aucun signe qui était distinctif. À proprement parler, il n’était que d’un noir de jais. Une fois fait, il s’avança toujours discrètement dans le couloir tout en se questionnant sur la situation.

‘’ Il y a toujours une petite part d’ombre dans la lumière, aussi impressionnante soit-elle. N’est-ce pas une merveilleuse occasion en or que ces rebelles nous offrent… ‘’

Alors qu’il se remémora ses multitudes de films lui ayant inspirés cette idée, l’homme entendit une explosion au premier étage. Le tremblement rendu sa posture incertaine temporairement. À ça se rajouta le bruit lointain d’une fusillade impliquant de nombreux coups de feu.

'' C’est bien ma poire, c’est une belle entrée pour les festivités que nous avons là. ‘’

Alors qui pensa, il entendit des bruits de pas lourds se diriger rapidement dans sa direction. L’homme araignée en profita alors pour se glisser dans un coin sombre, à l’abri de regards derrière un obscur rideau. Une dizaine de secondes passèrent avant qu’un homme que l’on pouvait qualifier de titanesque passa devant le gourmand. Suivant l’ours sur deux jambes, une jeune femme tout à fait normale se contentait d’avancer dans le silence. Coup de hasard, une femme sortit d’un couloir attaché à celui-ci avant de se faire saisir par la gorge. Curieux, l’espion glissa légèrement la tête hors de sa cachette pour remarquer la fille de Vankov qui se faisait étrangler et qui ne semblait pas y prendre son pied.

‘’Quel beau festin ! Il ne manque plus qu’un moment opportun, la crème du spectacle. ‘’

L’homme se concentra alors pour camoufler sa présence, se fondant dans le décor et dans les ombres. Sa cachette et son effet de surprise étant sa meilleure arme dans ces conditions. D’ailleurs, assez rapidement, alors que trois des agents du Cercle apparurent pour intervenir, une femme rejoignit la jeune Viktoria afin de s’interposer entre elle et l’étrangleur. Fronçant les sourcils face à ces nouvelles entrés, l’espion du Cercle se mordit la lèvre avant de glissé ses mains dans son veston. D’une main, il sortit un grand torchon et de l’autre, il saisit une bouteille de chloroforme. D’une manipulation simple, il beigna d’une grande quantité de liquide le tissu avant de glisser la bouteille de nouveau dans son veston. Chose faite, il s’arma de sa deuxième main d’un fusil hypodermique qui, jusque-là, était camouflé sous sa ceinture.

‘’ Comme le dit le dicton, il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir dépecé et cuit au four à 425 degrés… Je crois. ‘’

L’homme prit une respiration avant de sortir presque imperceptiblement la tête de l’ombre. Chose faite, il regarda l’évolution de la situation dans l’attente d’un moment opportun afin de passer à l’acte.

Tout en arpentant les longs couloirs de la vaste demeure, Nathan s'interrogeait. Où leur cible avait-elle bien pu se rendre ? Est-ce qu'une fuite dans leur plan lui était-elle parvenue d'une manière ou d'une autre ? Etait-ce la raison même de la disparition d'Ena Wallace ? Sa gorge se serra à la seule idée qu'ils puissent courir à leur perte. Ils avaient passé bien trop d'heures à étudier les plans du manoir, et d'autres encore à peaufiner jusqu'au moindre détail de leur plan. Et si les têtes pensantes au sein de la rébellion en savaient plus qu'elles ne le laissaient entendre, les petites mains comme le garçon avaient bien compris l'importance derrière une telle action. Arrivé à un croisement, le rouquin marqua une pause, incertain de la direction à prendre. Une violente explosion secoua alors le bâtiment tout entier, le forçant à prendre appui contre un mur pour ne pas perdre l'équilibre. De ce qu'il pouvait déduire, l'explosion provenait du premier couloir, aussi son intérêt se porta sur le second dans lequel il s'engouffra rapidement avant de s'immobiliser en découvrant une silhouette dressée en son milieu. Interdit, l'extincteur toujours à la main, Nathan ne sut comment réagir.

