Le temps parut passer à une vitesse infiniment lente aux yeux de la louve. Entre le silence de la vampire et de Jilan et les sanglots de Blue, la situation était plus qu’ennuyeuse. Si les deux premiers ne prenaient pas la parole, pourquoi restaient-ils ici ? Probablement à se regarder dans le blanc des yeux ? Et Blue, pourquoi elle était en train de se morfondre alors qu’elle était celle qui avait commencé à attaqué ? N’avait-elle pas tout simplement récolté ce qu’elle avait semé ? Elle ne pouvait s’en vouloir qu’à elle-même pour ce qui venait de se passer et surtout pour le résultat. Bon, et quoi alors ? Ils allaient rester là, le temps que le soleil se lève -pour que la vampire meurt cramée ?-, que des créatures amatrices de sang les rejoignent pour faire couler davantage de ce liquide ? Ou que les forces de l’ordre arrivent enfin pour le meurtre qui venait d’être commis dans leur ville ? Dire que Danaliel avait été l’un des garants de cette paix. Quand la jeune femme voyait à quel point il était facile de tuer ici sans être poursuivit, ça la rendait folle que son ex-amant ait pu mourir pour ça. A quoi bon protéger quelque chose d’aussi futile et fragile ? Se retenant de soupirer face à ces quelques pensées, Leann s’aperçu alors que les pleures de la gamine avaient cessé. Ce qui était surement mieux si on aimait le silence pesant qui régnait maintenant. La louve senti du mouvement près d’elle mais avant qu’elle ne se remette debout, un objet dur et lourd lui tomba sur le bras. Elle ne se souvenait même pas d’avoir levé celui-ci pour faire barrage. C’était probablement un système de défense de sa bête intérieure ? Elle n’en savait rien, mais elle l’en remercia. Parce que le coup avait été assez violent pour lui faire laisser échapper un faible cri de douleur. Et ce bruit, caractéristique d’un os qui se brise. Pour l’entendre à chacune de ses transformations, elle savait ce que c’était. Bordel. Leann regarda ensuite le déplacement de la demi-louve. Elle se dirigeait dangereusement vers Jilan. Elle n’avait donc pas assez souffert ? Elle voulait poursuivre le combat ? Alors que la stripteaseuse s’apprêtait à se lever pour faire une nouvelle fois barrage avec son corps, Blue laissa retomber la barre de fer qu’elle tenait dans sa main. C’était donc avec ça qu’elle l’avait frappé ? Dire qu’elle n’avait même pas pu le faire à mains nues, alors qu’elle possédait une force colossale. Pitoyable. Mais au moins, elle prenait la sage décision en ne touchant pas au jeune professeur. Elle regarda la gamine se transformer en louve et elle senti la sienne se mettre à grogner. Parce qu’elle était plus grosse qu’elle ? Comme si la taille comptait ! Elle pouvait aider mais ce n’était pas un élément décisif dans un combat. C’était ce qu’elle avait apprit en s’entrainant avec Bran. Elle regarda les deux jeunes femmes, plus le corps de l’homme, s’éloigner d’elle. Si elle en était soulagée ? Pas vraiment. Parce qu’elle sentait toujours la présence de Jilan derrière elle et elle savait que la suite serait probablement le plus dur à affronter. Du moins, s’il consentait à lui adresser la parole et non pas à l’ignorer. De longues minutes passèrent, pendant lesquelles elle ne le senti pas bouger. Donc il restait ? S’il voulait lui hurler dessus et lui dire ce qu’il avait sur le cœur, il fallait qu’il le fasse maintenant. Ce silence était presque trop dur à supporter ! Plus dur que la douleur qui lui lançait dans tout son bras droit. En parlant de cette blessure, même si elle était lycanthrope, il lui faudrait probablement quelques jours pour s’en remettre. Donc, laps de temps pendant lequel elle ne pourrait pas aller ni au boulot ni même s’entrainer avec son ami. Cette dernière raison était la plus désagréable. Le temps que le mutisme était roi entre les deux individus, Leann examina son bras. Il faisait vraiment une sale tête. Quand elle passait ses doigts dessus, elle pouvait nettement sentir les endroits où l’os était cassé et où il avait dévié. Bordel. Si elle ne le remettait pas en place rapidement, il allait commencer à se guérir dans cette position et elle aurait des problèmes ensuite. Pire, elle devrait probablement le casser de nouveau, essayant de viser les mêmes endroits, pour espérer le remettre en pace. Saloperie de Blue ! Mais Jilan la sorti de ses pensées en l’appelant par son prénom. Et son ordre, parce que c’était comme cela qu’elle le prenait, la surprit. « On ». C’était bien ce qu’il venait de dire ? Donc... Il acceptait qu’elle l’accompagne jusqu’à son appartement malgré ce qui venait de se passer ? Sa bête intérieure grogna quand l’optique qu’il l’emmenait là-bas était parce qu’il pourrait avoir une arme en argent sous la main. Mais franchement, même si elle était blessée d’à peu près partout et surtout au bras droit, elle supposait que sa force et sa rapidité était encore supérieure à l’homme. Et puis, s’il lui voulait vraiment du mal, il n’aurait qu’à appeler les flics pour la livrer non ? Un loup en cage serait surement la pire des punitions, comparé à une mort, lente ou non. Doucement, la jeune femme se leva. Tout son corps la faisait souffrir mais cela la rassura, elle n’avait pas perdu sa faculté à ressentir la douleur. Elle se dirigea alors vers l’homme et lui emboita le pas alors qu’il prenait le chemin des immeubles. Le silence était retombé entre eux. Leann ne voyait tout simplement pas quoi dire pour le briser. Si elle était désolée pour ce qui venait de se passer cette nuit ? Pas le moins du monde. Alors les excuses étaient à bannir. Elle n’avait pas envie de demander pardonner si elle ne le pensait pas. Elle n’était plus faible ! Pendant le trajet, son esprit était en train de cogiter. Notamment sur la raison de la décision de Jilan. Pourquoi acceptait-il qu’elle rentre avec lui ? Qu’il lui dise de rentrer en sa compagnie, après ce qui venait de se passer ? Alors qu’elle avait été violente avec sa fiancée, autoritaire avec lui et qu’elle venait de tuer un homme sous ses yeux ? Ce qu’elle aurait aimé pouvoir lire dans les pensées à cet instant !
L’étrange couple finit par atteindre l’appartement et dès que la porte fut passée, Leann se mordit la lèvre jusqu’au sang. Elle venait de perdre du temps pour son bras ! Elle avait préféré marcher à côté de son amant au lieu de remettre en place ses os ! « Putain. » Oui, le juron lui avait échappé mais elle en fit fi. Comme si se montrer vulgaire après tout ce qu’elle avait fait pouvait changer quelque chose ! La jeune femme se dirigea alors vers un mur et posa son bras dessus. Tant pis pour le sang, elle le nettoierait après. Inspirant profondément, elle se donna un violent coup sur le bras blessé. Un « crac » mêlé à un grognement de douleur se fit entendre dans l’appartement. Ca faisait presque plus mal que le coup que lui avait infligé Blue ! Mais si elle ne voulait pas qu’il guérisse mal, elle était obligée d’en passer par là. Et pour le coup, elle ne se préoccupa pas de savoir ce que l’homme était en train de faire. Plusieurs autres coups suivirent, accompagnés de nouveaux de bruits sourds concernant ses os et des grognements dus à la douleur. Peut-être qu’elle aurait dû prendre sa forme lupine pour que son os se remette en place seul ? Hum... Elle n’était même pas certaine que ce procédé aurait marché en fait... Mais la question ne se posait plus maintenant, puisqu’elle avait réussit dans son entreprise. Le seul problème maintenant c’était qu’elle n’avait rien pour garder son bras droit. Elle songea rapidement à casser un pied de chasse pour s’en faire une attelle, mais elle doutait que Jilan soit vraiment d’accord pour qu’elle utilise et casse son mobilier pour son bien. Elle se rendit alors compte qu’elle était en train de contempler son sang sur le mur pour éviter le regard de l’homme. Si elle avait envie de fuir ? Et comment ! Alors pourquoi l’avait-elle suivit ? La réponse était aussi bête que simple : parce qu’il le lui avait ordonné. Etait-elle toujours soumise ? A cet homme du moins ? Ou était-ce simplement le fait qu’il accepte sa présence qui lui avait fait le suivre ? Du Diable si elle le savait ! Grognant contre elle-même, la jeune femme se dirigea vers la cuisine, son bras ballant contre son corps, elle sentait toujours la douleur le parcourir. Les prochains jours risquaient d’être super... Arrivée dans cette partie de l’appartement, elle ouvrit le frigo pour un sortir un bon morceau de viande rouge à saignante. Ce n’était pas parce qu’elle avait vraiment faim mais il lui fallait des protéines pour améliorer sa guérison, même d’un peu, et quel meilleur aliment que de la viande rouge pour contenir ce qu’elle cherchait. Elle se laissa alors tomber sur le sol et entreprit de mordre dans la viande. Tant pis si du sang lui coulait le long de la bouche, de toute manière, elle ne devait déjà pas être très belle à voir et pour ce qu’il en aurait à faire de ça... Après deux bouchées de rôti cru, elle inspira et finit par prendre la parole.
« Pourquoi m’as-tu ramené à la maison ? »
Bon d’accord... Les termes n’étaient peut-être pas les mieux appropriés. D’une, parce qu’elle aurait pu ne pas le suivre. De deux, parce que lui dire qu’elle considérait cet appartement comme son foyer n’était surement pas une idée très judicieuse, puisqu’il pouvait la mettre à la porte quand bon lui semblait.
Sans réelle surprise, un silence pesant accompagna les deux interlocuteurs jusqu'à l'appartement. Peut-être que la lycanne était-elle trop occupée à tenir sa bête en échec alors même qu'elle sortait d'un combat ? A moins qu'elle ne sache vraiment par quoi débuter une conversation qui promettait d'être délicate entre eux ? Jilan, pour sa part, s'en moquait. A cet instant, il avait encore la tête trop vide pour réfléchir à ce qu'il pourrait reprocher à la louve une fois qu'ils seraient rien que tous les deux ou même à la raison du mutisme de l'intéressée. Pour l'heure, son cerveau ne cessait de lui repasser en boucle les différentes expressions qu'avait eues Eléanore au cours de la soirée. Peut-être que s'ils s'en étaient tenus à n'être que de parfaits inconnus l'un pour l'autre, sans qu'une avalanche de flash-back ne vienne changer la donne, les choses auraient été plus faciles ? Mais le Lightness réalisait doucement que les choses ne pourraient jamais être ainsi. Ses retrouvailles avec la vampire, la lente et progressive remontée de leurs sentiments l'un pour l'autre, empêchaient les deux êtres de ne faire comme si rien ne s'était passé ce soir là. Restait à savoir comment il allait pouvoir gérer les choses de ce côté désormais. Ignorer la jeune femme ? Coucher avec Leann pour oublier sa fiancée ? A supposer que l'intéressée se considère toujours comme telle, après ces 300 années passées sans lui. Bordel. Il n'aimait pas se prendre la tête avec des choses pareilles ! Et pourtant, il ne parvenait pas à faire taire toutes ces interrogations dans son esprit. Pour un peu, s'il avait été capable d'adresser la parole à son interlocutrice à cet instant, peut-être lui aurait-il demandé purement et simplement de l'assommer pour ne plus avoir à cogiter de la sorte. Cela aurait été plus simple mais il doutait, au fond, que la louve comprenne la légitimité de cette étrange demande. Ce ne fut que lorsqu'ils se rapprochèrent de leur immeuble, que des voix dans les alentours le tirèrent de ses pensées. Réintégrant le monde réel, le jeune professeur se rappela l'incident tragique survenu quelques minutes plus tôt et l'état dans lequel se trouvait Leann. Il valait mieux éviter que quelqu'un d'étranger à la scène les voyait. Cela ne ferait que rajouter des preuves supplémentaires au témoignage de Blue, si jamais cette dernière décidait de porter plainte contre eux. Peut-être que la vampire appuierait ses propos ? Cette idée fit mal au Lightness et il se fit violence pour la chasser de son esprit. Ils finirent par arriver devant la porte de l'appartement qu'ils partageaient -un peu trop rapidement aux yeux du jeune professeur mais qu'importe- et entrèrent aussitôt. La lycanne fut la première à briser ce long silence entre eux, par un sublime juron mais celui-ci n'arracha même pas un sourire à son interlocuteur. Toutefois, l'attention du regard hétérochrome se porta sur l'intéressée pour comprendre, dans un premier temps, la raison de ce juron. En voyant le bras de Leann pendre lamentablement dans le vide le long de son corps et surtout, l'angle bizarre qu'il formait, Jilan sentit sa gorge se serrer. Dire qu'elle avait encaissé les coups qui lui étaient destinés. Pourquoi ? Cette question le taraudait encore. En plus du sentiment de culpabilité mêlé de gratitude qui l'envahissait doucement. Si jamais la louve n'avait pas été présente à ce moment là dans la rue, il ne faisait aucun doute que celui qui aurait récolté d'un bras dans un état pareil, serait lui-même. Peut-être même pire, étant donné qu'il était moins résistant physiquement que la lycanne.
En la voyant s'éloigner de lui pour se rapprocher de l'un des murs de l'appartement, le Lightness ne chercha pas à la retenir ou même à prendre la parole. Les mots étaient encore bloqués dans sa gorge, son esprit trop confus pour qu'il se sente capable d'aborder un sujet délicat. Et surtout, il était curieux de voir ce que le louve comptait faire en se dirigeant ainsi vers le mur le plus proche d'elle. Le craquement qui résonna par la suite dans l'appartement lui arracha un frisson et une grimace de dégoût, qu'il s'empressa de dissimuler au regard de l'intéressée. Encore une chose qu'il ne pourrait pas faire... Le jeune professeur se rappela soudain qu'il aurait pu s'occuper lui-même du bras de Leann, puisqu'il possédait des pouvoirs de guérison, les seuls qu'il était en mesure d'utiliser -dans une moindre efficacité- la nuit. Mais peut-être était-ce plus conseillé de remettre l'os à sa place initiale avant de tenter quoique ce soit de plus ? Laissant la lycanne vaquer à ses occupations, Jilan s'éloigna à l'opposé, en direction de la cuisine. Non pas qu'il ait véritablement envie de boire ou de manger quelque chose après ce qui s'était passé mais surtout pour s'occuper l'esprit en attendant que la louve soit en état de l'écouter avec plus d'attention que maintenant. Machinalement, il alluma encore une fois la plaque électrique sur laquelle la casserole remplie d'eau était demeurée en place. Comment aurait-elle pu changer de place entre le moment où il l'avait mise là pour la première lorsqu'il avait eu l'intention de se faire un thé et le moment où il avait remis les pieds dans l'appartement ? Franchement, merci cerveau pour ces réflexions inutiles ! Cependant, la vision du sachet de thé, celui-là même qu'Eléanore avait retrouvé, Dieu sait comment, dans sa cuisine, lui noua la gorge de plus belle. Le Lightness ferma les yeux un instant, pour chasser les visions de la vampire qui envahissaient de plus belle son esprit. Au bout de quelques minutes, le vide se fit, à son grand soulagement, alors même que le bruit de l'eau en train de bouillir se faisait doucement entendre non loin de là. Le jeune professeur crut même sentir une présence devenue familière se rapprocher de lui, aussi ouvrit-il les yeux pour verser un peu de ce thé dans la casserole fumante. Il n'eut qu'à jeter un rapide regard par-dessus son épaule pour constater que Leann avait elle aussi mis un pied dans la cuisine. Sur le moment, Jilan ne comprit pas pourquoi. La seule hypothèse qui lui vint à l'esprit fut celle exposant la possible initiative de la louve pour relancer la conversation entre eux. Même si elle avait gagné en assurance et en force, curieusement, le Lightness doutait que la lycanne prenne les choses en main de ce côté. La suite allait lui prouver le contraire, encore une fois. Toujours silencieuse, il l'observa sortir quelque chose du frigo et à l'odeur qui se répandit aussitôt dans l'espace dédié à la cuisine, masquant même les effluves parfumées du thé en train d'infuser, le jeune professeur comprit ce qu'elle cherchait finalement à faire. Franchement, c'était assez primaire comme réaction... Mais on parlait d'une louve aussi... Le regard hétérochrome se reporta de nouveau sur le contenu de la casserole, lequel était en train de prendre une teinte différente, dû à l'herbe en train infuser lentement. Et maintenant ? Ils n'allaient quand même pas rester chacun dans leur coin jusqu'au petit matin, si ? Alors qu'il réfléchissait à une première question à l'intention de son interlocutrice, voilà que cette dernière prenait les devants en s'exprimant la première. D'abord sincèrement surpris, Jilan se reprit et répondit aussitôt :
« Pour la même raison qui te permet d'employer le terme « maison » pour qualifier cet appartement... »
Même à ses oreilles, cette explication ne sonnait pas de manière très claire et le Lightness se retint de soupirer devant cette évidence. Laissant de côté le thé pour le moment -il bénéficiait encore de quelques minutes avant que celui ne soit suffisamment infusé-, le jeune professeur vint s'accroupir à proximité de la louve mais toujours sans chercher le regard de cette dernière. Son attention était davantage centrée sur l'état du bras de son interlocutrice et sur la conversation engagée entre eux. Sans se préoccuper de savoir si Leann accepterait qu'il la touche de la sorte, Jilan lui prit doucement le bras pour l'examiner sans crainte de lui faire trop mal. Tout comme la robe de l'intéressée, le membre avait vraiment mauvais allure. Même après avoir remis l'os à sa place, la peau conservait une vilaine couleur violette tirant sur le bleu à certains endroits, preuve du choc qu'avait causé Blue en la frappant violemment à l'aide d'une barre de fer. Tenant le bras du main, le Lightness caressa le membre de la louve avec sa main libre, sans trop appuyer pour ne pas ranimer la douleur. Quand il reprit la parole, sa voix s'était faite tendre, comme celle d'un amant au matin d'une longue nuit d'amour.
