À chaque marché son prix de vente [PV Jilan]

Accepter de devenir le chef présumé des rebelles, laissait entrevoir quelques responsabilités en tant que tel, lesquelles avaient rapidement été reléguées au rang d'inconvénients pour Jilan. Constatant que sa route croisait celles de nombreuses potentielles recrues pour l'organisation terroriste, il semblait logique que celle-ci soit en mesure d'armer ses membres pour mener à bien ses projets non ? Le Lightness avait gardé cette théorie en tête et lorsqu'il s'était résigné à se rendre au repaire pour mettre de l'ordre dans les affaires du groupe, il maudit la louve pour la manière dont elle avait géré les financements des rebelles. La comptabilité n'avait jamais été son fort visiblement... Agacé par le manque de luminosité dans ce petit espace clos qu'était l'ancien bureau de la lycanne, le jeune professeur finit néanmoins par mettre la main sur un simple nom : Silver Bullet. Fronçant les sourcils, il contempla ce nom pendant quelques minutes. Pourquoi est-ce que Kyarra avait relevé cette information ? Non, cela ne semblait pas être l’œuvre de la louve... Telle qu'il l'a connaissait, elle se moquait bien de ce genre de détails puisque seule la force brute comptait réellement pour elle. Pourquoi se serait-elle emmerdé à chercher le nom d'une probable entreprise d'armes à feu -à en juger par le nom en lui-même- pour ses membres ? La lycanne n'était pas réputée pour accepter des faibles dans ses rangs... A moins que... Ce ne soit la dernière trace des recherches du précédent leader du groupe, celui auquel Kyarra avait succédé faute de nouvelles ? Cette hypothèse, bien que son fondements majeurs, semblait déjà plus pertinente aux yeux du Lightness. Il ne lui restait donc plus qu'à se pencher sur ce faible élément pour découvrir ce qu'il englobait et surtout, ce qu'il pourrait apporter aux rebelles. Après plusieurs jours de recherches déléguées ou non, le jeune professeur finit par apprendre l'existence d'une entreprise fondée sur l'armement dans toutes ses formes ou presque. Cela lui donna le sourire. Non pas que cela le réjouisse de voir ses théories se révéler juste -quoique...- mais il se dit qu'il allait peut-être enfin pouvoir pourvoir l'organisation en armes. Et avec le coffre que la louve leur avait gentiment laissé derrière elle... Jilan appela donc le numéro que ses recherches lui avaient permis d'obtenir et grâce à l'un de ses espions, parvint à éviter la case secrétariat qui, à force de le faire poireauter au bout du fil, n'aurait simplement réussi qu'à lui faire exploser son forfait... Il ignorait encore si la femme avec qui il avait conclu un lieu de rendez-vous histoire de parler affaires, était digne de confiance ou non. Peut-être même qu'elle n'avait aucun pouvoir au sein de l'entreprise et que leur rencontre ne le ferait pas avancer dans sa volonté d'armer l'organisation. Mais dans ce cas là, il se pourrait bien que l'envoyée sur place paye le prix fort pour l'avoir fait languir.