« Je veux la fille de Vankov ou sinon je finis le rebelle puis ensuite je m'occupe de vous descendre aussi. »

L'écho de l'explosion avait cessé de bourdonner à ses oreilles et les mots lui parvinrent distinctement. Son cœur manqua un battement. Victoria. Elle était en danger ! La suite des propos de l'homme lui fit serrer les dents. Les rumeurs concernant de récentes bavures policières étaient donc fondées. Et que dire des intentions de M Vankov à l'égard de sa propre fille ?

« Hé vous ! »

Sans laisser le temps à son interlocuteur de répliquer lorsque ce dernier se retourna vers lui, le rouquin activa l'extincteur droit dans le visage de l'inconnu. La mousse jaillit, aspergeant abondamment l'homme au masque s'infiltrant dans chacune des ouvertures tandis que ce dernier se mettait à jurer, ce qui lui valut d'avaler plus de mousse qu'il ne l'aurait souhaité. Nathan ne perdit pas de temps et dès que la puissance du jet diminua, jeta son arme improvisé sur son adversaire, l'envoyant rouler au sol sous le poids de l'extincteur. Déjà, le garçon le contournait prestement sans glisser sur la mousse par miracle pour rejoindre les deux jeunes femmes.

« Victoria ? Est-ce que tout va bien ? C'est moi ! On s'est déjà rencontrés, le concert au centre commercial, tu te souviens ? »

Derrière eux, les grognements de l'homme s'élevaient de plus belle. Par chance, la mousse l'empêcherait d'utiliser son pouvoir.

« Ne restons pas là ! » poursuivit-il à l'intention d'Héléna. « Elle n'est pas ici. »

Sans la possibilité de trop en dévoiler devant une civile, le rouquin espérait que sa complice comprendrait le sens caché de son message. Un regard en coin porté au corps immobile dans le couloir lui fit comprendre qu'ils ne pourraient sauver le rebelle. Peut-être même était-il déjà mort. Son attention se reporta sur Victoria.

« Ecoute, je sais que tout ça doit te paraître insensé mais tu dois me faire confiance. Tu l'as déjà fait par le passé et on s'en est sortis. Si tu ne veux pas être mariée de force par ton père, suis-nous ! »

« Sale petit... »

Ils n'avaient plus le temps. L'autre était armé. Nathan se saisit du poignet de la jeune femme pour l'entraîner à sa suite, bien décidé à rejoindre la salle du bal pour mettre son amie à l'abri. Sans savoir qu'emprunter cette direction les rapprocherait tous les trois du couloir menant au laboratoire d'Enzo Vankov.

La poussière retombait dans le couloir silencieux. Morceaux de murs et corps écharpés se chevauchaient dans une atmosphère à nulle autre pareille. Dans la pénombre, quelques lamentations et quintes de toux troublaient le calme imposé par le souffle de l'explosion lumineuse. Partout, la fumée provoquée par le départ d'incendie rampait sinueusement dans les couloirs du manoir Vankov, remplissant petit à petit les pièces des étages supérieurs. Respirer devenait de plus en plus compliqué.

Dans ce décor dramatique, la silhouette du consultant reposait au sol. De longues minutes passèrent avant qu'elle ne soit en mesure de montrer un quelconque signe de vie. Après un certain temps cependant ses doigts remuèrent, la paume de se main se retourna et glissa sur les cendres retombées au sol, qui voletaient jusqu'alors au niveau du plafond.

"Humpf..." fit l'ombre dans un râle douloureux.

Ses muscles s'étaient éveillés avant son regard. Lorsque le tour de ce dernier arriva, ses paupières lourdes s'ouvrirent et laissèrent la place à un regard embrumé. Tentant de parcourir les environs d'un rapide coup d’œil, il remarqua derrière lui la silhouette de celle qu'il avait tenté de sauver plus tôt. Comme assise au-dessus de lui, elle semblait le fixer par-delà la mort. Un morceau de bois brisé la traversait de part en part. Par sa bouche figée en un ultime sourire, le sang tombait par filets et recouvrait le visage du jeune homme. Il en sentait le goût du fer jusqu'au fond de sa propre gorge.