« Je n'ai pas l'intention de te mettre à la porte Leann... Ni ce soir, ni aucun autre jour... Cet appartement est également le tien... »
A la suite de ces paroles qui se voulaient rassurantes, du moins, l'espérait-il, le jeune professeur activa alors son pouvoir de guérison sur le bras blessé de la lycanne. Une douce lueur apparut dans la paume de la main qui auparavant, parcourait le membre de Leann et cette dernière put certainement ressentir une chaleur bienfaisante dans son bras. Le meilleur effet de ce pouvoir sans aucun doute car il serait peut-être accompagné de picotements ou de tiraillements alors qu'il commencerait à faire effet sur le membre de la louve. Lorsque le Lightness fut satisfait du résultat et certain que son interlocutrice n'aurait plus à souffrir comme elle avait souffert plus tôt au cours de la soirée, il relâcha sa prise sur son bras mais garda tout de même la main de l'intéressée dans la sienne. Parce qu'il ne voulait pas la lâcher, tout simplement. La raison ? Aucune idée ! Mais c'était ainsi.
« Que tu sois jalouse passe encore... Mais pourquoi m'avoir protégé à ce moment là ? Je méritais de recevoir ses coups à ta place... »
« Pour la même raison qui te permet d'employer le terme « maison » pour qualifier cet appartement... »
Quoi ? Etait-ce à cause de la douleur qui lui parcourait plus ou moins l’ensemble de son corps, qu’elle n’avait pas bien comprit ce qu’il venait de dire ? Enfin, si, elle pensait avoir plus ou moins comprit ses paroles mais elle ne les comprenait pas. Plus honnêtement, elle ne comprenait pas comment il pouvait lui dire une chose pareille maintenant qu’il avait retrouvé sa fiancée. Elle avait pu nettement voir les regards qu’ils s’étaient lancés plus ou moins souvent depuis qu’elle était intervenue dans cette chambre. Alors comment pouvait-il dire que c’était la même chose ? Peut-être que si elle n’avait pas été aussi fatiguée, la réponse lui serait parvenue plus vite et facilement à l’esprit ? Peut-être qu’elle n’avait qu’à aller se coucher pour y voir plus clair ? Alors qu’elle se perdait dans ses pensées, Leann ne remarqua pas immédiatement que son interlocuteur s’était rapproché d’elle de façon si proche, voir presque intime compte tenu de la situation. La louve en prit réellement conscience lorsque la main de son amant -elle doutait de plus en plus de pouvoir continuer à l’appeler de la sorte- se saisit de son bras blessé. S’il n’avait pas été aussi doux avec elle, peut-être qu’elle aurait cherché à lui reprendre, mais elle lui laissa. Elle était presque intriguée par ce qu’il comptait faire. Et pourquoi ne prenait-il pas la parole ? Pourquoi gardait-il son regard fixé sur ce bras qui ne ressemblait plus vraiment à grand chose ? Cherchait-il un moyen de la faire souffrir par ce biais ? Pour venger la vampire du traitement qu’elle lui avait infligé ? Si c’était le cas, pourquoi ne prenait-il pas de l’argent ? Cela resterait marqué à vie dans sa chair ! Toutes idées de ce genre s’évaporèrent lorsqu’elle senti les doigts de Jilan parcourir son bras sur toute la longueur. Un frisson lui échappa alors qu’il passa sur une partie plus foncée. Est-ce qu’elle aimait ça ? Etrangement oui. Il ne lui faisait pas mal, mais chaque effleurement de ses doigts sur sa peau animait son épiderme. Est-ce qu’elle lui dirait d’arrêter pour autant ? La réponse était clairement non. D’abord, parce qu’elle était sincèrement surprise qu’il soit aussi doux avec elle, surtout quand elle se souvenait de comment elle avait traité sa fiancée. Et ensuite, parce qu’elle craignait que ce ne soit la dernière fois qu’il ne la touche. Peut-être qu’il était en train de choisir ses mots avec soin dans son esprit ? Pour ensuite les lui dire à haute voix ? Pour ne pas la blesser ? Cette pensée l’aurait presque faite sourire. Il n’était pas du genre à mâcher ses mots s’il avait quelque chose à lui dire. Elle ne pouvait pas croire que cela soit différent ce soir. A moins que... Ce ne soit le fait d’avoir revu Eléanore qui l’ait changé à ce point ? Pourquoi cette idée lui donnait un pincement au cœur ? Parce qu’elle était jalouse qu’une femme qui ne l’avait pas vu depuis des années puisse avoir ce genre d’ascendant sur lui ? Alors qu’elle, elle vivait sous le même toit que lui depuis des mois ? Encore une fois, Leann fut tirée de ses pensées grâce à la voix de Jilan et dès ses premiers mots, il s’assura son attention. En fait, c’était plutôt le son de sa voix qui jouait beaucoup. Pourquoi lui parlait-il ainsi ? Comme pour la rassurer compte tenu de la situation. Et ces propos... Etait-il seulement sérieux ? N’était-ce pas le manque de sang et les émotions qui avaient dû l’assaillir cette nuit, qui le faisait parler de la sorte ? Même si elle voulait se convaincre de ces idées, elle lui en était réellement reconnaissante. Il ne la mettait donc pas dehors ? Malgré le fait qu’il le pourrait ? Alors qu’il pourrait être avec cette autre femme ? Pourquoi ? Pourquoi Diable faisait-il ce choix ?! Ce n’était en rien normal ! Plus tôt dans la soirée, il l’avait menacé de mort si elle touchait de nouveau à cette vampire. Cela voulait bien dire qu’il tenait davantage à cette dernière qu’à elle-même ! Alors pourquoi ?! Parce qu’il voulait jouer avec elle et voir sa joie de ne pas être rejeter, transformée en douleur pure et simple ? La jeune femme se fit violence pour chasser ce genre de pensées de son esprit. Ou alors, était-ce parce qu’avec ce qui venait de se passer : le fait que Leann tue un homme de sang froid en pleine rue, faisait de Jilan son complice ? Et qu’il savait que la vampire ne cautionnerait pas un tel acte ? Elle avait semblé vouloir jouer avec la louve lorsqu’elle avait abordé le sang sur sa peau à son entrée dans la chambre, jouant sur le fait que le jeune professeur n’était peut-être pas au courant de ses agissements. Mais si l’homme, conformément à ce qu’il avait pu lui dire, acceptait la louve pour ce qu’elle était : une bête désireuse de goûter au sang et à la chair, peut-être savait-il que cela n’allait pas plaire à la vampire ? Parce qu’il la connaissait, il savait qu’elle ne tolérait pas ce genre d’agissement ? Et qu’au lieu de se retrouver seul, il préférait faire en sorte de garder la louve à ses côtés ? Pas celle que son cœur avait choisie, mais celle qu’il lui était plus facile à garder ?
Une nouvelle fois depuis qu’ils étaient dans cette cuisine, Leann sorti de ses pensées, mais cette fois, ce ne fut pas la voix de Jilan qui en était la cause. C’était sa paume, elle était presque lumineuse et surtout, elle était devenue légèrement plus chaude. C’était une hallucination ? Non. Elle pouvait sentir que c’était bien réel. Qu’était-il en train de lui faire ? Et pourquoi ne bougeait-elle pas ? Parce qu’elle avait toujours confiance en lui... Au bout de quelques instants, elle senti de drôles de sensations lui parcourir le bras. Ce n’était en rien douloureux, après ce qu’elle avait subit pendant ses deux combats, ce que lui faisait Jilan était comme une douce caresse. Son attention était à son tour portée sur son avant-bras et plus les minutes passaient, plus il lui semblait que sa peau perdait de sa couleur violacée et bleutée. La louve finit par ne plus sentir aucune douleur provenant de son membre et la peau était redevenue normale. Son regard alla de son bras jusqu’à sa main. Cette dernière était toujours tenue par Jilan. Pourquoi ne l’a lâchait-il pas ? Non ! C’était aussi bien ainsi, qu’il continue de la tenir. Même un peu... Leann releva la tête pour le regarder à ses premiers mots. Elle n’en revenait pas. Il admettait le fait qu’elle soit jalouse ? Alors même qu’il lui avait dit le contraire plusieurs heures avant ? Pourquoi changeait-il soudain d’avis ? Elle n’eut pas le loisir de poursuivre ses interrogations, qu’il continuait. Il osait lui demander pourquoi elle l’avait protégé ?! N’était-ce pas déjà son intention dans cette chambre ? Quoi qu’il puisse dire, elle n’avait pas agit par jalousie première à ce moment là. La fin de ses paroles la fit légèrement sourire. Il pensait qu’il le méritait ? Parce qu’il l’avait menacé de mort ? Parce qu’il lui avait dit des choses blessantes ? Bien que cruellement vraies ? Pour tout cela, la louve aurait dû le laisser prendre ces coups ? Il n’avait donc pas comprit ce qu’ils s’étaient dit, ce soir là ? Où elle avait apprit la mort de Danaliel ? Où elle l’avait prit comme attache ? Avait-il oublié les paroles de la louve ? Ses paroles à lui ? Doucement, comme pour ne pas l’effrayer, la jeune femme posa sa main libre -parce qu’elle avait lâché la viande sur le sol- sur la joue gauche de son amant, tendrement. Son expression aussi s’était faite douce.
« Parce que je suis tienne... » Répondit-elle naturellement, pour première réponse, avant de poursuivre. « N’était-ce pas ce qui avait été convenu ? Que je resterais à tes côtés, le temps que tu voudrais de moi ? Que... J’utiliserais ma force pour toi ? »
Marquant une pause, Leann fit retomber sa main le long de son corps. Elle ne regrettait pas son geste, comme aucuns qui avaient eu lieu cette nuit, mais peut-être qu’il ne l’apprécierait pas ? Elle pencha alors la tête en arrière pour lever les yeux vers le plafond, comme pour regarder un ciel qu’elle ne pouvait pas voir. Un autre sourire se dessina alors sur ses lèvres, moins avenant, parce que la suite de ses paroles lui faisait mal.
« Je sais qu’entre nous ce n’était que de la baise au départ... Que des sentiments n’avaient pas lieu d’être... Mais ça ne s’est pas passé comme ça pour moi... Alors oui, je me suis attachée à toi, plus que toi à moi. Mais je ne m’en suis jamais plainte, je l’ai accepté... Peut-être parce que je ne sentais pas d’odeur d’autres femmes sur toi ?... Alors oui, j’ai été jalouse de voir comment tu pouvais la regarder, de voir qu’elle comptait davantage que moi à tes yeux... » Achevant sa phrase, Leann finit par reporter son regard vers le visage de Jilan, allait-elle croisé le sien ? Elle reprit cependant. « Mais ça ne justifie pas le fait que tu te prennes des coups, Jilan. Je sais que je n’ai aucun droit sur toi. Alors pourquoi t’aurai-je laissé te faire frapper pour une jalousie qui ne devrait pas exister ? »
Merde alors. C’était surement la première fois depuis un bon moment qu’elle ne lui avait pas parlé aussi ouvertement. Bien sûr, ils n’avaient pas souvent -voir jamais- de conversation très importantes entre eux, mais cette fois, la jeune femme ne chercha même pas à lui cacher des choses. A quoi cela aurait servit-il de toute manière ?
« Mais pourquoi m’acceptes-tu toujours ? Je suis heureuse de t’entendre dire que c’est aussi mon appartement, réellement... Mais pourquoi ? Tu l’aimes et moi pas... »
Leann avait parfaitement conscience que ses paroles seraient surement dures à entendre, mais elle savait aussi que cette conversation serait la clé de leur avenir à tout les deux. La fin de celle-ci définirait leur relation...
Du coin de l'oeil, Jilan vit du mouvement de la part du second bras de la louve. Allait-elle reprendre sa main de force ? Le prendre à la gorge pour lui apprendre à regretter ses propres paroles ? Non... Même si Leann avait démontré qu'elle était aussi capable que lui, d'agir avec violence, le jeune professeur doutait encore qu'elle ose lever la main sur lui. Avait-il tort de penser ainsi ? Devait-il se méfier d'elle à présent qu'elle avait en partie la bête qui sommeillait à l'intérieur même de son être ? Le Lightness se dit qu'il allait bientôt avoir la réponse à ces interrogations. Mais la caresse de son interlocutrice le surprit au point de le déstabiliser, l'espace d'une fraction de secondes. Comment pouvait-elle agir de la sorte envers lui ? Alors même qu'elle avait certainement dû se sentir trahie et peut-être d'ores et déjà remplacée par une autre ? Et pourquoi lui réfléchissait-il ainsi ? A se placer en coupable idéal ? Cela ne lui ressemblait pas. Au contraire, il aurait dû rire de la situation de la louve, elle qui pensait naïvement faire en sorte qu'il devienne sien. N'avait-il pas été suffisamment clair lors de leur seconde rencontre ? Pendant toute la durée de la caresse, Jilan n'ouvrit pas la bouche. Son cerveau s'occupait d'énumérer toutes les possibles situations envisageables à partir de ce simple contact. Mais surtout, il attendait que son interlocutrice prenne la parole à son tour, pour s'expliquer et peut-être déterminer ce que serait leur relation future dans les minutes qui allaient suivre. Et quand Leann s'exprima enfin, le Lightness l'écouta avec attention. S'il s'attendait à une réponse de ce genre ? Oui et non. Oui parce qu'il se rappelait les clauses de leur contrat quant au fait que la louve puisse rester vivre dans son appartement. Il savait ce qu'il attendait d'elle mais il ne pensait pas qu'elle débuterait sa phrase de la sorte. Pourquoi mettre en avant sa soumission envers lui, en plus des sentiments qu'elle nourrissait à son encontre ? Pour lui sortir Eléanore de la tête ? C'était une hypothèse... A moins que Leann n'ait tout simplement peur de le voir s'éloigner d'elle au profit d'une autre ? Étrangement, le jeune professeur penchait plus pour la seconde option. Et ce qu'il ressentait vis-à-vis de cela ? Beaucoup trop de choses à son goût... Une partie de lui avait envie de rire au nez de la louve, de lui hurler dessus pour qu'elle comprenne qu'elle ne pourrait jamais prendre la place qu'occupait la vampire dans ce qui lui restait de cœur. Les moments passées avec Eléanore lorsqu'ils étaient plus jeunes, n'étaient certes que des souvenirs lointains mais les rares auxquels il tenait encore. La voix de son interlocutrice résonnait toujours à ses oreilles et Jilan n'accordait plus d'attention qu'à celle-ci, faisant fi des éventuels mouvements de la jeune femme. Le Lightness ferma les yeux à partir du moment où elle reconnut sa jalousie envers Eléanore, jusqu'au passage où elle refusa qu'il se prenne les coups qu'il méritait.