Une fois la date et l'heure du rendez-vous fixé à la suite de leur conversation téléphonique, le Lightness se perdit une nouvelle fois dans ses pensées. Ou plutôt, il essayait de se représenter son interlocutrice. Au bout du fil, la jeune femme semblait sûre d'elle et sa voix ne laissait paraître aucune hésitation. Si elle conservait cette attitude en face de lui, cela promettait d'être intéressant ! Lorsque le jour J arriva enfin, le jeune professeur se vêtit simplement : une chemise noire surplombant un pantalon tout ce qu'il y avait de plus banal. A la télévision, on annonçait une chaude journée, aussi inutile de s'habiller plus que nécessaire et comme il n'enseignait pas non plus ce jour-ci, Jilan préférait abandonner tout rapport avec l'université, y compris vestimentaire. Dans cette tenue, difficile de croire qu'il se rendait à un rendez-vous d'affaires, peut-être capital pour la suite des opérations des rebelles. Néanmoins, il conservait sa prestance habituelle. C'était tout ce qui lui importait au final. Il se rendit donc aux pieds de ce bâtiment dont les fonctions semblaient aussi multiples que mystérieuses mais après avoir consulté la liste des locaux attribués aux entreprises qui payaient un loyer pour les posséder, le jeune professeur fronça les sourcils en s'apercevant que le nom de Silver Bullet, n'apparaissait nulle part. Se pourrait-il que la compagnie ne possède pas de locaux permanents ici ? Seulement temporaires ? Devait-il bien prendre le fait que cette femme ne le recevait même pas au sein de ses propres murs ? Probablement pas. Le Lightness prit une profonde inspiration pour se calmer et pénétra à l'intérieur. Jetant un rapide coup d’œil sur ce qui ressemblait à s'y méprendre, à un simple hall d'accueil, il alla donc demander à la responsable des lieux derrière son comptoire, où pourrait-il trouver les locaux de l'entreprise concernée. La femme le dévisagea avec des yeux ronds et Jilan ne perdit pas son temps à écouter ses excuses l'informant qu'aucune compagnie de ce genre n'était enregistrée chez eux. Évidemment, avec un nom pareil, il ne fallait pas s'attendre à d'autres réactions que celle de son interlocutrice dans une ville aux mœurs si étroites... Conscient que sa requête avait quelque peu ébranlé la jeune femme, le Lightness décida de retourner la situation à son avantage en prétextant plaisanter à ce sujet, bien qu'il n'ait rien de drôle en lui-même. Et pour confirmer ses propos, il demanda alors à ce qu'elle lui indique l'emplacement de l'une des entreprises présentes dans le bâtiment, dont il avait vaguement retenu le nom sur l'écriteau situé à l'extérieur de l'immeuble. Un large sourire rassuré s'installa aussitôt sur le visage de son interlocutrice, qui s'empressa de lui répondre, non sans lui faire remarquer que son sens de l'humour était un peu particulier. Ce que le jeune professeur ne daigna pas relever. Ne disait-on pas de l'humour anglais qu'il l'était ? Bon, d'un autre côté, elle n'était pas non plus sensée savoir qu'il venait d'Angleterre. De celle qu'on avait connue, il y a de cela 300 ans...

Après avoir remercié rapidement la responsable de l'accueil pour son bon service, le Lightness prit aussitôt la direction des escaliers. Une chance qu'elle lui ait indiqué le troisième étage, cela lui donnait l'opportunité d'éviter l'ascenseur sans passer pour plus louche qu'il ne l'était probablement déjà, afin de visiter les autres étages en toutes discrétions. Peut-être que le fait que cette journée soit naturellement chaude et ensoleillée pour lui, tout ce qu'il désirait pour être au mieux de sa forme, n'était pas seulement le fruit du hasard. Peut-être que cette journée était réellement riche en opportunités pour lui ? Jilan l'espérait en tous cas, même si elle comportait déjà son lot de maladresses. Il ne prit pas la peine de saluer les personnes qu'il croisait sur son chemin. Il était venu pour un but bien précis et compte tenu de la réaction de la jeune femme de l'accueil, il doutait que quiconque ici puisse davantage le renseigner sur ce qu'il était venu trouver. Mais au détour d'un couloir, son regard fut attiré par quelque chose de brillant sur le sol. En s'approchant, le Lightness eut la surprise de découvrir une balle en argent, laquelle avait habilement renvoyé les rayons du soleil afin d'être remarquée au plus vite. Passée l'étonnement et après s'être discrètement assuré que personne ne l'avait vu faire, le jeune professeur glissa la balle dans sa poche. Puis il releva la tête en direction de la porte en face de lui, accroupi. Cet indice n'avait pas été laissé ici par hasard. Conviction qui ne se basait sur strictement rien du tout de concret et étrangement, Jilan y croyait. Encore une preuve supplémentaire qu'il allait bénéficier d'encore un peu de chance au cours de cette journée, puisque personne n'avait repéré la balle entre temps. A moins que sa partenaire ne vienne d'arriver sur place ? C'était déjà plus probable que la précédente hypothèse. Après tout, la chance finissait toujours par tourner non ? Il ne fallait pas qu'il compte trop là-dessus, surtout quand on savait quel genre de négociations il s'apprêtait à faire. En homme civilisé qu'il était, le jeune professeur frappa alors à la porte, s'étant relevé entre temps et pénétra à l'intérieur, jugeant le temps suffisant à sa mystérieuse interlocutrice pour s'être préparé à son entrée. Ils n'étaient plus des enfants, inutile donc d'attendre la permission de l'autre. La première chose qui attira le regard hétérochrome, fut la petite flamme vacillante d'une bougie installée sur l'une des tables de la pièce. Il existait encore des personnes avec des goûts pareils ?... Mais rapidement, la présence d'une autre personne dans la pièce lui fit oublier l'existence de la bougie pour reporter son attention sur la femme qui lui faisait face. Une belle rousse...également bien équipée, ce qui ne faisait aucun doute quant à sa profession.