Il tenta de bouger mais une quinte de toux l'emporta. À sa respiration fébrile, on devinait que l'onde de choc provoquée par l'orbe de lumière avait provoqué quelques dégâts. Un long moment passa avant qu'il ne parvint, faiblement, à se remettre sur ses deux pieds. Moment pendant lequel il semblait, plus que s'inquiéter, planifier les événements à venir. Le regard vitreux mais empli d'une détermination difficilement explicable par le seul sens du devoir, il s'appuya contre un mur après avoir toussé son propre sang sur le sol. Constatant que la fumée se faisait de plus en plus épaisse il arracha la manche gauche de sa chemise pour en faire un masque qu'il noua de manière à couvrir sa bouche et son nez. Bien qu'inspirer devint plus complexe encore il pourrait au moins se protéger des effets nocifs du feu, qui dévorait lentement les richesses du maître des lieux.

Découvrant que sa destination était désormais obstruée par les décombres, estimant sagement que son état ne lui permettrait pas de déblayer quoi que ce soit, il sembla plonger dans ses souvenirs en regardant tout autour de lui. Retournant sur ses pas en traînant la patte, il s'arrêta un instant sur le cadavre empalé de la jeune femme. Un silence de mort plana tandis qu'il mettait un genou à terre pour la fouiller plus méticuleusement. Il ne trouva qu'une photo ensanglantée, dernière preuve d'une époque sans doute plus douce pour l'inconnue. Les yeux hazel du consultant fixèrent avec intensité les sourires des trois adolescents présents sur l'image. Après l'avoir reposée doucement contre le cœur de cette dernière victime de guerre, il se releva tant bien que mal.

Saisissant sur sa route le holster, l'arme de poing et les munitions remplies de sérum d'un agent tombé au combat, conservant l'arme blanche et la lampe torche récupérées plus tôt, il se dirigea vers un couloir qui devait le mener vers les entrailles de la demeure brisée, s'aidant des murs pour avancer et semblant se moquer que les traînées laissées par sa main ne le rendent repérable. Filtrée par le brouillard qui s’intensifiait, la lumière de son appareil peinait à éclairer son chemin. Après ce qui sembla une éternité il arriva dans une zone où respirer devint plus aisé. Conservant son masque pour une raison bien à lui, il se dirigea lentement vers une zone où voix et bruits divers s’entremêlaient. Il n'avança que de quelques mètres puis se figea quand le son de pas approchant derrière lui se fit entendre. Il se retourna aussi rapidement que possible. De la main gauche il braqua sa lampe vers la source du bruit, tandis qu'il portait la droite à sa hanche pour se saisir de son arme, au cas-où...

Suivant la situation de près avec son oreille, le mystérieux décida de ranger son arme mobilisatrice dans son veston sous son aisselle avant de déposer son tissu spécial dans l’une de ses poches. Une fois ses outils camouflés, c’est avec surprise sincère qu’il remarqua qu’une femme c’était glissée dans sa cachette.

- Je sais pas qui vous êtes mais un peu d'aide serait pas de refus. Vous avez un plan pour empêcher ce gugusse de tous nous tuer ?

Les premières pensées qui jaillirent à l’esprit de l’homme n’était que très peu élogieux à l’égard de la jeune femme qui venait de le rejoindre.

‘’ Quelle ignorante, non seulement elle risque de tâcher ma couverture, mais elle semble aussi simplette qu’un crayon. ‘’

L’homme masqué plongea son regard dans celui de la bonasse tout en réfléchissant à toute vitesse face à cet événement inattendu. Il releva légèrement la tête pour analyser la jeune femme qui possédait quelques centimètres de plus. De prime abord, il remarqua ses yeux bleus, étincelants malgré la situation qui se dramatisait. Son regard se fronça imperceptiblement alors qu’il analysa les traits de son visage, saint et en santé, sans trop d’imperfection. La tête toujours relevée, ce n’est pas ses yeux, mais la proximité de sa cachette et leur contact physique qui révéla à l’homme la présence d’une chaire qu’il reconnaissait : une chaire active et richement fibrée au niveau musculaire. Ayant une idée en tête, l’espion feinta de prendre une respiration accélérée et feinta un léger mouvement de recul de stupeur.

Face aux résultantes de sa brève analyse, il se doutait que la jeune femme qui se présentait devant lui n’était pas ce qu’elle prétendait. Sa banalisation de la situation, son vocabulaire simplet couplé à son physique, sans compter sa simple présence (personne de sain d’esprit ne serait resté serein dans ces circonstances) étaient bien suffisant pour être louche aux yeux de l’espion.