« Si tu commences dès aujourd'hui à encaisser les coups qui me sont destinés, attends à recevoir des coups de poignard dans le dos Leann... Ce soir n'était qu'un exemple de petite envergure... »
Merde. Les mots avaient franchi ses lèvres plus rapidement qu'il ne l'aurait souhaité mais à présent que c'était dit, le jeune professeur ne s'imaginait tout simplement pas revenir en arrière et demander à Leann d'oublier ces quelques mots prononcés à son intention. L'ouïe de son interlocutrice était bien fine pour laisser passer le moindre dérapage oral de sa part. Tant pis. Si elle lui faisait une remarque sur ce point, il n'aurait d'autre choix que d'assumer ses paroles et les justifier. Peut-être en profiterait-elle même pour exiger des explications sur tout ce qu'il lui avait caché jusqu'à présent ? Ses absences répétées, ses activités qui laissaient présager de sombres choses... Tous ces sujets qui n'avaient jamais été évoqués entre eux. Alors même qu'ils vivaient sous le même toit... Les questions qui suivirent lui déplurent. Parce qu'il n'avait pas véritablement de réponse à lui fournir. La Leann soumise aurait certainement accepté sans broncher qu'il lui dise simplement qu'il voulait se servir d'elle pour atteindre ses objectifs. Mais quant était-il de la Leann actuelle ? Est-ce que ses paroles précédents, sur le fait qu'elle lui appartiendrait tant qu'il l'accepterait à ses côtés, vaudraient-elles toujours la même chose ? Ou est-ce qu'une partie d'elle-même s'opposerait catégoriquement à cette situation où seul l'un d'entre d'eux donnait ? Sans réellement démentir les derniers mots de la louve, Jilan reprit alors :
« Pourquoi ne t'accepterais-je plus Leann ? Notre accord tient toujours à ce que je sache, peut-être plus que jamais. Il y a encore quelques mois je te voyais comme une louve soumise à mes directives mais ce soir tu m'as prouvé que tu étais capable d'agir selon ta volonté si la situation l'exigeait. Tu as cru que j'étais en danger avec Eléanore et tu as réagis en conséquences. Sur le moment, ça ne m'a pas plu, pour les raisons que l'on connaît tous les deux. Mais par la suite, tu as véritablement sauvé ma vie. Comment je pourrais rejeter une personne qui me sauve la vie dis le moi ? »
Se disant, le jeune professeur lâcha soudain la main de son interlocutrice. Est-ce que cette dernière allait mal prendre cette réaction ? Pensant peut-être qu'elle l'avait mis en colère à la suite de ses propos ? Ce qui n'était pas totalement faux dans le fond, même si le Lightness préférait privilégier un semblant de calme intérieur plutôt que de céder à l'agacement qui le gagnait doucement. Se penchant en direction de Leann, il passa un bras de chaque côté de cette dernière pour aller chercher l'appui du sol avec ses paumes, à proximité des côtes de la louve. Dans cette position, le jeune professeur se trouvait encore plus proche que jamais de son interlocutrice, libre à elle d'essayer de retrouver un peu de distance entre eux en s'allongeant sur le dos, en se laissant basculer en arrière. Mais rien ne lui garantissait que l'homme n'allait pas la suivre dans son mouvement vertical.
« Jusqu'à quel point es-tu mienne Leann ? Serais-tu prête à donner ta vie pour moi ? Si je décidais de la prendre sur-le-champs, par simple envie, que ferais-tu ? Sais-tu seulement ce que ce simple terme englobe... ? Que pour être mienne, il faut être préparé à descendre jusqu'en Enfers ? »
Soutenant le regard de la jeune femme à présent qu'elle avait machinalement tourné la tête dans sa direction en le sentant réduire l'écart entre eux, Jilan se tut finalement. A cette distance, seuls les bruits provoqués par leurs respirations respectives se faisaient entendre. Peut-être que l'ouïe de la louve discernait en plus, le son des battements du cœur de son interlocuteur. Et si vraiment elle y prêtait attention, elle pourrait s'apercevoir que ceux-ci étaient parfaitement normaux. Nullement accélérés par la peur, l'émotion ou même l'envie de leur créateur. Non, à cet instant, le Lightness était cruellement sérieux, attendant une réponse de la part de la lycanne. Au fond de lui, il savait qu'il ne prendrait pas le risque qu'elle quitte cet appartement vivante si jamais elle décidait vraiment de couper tous les ponts avec lui à la suite de ces conditions.
Au moins, elle eut un début de réponse quant au fait de savoir s’il acceptait toujours qu’elle ne le touche ou non. Parce que ce n’était pas parce qu’il le fait qu’il pouvait apprécier qu’elle le fasse à son tour. Si elle était rassurée ? En fait, elle ne savait pas trop en quoi penser. D’abord, le ton de sa voix, qui aurait probablement plus collée à une conversation avec sa vampire. Ensuite, le fait qu’il ne se recule pas... Voulait-il s’amuser avec elle ? Pour lui faire croire qu’elle pourrait espérer quelque chose, même avec la présence de sa fiancée dans la ville ? S’il pensait ainsi, il se trompait lourdement. Elle n’était pas assez naïve pour ne pas voir les choses en face et les paroles ainsi que les regards échangés plus tôt dans la soirée étaient des preuves bien assez cruelles. Peut-être qu’elle aurait dû ne pas accepter de le suivre ? Après tout, elle avait assez d’argent pour se prendre son propre appartement et elle savait également que Bran serait là pour elle. Alors pourquoi ? Parce qu’elle le lui avait dit. Peut-être qu’elle était réellement naïve sur ce point en particulier ? Pourquoi acceptait-elle de rester en sa compagnie maintenant qu’elle n’était plus soumise et qu’elle savait se battre ? Mais n’avait-elle pas accepté dès le départ qu’il se serve d’elle ? Leann senti sa bête se mettre à gronder à cette pensée. Si elle n’avait pas aimé ce côté de leur arrangement, maintenant qu’elle avait trouvé un loup, elle tolérait encore moins que sa partie humaine puisse agir de la sorte. La jeune femme se retient de soupirer et préféra reporter la conversation avec sa bête à un autre moment. Sinon, il ne faisait presqu’aucun doute qu’elle se mettrait à hurler jusqu’à plus voix. Et ce n’était ni le moment, ni même l’endroit pour cela. Et après, on osait dire que tous les lycans étaient pareils et ne savaient pas se tenir ? Foutaises. Se rendant compte qu’elle était partie un peu loin dans ses pensées, Leann revient à l’instant présent en espérant que son interlocuteur n’ai pas prit la parole. Sinon, elle n’aurait entendu aucune de ses paroles. Mais par chance, ce ne fut pas le cas et elle pu continuer cette conversation sans passer pour une idiote. Elle fut particulièrement surprise par ses propos. C’était peut-être les premiers vrais dires l’incriminant comme n’étant pas qu’un simple prof de fac. C’était par mégarde qu’il venait de lâcher cela ? Ou une porte qu’il lui ouvrait pour ce sujet ? Voulait-elle réellement en savoir plus ? La réponse était clairement oui. Surtout maintenant qu’il avait lâché de telles paroles. Peut-être n’aurait-elle rien cherché à savoir sans ces dernières. Mais erreurs ou pas, elle n’allait pas laissé passer sa chance.
« Et de qui devrais-je me méfier si je continue à encaisser à ta place ? Acceptes-tu enfin de me parler ? »
Oui, elle lui faisait gentiment remarquer qu’il ne lui avait jamais rien dit, alors qu’ils partageaient le même appartement et le même lit. D’un autre côté, elle savait qu’il en avait conscience puisqu’il lui avait déjà fait part de son point de vue alors que l’autre était encore dans la chambre. Peut-être qu’elle aurait dû se taire ? Et ne pas demander d’explications ? Malheureusement, cela était bon pour l’ancienne Leann, la soumise, celle qui disait « amen » à tout sans chercher à en savoir davantage. Là, ce n’était plus la même chose. Elle tolérait et acceptait de servir de garde du corps, mais à condition de savoir contre qui. Continuer à être utiliser oui, mais pas sans pouvoir protéger ses propres arrières. Elle n’aurait surement pas pensé ainsi des semaines plus tôt, mais elle avait maintenant conscience qu’elle ne pouvait pas compter sur n’importe qui pour la protéger et qu’elle devait le faire par ses propres moyens. Si cela signifiait trahir Jilan ? Malheureusement pour elle et heureusement pour lui, la réponse était négative. A cause de ses sentiments naissants pour lui ? Peut-être. Mais peut-être devrait-elle faire comme ce qu’il lui avait préconisé lors de cette nuit là ? Ne pas avoir d’attaches par nécessité ? Cette pensée faillit la faire éclater de rire, tellement elle la trouvait maintenant ridicule. Il lui avait sorti ce genre de parole alors qu’il avait été amoureux d’une vampire depuis tout ce temps ? Pour un peu, elle les lui enverrait bien à la figure pour savoir s’il se moquait d’elle. Mais dans le fond, avec les paroles qu’il venait de lui dire, elle comprenait qu’il cherche à se protéger contre ce genre d’attaque. Même si elle n’appréciait pas le fait que seul l’un des deux parle ouvertement et pas l’autre. Ses pensées se virent stoppées par la prise de parole de l’homme et puisque c’était une conversation importante, elle était toute ouïe. Il reconnaissait donc qu’elle avait changé ? En même temps, même un aveugle aurait pu voir la différence entre ce qu’elle avait été à son arrivée dans cet appartement et ce qui c’était passé ce soir. Qu’elle soit violente pouvait encore se placer sur le dos de sa bête intérieure, puisqu’elle été à cran après ce qui s’était passé chez son client. Mais tuer un homme devant lui et sans montrer de réels remords, cela ne pouvait pas passer pour une simple saute d’humeur. Elle finit d’écouter ses propos, les trouvant presque juste. Cela lui plu également qu’il admette qu’elle lui avait sauvé la vie, parce qu’il n’y était pas obligé. Loin de là. Leann ne chercha pas à le retenir alors qu’il la lâchait. Sa prise l’avait déjà surprise, elle ne voyait pas l’utilité de la maintenir contre son gré. Allait-il stopper la conversation ici ? Cela lui aurait parut étrange comme fin, mais on parlait de Jilan là... Mais il n’en fit rien. Mieux, il s’approcha encore davantage d’elle, lentement. Si elle avait peur pour la suite ? Pas vraiment et c’était pour cette raison qu’elle ne bougea ni ne chercha à se défaire de son emprise. A cette distance, elle n’aurait qu’à tendre un peu le cou pour venir lui mordre les lèvres. La louve se mordit les siennes pour chasser ce genre de pensées. Ce n’était pas vraiment le moment de penser à ça. Le faisait-il exprès ? Pour voir quel effet il avait encore sur elle ? Malgré les circonstances ? Et probablement le fait qu’ils ne coucheraient plus ensemble ? Avant, cela ne l’aurait pas dérangée. Maintenant, elle était forcée d’être d’accord avec sa bête : il ne pouvait pas prendre sans donner. Ce qu’elle demandait ? Simplement de la confiance. Elle avait conscience que l’amour ne serait jamais une chose possible entre eux. Plus maintenant et malgré certaines de ses paroles passées. Si ça faisait mal ? Elle préférait ne pas y penser pour le moment. Consciente qu’elle ne lui avait pas encore répondu, elle le fit maintenant.
« Parce que tu ne sais pas si je le referais vraiment ? ... As-tu assez confiance en moi pour envisager que j’ai agis par loyauté et non par jalousie ? Me fais-tu confiance maintenant que j’ai assez changé pour te surprendre ? Sans que tu n’y fasses rien ? Ou n’es-tu pas plutôt en train de t’assurer que je ne te quitterais pas malgré ce qui s’est passé ? Continues-tu de dire que tu m’acceptes pour me tester ? » Sa voix s’était faite plus basse sur la fin.
Si ses questions étaient pertinentes ? Elle n’en savait rien. Peut-être même qu’elles allaient l’agacé ? Parce qu’elle mettait le doigt sur certains points de la relation qui pourrait se profiler entre eux ? Peut-être qu’il allait regretter le fait qu’elle ne soit pas restée soumise ? A tout accepter sans poser de questions ? Devait-elle lui poser cette question également ? Non. Elle préférait attendre d’entendre ce qu’il allait lui répondre. S’il ne finissait pas par revenir sur ses paroles et elle mettre dehors. Chose qu’elle ne voulait pas. Encore une fois, ce fut la voix de Jilan qui la fit sortir de ses pensées. Et sa question la surprit. Comme la suite de ses interrogations. Jusqu’où était-elle sienne ? C’était une bonne question. « Corps et âme » ne semblait plus être la meilleure réponse qui lui venait à l’esprit. Elle n’avait aucune envie de le voir lui rire au nez. Mais jusqu’où alors ? Etait-elle prête à mourir pour lui ? Si ce n’était pas le cas, pensait-il qu’elle aurait prit le risque de se placer entre lui et Blue ? Alors qu’elle ne connaissait pas la force et les capacités de l’inconnue ? La fin de sa phrase la fit sourire, malgré le sérieux qu’il avait dans son ton et ses propos. Descendre jusqu’en Enfers ? Pour lui ? Quelle drôle d’idée. Avec la rapidité et la force qui étaient propres à sa race, Leann attrapa les bras de son interlocuteur pour retourner la situation. Elle l’éloigna d’elle, pour le renverser ensuite sur le dos et venir s’asseoir sur lui. Elle senti son corps la tirer d’un peu partout à cause des divers endroits en train de cicatriser mais tant pis, la douleur faisait du bien. Tenant toujours ses bras, elle fit glisser ses mains jusqu’aux poignets de l’homme pour ensuite plaquer ces derniers sur le sol, s’allongeant ainsi presque sur lui. Elle plongea alors son regard dans celui hétérochrome de Jilan, gardant son sourire aux lèvres.
« L’Enfer ? J’ai déjà connu Jilan. Je doute que tu puisses m’emmener où je souffrirais autant... Alors où que tu ailles... Je te suivrais... Quant à te donner ma vie ? Oui. Sinon je ne serais pas prête à prendre des coups à ta place. Je pensais que tu l’aurais compris... Mais mourir simplement pour ton envie ? Non. A quoi cela rimerait-il ? A quoi servirais-je dans ce cas ? Je n’ai aucune envie de mourir inutilement. Je ne suis pas devenue plus forte pour crever comme ça. » La louve posa alors ses lèvres sur celles de son interlocuteur, pour ensuite les lui mordre et reprendre. « Je ne m’attends pas à ce que tu m’aimes Jilan... Mais que tu me fasses assez confiance pour savoir que tu peux compter sur moi. »
Se disant, elle se redressa en lui lâchant les mains. Si elle regrettait d’avoir prit le dessus de la sorte ? Pas vraiment puisqu’elle savait qu’elle n’avait pas été violente. Mais peut-être n’apprécierait-il pas ? Ce qu’elle aurait aimé savoir si sa personnalité plus dominante était plus appréciée ou non. Mais même si ce n’était pas le cas, elle ne pourrait plus redevenir cette soumise qu’elle avait été pendant toutes ces années.