 « Je crois que ceci est à vous non ? »

Tandis qu'il détaillait l'inconnue du regard, le Lightness avait plongé sa main droite dans la poche située du même côté. Un comportement pareil, ajouté à son silence, avait de quoi mettre sur ses gardes son interlocutrice, aussi ses mouvements ne furent pas brutaux, loin de là. Il en ressortit presque aussitôt la balle en argent et après avoir joué un bref instant avec entre ses doigts, il l'a lança en direction de la jeune femme. Qu'elle la rattrape ou non lui importait peu. Mais quel intérêt avait-il à conserver ce genre d'objet sur lui quand il ne possédait pas d'armes ? D'autant qu'il n'était pas non plus connu pour être un collectionneur de balles de toutes sortes...

 « Je suis assez surpris à vrai dire. Je m'attendais à être reçu dans vos bureaux, non dans un local loué pour l'occasion. Suis-je un client si peu fiable à vos yeux ? »

« Aussi jolis soient-ils... ? » Non, les circonstances de cette rencontre ne prêtaient pas vraiment à ce genre de commentaire de sa part. Dommage, il excellait dans ce domaine au vue des réactions de ses étudiantes. Et puis, il fallait le penser un minimum pour que la magie opère... Non ?

La flatterie avait toujours été quelque chose à sens unique du point de vue de Jilan. S'il se plaisait à s'en servir lorsque la situation le permettait et plus généralement, vis-à-vis de ses interlocutrices comme celle qui se présentait en face de lui, le jeune professeur n'accordait en revanche aucun intérêt quand on s'essayait à le flatter. L'inconnue devait certainement sortir ce genre de phrase type pour chacun de ses clients, afin de leur faire croire qu'ils étaient des privilégiés en sa présence alors qu'en réalité, pour ce genre de personne, il n'y avait que le sens des affaires qui avait réellement de l'importance. Mais ce point de vue, aussi contestable soit-il, ne dérangeait pas le Lightness. Pour être prêt à tout dans le but de parvenir à ses fins, il n'était pas très bien placé pour critiquer son interlocutrice. En parlant de cette dernière, Jilan notait chacun de ses mouvements, aussi bien son léger froncement de sourcils que son haussement d'épaules. Le moindre geste renseignait énormément sur l'état d'esprit d'une personne. Si bien que le Lightness pouvait sembler parfaitement immobile et indifférent à ce qui l'entourait, compte tenu du fait qu'il limitait au strict minimum ses mouvements, pour éviter de trop renseigner ses interlocuteurs de manière générale, bien qu'il rencontrait rarement des personnes aussi attentives et observatrices que lui-même. Il écouta donc les explications de la jeune femme, lesquelles tenaient plutôt bien la route, il devait le reconnaître. Après tout, la France n'autorisait pas le port d'armes sur ses habitants, encore moins le commerce de celles-ci entre particuliers. Comment avait-il pu imaginer un seul instant que la compagnie aux activités illégales, au regard de la loi, aurait ses propres locaux ? Parce qu'il était toujours possible de monter une activité créée de toutes pièces afin d'être utilisée comme couverture pour le fisc et les organisations de recensement des entreprises ? N'ayant jamais projeté de monter sa propre compagnie, Jilan ne connaissait que les grandes lignes du système, lequel ne convenait pas forcément à tout le monde. D'où le choix de son interlocutrice. Et quand cette dernière évoqua le simple fait de l'inviter directement chez elle, le Lightness ne put retenir un sourire amusé d'apparaître sur ses lèvres. En effet, bien que l'invitation en elle-même ne l'aurait pas dérangé le moins du monde, il doutait de la discrétion de cette proposition, surtout si l'un comme l'autre avait des raisons d'être suivi. D'autant plus que cela revenait à afficher son lieu de résidence et donc, se montrer plus vulnérable que l'on voulait bien le faire croire. En voyant cette main se tendre vers lui, le jeune professeur n'eut pas à réfléchir longtemps pour la serrer. Bonne poigne, bon état d'esprit. Mais quand l'information tomba, une lueur de surprise passa rapidement dans le regard hétérochrome. La PDG ? Sérieusement ?! OK il pouvait retirer tout ce qu'il avait dit sur la personne au bout du fil lors de son appel pour être mis en relation avec la compagnie. Il n'avait certain aucun moyen de vérifier que son interlocutrice lui disait bien la vérité mais si c'était effectivement le cas -et il dépêcherait peut-être quelqu'un pour enquêter à ce sujet-, alors Jilan était encore plus ravi de cette rencontre. C'était toujours agréable d'avoir affaire à une personne de bon sens et au bras long...