Or, elle n’était pas la seule pouvant jouer la comédie.

L’homme masqué continua de s’agiter légèrement d’un air nerveux tout en tournant la tête vers la droite en direction du gugusse. Il s’assura que le rideau opaque préservait la cachette du duo avant de reporter son attention sur la jeune femme l’ayant rejoint. En guise de réponse, il déposa son index droit sur les lèvres de la demoiselle en se rapprochant légèrement d’elle. Chose faite, il plaça son autre index sur son masque avant de faire un bruit à peine perceptible, mais qui traduisait une certaine inquiétude.

- Shhh !

Un brouhaha soudain se passa alors à quelques mètres de leur position. L’oreille de l’homme araignée distingua un étrange son et d’un coup suivi de quelque chose de lourd tombant sur le sol. Toujours feintant la victime et l’apeuré, il tourna la tête en direction des bruits tout en tremblotant légèrement de stresse.

Toujours cachés et imperceptibles, les deux cachotiers écoutèrent la scène digne d’une pièce de théâtre se déroulant tout près d’eux. Visiblement il y avait quelques différends et beaucoup de confusion auprès des personnes qui, tout comme l’homme masqué, désirait sortir d’ici avec la fille de Vankov. En revanche, leurs discussions sur leur séparation ne tombèrent pas dans l’oreille d’un sourd. Cette idée vit même faire imperceptiblement sourire le jeune membre du cercle derrière son masque.

Une fois le court et bref caucus terminé au bout du corridor, des pas se firent entendre et s’éloignèrent. L’homme tourna la tête en direction de la jeune femme et pressa un peu plus son doigt sur ses lèvres. Aussi bon acteur qu’il était, il ouvrit grand les yeux tout en signalant à sa nouvelle complice de plusieurs mouvements de tête les bruits de l’homme qui se relevait. Visiblement, celui-ci n’avait pas dit ses derniers mots et il restait sur sa faim.

- Le petit sac à merde ! Je vais avoir sa peau et la percée comme une truie !

Visiblement hâtif de goûter à sa revanche, l’agressif sembla se relever difficilement avant d’accourir en direction des autres. L’homme araignée profita de cette pulsion colérique pour sortir la tête de sa cachette avant de regarder la direction dans laquelle l’homme armé se dirigea.

Il plissa les yeux en voyant les résultats de la scène chaotique qui c’était déroulée, mais se concentra sur l’information cruciale de l’homme se dirigeant vers un petit escalier sur la gauche. Avec la vitesse, il ne tarderait sans doute pas à rattraper la partie d’un convoi se dirigeant avec le sous-sol.

Continuant son petit jeu d’acteur, l’homme reprit sa position initiale et feinta de prendre de grandes respirations, comme si celui-ci retenait son souffle sous la pression. Malgré son jeu d’acteur, il nota l’étrange et l’importante proximité, presque fusionnelle, entre lui et l’inconnue. Un court instant se déroula avant que sa ‘’respiration’’ ne reprenne sa normalité. Une fois la feinte émise, il retira subitement son doigt des lèvres de la blonde avant de sauter de leur cachette, comme s’il se rendait compte de l’étrangeté de leur proximité.

Il prit une certaine distance et recula en direction des deux couloirs. Il fixa la blondinette alors qu’elle sortie à son tour des rideaux. Il tourna sa langue à plusieurs reprises tout en baissant légèrement la tête pour modifier la position de ses cordes vocales et altérer légèrement sa voix.

- Bon sang ! Vous auriez pu causer ma perte ! Ça ne va pas de surprendre les pauvres gens qui essaient de se cacher et de survivre ? Vous croyez que j’ai l’étoffe de me prendre une balle ou de me battre contre un ours sur patte ?!?

Il termina sa phrase sur une note plus élevée pour traduire sa fausse panique avant de s’agiter légèrement en regardant derrière lui. N’entendant rien de particulier autre que l’intense crépitement des flammes plus si lointain, il reporta son attention sur la blondinette pour s’en débarrasser et surtout tenter de la mettre de son côté. Son ton traduisant l’urgence d’agir.

- Je dois sauver ma cousine ! Même s’il ne l’admet pas, c’est la perle de mon oncle Vankov. Je dois la guider vers la sortir.