Son manque de recul n'était pas tombé dans l'oreille d'une sourde semble t-il. Le jeune professeur ferma les yeux un court instant quand le duo de questions de Leann résonna à ses oreilles. S'il trouvait la première légitime, compte tenu de ce qui venait de se passer dans la ruelle et des propos que son interlocuteur avait tenus un peu plus tôt, ce n'était pas le cas pour la seconde. Pourquoi cela sonnait-il comme un reproche déguisé aux oreilles du Lightness ? De quel droit se permettait-elle de lui faire cette remarque ? Pensait-elle vraiment que, parce qu'ils vivaient sous le même toit, ils allaient gentiment jouer au couple qui se dit tout sur l'oreiller sans même en être vraiment un ? Que parce qu'elle avait accepté ses conditions pour devenir plus forte à son tour, il serait tenu de lui faire des comptes rendus de ses heures passées à la Grotte ? Ou même des résumés des actions qu'il menait dans le dos du pouvoir en place dans le seul but de le faire tomber pour de bon un jour ? Jilan aurait voulu lui rétorquer brutalement qu'il n'avait aucune obligation de lui parler de ses activités, pour la simple et bonne raison que lorsqu'il l'avait recueillie chez lui, le jeune professeur ignorait tout des opinions de la louve au sujet de ce qui se passait au sein de l'Avventura. Pourquoi aurait-il pris le risque de lui parler de ses projets si son interlocutrice s'était rangée du côté du Cercle ? Pour se voir arrêter en pensant obtenir le silence de la lycanne en retour ? Il n'était pas devenu le chef de l'opposition pour se faire bêtement coincer de la sorte. Quant à la confiance... Le Lightness se mit à sourire étrangement rien qu'à ce terme. Est-ce que Leann se vexerait s'il lui répondait qu'il n'avait réellement confiance en personne dans cette ville ? Pour le coup, il était presque tenté de lui dire cela rien que pour voir comment elle allait réagir face à des propos pareils. D'un autre côté, il se moquait bien de ce qu'elle allait en penser car il n'était pas prêt de changer pour quiconque. Vraiment quiconque ? Ses pensées se tournèrent naturellement vers la vampire et le jeune professeur dut se faire violence pour ne pas repenser à Eléanore. Revenant au moment présent, Jilan savait que son interlocutrice avait droit à une réponse. Tout en essayant de ne pas s'énerver en sa présence, il se rapprocha encore un peu plus de la louve mais au lieu de poser ses lèvres sur les siennes comme on aurait pu s'y attendre en imaginant leurs visages aussi près l'un de l'autre, il vint lentement contourner la tête de la jeune femme, pour glisser sa réponse au creux de l'oreille de cette dernière. Il prit toutefois le soin de bien choisir ses mots :
« Tu n'as pas une petite idée de la réponse ? Peut-être que je te mentais lorsque j'affirmais n'être qu'un simple professeur de sciences à l'université... Peut-être que je ne suis pas aussi normal que je le prétendais... Et si tu apprenais que je suis loin d'être l'homme au quotidien banal que tu imagines ? Que je mène des activités visant à renverser cette bande d'incapables à la tête de la ville ?... »
Se disant, il reprit sa place initiale en face de son interlocutrice pour croiser de nouveau son regard.
« Penses-tu vraiment que je suis quelqu'un qui accorde sa confiance Leann ? Lorsque tu as franchi cette porte, tu étais comme une chienne errante que j'ai recueillie... Je n'étais pas dans l'obligation de te dire quoique ce soit, encore moins pour que tu me trahisses ensuite... Quoi ? Cette allusion ne te plaît pas ? C'est pourtant ce que je me dois de penser envers tout le monde, sans exception Leann. »
S'il s'était permis les trois dernières phrases -dont deux questions- c'était parce qu'il avait cru apercevoir une lueur inhabituelle dans le regard de la louve. Non pas que la colère ou l'irritation étaient des choses que Leann n'exprimait pas d'ordinaire mais dans cette situation, alors qu'ils parlaient en partie à cœur ouvert l'un envers l'autre, peut-être qu'on aurait pu croire qu'ils n'allaient pas s'emporter chacun leur tour. Mais ne disait-on pas du naturel, qu'il revenait au galop même si on s'évertuait à le chasser ? Lorsque la lycanne répondit à sa question, il ne put s'empêcher de soupirer. Franchement, c'était bien des répliques de femme ça... Toujours à se poser des questions inutiles pour tenter de comprendre comment on les voyait... Toutefois, il devait reconnaître qu'à défaut de poser les bonnes questions, Leann lui en offrait des pertinentes. Alors qu'il ouvrait la bouche pour lui communiquer son avis sur la question, les mouvements de la lycanne le prirent par surprise. Ou plutôt -et il le reconnut après- cette dernière avait certainement agi plus rapidement que lui pour s'assurer de la réussite de son entreprise, à savoir, inverser leurs positions respectives. Le Lightness se retrouva alors sur le dos, chose qui n'était pas totalement désagréable comme le lui avaient enseigné ses parties de jambes en l'air avec la louve mais sentir la prise des mains de Leann sur ses poignets, laquelle les maintenait plaqués au sol, lui déplut fortement. Se retrouver en-dessous était une position qu'il tolérait dans la limite où on n'entravait pas ses mouvements personnels. Or, c'était le cas avec la pression actuelle sur ses poignets. Est-ce que son ressenti se vit dans ses iris hétérochromes ? Il n'en savait foutrement rien et même si Leann avait aperçu quelque chose, Jilan jugea que ce n'était pas bien grave. Compte tenu de la réponse qu'il s'était apprêté à lui donner, la louve s'apercevrait d'elle-même de son humeur, autant dans le choix des mots que dans le ton utilisé par son interlocuteur.
« Comment je peux imaginer que tu aies agi par loyauté et non par jalousie à présent que tu admets tes sentiments à mon égard ? Ta réaction vis-à-vis d'Eléanore était bien trop violente pour que j'aille imaginer autre chose... La question serait plutôt de savoir si, par la suite, tu seras capable de mettre de côté ces mêmes sentiments et ne plus agir sur des coups de tête ? Je n'ai pas besoin de quelqu'un qui se laisse aller à ses émotions sans tenir compte de mes directives Leann. Quant à savoir si tu le referais vraiment ou non... Je te répondrai que je n'en sais rien. »
Bon d'accord, il n'était pas totalement sincère sur ses derniers mots puisqu'il avait l'intime conviction que la lycanne, même blessée, ne le laisserait pas tomber pour autant. Les sentiments se révélaient parfois très utiles pour parvenir à ses fins. Sauf quand ils décidaient de se retourner contre vous et vos projets... En voyant et sentant la jeune femme s'allonger sur lui, le Lightness ne sut quoi penser de la situation. A quoi jouait-elle alors qu'ils avaient une conversation des plus sérieuses ? Était-ce là son moyen de calmer sa crainte de se voir expulser de chez lui ? Essayait-elle de détendre l'atmosphère entre eux par des contacts physiques de plus en plus proches et ambiguës ? Peut-être. Jilan ne préféra pas y réfléchir plus longuement, jugeant leurs paroles plus importantes que leurs gestes pour le moment. Le jeune professeur ne pouvait pas savoir à quoi la lycanne faisait référence en s'appropriant l'Enfer. Avec le recul, il s'aperçut qu'ils n'avaient jamais évoqué leurs passés respectifs et même si le Lightness n'avait aucune intention de parler du sien, il s'étonnait presque de ne pas s'être montré plus curieux concernant celui de la jeune femme. Après tout, n'importe quelle information était bonne à prendre pour ensuite s'en servir contre la personne concernée. Peut-être aurait-il pu exploiter cette faille dans les propos de la louve s'il avait fait un peu attention au cours des mois qui avaient précédé cette même conversation. Tant pis. Le sourire de Leann l'intrigua quelque peu. Était-ce encore un sourire de façade pour camoufler ce qu'elle pensait réellement ? Le jeune professeur se dit qu'il allait vraiment devoir lui donner des cours pour se montrer impassible en toutes circonstances. Un sourire en disait parfois plus long qu'on ne le souhaitait lorsqu'il était utilisé n'importe comment. Mais la suite des propos de son interlocutrice lui plut. Ainsi, elle se disait prête à le suivre ? Même s'il envisageait de détruire cette ville et donc, peut-être les personnes chères à l'intéressée ? Il se rappela alors cet étudiant albinos. La lycanne n'avait peut-être pas la moindre idée de ce qui lui était arrivé au cours de cette soirée là. Sa réaction aurait pu être des plus intéressantes si elle apprenait la vérité... Mais également des plus dangereuses puisqu'elle avait gagné en caractère et en force. C'était aussi bien qu'elle ne sache jamais la vérité au sujet de son ami. Et donc ? Elle acceptait -encore une fois- de mourir pour lui mais pas selon son envie à lui ? Curieusement, cette optique ne lui déplaisait pas. Il se contentait volontiers de la première partie de la réponse de la louve, jugeant la suite comme une preuve supplémentaire du fait qu'elle n'était pas simplement une sotte à sa botte. S'entourer de pions était une chose utile mais il fallait aussi compter des personnes sachant raisonner par elles-mêmes pour atteindre les objectifs fixés par l'organisation. La suite le surprit totalement. S'il s'était attendu à ce qu'elle l'embrasse ? Pas le moins du monde... Cela eut le mérite de calmer l'irritation qui ne cessait de remonter à la surface, faute de lumière solaire. Et comme pour achever de lui rendre sa bonne humeur, Leann le lâcha à la suite de ce court baiser. Elle ne bougea pas pour autant, le surplombant toujours mais au moins, il restait libre de ses mouvements.
« Es-tu vraiment certaine de le vouloir Leann ? Si tu décidais de quitter cet appartement, je ne te retiendrai pas mais tu sauras à quoi t'en tenir par la suite à présent que tu en sais davantage à mon sujet... »
Ou comment dissimuler une menace bien réelle à l'encontre de la jeune femme... Lentement, le Lightness leva un bras pour venir caresser l'une des joues de la louve, comme l'avait fait précédemment cette dernière, avant de reprendre.
« Me dire que tu es prête à mourir pour moi n'est pas suffisant pour que je te fasse confiance Leann. Ce n'est pas quelque chose que j'accorde facilement, ni qui se gagne en une soirée, aussi riche soit-elle en émotions. Mais si tu restes à mes côtés et que tu me donnes des raisons de croire que je peux te faire confiance, alors oui, les choses seront différentes. Resteras-tu à mes ordres même en étant devenue plus forte ? C'est ce que je demande à voir. Je ne veux pas d'une soumise mais j'ai besoin de quelqu'un qui saura m'épauler lorsque le besoin s'en fera sentir et ce, qu'importe mes choix. Seras-tu cette personne Leann ? »
Si la jeune femme s’attendait à ce que son interlocuteur réponde à sa question ? Pas vraiment. Leann espérait évidement qu’il le fasse mais dans le fond, rien ne l’y obligeait et elle en avait cruellement conscience. Pour qui elle se prenait ? Si elle pensait -à juste titre ou non- que lui sauver la vie jouait un rôle non négligeable dans une relation -quel quelle soit-, peut-être que Jilan ne le voyait pas de ce même œil. Et dans ce cas, il pourrait aisément garder le silence. Après tout, si c’était vraiment aussi confidentiel que cela, pourquoi devrait-il en parler à la femme qu’il ne faisait que mettre dans son lit ? Ce n’était pas parce que la plus part des clients parlaient de leur vie à leur pute, qu’ils étaient tous pareils. La louve se fit violence pour faire taire ce genre de pensées et sa bête par la même occasion. Cette dernière était encore un peu trop proche de la surface pour qu’elle puisse faire fi de ce qu’elle lui faisait ressentir. Mais assez enfouit pour ne pas à avoir à trop lutter contre une sortie prématurée. Les joies de vivre à deux dans un même corps... Pour un peu, elle allait ouvrir la bouche pour lui dire que ce n’était pas la peine qu’il lui réponde s’il n’en avait pas envie. Cette idée faillit la faire sourire. Comme si l’homme attendrait ce genre de propos pour lui faire comprendre qu’il n’avait pas l’intention de lui parler... Son mouvement la fit sortir de ses songes et une nouvelle fois, la prit de cours -c’était devenu une habitude ce soir !- en se rapprochant d’elle. Si elle pensait qu’il allait l’embrasser ? Elle en doutait fortement. Son entrevu avec la vampire était beaucoup trop proche pour qu’il agisse ainsi. Quoi que, on était en train de parler de Jilan... Bref ! Leann ferma les yeux lorsque leur visage fut l’un à côté de l’autre et écouta sa réponse. Dès ses premières paroles, la jeune femme eut envie de soupirer pour lui faire comprendre que ce n’était pas ce genre de réponse qu’elle attendait. L’a prenait-il vraiment pour une idiote, en essayant de la faire réfléchir de la sorte ? Ne pensait-il pas qu’elle avait déjà des doutes ? Ne lui avait-elle pas fait part de ses mêmes doutes lors de ce fameux soir ? Ne lui avait-elle pas dit qu’elle doutait qu’il ne soit qu’un simple professeur de fac ? Franchement, c’était à se demander pourquoi il lui parlait de la sorte. La suite la fit sourire, même si elle avait conscience qu’il ne pouvait pas voir cet amusement sur son visage. Lui ? Un homme banal ? Il pensait vraiment qu’elle le voyait ainsi ? Alors même qu’il avait accepté une louve chez lui ? Dit qu’il l’aiderait à devenir plus forte ? Elle n’était pas si bête que ça ! Et pour un peu, cela l’énerverait presque qu’il la voit ainsi. La suite fut néanmoins plus intéressante. Etait-ce une révélation ? Visant à lui faire comprendre qu’il faisait parti de ce groupe mystérieux qu’on nommait les Rebelles ? Là, c’était une information non négligeable. Et elle pouvait aisément comprendre qu’il ne cherche pas à crier sur tous les toits cette appartenance. Lorsqu’elle le senti se redresser, elle fit disparaitre son sourire. Seule de la reconnaissance pouvait se lire dans ses yeux. Parce que oui, elle le remerciait de lui avoir communiqué ce genre d’élément. Elle ne poursuivit pas ses pensées puisque lui, poursuivait la conversation. Ainsi, il n’accordait sa confiance à personne ? La jeune femme avait un peu de mal à le croire. Elle ne pouvait pas concevoir qu’il puisse agir dans l’ombre du Cercle, seul. Ainsi, même avec toutes les précautions du monde, il devait être obligé de faire un peu confiance à quelqu’un. Du moins, c’était ce qu’elle pensait. Et dans le fond, elle trouvait cela presque triste si elle se trompait. Combattre le pouvoir en place sans avoir quelqu’un sur qui se reposer en cas de coup dur ? C’était tout simplement triste. Peut-être que si elle lui parlait comme cela, il allait lui rire au nez, aussi ne dit-elle rien sur ce point. Le terme qu’il utilisa pour la qualifier ne lui plu pas tant que ça mais elle n’allait pas chercher à le contre dire, vu l’état dans lequel elle était. Et du coup, elle hocha légèrement la tête alors qu’il lui disait qu’il n’avait aucune obligation à lui parler. Elle en avait parfaitement confiance. Mais des mois étaient passés depuis cette nuit là... Et s’il avait ouvert les yeux un peu plus tôt, il aurait pu constater qu’elle n’était plus aussi soumise qu’à son arrivée, depuis quelques temps déjà. Inspirant longuement, elle expira avant de répondre à ses précédentes questions et à ses propos.
« Un simple prof de fac qui accepte une lycanthrope chez lui et qui lui tient des propos presque effrayants concernant le sang et sa nature lupine... ? Penses-tu que je sois assez stupide pour ne pas avoir eu des soupçons sur toi, dès le départ ? Bien sûr que tu n’es pas un homme banal, Jilan... Mais je dois reconnaitre que tu joues bien ton jeu en ayant un tel but et je comprends parfaitement ton mutisme là dessus... »
Oui, elle laissait volontairement son avis sur le fait qu’il soit contre le Cercle en suspend. Mais il ne fallait pas sortir des Grandes Ecoles pour comprendre ce qu’elle pensait de cette organisation. Qui étant de leur côté tuerait en pleine rue ? Jilan allait-il vouloir qu’elle le lui dise clairement ? Elle attendrait de voir cela ou même la suite de la conversation. Une petite chose lui apparut cependant. Il venait de dire qu’il ne faisait confiance à personne... Mais ne venait-il pas de lui avouer être contre les autorités de la ville ? Ne craignait-il pas qu’elle quitte l’appartement pour ensuite aller le dénoncer ? Etait-ce un semblant -et début- de confiance ? Ou simplement de la confiance en lui-même ? Parce qu’il savait qu’elle ne quitterait pas les lieux vivante ? Elle était presque tentée de lui poser la question ! Mais elle se retient. Surtout que la conversation n’était pas encore terminée et qu’elle n’allait donc pas ajouter d’autres interrogations pour le moment. Et le moins que l’on puisse dire, c’était que la suite était riche en émotion. D’abord qu’il mette ses actions uniquement sur le compte de la jalousie ne lui plaisait pas. Comment pouvait-il dire cela alors que dès les premières secondes dans l’appartement, elle ne savait pas qui était l’intruse ? Sérieusement ? Quant à sa réaction trop violente. N’importe quoi !
« Si j’avais réellement agit violemment, j’aurais arraché la tête de cette vampire sans même chercher à savoir de quoi il en retournait. »
Oups. Ses pensées s’étaient transformées en paroles sans qu’elle y fasse attention. Se mordant légèrement la lèvre inférieure, elle se dit qu’elle ne pouvait pas terminer sa réponse de la sorte. Fermant deux secondes les yeux, pourquoi était-ce seulement à elle de parler honnêtement ? Elle reprit :
« Si je n’étais pas capable de mettre ces sentiments de côté, Eléanore ne serait pas sortie vivante de cet appartement Jilan. J’ai eu mille fois le temps de lui arracher la gorge et la dévorer alors que vous dormiez tout deux. Si ma jalousie avait-été réellement supérieure à ma loyauté, c’est ce qui se serait passé. Cela répond-il à ta question pour le futur ? »
Oui, elle ne mâchait pas non plus ses mots concernant ce qu’elle aurait pu faire à la vampire et ce qu’elle aurait aimé lui faire. A quoi bon ? Il avait accepté de cohabiter avec une bête après tout. Il était peut-être temps de lui montrer ce que cela impliquait ? Même si elle n’en avait rien fait... Et même si elle restait jalouse de la vampire, si Jilan continuait à lui interdire de la toucher, elle savait qu’elle ne le ferait pas. A moins d’en être contrainte pour sauver sa propre vie. Là, elle n’hésiterait pas. Leann avait accepté de donner sa vie à Jilan et à personne d’autre. Encore fallait-il qu’il en ait conscience... Ses pensées furent stoppées par la nouvelle prise de parole de son interlocuteur. Si elle était certaine de vouloir rester près de lui ? Mais qu’il pouvait se montrer stupide quand il le voulait ! Ne serait-elle pas déjà partie ? Avant même de chercher à en apprendre plus sur lui ? Alors que sa menace dissimulée lui arrivait aux oreilles, la jeune femme était en train de se dire qu’elle n’aurait pas prit le risque de lui poser ces questions en se doutant un peu des réponses. Encore une fois, elle n’était pas une idiote, alors elle savait sans même qu’il ne lui dise, que quitter ces lieux, signifierait mourir. Et qu’il lui dise qu’elle pouvait partir ! C’était du grand n’importe quoi ! Lui aurait-elle posé toutes ces questions sur son rejet, si elle voulait réellement le quitter ? Oui, pour le coup, qu’il insiste à ce point l’énervait mais elle fit de son mieux pour ne pas le montrer. Il parlait de maitrise de ses sentiments, c’était l’opportunité de lui prouver qu’elle n’était pas comme tous ces lycans qui s’enflammaient pour un rien. Peut-être qu’elle pouvait dire merci à sa nature d’ancienne soumise ? Son mouvement la surprit et malgré le fait qu’elle l’ait vu venir, elle sursauta légèrement au contact de sa main. Probablement parce qu’elle s’était attendue à ce qu’il la gifle pour son baiser ? Après tout, même s’il n’y avait pas répondu, il ne l’avait pas pour autant repoussé. Comme toutes les précédentes fois, elle écouta ses paroles, son regard dans celui de son amant. Il ne la croyait donc pas sur parole ? Etrangement, cela ne l’étonna guère. Mais qu’il poursuive en lui disant qu’il y aurait une possibilité que les choses changent était plaisait à entendre. La lycanne continua d’écouter attentivement ces propos, étant même rassurée en entendant qu’il ne cherchait pas une soumise. Ainsi donc, son ancienne personnalité n’allait pas lui manquer ? Quelqu’un capable de l’épauler ? Ne lui avait-elle pas dit qu’elle serait là pour lui ? Et qu’il pourrait compter sur elle ? Ecoutait-il seulement ses paroles ? C’était à se demander... Lentement, elle posa l’une de ses mains sur celle de Jilan qui était contre sa joue, puis, elle tourna la tête pour venir lui embrasser la paume. Elle y déposa alors une légère morsure avant de reprendre sa place initiale, le visage en face de lui, sans pour autant lui lâcher la main.
« Pourquoi ne resterais-je pas à tes ordres ? Je suis déjà forte mais je ne ressens aucune espèce d’envie de pisser plus loin que toi... » Formulation peut élégante, elle le concevait. « Quant à être cette personne... Evidemment que je le serais. J’en ai la force et l’envie, Jilan... » Sa détermination pouvait se lire dans ses yeux alors que Leann marquait une courte pause, se souvenant d’un point qu’elle pourrait aborder. « En ce qui concerne tes choix... J’ai tué deux personnes ce soir, dont un lycan... Et je n’en ressens aucun remord... Crois-tu que je possède toujours autant de moral qu’en demande le Cercle, pour ne pas accepter tes choix, quels qu’ils soient ? »
Et maintenant ? Allaient-ils rester sur le sol ? A se regarder dans le blanc des yeux ? Leann avait envie de lui poser davantage de question sur ce qu’il faisait réellement pour faire tomber ces idéalistes, mais s’il n’avait pas encore confiance en elle, le lui dirait-il ? Ou alors, peut-être qu’il allait vouloir savoir comment elle en était arrivée à ne plus être soumise ?
Comment Leann avait-elle imaginé la vie de son interlocuteur pendant tout ce temps ? C'était la question dont le Lightness brûlait de connaître la réponse. Il doutait que, parce qu'elle était silencieuse et n'insistait pas pour exiger de lui qu'il lui dise la vérité, la jeune femme n'était pas capable d'émettre des hypothèses à ce sujet. Même si leurs conversations au cours de ces derniers mois n'avaient pas évolué et que celle qu'ils menaient actuellement faisait allure d'exception et de grande avancée en ce qui concernait leur relation, Jilan s'interrogeait toujours sur la nature des arrières pensées de son interlocutrice. Les capacités qui lui étaient propres permettaient à l'intéressée de sonder, de manière très vague tout de même, l'humeur de la louve mais celle-ci était constamment bousculée par celle, plus sombre, de sa bête intérieure. Ce qui ne rendait pas les choses faciles ! Le fait que Leann n'essaya pas de le contredire quand il affirmait qu'il n'avait pas d'obligation de lui parler de ses activités, était déjà un bon point pour elle. Cependant, le jeune professeur crut sentir une légère tension dans le corps de la louve. Était-ce à cause des termes qu'il avait employé pour la qualifier ? Ou bien autre chose ? Il n'en savait rien, même s'il se doutait d'avoir la réponse sous peu. Le fait étant, que le Lightness avait noté ce changement, même infime, chez son interlocutrice, ce qui pourrait peut-être lui servir par la suite, ne serait-ce que pour mettre une émotion sur les propos de la lycanne. D'ailleurs, il n'eut pas à attendre longtemps avant que cette dernière ne s'exécuta à son tour et le jeune professeur dut reconnaître que ses paroles le surprirent. Enfin surpris était un bien grand mot pour décrire l'état-d'âme de son interlocuteur à ce moment précis. Il trouvait plutôt étrange le raisonnement de Leann. En quoi le fait d'accueillir un lycan semblait bizarre dans une ville peuplée de créatures surnaturelles ? Si encore le pouvoir en place avait tout fait pour les exterminer ou faire taire les rumeurs au sujet de leur existence tapie dans l'ombre des ruelles... Mais non, l'Avventura était connue pour sa tolérance envers ces mêmes créatures, la majorité de ses citoyens avaient adopté cette cohabitation, parfois difficile. Alors où était le problème ? Parce que la louve n'était pas toujours tombé sur des personnes gentilles avec elle ? En raison de sa nature profonde de bête ? C'était la seule explication qui venait à l'esprit de Jilan et il décida de la garder pour dit. Quant au fait qu'elle se demandait ouvertement s'il la trouvait stupide à ce point... Face à cette question, le Lightness répondit par un sourire, certain que son interlocutrice n'aurait pas apprécié la réponse. Après tout, son égo ne lui permettait pas de douter de sa propre couverture, encore moins lorsqu'il se rappelait l'état et la soumission de la louve à ce moment là. Depuis, les choses avaient évolué mais... Mais quoi ? Il n'en sut rien car la suite des propos de la lycanne lui plut, faisant oublier tout le reste. Il cachait bien son jeu ? Encore heureux tiens ! Sinon, ils ne se seraient jamais rencontrés puisqu'il aurait été arrêté immédiatement...
En revanche, Leann n'évoquait à aucun moment, son avis concernant la position de son interlocuteur et la sienne vis-à-vis du pouvoir en place. Le fait qu'elle prétende comprendre sa prudence à ce sujet, ne voulait pas dire qu'elle adhérait à ses idées, loin de là. Le silence de la louve était-il une manière comme une autre de lui faire comprendre qu'elle ne partageait pas son opinion à propos des lois de l'Avventura ? Peut-être mais Jilan préféra reporter la question à plus tard. La nuit promettait d'être longue, ils auraient tout le temps de mettre les choses à plat et décider de ce qu'il adviendrait de l'autre en cas de désaccord. Quand la lycanne se défendit au sujet de son comportement passé, l'humeur du Lightness oscilla. D'un côté, il appréciait de voir la jeune femme avec autant de hargne et d'agressivité en elle, prête à tuer pour lui. De l'autre côté, la personne ciblée était Eléanore, ce qui ne lui plaisait pas. Mais il ne jugea pas utile de prolonger ce débat puisque la louve devait certainement connaître son avis sur la question. Et puis, même si Leann faisait sans doute exprès de lui expliquer ouvertement tout ce qu'elle aurait pu faire subir à la vampire, et ce, pour diverses raisons, pour ensuite souligner le fait qu'elle ne l'avait pas fait, cette dernière conclut sa réplique par une question ouverte. Oui, elle répondait à ses propres interrogations. Et il ne pouvait pas ignorer que lorsqu'il reprenait des forces dans sa chambre, rien ne lui garantissait, sauf la parole de la louve, qu'elle ne ferait pas de mal à Eléanore. S'il s'était laissé faire, c'était que, dans le fond, il lui faisait un peu confiance, non ? Jilan ne pouvait pas croire qu'il ait agi avec autant d'inconscience en laissant les deux rivales seules, s'il doutait un seul instant de la loyauté de la lycanne et sa capacité à respecter son ordre. Sans qu'il ressente le besoin d'exprimer sa réponse de vive voix, il la fit passer dans son regard aux deux couleurs différentes. Et tandis qu'il plongeait ses yeux dans ceux de son interlocutrice, le Lightness comprit qu'elle avait saisi l'information de son côté. Parfois les mots n'étaient pas nécessaires pour faire passer un message, important ou non soit-il.
« Pourquoi ne resterais-je pas à tes ordres ? »
Pourquoi hein... ? Très bonne question de sa part. Compte tenu du comportement, certes violent mais toujours plus ou moins soumis de la louve à ses directives, peut-être qu'il était stupide de se poser la question. Surtout quand on voyait l'attitude qu'avait Leann en cet instant, là, à lui embrasser la paume de la main, comme un gage d'obéissance. Pourtant, le jeune professeur gardait à l'esprit que la lycanne possédait une force nettement supérieure à la sienne, que malgré ses menaces sous-entendues ou non, il n'aurait pas l'avantage face à elle dans ces conditions, et ce, malgré les blessures de son interlocutrice. Est-ce que l'intéressée en avait conscience ? Même s'il n'aimait pas l'admettre, Jilan dut reconnaître que oui, très probablement. Sinon, elle n'accepterait pas de lui servir de bouclier si elle-même, n'avait pas confiance en ses propres capacités d'attaque et de défense.
« Parce que cette force que tu as acquise te permettrait de faire tes propres choix ? Sans avoir à suivre mes directives ? » rétorqua t-il aussitôt sur un ton qu'il voulait neutre.
Ce qu'il ressentait vraiment à cet instant ? Difficile à dire. Curieusement, le Lightness n'était pas inquiet de la voir s'éloigner de lui. Cela faisait parti des règles du jeu et il savait quel sort lui réserver si jamais cela devait arriver. Peut-être un peu irrité à l'idée qu'elle puisse saisir cette opportunité pour ne plus avoir affaire à lui ? Après tout, elle-même reconnaissait qu'elle devait ses progrès à quelqu'un d'autre que lui, alors même que le jeune professeur s'était engagé à la rendre plus forte lors de leur seconde rencontre. Leann n'était pas stupide. Elle devait avoir compris qu'il ne pourrait rien lui apporter en terme d’entraînements physiques. Et même s'il se servait de son pouvoir sur elle, au final, il en ferait certainement plus les frais que la louve elle-même. Ce qui n'était pas le but recherché. La réponse de la lycanne lui parvint alors :
« Je suis déjà forte mais je ne ressens aucune espèce d’envie de pisser plus loin que toi... »
C'était tellement... inattendu et surprenant comme formulation de la part de son interlocutrice que Jilan ne put retenir un rire, certes court mais sincère. Dans le fond, c'était la réponse qu'il attendait de sa part et peut-être qu'il se laissait aller à son amusement parce qu'il se sentait soulagé tout d'un coup ?
« D'ordinaire, ce sont davantage les hommes qui utilisent cette expression... Surveille un peu ton langage... Surtout si ta présence à mes côtés devient quotidienne... »
A l'aide de son pouce, il se remit à caresser la joue de la jeune femme, presque avec tendresse, ce qui pouvait surprendre, compte tenu de la rudesse de certains de ses propos, peu de temps auparavant. Apprendre qu'elle se proposait comme son bras droit lui fit bizarre. Parce qu'il ne l'imaginait pas à ce poste ? Ou parce qu'il n'avait jamais osé la considérer comme tel ? Ils vivaient sous le même toit et elle lui était fidèle... Quoi de plus simple ? Heureusement que Leann poursuivit sur sa lancée, cela lui évita d'avoir à lui donner une réponse immédiate. La première chose qui le frappa, fut le chiffre donné concernant le nombre de victimes. Deux ? Qui avait été la première ? L'interrogation dut se lire sur son visage et dans ses yeux mais il s'en moquait. Son cerveau repassait en accéléré les événements de la soirée pour essayer de trouver la réponse de lui-même. Le Lightness se rappelait vaguement que sa colocataire lui avait dit qu'elle sortait pour une strip-tease à domicile. Serait-il possible que la première victime soit... ?