Mettant bien l’accent sur le terme guider pour faire usage de sa rhétorique, il se précipita vers la fin du couloir ou le passage se séparait. Une fois arrivé, il se tourna en direction de la blonde qui était non loin de lui. Pour clore sa magnifique performance et son jeu d’acteur bluffant, il reprit la parole avec une certaine détermination et une teinte de leadership.

- Ce malade psychopathe armé risque de tirer à vue sur ceux qui se sont enfuis dans cette direction. Je dois absolument aider Victo, mais je pense que tu pourrais leur sauver la vie en le prenant par surprise. Je sais pas, en le désarmant par-derrière, vous serez plus nombreux.

Pour finaliser sa performance, il hocha la tête et ajouta :

- Je compte sur toi, nous devons sauver le maximum de personnes possible.

Une fois sa mascarade complétée, il se tourna le coin du mur pour se diriger en hâte vers le second couloir qu’avait emprunté Victoria. Ce n’est qu’au premier détour qu’il décéléra avant de revenir sur ses pas discrètement. Il se glissa imperceptiblement le long du mur avant de sortir son arme paralysante. Chose faite, il glissa la tête sur le côté pour s’assurer que la jeune femme n’était plus là, en espérant qu’elle se dirige en direction des sous-sols.

Satisfait et n’entendant que le bruit des flammes, il tourna sa tête dans la direction du couloir avant de changer son masque, altérant une fois de plus son identité.

‘’ Que la chasse commence, je vais te vider comme un poisson. ‘’

Le mesquin jeta un dernier coup d’œil derrière lui pour s’assurer qu’il était parfaitement seul. Satisfait de voir le feu se propageant et qui bloquerait l’accès d’ici quelques minutes, l’homme tourna les talons avant de s’élancer à toute vitesse à la suite de Victoria.

Une tonne de pensées lui vinrent à l’esprit. Certaines plus sombres que positive, il faut dire, mais l’excitation du moment supplantait ces réflexions. Après tout, l’espion n’était jusque-là qu’un observateur. Sa couverture presque parfaite le rendait non seulement difficile à distinguer, mais aussi extrêmement difficile à repérer.

Et c’était la situation parfaite pour couvrir ses traces.

Alors que son souffle s’accéléra sous l’effet de sa course, un sourire d’excitation causé par les émotions fortes apparu sous son masque. Contrairement à sa discrétion habituelle, ses pieds martelèrent le sol. Ce n’est seulement qu’après quelques détours de corridor que l’homme masqué aperçu sa cible qui, à une dizaine de mètres, retourna son visage pour observer son poursuivant.

Digne d’une scène d’horreur, l’homme araignée s’arrêta sur place tout en maintenant son regard sur la jeune aristocrate. D’un air inquiétant, il penchant la tête sur la gauche avant d’agiter légèrement son arme dans sa main droite. Les traits de Victoria, passant de la neutralité à l'inquiétude, délectèrent le vorace qui se mordit la lèvre inférieure. Peut-être n’était-ce qu’une impression, mais cette émotion dans le regard de Victoria l’excita davantage tout en lui ouvrant grandement l’appétit.

L’héritière, comprenant qu’il s’agissait en loin d’un allié, retourna son visage avant de prendre la fuite. Le gourmand relança sa course tout en levant son arme, prêt à l’abattre sur sa victime lorsque la distance le permettrait.

- Sale petite garce, tu n'es qu'une pimbêche, à trop vouloir voler, tu t'es brulée les ailes  !

L’homme se doutait bien que la panique et la peur rongeait de plus en plus sa victime, mais il ne s’attendait certainement pas à ce que celle-ci commence à crier désespérément à l’aide. La panique mélangée au désespoir n’excita que plus son poursuivant qui se rapprochait dangereusement. Son regard, autrefois d’un jaune bienveillant, ne faisait que se teindre de plus en plus d’une couleur rouge, signe que sa raison le quittait pour laisser place à sa bestialité.

- Tu peux courir et crier autant que tu le veux, tu ne m’échapperas pas !