« Personne ne t'a vue au moins ? Je ne t'ai jamais ordonné de tuer jusqu'à présent, parce que j'ignorais si tu avais les nerfs pour cela. Mais si tu t'en sens capable, j'aimerai que tu fasses dans la discrétion. Les lycans ne sont pas réputés pour leur grand discrétion en matière de meurtres... J'aimerai que tu sois l'exception qui confirme la règle. »
Comment ça il se remettait à lui donner des directives sans même répondre à sa dernière question ? Tout en parlant, le jeune professeur avait déplacé sa main sur le visage de la louve, cessant de caresser sa joue pour venir la placer sous le menton de cette dernière. Avec seulement deux doigts, il s'en saisit, autant pour éviter que Leann ne détourne le regard, que pour lui faire comprendre, à travers ce simple geste, que ce n'étaient pas des paroles en l'air et qu'elle ferait mieux de s'y tenir à l'avenir. Jilan consentit alors à lui donner sa vision des faits.
« Tout le monde est capable de tuer pour se défendre ou protéger quelqu'un de cher. Cela dépend des individus bien entendu mais ça n'en demeure pas moins logique de mon point de vue. Je me doute que le Cercle emploie également ces méthodes, sans ouvertement le préciser aux civils impliqués. Reste à savoir s'il te reste encore trop de morale pour tuer froidement et sans raison, ou s'il te faudra me voir en danger pour agir. Je ne serai pas toujours là pour te dire quelle cible choisir et quand agir. »
Probablement grâce son odorat, la louve parvient à sentir quelques changements dans l’odeur de son interlocuteur alors qu’elle était en train de parler du sort qui aurait pu être celui de la vampire. Malheureusement, elle ne parvenait pas à mettre un nom sur ce qu’elle sentait. Peut-être était-ce à cause de sa fatigue ? Ou tout simplement parce que ces odeurs n’étaient pas assez fortes pour elle. Elle nota dans un coin de sa tête qu’elle allait surement devoir s’entrainer sur ses sens. Après tout, elle pourrait probablement s’améliorer là dessus aussi. Avec ce qui c’était passé cette nuit et cette idée en tête, son envie de revoir Bran se faisait davantage sentir. Sa bête intérieure gronda pour lui communiquer son approbation. Sans savoir pourquoi, son esprit la renvoya dans la maison de son client de ce soir, le sol luisant de sang frais et sans savoir pourquoi, elle se vit en compagnie du loup, se baignant tout deux dans ce liquide. Les lèches mutuelles pour se nettoyer par la suite, la firent sortir de ses songes. Qu’est-ce qui lui prenait de penser à ça maintenant ? La jeune femme se retient de lâcher un grognement en comprenant que c’était là une envie de sa bête. Mais ce n’était pas le moment de penser à ça ! Bien sûr qu’elle n’avait pas oublié la chasse qu’ils avaient prévu de faire ! Il lui faudrait plus que ce qui s’était passé cette nuit pour l’empêcher d’agir ainsi et revoir son ami. En pensant à lui, Leann était curieuse de savoir comment Jilan réagirait s’il apprenait son existence. Lui ordonnerait-il de ne plus le voir ? Parce qu’il aurait peur qu’elle ne s’attache trop au loup qu’à lui et qu’il y ait ainsi un risque qu’elle le trahisse ? Cette suite d’interrogation l’ennuya parce qu’elle ne voulait pas y penser pour le moment. Surtout qu’il y aurait une multitude de questions qu’elle aurait à se poser une fois la conversation avec son amant terminée. Bon pour un peu, s’il ne voulait pas d’elle cette nuit dans son lit, elle savait où ses pas la porteraient... La lycanne sorti de ses pensées lorsqu’elle croisa le regard de son interlocuteur. Avec ce qui se trouvait dans ses iris hétérochromes, elle senti un poids qu’elle ne pensait pas avoir sur le cœur, disparaitre. Par un simple regard ? Même si c’était difficile à concevoir, c’était bien le cas. Elle lui renvoya sa compréhension et peut-être un peu de gratitude dans le même temps. Dans le fond, elle ne s’était pas attendue à lire ce genre de chose chez son amant ce soir. Elle avait même craint qu’il ne comprenne pas son comportement. Mais elle s’était finalement trompée et elle s’en félicitait. Faisant fi de toutes les distractions qu’elle pourrait avoir dans son esprit, Leann était de nouveau prête à écouter tout ce qu’aurait à lui répondre l’homme. Et le moins que l’on pouvait dire, c’était que la suite l’ennuya. Ce n’était pas parce qu’elle avait de la force qu’elle devait ne plus tolérer les ordres. Bien sûr, elle avait conscience qu’elle n’en recevrait de personne d’autre et même si c’était le cas, elle ne l’écouterait pas -à une exception près peut-être pour le loup- alors elle trouvait ridicule la façon de penser de Jilan. Et ce n’était pas parce qu’elle suivrait ses directives, comme il le disait si bien, qu’elle ne prendrait pas pour autant de décision. Elle n’était plus soumise, ce qui signifiait qu’elle n’attendrait pas qu’on lui dise comment vivre pour vivre. Est-ce que le jeune professeur en avait seulement conscience ? Est-ce qu’il comprenait les différentes nuances dans cette relation avec une Leann qui décidait elle-même ? Elle eut envie de lui poser la question mais son rire la surprit. C’était surement la première note d’amusement sincère qui sortait de la bouche de son interlocuteur depuis qu’elle était revenue à l’appartement. Ses paroles et remarques furent accueillies par un faible haussement d’épaule qui voulait se faire passer pour des excuses. Son ordre l’amusa particulièrement, on aurait dit son grand frère des années plus tôt qui lui disait de surveiller son langage après qu’elle ait lâché son premier « merde » de sa vie. Mais repenser à Micah fut une grossière erreur, parce qu’elle senti son humeur se dégrader aussitôt. Si seulement elle ... Non, elle ne devait pas penser de la sorte ! Elle devait plutôt répondre à Jilan, chose qu’elle fit.
« C’était seulement pour illustrer que je ne ressens pas l’envie d’être plus dominatrice que toi, malgré ma force... Alors ne t’en fais pas pour mon langage en ta compagnie... »
Oui, elle n’avait pas été obligée de lui répondre dans le fond, mais cela lui permit de chasser certaines pensées qui lui revenaient en tête. Notamment celles concernant son frère et ce qu’il pourrait penser d’elle et de sa vie actuelle. Alors qu’elle allait se mordre la lèvre pour chasser encore plus loin ses pensées, le faible mouvement de pouce de Jilan s’en chargea pour elle. Ce qu’elle lui en était reconnaissante ! Pour un peu, elle allait lui lécher la main en guise de remerciement. Mais elle se retient de justesse, il s’agissait de son amant pas de son ami lupin. Elle doutait que son interlocuteur comprenne la même chose qu’elle voudrait faire passer dans son geste. L’inconvénient de ne pas être avec un lycan... L’interrogation dans le regard hétérochrome l’amusa un peu. Etait-il en train de se demander qui avait été sa première victime ? Leann s’exaspéra en s’imaginant être en train de lui faire deviner. Une vraie gamine. Si quelqu’un l’avait vu ? Elle avait été quelque peu bousculée par son acte mais pas au point de se montrer stupide ! Pourquoi n’arrivait-il pas à concevoir qu’elle puisse avoir un semblant d’intelligence ? Pensait-il vraiment que tous les lycan étaient comme on les décrivait ? C’est-à-dire avec des muscles et peu de cervelle ? Cette idée acheva de lui faire tomber le moral. Devait-elle lui avouer qu’elle n’était pas une louve de naissance ? Et que par conséquent, sa force n’avait pas prit le dessus sur ses neurones ? Elle le lui aurait bien dit s’il n’avait pas poursuivit dans sa lancée. Lui ordonner de tuer ? Il en aurait maintenant l’intention ? Maintenant qu’il connaissait son point de vue sur ses remords ? Alors qu’elle aurait pu mal prendre ses paroles, concernant justement ses compères à poils, il n’en fut rien. Et pour cause. « Etre l’exception qui confirme la règle ? » Pourquoi lui prouver qu’elle pouvait l’être lui plaisait autant ? Il fallait absolument qu’elle arrête de penser de la sorte. Elle ne serait rien de plus que celle sur qui il pourrait compter en toutes circonstances. Après tout, c’était surement plus délicat comme position que celle d’amante. Coucher avec elle n’était pas un problème mais lui faire confiance en était un. Et lui prouver qu’elle pourrait tenir se rôle était surement plus important que celui d’être dans son cœur. Pour cet ordre dissimulé, Leann ne prit pas la parole pour lui confirmer qu’elle avait comprit, elle lui laissa simplement voir dans ses yeux qu’elle le serait. Son geste au niveau de son menton ne lui déplu pas, s’il voulait continuer d’être dominant avec elle, elle ne chercherait pas à aller contre. Alors qu’elle allait répondre à sa question, concernant sa discrétion, son interlocuteur la devança. Ses paroles étaient cruellement vraies et elles trouvaient même un exemple pour les confirmer avec ce qui s’était passé dans cette ruelle, avec Blue et l’autre lycan. Elle écouta ses propos sans l’interrompre. Pour le coup, on aurait presque dit qu’il prenait son rôle de prof à cet instant. Mais ce ne serait jamais pour un cours mis dans le programme scolaire. La louve attrapa alors le poignet de Jilan dont les doigts étaient encore à son menton, pour venir lui embrasser la paume de la main une nouvelle fois, accompagné d’une lèche.
« Personne ne m’a vu, il habitait en retrait de la ville... Et j’ai pris soin de cacher mes cheveux, un peu trop reconnaissables et les traces de sang sur moi lorsque que je suis sortie... Je n’ai aucune envie de finir derrière des barreaux Jilan... » Mordillant légèrement sa paume, plus pour jouer qu’autre chose, la jeune femme reprit, en le regardant dans les yeux. « Je l’ai tué parce qu’il m’avait certes attaqué, mais surtout parce que j’en avais envie. J’aurai pu le laisser vivre mais j’en ai pas eu l’envie... Sa peur était exquise, les craquements de ses os sous mes crocs, jouissifs... J’ai aimé ça Jilan... Et je sais que je serais prête à recommencer autant de fois qu’il m’en sera possible. Même si ce n'est pas pour te protéger. » Leann marqua une autre courte pause, pendant laquelle elle se mit à la place de son interlocuteur et ce qu’il pourrait penser de ses paroles. « J’ai accepté d’aimer ça, comme tu l’as si bien dis, ça fait parti de moi... Et j’ai même trouvé un lycan qui avait ces mêmes envies. »
Merde. Elle n’avait pas eu l’intention de parler de Bran pour le moment mais partie dans ses explications, elle avait lâché l’existence de son ami. Comme Jilan qui avait laissé passer des paroles surement sans le vouloir, elle venait de faire la même chose. Dans le fond, ce n’était pas si grave, puisqu’elle comptait lui en parler mais pas pour le moment. Elle finit par laisser retomber la main de son interlocuteur après ses paroles, ne sachant pas comment il allait réagir face à cette nouvelle. Tout ce qu’elle espérait, c’était qu’il ne se sente pas trahit parce qu’elle ne chassait pas avec lui mais un autre. Mais peut-être qu’il le comprendrait ?
Est-ce qu'il appréhendait un peu la réponse de son interlocutrice ? Sachant -non sans surprise d'ailleurs- qu'elle s'était risquée à tuer en dehors de l'appartement, incluant des possibles témoins alors même qu'elle était aussitôt rentrée chez lui ? Jilan devait reconnaître que oui. Le simple fait que la louve ait pu guider les forces de l'ordre jusqu'à lui n'était pas agréable à admettre. Encore moins le fait que c'était aussi à cause de sa propre négligence... Même s'il pourrait toujours feindre l'ignorance sur les actes commis par sa... - Colocataire ? Concubine ? Amante ? Épouse ?! - lorsqu'il se retrouverait face aux enquêteurs chargés d'élucider l'étrange meurtre, le Lightness savait qu'il aurait le plus grand mal du monde à prétendre n'avoir pas vu rentrer la jeune femme plein d'une odeur des plus simples à reconnaître, y compris pour une créature dont l'odorat n'était pas le meilleur atout. Mentir était une chose. Mais mentir en ayant en plus, des preuves contre soi, n'était pas une situation facile à gérer. Devait-il dès à présent répudier Leann pour son manque de professionnalisme ? Autant pour s'en être pris à l'un de ses clients -ce qui était encore tolérable du point du vue du jeune professeur- mais pour être aussi revenue à l'appartement, chose qui était plus difficile à avaler. Jilan se rendit compte qu'il était parti très loin dans ses pensées, songeant déjà au pire alors même que la réponse de l'intéressée ne lui était pas encore parvenue. Ce fut lorsqu'il vit les lèvres de la louve remuer qu'il se força à écouter ce qu'elle avait à lui répondre. Et la première chose qu'il ressentit, fut clairement du soulagement. Lui, stressé ? Peut-être. Est-ce que Leann allait le sentir après le rapide coup de langue qu'elle avait passé sur la paume de sa main ? Il espérait que non, que son corps ne l'aurait pas déjà trahi. Seuls ses yeux avaient dû laisser échapper quelque chose mais au point où en étaient les choses, curieusement, le Lightness se moquait un peu de ce que la jeune femme pourrait apprendre sur lui ce soir. Elle en savait déjà plus que la plupart des personnes dont il avait fait la rencontre, de quoi allait-elle se plaindre alors même qu'elle partageait sa vie et son lit en prime ? Appréciant d'entendre qu'elle avait fait le nécessaire pour ne pas être reconnue, Jilan fut toutefois intrigué et satisfait par les derniers propos prononcés par la louve. Aucune envie de finir derrière des barreaux... ?
« Comme ça, nous sommes deux... » laissa t-il alors échapper sans même s'en rendre compte.
Dans le fond, ce n'était pas bien grave d'exprimer ce genre de pensée à voix haute. Puisque Leann avait à présent connaissance de son orientation politique, nul n'avait besoin de sortir des Grandes Écoles pour comprendre que le personnage n'avait pas envie de finir ses jours en prison du fait de ses actes contre le gouvernement en place. Même le pire des crétins aurait compris cela. Le jeune professeur ne bougea pas sa main, y compris lorsque son interlocutrice se mit à la mordiller. Il ne ressentait pas le besoin de la reprendre, ce contact humide, bien qu'il le chatouillait un peu, n'était pas désagréable. Tout comme la précédente lèche. C'était probablement un moyen qu'avaient les canidés de communiquer entre eux. C'était plus simple et rapide que d'employer des mots. Pourtant, le Lightness ne regrettait pas l'usage de ceux-ci, quand il pouvait se placer au-dessus de certains de ces créatures, parfois purement bestiales. En croisant alors le regard absinthe de la louve, Jilan fut surpris d'y découvrir une lueur qu'il n'avait encore jamais aperçue dans les iris de cette dernière. Tout simplement parce qu'il n'avait pas été en mesure de les croiser lorsque la lycanne s'en était pris à Eléanore un peu plus tôt dans la soirée. S'il les avaient aperçus à ce moment précis, peut-être aurait-il pu faire un rapprochement entre l'état d'esprit de Leann à cet instant et celui dans lequel elle s'était trouvée plusieurs heures auparavant ? Ou tout simplement, peut-être qu'il aurait pu s'assurer de la sincérité de la jeune femme, par le biais de ce simple regard, avant même qu'elle ne mette des mots sur ses émotions ? Dans tous les cas, ce qui suivit alors, plut radicalement à l'intéressé. S'il espérait un jour entendre la louve prononcer des phrases pareilles ? Et comment ! C'était un régal de l'entendre s'exprimer de la sorte. De savoir qu'elle avait enfin accepté sa partie lupine et les plaisirs que celle-ci procuraient. Même si ce n'était pas lui qui l'avait aidée à se trouver dans un sens, parce que le Lightness se savait pertinemment ne pas être la personne idéale pour cela, le jeune professeur ne put que faire taire la pointe de jalousie qui naissait doucement dans son être. Laquelle fut rapidement étouffée par la satisfaction de découvrir une Leann transformée. Jilan choisit cet instant pour récupérer sa main de la prise de la louve et lui reprendre le menton. Mais au lieu de la laisser à cette place, il déplaça son pouce pour venir le glisser entre les lèvres de son interlocutrice, sans se montrer brutal avec elle. Un peu autoritaire et dominant alors ? Quoiqu'il en soit, si son pouce rencontra d'abord les dents de la jeune femme, il parvint rapidement à se mouvoir à l'intérieur de la bouche de l'intéressée, laquelle fut libre d'en faire ce qu'elle voulait. Le Lightness voulait simplement s'amuser un peu avec elle et ses réactions, car jusqu'à présent, la lycanne n'avait pas cessé de l'embrasser, le lécher et le mordre légèrement. A quoi jouait-elle ? C'était l'une des questions qui revenait sans cesse dans l'esprit du jeune professeur. Cependant, quand il vit dans le regard de Leann que cette dernière souhaitait ajouter autre chose, il prit sur lui pour accéder à sa requête, ôtant alors le pouce de la bouche de la louve pour ensuite le passer lentement sur les lèvres de cette dernière. Et quand les propos de son interlocutrice lui parvinrent enfin, Jilan ne put s'empêcher de resserrer sa prise sur le menton de la lycanne, trahissant en même temps, ce qu'il ressentait à l'annonce du fait qu'elle avait partagé ses genres d'envies avec un autre lycan. S'il était jaloux ? Pas vraiment aussi sa prise redevint presque aussitôt naturelle avec la louve mais la fin de la réplique de l'intéressée lui revenait en tête. Dommage que les propos de ces dernières avaient plutôt bien commencé...