Quelques couloirs suffirent avant que l’homme masqué arrive à distance de frappe de la jeune femme. Fidèle aux films d’horreur, celui-ci manqua ces premiers coups face aux esquives de Victoria. Mais inlassablement, chaque coup et chaque regard en arrière que la jeune femme jetait réduisait sa vitesse et sa concentration, sans parler de sa peur qui grandissait. Elle tenta en vain de jeter des tables, des pots ainsi que des chaises derrière elle qui touchaient son prétendant macabre, mais qui ne le ralentissait pas réellement.

Face à cette intime situation et ces circonstances, le vorace toucha finalement sa cible dans un éclat de satisfaction. La panique sur le visage de Victoria se transforma en douleur alors des puissants jets électriques se déversèrent dans son système. Victime de son propre système nerveux qui se raidit, la jeune femme tomba rudement sur le sol avant de se tordre dans des positions inimaginables.

Prenant pleinement son plaisir, l’homme masqué l’électrocuta à quelques reprises avant de cesser cette rigolade, après tout, il devait faire un travail propre et la kidnapper en bonne condition. Il jeta un coup d’œil autour de lui pour s’assurer qu’il était seul avant de se pencher à quelques centimètres du visage de Victoria. Ses yeux rouges la fixèrent et attendirent qu’elle reprenne le contrôle de son corps. Ce n’est qu’une fois que leurs regards se croisèrent que le vorace lui adressa les dernières paroles qu’elle entendrait lors de cette soirée.

- Game over !

L’homme lui pressa alors son tissu sur son visage entier tout en lui maintenant la tête sur le sol. Une vingtaine de secondes passèrent avant que la femme, malgré ses débats insistant, ne plonge dans un sommeil presque imperturbable.

Malgré le feu qui rongeait la maison, la fumée s’épaississant et les parties du manoir s’effondrant de plus en plus, un calme presque légendaire semblait s’installer dans le couloir. Le gourmand passa une main sur son cou suant par l’effort et par la chaleur alors que son esprit lui revint. Il prit de grandes respirations avant de se rendre compte que celles-ci étaient de plus en plus difficile à prendre. Il ne l’avait pas remarqué pendant sa délectable traque digne d’un film de Scream, mais il commençait à devenir sincèrement urgent de sortir de ce trou à rat enflammé.

Bien déterminé à garder son anonymat, le jeune homme se déplaça pour chercher un morceau de bois enflammé. Il le déposa ensuite sur le sol pour étouffer le bout enflammé à l’aide de ses vêtements. Chose faite, il commença à salir et à noircir ses vêtements ainsi que ceux de Victoria à l’aide de la cendre, toujours inconsciente. Il en profita aussi pour maquiller le visage de la jeune femme avec la cendre pour camoufler son identité. Il arracha, des parts de sa robe, lui enleva ses souliers et plaça les bijoux de la femme dans ses poches. Satisfait de la mascarade, il la leva péniblement avant de la prendre dans ses bras.

Ainsi, en sortant des flammes, il avait définitivement plus l’air d’un sauveur qu’un kidnappeur ou d’un fossoyeur qui placerait le corps sur son épaule.









Dans la panique, le chaos, les flammes, les morts et les disparitions, il était difficile de contrôler qui ou quoi que ce soit à l’extérieur, particulièrement avec le large périmètre et les nouvelles caractéristiques du terrain. Dans le chaos des pleurs, des blessés ainsi que la panique, un homme masqué se fondant dans la masse jeta un dernier coup d’œil vers le manoir. S'il était jadis imposant et prestigieux, celui-ci n’était désormais qu’un semblant de ruine enflammée. Reprenant son souffle et remontant la femme semblant brulée à vif et pleine de cendre dans ses bras, l’homme repris la direction de l’inconnu.

Peut-être avait-il laissé quelques traces, dont la serveuse aux yeux bleus et la blondinette, mais cela n’empêcha pas sa silhouette de se fondre dans l’obscurité dans une direction que nul ne connaissait.

Certain qu'ils parviendraient à quitter ensemble le manoir en proie aux flammes, la soudaine traction sur sa main l'interpella, forçant le jeune homme à s'arrêter pour se tourner en direction de Victoria. L'expression défaite sur le visage de cette dernière lui serra la gorge. Quelque chose n'allait pas, Nathan le sentait. Et quand la voix de son interlocutrice s'éleva finalement, le rouquin sentit un poids immense s'abattre sur ses épaules.

Si je reste avec vous, c'est la fin. On va se séparer, c'est mieux ainsi.
C'est mieux ainsi.
C'est. Mieux. Ainsi.

Les mots se répétaient en boucle, bourdonnant à ses oreilles jusqu'à masquer le capharnaüm sonore qu'était devenu l'endroit. L'argument de la jeune femme était légitime : si son père lançait des hommes armés à ses trousses, ils n'auraient pas de scrupules à ouvrir le feu sur eux, comme l'avait fait l'homme au masque à l'instant. Et d'un autre côté, Victoria était certainement la mieux placée pour les aider à quitter le manoir. Elle devait en connaître le moins recoin pour y avoir grandi. Même des semaines passées à mémoriser les plans de l'édifice n'égaleraient pas les souvenirs d'enfance de l'intéressée.

« Victoria... »

La froideur avec laquelle elle semblait vouloir les tenir à distance l'empêcha de répliquer quoique ce soit. Ce fut Héléna qui s'interposa à la décision de la jeune femme et Nathan la remercia mentalement pour cela. Héléna saurait trouver les mots pour convaincre Victoria de les accompagner. Des trois, elle gardait la tête sur les épaules, avec un objectif précis en tête.

« Mais à toi de choisir. »

« Quoi ? Mais Héléna, elle- »

« On descend. »

Plus que le ton employé, ce fut le regard qu'elle lui adressa qui étouffa brutalement sa protestation naissante. Déjà, la rebelle tournait les talons sans attendre de réponse de sa part. Nathan observa un instant le dos de Victoria qui s'éloignait dans la direction opposée, espérant de tout cœur que cette dernière tiendrait parole et qu'ils se retrouveraient dehors. Probablement pas sur les pelouses du manoir où les agents du Cercle procéderaient à un contrôle d'identité massif mais en son for intérieur, le jeune homme se promit de la recontacter dans les jours à venir pour s'assurer qu'elle allait bien. Emboîtant le pas à la suite d'Héléna, la question le prit de court. Incapable de soutenir le regard de sa complice, le rouquin s'essaya à lui répondre :

« Non... »

Son attention se posa sur le creux de sa paume ouverte.

« Je n'ai que mon pouvoir. Et j'ai perdu la trace de la cible. » avoua-t-il, gêné. « Qu'est-ce que ça donne de ton côté ? »

Même s'il ignorait comment le contrôler à bon escient. Cela, il ne pouvait pas le confier à son interlocutrice. Peut-être pourrait-il lui trouver un usage utile au cours des prochaines heures mais il était évident qu'Héléna était la mieux préparée pour affronter les agents du Cercle sans que cela ne soit suffisant. Leurs adversaires étaient nombreux, en plus d'être certainement armés jusqu'aux dents. Mais alors qu'ils s'enfonçaient toujours plus profondément dans les entrailles du manoir, un son familier lui parvint alors. Celui d'un roulé-boulé humain dans les escaliers.

« Héléna, attention ! » eut-il tout juste le temps de crier à l'attention de l'intéressée avant que l'étrange créature à 4 quatre bras ne le rattrape.

Par chance, ils parvinrent à éviter sa trajectoire presque par miracle, observant les malchanceux terminer leur course un plus bas. Son sang ne fit qu'un tour quand il reconnut le milicien à la poursuite de Victoria. Il savait l'homme masqué dangereux et déterminé. Devaient-ils en finir avec lui ? Nathan balaya les alentours du regard à la recherche d'une idée. Ses yeux s'arrêtèrent sur une porte et sans attendre, il attrapa Héléna par le poignet pour l'entraîner à sa suite. Celle-ci débouchait sur le garage et le rouquin prit le temps de la refermer derrière eux, l'esprit en ébullition.

« On doit se tirer de là ! Tu as entendu Victoria comme moi, il y a une sortie par le garage. C'est le moment où jamais. »

Effectivement, une seconde porte paraissait les attendre à l'autre bout de la pièce. Mais s'ils étaient dans une relative sécurité au cœur de celle-ci, qu'en serait-il à l'extérieur ? Allaient-ils tomber nez-à-nez avec une patrouille du Cercle ? Voyant l'hésitation de la jeune femme, il baissa d'un ton en se rapprochant d'elle.