« Je vois... C'est une bonne chose que tu aies enfin fini par accepter mes recommandations. Ce n'était pas la peine de me jeter la pierre en prétendant que celles-ci faisaient peur. L'envie de chasse est quelque chose de naturel pour un lycan. »
Oui, même s'il reconnaissait ne pas être un expert des boules de poils, le Lightness estimait n'avoir que peu de chances de se tromper sur ce point. Et oui, il omettait volontairement de commenter l'existence de cet autre lycan. Pourquoi ? Parce qu'il n'avait pas de véritable avis sur la question pour le moment. Ce n'était pas plus mal que Leann ait la possibilité de chasser avec l'un des représentants de sa propre race à défaut de lui-même, encore plus si l'autre possédait visiblement les mêmes ambitions que le jeune professeur et son groupe. Peut-être qu'il devrait songer à rencontrer ce fameux lycan ? Gardant ce projet à l'esprit, Jilan reprit alors la parole, jugeant que cette position entre eux avait suffisamment duré :
« Relève toi Leann. Le thé doit avoir suffisamment infusé. »
Sa voix n'exprimait aucune contrariété comme la jeune femme aurait pu le redouter. Le Lightness était encore une fois, égal à lui-même et même si le timbre de sa voix n'était plus aussi caressant qu'auparavant à l'encontre de la louve, il n'en demeurait pas moins neutre. Ou alors il était trop fatigué pour s'énerver de cette révélation tardive ? Devait-il au contraire reprocher à l'intéressée de lui avoir cacher cette relation, amicale ou non d'ailleurs ? De quel droit ? Alors que lui-même avait mis tous ces mois avant de lui parler franchement ? Et même si Leann décidait d'aller plus loin avec ce mystérieux lycan, ce n'était pas comme si elle espérait quelque chose de sa part non ? Pourquoi resterait-elle avec ces sentiments à sens unique ? Le jeune professeur se rendit compte qu'il se posait soudain beaucoup trop de questions à son goût et entreprit alors de se remettre debout, puisque la lycanne s'était écartée de lui. En effet, le contenu de la casserole, auparavant parfaitement translucide et clair, venait à présent de prendre des teintes plus foncées, oscillant entre vert et brun. Le regard hétérochrome concentra toute son attention sur ce mélange, comme si la présence de Leann à ses côtés ne l'intéressait plus du tout. Puis, sans un avertissement, il versa le thé dans les tasses qui se trouvaient à proximité de la casserole, juste au cas où la louve déciderait d'en prendre une. Ce ne fut qu'après son mouvement exécuté et sa tâche achevée, qu'il consentit à reprendre la parole, toujours à l'intention de son interlocutrice.
« Garde à l'esprit que ce loup pourrait bien devenir l'un de tes ennemis un jour. Je te déconseille de lui témoigner trop d'affection ou tu finirais par en pâtir. Tiens le toi pour dit. Mais si tu souhaites continuer à t'amuser avec lui, je ne vois pas d'objections, si c'était ce que tu redoutais d'entendre. Tu n'es pas encore ma prisonnière à ce que je sache. »
Se disant, il se saisit d'une des tasses pour la porter à ses lèvres, mais sentant la chaleur s'élever hors du récipient pour venir lui chatouiller le bas du visage, Jilan jugea plus prudent d'attendre un peu avant de s'autoriser une première gorgée. Il se retourna alors pour faire face à la lycanne, le sourire aux lèvres, plutôt satisfait de ce qu'il s'apprêtait à ajouter.
« Sauf peut-être de mes caresses, tu ne crois pas ? »
Franchement... C’était quoi ce changement d’expression dans les iris hétérochromes de son interlocuteur, dès lors qu’elle lui avait fournit la réponse ? Probablement celle qu’il espérait. Il avait réellement cru qu’elle serait assez stupide pour sortir de la maison de son client, couverte de sang et avec des cheveux comme les siens, aussi visibles ? Elle n’avait peut-être jamais tué mais elle avait bien assez conscience du fait qu’elle risquait gros en ayant agit ainsi. Personne n’aurait à lui apprendre ce genre de choses ! Que Jilan se sente rassuré, du moins c’est comme cela qu’elle le prit, vexa un peu la louve. Il avait donc si peu confiance en elle ? D’accord, ce n’était peut-être pas une question très judicieuse avec ce qu’il lui avait dit plus tôt et le fait qu’il ne savait pas pour son changement de régime alimentaire. Mais quand même, elle n’était pas aussi sotte que cela ! Qu’il lui confirme ne pas vouloir finir enfermé, amusa Leann. Qui voudrait, sérieusement, finir ses jours dans une cage en métal -ou argent- parce qu’il s’était laissé aller à ses pulsions ? Personne. Comme elle ne voyait pas ce qu’elle pourrait ajouter et pensant même qu’il n’y avait rien à dire de plus, la jeune femme ne répondit rien sur ces paroles. Mais elle pouvait surement en penser quelque chose, comme le fait qu’il se laisse encore légèrement aller à dire ce genre de propos en sa présence ? Indiquant par là, le fait que ses actions allaient à l’encontre du concept du gouvernement, pour être sujet à l’emprisonnement. Dans le fond, elle pouvait le prendre comme une marque de confiance, une petite, mais cependant présente. C’était déjà un départ, non ? A moins qu’elle ne se fasse des idées toute seule avec ce qu’elle aimerait qui se passe ? C’était aussi une possibilité. Ce qu’il allait penser de ses propres paroles concernant ses pulsions bestiales ? Leann devait reconnaitre qu’elle était partagée sur ses pronostics. D’un côté, elle se souvenait de ses paroles le soir où elle était revenue chez lui, avec du sang sur elle. Du fait qu’elle n’avait pas à retenir ses envies, que c’était même dans sa nature. Mais d’un autre côté, elle ne savait pas s’il avait déjà eu l’occasion de voir un lycanthrope à l’œuvre. Le semblant de violence qu’elle avait utilisé sur la vampire n’était qu’un faible degrés de sa force. Etait-ce cependant assez pour qu’il commence à prendre peur de la bête qu’elle cachait en elle et de son potentiel de destruction ? Est-ce que Jilan avait réellement conscience de ce qu’était un loup en plein dîner ? Toutes ces interrogations venaient mettre un frein sur les paroles qu’avait prononcé son interlocuteur un peu plus tôt. Mais peut-être qu’elle se trompait lourdement ? Qu’elle n’avait pas assez confiance en lui, pour prendre ses paroles au pied de la lettre lorsqu’il lui disait qu’il ne la chasserait jamais de cet appartement ? Cette idée lui laissa un goût amer dans la gorge. Elle voulait lui hurler d’avoir confiance en elle, qu’elle n’avait aucune intention de le trahir, ce soir ou un autre jour, et voila qu’elle, elle avait dû mal à prendre en compte ce qu’il pouvait lui dire. Peut-être que c’était parce qu’elle avait des circonstances atténuantes ? Après tout, il n’était en concurrence avec personne, alors qu’elle, il y avait cette vampire. Et qu’il y aurait donc toujours un risque d’être remplacée. Sauf s’il arrivait quelque chose à cette dernière. Plus de rivale, plus de problème. La tuer et faire disparaitre son corps ne seraient pas un problème en soi et pour un peu, imaginer l’état dans lequel pourrait se trouver Jilan pourrait être une raison de passer à l’action. A cette pensée, Leann se retient de soupirer et se tourna mentalement vers sa bête pour la faire taire. Elle n’avait aucune envie de le faire souffrir de la sorte ! Perdre quelqu’un que l’on aime était surement la pire douleur qui puisse exister sur terre et pour l’avoir déjà expérimenter, elle ne pouvait pas accepter cela. Du moins, pas lui. Et Bran. La louve sorti de ses pensées au moment où elle senti le pouce de son interlocuteur venir essayer de se frayer un chemin pour atteindre l’intérieur de la bouche. Depuis quand il était en train de faire ça ? Elle n’en avait aucune idée. Mais lorsqu’elle reprit ses esprits, elle le laissa pénétrer, trop surprise par ce geste pour l’en empêcher. Que voulait-il qu’elle fasse ? N’en savant rien, la jeune femme fit la seule chose qui lui venait à l’esprit : le sucer en le mordillant légèrement. Et si ça ne lui plaisait pas ? Et bien, qu’il le lui dise ! Mais elle n’avait pas terminé de parler et elle fut agréablement surprise de voir qu’il ôtait son pouce, d’un simple regard pour la laisser libre avec sa bouche. Etait-ce parce qu’il avait passé des mois en sa compagnie ? Qu’il parvenait à comprendre ce genre de chose ? Même si elle n’était pas sa fiancée ? Leann faillit grogner à cette pensée, elle allait sérieusement devoir avoir une autre conversation avec sa bête. Les piques et autres qu’elle pouvait lui lancer mentalement ne passeraient pas sous silence ! La pression légèrement plus forte sur son menton lui indiqua que ses dernières paroles n’avaient pas forcément plus à son interlocuteur. Cette réaction, bien que courte, ne l’étonna pas. Peut-être qu’il n’appréciait pas qu’elle puisse avoir quelqu’un d’autre vers qui se tourner ? La réponse de Jilan faillit la faire soupirer. Il était en rogne pour se défendre de la sorte ? Parce que ce n’avait pas été une pique qu’elle lui avait lancé concernant ses propos, simplement la vérité au moment où il les lui avait dites.
Son ordre et surtout son excuse pour le lui donner fit serrer les dents de Leann. Genre, c’était pour le thé ? S’il n’avait aucune envie de l’avoir sur lui, autant qu’il le lui dise clairement au lieu de passer par quatre chemins ! C’en était vexant ! Presque à contre cœur, la jeune femme se leva et se recula d’un pas pour lui laisser la place de faire de même. Et maintenant ? Elle avait une multitude de question à lui poser mais elle ne savait pas si c’était le bon moment pour ça. Le temps que son esprit fasse le tour des possibles suites de conversation ou même de situations pour la fin de la nuit, Jilan avait déjà versé le thé infusé et reprit la parole. Elle avait été trop longue à se décider ? Elle mettrait cela sur le compte de la fatigue -physique et émotionnelle- de la soirée. Ses premiers propos firent sourire la louve, à défaut de la faire rire. Bran ? Devenir un jour son ennemi ? Leann trouvait cette idée plus que ridicule. Parce qu’elle avait une confiance trop aveugle envers ce loup ? Comment Jilan prendrait-il le fait qu’elle puisse mettre sa vie entre les mains de ce jeune lycan ? Probablement mal. Puisque cela reviendrait à remettre celle du jeune professeur également. Qu’il lui déconseille une chose pareille ne réprima pas son sourire, bien au contraire. Comment pouvait-il lui sortir des paroles comme cela alors qu’il avait lui même une fiancée, auquel il tenait -visiblement beaucoup- dans cette ville ? Franchement, donner des conseils qu’on n’était pas fichus de prendre pour soi, c’était un comportement bien petit. Et s’il n’avait pas poursuivit dans ses propos, il ne faisait aucun doute qu’elle lui aurait dit le fond de ses pensées. Il lui donnait l’autorisation de continuer à voir Bran ? Comme il le soulignait ensuite, elle n’était pas sa prisonnière et elle n’était plus non plus sa soumise -bien que certains de ses comportements pourraient le laisser croire-, alors elle était assez grande pour prendre ce genre de décision. Si c’était ce qu’elle redoutait ? Peut-être. Mais probablement pas dans le même sens qu’il l’entendait. Plutôt dans le fait qu’elle aurait surement désobéit à ses ordres s’il lui avait ordonné de ne plus voir ce jeune loup. Et s’il faisait un jour une telle chose, elle l’attaquerait sur le terrain de la vampire. C’était donnant-donnant.
« Il n’y a aucun risque pour qu’il me trahisse un jour, Jilan. Je ne peux t’expliquer pourquoi, mais j’en ai la certitude... » Elle marqua une courte pause pour marmonner. « Un truc de loup probablement. »
Elle ne savait pas s’il l’avait entendu mais à cette distance, il aurait fallut qu’il y ait plus de bruit dans l’appartement pour que ce ne soit pas le cas, même pour un être n’ayant pas une aussi bonne ouïe qu’elle. Elle le regarda se retourner et elle ne comprit pas son sourire. Sauf avec la suite de ses paroles. Elle avait bien entendu ? Pourquoi il lui sortait un truc pareil alors qu’il venait de retrouver la vampire ? Est-ce que cela signifiait qu’ils allaient continuer de coucher ensemble régulièrement ? Ce sujet était un peu trop vif pour qu’elle ne passe à côté.
« Pourquoi aborder ce sujet avec moi Jilan ? Allons-nous continuer à coucher ensemble, comme deux parfaits amants ? Ou c’est simplement pour me faire comprendre ce que j’ai perdu ce soir avec son retour ? Ne tourne pas autour du pot... S’il te plait. »
Sa voix ne dégageait aucune émotion. Elle n’était pas en colère si c’était le deuxième cas et elle n’avait aucune envie de laisser passer sa déception, s’il y avait -parce qu’elle ne restait pas avec lui pour le sexe-. Peut-être qu’il allait mal le prendre ? Qu’elle se protège ainsi de lui ? Mais comme elle ne savait toujours pas comment se positionner par rapport à lui, elle préférait rester sur ses gardes. Après tout, elle avait apprit à se protéger seule. Et puisqu’il n’était pas bête, il devait probablement le comprendre. Et si ce n’était pas le cas ? Allait-elle devoir s’expliquer avec lui ? Qu’elle prenne maintenant une certaine neutralité, alors qu’elle lui avait avoué des choses sur un ton avec plus d’émotions ? Leann se mordit la lèvre inférieure pour faire taire toutes ces questions et se contenter d’attendre la réponse de Jilan. Elle ne le quittait pas des yeux, cependant, pour lui montrer qu’elle était sérieuse dans ses propos.
Aucun risque pour qu'il la trahisse ? Sérieusement ? Non mais elle s'écoutait parler des fois ? Jilan eut l'envie irrésistible de lui rire au nez quand la louve eut fini de lui communiquer son opinion. Il trouvait tellement ridicule cette manière de penser ! Peut-être parce que lui-même savait par expérience qu'on ne pouvait accorder sa confiance de manière aussi aveugle à n'importe qui ? Devait-il lui renvoyer la vérité en pleine face ? Sa vérité ? Ou celle que les années lui avaient enseigné ? Après tout, Leann ne devait pas être au courant pour sa véritable race. Même si sa fiancée était l'une de ces créatures de la nuit, immortelles et regardant s'écouler leurs siècles d'existence, peut-être que son interlocutrice pensait sincèrement que lui-même, ne connaissait Eléanore que depuis quelques années tout au plus ? N'avait-il pas fait une allusion à ce sujet délicat un peu plus tôt au cours de la soirée quand il s'était adressé à la lycanne ? Le Lightness ne s'en souvenait plus et préférait éviter d'aborder de nouveau le problème, simplement pour justifier sa race. Si le flair de la jeune femme en face de lui n'était pas capable de l'identifier, tant pis pour elle. Quoiqu'il en soit, son envie de rire fut brutalement coupée par les quelques mots que Leann marmonna par la suite. Peut-être qu'elle avait plutôt l'intention de se parler à elle-même ? Manque de pot, à cette distance, le jeune professeur avait parfaitement entendu de quoi il retournait. S'il était irrité ? Et comment ! Non mais il admettait tout à fait ne pas avoir les mêmes capacités que son interlocutrice ici présente, autant du point de vue de la force que des sens tels que l'odorat ou encore l'ouïe. Mais de là à ce que la louve lui balance un truc comme ça, cela le faisait littéralement enrager.
« J'espère que ton instinct canin te garantit aussi contre les trahisons Leann. Parce que tu ne viendras pas pleurer dans mes bras le jour où ça arrivera. »
Le ton avait été net et tranchant, tout comme l'humeur du Lightness. Et si la jeune femme le prenait mal ? Il s'en moquait pas mal. Elle était toujours libre de quitter l'appartement si elle le désirait, leur engagement semblait vaciller de plus en plus. Cela se confirma lorsque la louve reprit la parole pour commenter son sous-entendu. Ne pouvait-elle pas simplement l'accepter avec un pauvre sourire ? Ou hausser les épaules en tournant les talons comme le faisaient toutes les femmes convaincues mais trop hautaines pour l'avouer ? Le terme de caresses pouvait également être employé pour désigner la relation entre un maître et son animal de compagnie, plus généralement un chat. Au stade où ils en étaient, Jilan aurait presque toléré que l'intéressée s'indigne de cette comparaison. Mais non, il fallait toujours qu'elle complique tout. Et elle ne voulait pas qu'il tourne autour du pot ? Parce qu'il avait seulement la manie de le faire ? De mieux en mieux. Leann et ses insinuations... Alors même qu'elle insistait auparavant sur le fait que vivre ensemble sous le même toit depuis plusieurs mois maintenant, permettait d'effacer un peu la distance entre eux pour se parler davantage ? Le monde ne tournait plus rond décidément... Pour essayer de rester calme un peu plus longtemps, le jeune professeur ferma les yeux pour lui communiquer sa réponse.
« Je ne vois pas de raison pour ne plus coucher ensemble. On le faisait déjà sans avoir de sentiments réciproques, le fait qu'Eléanore soit réapparue dans ma vie ne change rien, si ? Jusqu'à preuve du contraire, je ne t'ai pas chassée d'ici ou parler de la prendre comme amante, non ? Mais si tu ne veux plus partager mon lit, il te reste aussi le canapé. Quant à moi, je saurai comment m'occuper. »
Et maintenant ? A quel genre de réaction devait-il s'attendre ? Il n'en savait rien... La Leann soumise aurait probablement accepter son choix sans broncher mais la Leann actuelle... ? Allait-elle lui faire part de son envie de rester auprès de lui, encore une fois ? Allait-elle insister de nouveau sur le fait qu'elle l'aimait et en espérait plus de sa part ? Pour un peu, le Lightness aurait été amusé d'entendre la louve se dire prête à se battre pour l'obtenir. Ce n'était pas son genre, même en étant devenue plus indépendante et affirmée dans ses choix. Le jeune professeur s'autorisa une longue gorgée de thé avant d'éloigner la tasse de ses lèvres. Laissant le breuvage s'écouler dans sa gorge, il ouvrit lentement les yeux pour croiser le regard de la lycanne. Qu'avait-elle décidé ?
Dès lors qu’elle prononça sa réponse concernant Bran, elle senti l’humeur de son interlocuteur baisser d’un coup. Parce que cette remarque ne lui plaisait pas ? Parce qu’il ne concevait pas qu’une chose pareille puisse se faire ? Dans le fond, elle le comprenait parfaitement. Elle aussi avait fait confiance et c’était vu trahir. Et ce dès son plus jeune âge. Alors qu’il ne pense pas qu’elle puisse être aussi bête. Mais peut-être qu’elle n’aurait pas dû se lier aussi vite à ce jeune loup ? Simplement parce que les choses se sont passées de cette manière ? Mais il y avait quand même ce petit quelque chose qui l’empêchait de penser que son ami puisse retourner sa veste envers elle. Parce qu’elle pensait que les liens qui pouvaient unir des loups ensemble ne pouvaient être brisé aussi facilement ? Mais qu’est-ce qu’elle y connaissait vraiment en terme de lycanthrope et de leur fonctionnement de meute ? Penser à tout cela simplement parce que Jilan lui avait répondu comme tel, ne lui plu pas. Ou plus précisément, cela ne plu pas à sa bête et Leann dû se faire violence pour la faire taire. Sa partie bestiale n’appréciait pas le moins du monde qu’il puisse mettre la parole de Bran ainsi en doute. Et même si la jeune femme devait reconnaitre qu’elle était d’accord avec sa moitié, elle ne pouvait pas non plus ignorer ce qui poussait son interlocuteur à parler -et penser- de la sorte. Et puis, il essayait également de se prévenir contre elle, non ? Jugeant préférable de lui adresser ainsi la parole pour être sûr que les choses soient claires, qu’il faisait passer sa sécurité avant tout ? La seconde phrase du jeune professeur l’ennuya. Venir pleurer dans ses bras ? Pour qui est-ce qu’il la prenait au juste ? Elle ne se souvenait pas d’avoir fait une telle chose depuis qu’ils s’étaient rencontrés. Même à la mort de Danaliel, elle ne s’était pas réfugiée à proprement parler dans ses bras. Ce n’était donc pas maintenant qu’elle allait le faire. Surement pas maintenant ! Elle décida de ne pas répondre à ces propos du coup. Ca ne servirait probablement à rien d’essayer de parlementer sur un sujet que même elle ne parvenait pas à tout expliquer. Et puis, elle n’avait aucune espèce d’envie de se prendre la tête avec lui, surtout pas avec une bête proche de la surface et une fatigue qui ne faisait que s’accumuler. S’ils continuaient sur cette lancée, c’est-à-dire, qu’il lui envoie des piques, elle devrait se calmer pour ne pas être dans le même état que lui. Chose plutôt dangereuse en soi. Est-ce qu’il en avait conscience ? Ou était-il simplement en train de tester sa capacité à tenir tête à sa bête ? Au moins que ce ne soit rien de tout cela, et qu’elle était simplement en train de chercher des problèmes là où il n’y en avait pas forcément. Quand elle le vit fermer les yeux, elle se concentra sur son flaire et remarqua qu’il était en train de se contrôler. S’il voulait qu’elle parte, qu’il le dise ! Ses paroles, au lieu de l’énerver, la firent soupirer. C’était une manière détournée pour lui signifier qu’elle le faisait doucement chier avec ses questions ? Ce qu’elle ressentait ? Autant qu’elle aurait pensé être soulagée de l’entendre dire qu’ils pouvaient rester « proches » de la sorte, autant elle ne ressenti rien de particulier à ce moment précis. Parce qu’il avait parlé de telle sorte qu’aucune satisfaction ne puisse avoir lieu ? Mais dans le fond, elle appréciait cette réponse, le temps qu’il considère qu’elle avait encore sa place, même dans ce genre de moment. Cela lui allait. Et si cela changeait avec le temps ? Elle aviserait le moment venu. Leann le regarda faire en silence, elle attendit qu’il rouvre les yeux pour répondre. Ce qui ne prit pas tant de temps que cela.
« Très bien, pas la peine de prendre ce ton. C’était simplement pour savoir où je devais me placer vis-à-vis de toi. Amante ou simple garde du corps. Maintenant les choses sont claires. » A la fin de sa phrase, la jeune femme fit les quelques pas qui les séparaient et vint poser ses mains de part et d’autre du corps de Jilan, comme il avait pu faire quelques minutes avant. Elle lui lécha le bord des lèvres pour lui murmurer en le regardant dans les yeux. « Te sentir énervé est presque excitant... » Aussitôt ses quelques mots prononcés, Leann se détacha de lui pour ensuite tourner les talons, mais elle s’arrêta avant de sortir de la cuisine et leva son bras anciennement blessé. « Je te remercie pour ça. »
Après tout, il n’avait pas été obligé de la soigner comme il l’avait fait, en usant de son pouvoir et donc, de lui montrer encore une petite partie de lui. Dans le fond, elle en savait presque suffisamment pour se retourner contre lui et lui faire du mal si elle le souhaitait. Rien que ses réactions vis-à-vis de la vampire étaient dangereuses, puisqu’elle savait où frapper. Sortant de ses pensées, la jeune femme quitta les lieux pour aller dans la salle de bain et prendre une douche. Il lui restait encore quelques marques ça et là de ces deux précédents combats. D’ici demain maintenant, sa peau serait comme neuve. Leann ne resta pas très longtemps sous l’eau, et pour cause, malgré son endurance physique, elle commençait à tomber de fatigue. Elle se sécha donc et se glissa nue dans les draps de Jilan, qu’il soit déjà là ou non ne changeait pas grand chose à sa tenue.
Est-ce que sa mauvaise humeur s'était transmise à son interlocutrice ? Le laps de temps à partir duquel le jeune professeur ouvrit les yeux et l'instant même où Leann reprit la parole, parut vraiment très court du point de vue du premier. A moins que le vif intérêt qu'il portait à la réaction de la louve ne perturba sa notion du temps ? Quoiqu'il en soit, dès les secondes où les paroles de l'intéressée lui parvinrent, Jilan eut tout bonnement envie de soupirer de plus belle. Pas la peine de prendre ce ton ? C'était facile à dire quand on supportait des questions pareilles ? Si leur relation actuelle lui posait autant de tracas, le plus simple restait encore de faire ses valises dès à présent et partir vivre ailleurs non ? Pour le coup, le Lightness était tenté de lui faire en faire la remarque, pas d'une manière des plus subtiles, cela allait de soi. Cela faisait plusieurs heures déjà qu'il n'était plus totalement maître de lui et de ses sautes d'humeur subites, lesquelles influençaient largement le choix de ses mots. Il en avait conscience mais il n'avait pas non plus envie d'y changer quoique ce soit. Parce qu'il pensait connaître la position de Leann à ce sujet mais qu'elle ne s'attende pas non plus à des changements radicaux de sa part. Et l'évolution de son humeur en était preuve, il n'avait pas changé dans le fond. Toujours aussi désagréable dès lors que le soleil se couchait et qu'on l'attaquait sur des sujets qui lui déplaisaient. La fatigue se chargeant du reste. Peut-être même qu'ils feraient mieux de remettre à plus tard cette conversation qui redevenait houleuse entre eux, pour aller se coucher, chacun dans un côté du lit. Une bonne nuit de sommeil leur permettrait certainement de se remettre de leurs émotions respectives, se calmer et enfin converser calmement, comme cela avait été le cas au début de leur arrivée dans l'appartement. Malheureusement pour lui, la suite des paroles de la louve ne fit que raviver sa mauvaise humeur au lieu de l'adoucir. C'était seulement pour savoir cela ? Connaître sa place vis-à-vis de lui ? Pourquoi ne pas lui demander plus clairement au lieu de multiplier les questions ? Et après, on lui demandait de ne pas tourner autour du pot ? Franchement...
« Tu aurais dû commencer par là tout simplement... »
Oups, la réflexion lui avait échappé. Le jeune professeur s'était exprimé à voix basse, contrairement à ses répliques précédentes mais il se doutait que son interlocutrice avait parfaitement entendu. Pourtant, loin de protester devant cette remarque pas très agréable, Leann se rapprocha de lui, trop rapidement au goût de l'intéressé. Mais loin d'esquisser le moindre mouvement pour l'éviter, le Lightness l'observa faire. Son coup de langue le surprit, plus qu'il ne l'aurait cru alors même qu'il était à l'origine des sous-entendus un peu plus tôt. Quant à la suite... Elle le laissa littéralement sur le cul ! Que la louve lui murmure une phrase pareille, trop ambiguë pour être mal prise puis finalement faire retomber la tension en s'éloignant aussitôt de lui, était assez perturbant. Comment devait-il interpréter ces mots ? Était-ce là une requête sous-entendue pour qu'il agisse différemment avec elle dorénavant ? Ou simplement du sarcasme déguisé ? Comment savoir ? Les pensait-elle vraiment ou bien... ? Son approche et sa lèche pouvaient confirmer cette première hypothèse... Alors pourquoi partir rejoindre la chambre peu de temps après ? Pour le faire languir ? Lui signifier que malgré la décision de rester proches, même au lit, les choses ne seraient plus comme avant ? Dans tous les cas, ce geste et cette phrase eurent l'effet escompté : Jilan sentit toute colère le quitter. Parce que celle-ci était en grande partie remplacée par de la surprise ? Et peut-être un peu d'amusement aussi... Il fallait admettre qu'elle apprenait vite... Le regard hétérochrome suivit la silhouette féminine qui s'éloignait rapidement et lorsque celle-ci s'adressa de nouveau à lui pour le remercier d'avoir soigné son bras, le jeune professeur ne put réprimer un sourire de s'installer sur ses lèvres.
« Pour ça ? C'est quand même ton bras... »
Encore une habitude des lycans ? A ne pas se soucier de leur corps puisqu'ils possédaient une régénération plus rapide que la moyenne ? Aucune réponse ne lui parvint cette fois-ci et le Lightness vit son interlocutrice disparaître au coin du mur. Peu de temps après, il entendit nettement l'eau couler et il comprit qu'elle avait décidé de prendre une douche avant de se coucher. Chose qu'il aurait également dû faire de son côté mais la fatigue prenait le dessus sur sa motivation. Dire qu'il n'osait même pas jeter un coup à l'horloge de l'appartement pour s'assurer de l'heure. Mieux ne valait pas sinon il n'aurait jamais le courage de se lever le lendemain... Le jeune professeur demeura encore plusieurs dizaines de minutes dans le coin réservé à la cuisine. Sans même s'en rendre compte, le geste étant devenu plus mécanique qu'autre chose, il portait et éloignait la tasse, devenue tiède, de ses lèvres. Non pas qu'il désirait inconsciemment retarder le moment de retourner s'allonger aux côtés de la louve mais Jilan ressentait l'envie de demeurer un peu au calme, histoire de ressasser tranquillement les événements survenus au cours de cette soirée riche en émotions. Ce ne fut que lorsque sa tasse devint complètement vide, -jusqu'à la dernière goutte même !- qu'il se résolut à la reposer dans l'évier. La vaisselle attendrait demain, de même que pour le restant de thé contenu dans la casserole. Peut-être bien qu'il aurait besoin d'une tasse ou deux au lever du lit pour se remettre sur pieds. A moins qu'il ne vaille mieux pour lui de commencer la journée par un bon café ? Comme un moyen de tourner la page sur les événements survenus la veille au soir ? Le Lightness ferma une demie-seconde les yeux pour chasser ce genre de pensées puis prit également la direction de la chambre. L'eau ne coulait plus depuis plusieurs minutes déjà et ce fut donc sans surprise qu'il aperçut la silhouette de Leann, allongée sous les draps. S'il avait pensé qu'elle choisirait de dormir dans le canapé ? Oui mais jamais il ne l'avouerait à haute voix ! Sans un mot, le jeune professeur se déshabilla à son tour mais au lieu de se glisser dans le lit, du côté qu'il lui était réservé, il vint se coller dans le dos de la louve. Sans la toucher plus que nécessaire, simplement pour sentir sa présence à ses côtés.
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par Invité Jeu 10 Avr - 22:46