« Je sais, ça ne me fait pas non plus plaisir de battre en retraite mais rends toi à l'évidence ! On a perdu la cible et on se fait descendre. Si on veut avoir une chance de le venger, on doit rester en vie. »

Et par lui, Nathan faisait allusion à l'ours tombé au combat.

Le consultant venait de braquer sa lampe en direction de la source du bruit.

Prise dans la ligne de mire du faisceau de lumière la silhouette, qu'on devinait féminine, se déporta dans la mauvaise direction et bascula sans grâce aucune, de tout son poids, dans les escaliers menant à l'étage inférieur. Accompagnant le fracas de sa chute, le son paniqué de sa voix s'harmonisa un instant à celui d'un individu masculin, laissant supposer qu'elle avait percuté quelqu'un sur son chemin. Probablement interdit par ce qui venait de se produire, l'homme à la chevelure blanche ne bougea pas tout de suite.

Peut-être que quelque chose lui revenait également en mémoire, car son dos se figea à la manière de ceux qui se souviennent d'un fait important. Il secoua la tête et était sur le point de se diriger vers le haut des marches lorsque de nouvelles rumeurs parvinrent à ses oreilles : celles de personnes approchant à pas feutrés et quelques chuchotements. Il se retourna lentement pour se retrouver confronté à cinq fusils, tous braqués sur lui. Une seconde de silence s'installa et tous retinrent leur souffle, transformant celle-ci en une éternité.

"Ce n'est que moi" fit-il.

Les Protecteurs semblèrent se souvenir de l'étrange individu. Malgré le sang-froid inhérent à leur fonction, deux d'entre-eux ressentirent un frisson parcourir leur échine. Certains bruits de couloir laissaient entendre que lorsque le consultant ouvrait la bouche, c'était toujours pour porter malheur en livrant d'obscurs présages. On ne le voyait pas souvent dans les locaux du Cercle mais quand il faisait le déplacement, immanquablement des opérations étant lancées, des individus traqués, des vies brisées. Peu d'informations circulaient sur lui mais pour tout le monde, il était plus ou moins évident que l'homme était un Darkness.

Sortant son arme de son holster, il se retourna après avoir indiqué à l'équipe qu'il pensait savoir où se trouvait leur cheffe. Il n'y avait pas besoin de plus pour que les soldats du Cercle lui emboîtent le pas sans poser plus de questions. Un instant plus tard ils étaient en bas des escaliers. Au sol, un homme de Vankov se tordait de douleur, tout en compressant son cou et en alignant les jurons comme cette soirée alignait les imprévus. Insensible au sort de l'homme d'armes, le sombre devin tourna la tête dans une direction d'où, dans la seconde, parvint le vacarme provoqué par des échanges de tirs. Les bras armés du Cercle se levèrent prêts à en découdre mais se figèrent en voyant le regard du - probable - Darkness s'assombrir.

"Allez-y et mettez Ena Wallace en sécurité. Je dois m'occuper de quelque chose."

Interloqué le groupe se dirigea quand même, toujours dans l'obscurité relative, vers l'endroit où leur cheffe accompagnée d'Esther Shukemuri affrontaient les Rebelles. Les Protecteurs aideraient à la mettre en lieu sûr le temps qu'il fallait. Le sbire d'Enzo Vankov leva les yeux vers l'homme qui était resté avec lui. Il le fixait tout en semblant réfléchir. Alors qu'il s'apprêtait à ouvrir la bouche, l'inconnu pointa son arme vers lui et tira une balle remplie de sérum dans sa jambe, rajoutant à sa douleur. Alors que celui-ci jurait de plus belle tout en criant il prit la parole.

"Ne le prenez pas mal je le fais pour vous. Vos capacités et votre sens du devoir pourraient mettre en péril la suite des événements. Je ne voudrais pas mettre en danger mes partenaires. Tout le monde a un rôle à jouer, le vôtre s'arrête ici tout simplement."

Appuyant son regard, pour faire comprendre au mercenaire qu'il n'était pas sage de le suivre, le consultant tourna ensuite les talons et plongea dans l'obscurité, prêt à prendre les risques qui s'imposaient pour servir au mieux ses intérêts personnels... tout comme ceux du Cercle bien évidemment.