 « Jilan, meneur du groupe d'opposition que l'on nomme rebelles. Je n'enseigne à  l'université que dans le but de m'assurer une couverture. Mais cela, vous devez déjà le savoir je présume ? répondit-il simplement en lâchant la main de la jeune femme, toujours souriant.

Ce n'était pas rien comme révélation mais puisque la jeune femme avait joué plus ou moins franc jeu avec lui en lui déclarant clairement être à la tête de la compagnie qu'elle était venue représenter aujourd'hui même, pourquoi n'en ferait-il pas autant ? Cela pouvait être aussi bien pris comme un gage de confiance, signifiant que les deux interlocuteurs seraient au même niveau, et ce, tout au long de la conversation, en tant que possibles partenaires, tout comme cela pouvait être pris comme une preuve de faiblesse que de faire confiance au premier venu. Pour une fois, le jeune professeur avait décidé de faire taire la partie de lui qui hurlait de cacher son identité réelle, à cause notamment de ses capacités inférieures à celles des lycans, vampires et même élémentaires ! Sans parler des darkness, lesquels auraient nettement l'avantage sur lui une fois le soleil couché. Il gardait néanmoins à l'esprit qu'il devrait s'assurer par la suite, de l'engagement de son interlocutrice. Il était inconcevable que cette dernière s'amusa à signer des contrats avec n'importe qui, à commencer par ces bandes d'idéalistes au Cercle...

« Même s'il ne s'agit que d'une coïncidence, j'apprécie de rencontrer la personne à la tête d'une compagnie comme la votre. Au moins, nous pourrons aller droit au but sans multiplier les formalités. Et votre présence en ville est plus que la bienvenue si l'on est amené à reprendre contact par la suite... »

Le Lightness s'attendait à la voir répliquer quelque chose, au lieu de cela, la dénommée Mantis tourna les talons pour s'éloigner de lui. Cette réaction lui fit froncer les sourcils. Le local qu'elle prétendait avoir loué pour l'occasion n'était pas si grand que cela, inutile d'aller se poster à l'autre bout de la pièce pour discuter non ? Le regard hétérochrome observa le corps de la jeune femme se mouvoir loin de lui, sans plus d'intérêt. Il n'était pas là pour ce genre d'affaires. Ou alors, ils auraient tout le temps d'en reparler, après avoir conclu un marché pour la vente d'arme, activité principale de son interlocutrice. Cette dernière reprit la parole à ce instant, rappelant le pourquoi de leur rencontre et surtout, énonçant les différents produits à sa disposition. Avec un peu de recul, Jilan se dit qu'il aurait peut-être dû consulter les membres de l'organisation, ou du moins, ceux avec qui il était en contact étroit et les rares qui connaissaient sa réelle position dans le groupe, afin de discuter des types d'armes qu'ils souhaitaient acquérir. La priorité étant l'argent, pour neutraliser les boules de poils agressives, jugées plus dangereuses et à juste titre. Les balles en bois étaient plus rares, de même que pour les armes à courte portée, aussi le jeune professeur garda le silence, pensif. Ce ne fut que lorsque Mantis dévoila tout son attirail présent sur la table que le Lightness s'autorisa à sortir de ses pensées ou jeter un coup d’œil aux armes mis en avant. Diverses et variées mais toutes aussi mortelles les unes que les autres. Tout ce dont auraient besoin les rebelles...

 « Maintenant que vous savez à quel camp j'appartiens au sein de cette ville, inutile de vous préciser que je recherche principalement toute arme susceptible d'éliminer un lycan ou un vampire. Si vous avez des armes à feu pouvant tirer des balles d'argent et aussitôt changer pour des balles en bois, avec une certaine vitesse, cela m'intéresserait. »

Se disant, Jilan se rapprocha de la table où se trouvaient les différentes armes. Sa démarche le fit s'avancer également en direction de la jeune femme mais le regard hétérochrome demeurait rivé sur le contenu présent sur le meuble en bois. D'une main, il caressa pensivement le shotgun du bout des doigts, frissonnant sous le contact de l'arme contre sa peau. La plupart des armes présentées sur la table étaient impressionnantes et très certainement efficaces lors d'un raid contre les bâtiments du Cercle. Mais ce que le Lightness regrettait, c'était l'absence de discrétion dans chacune des armes. Certes, elles seraient puissantes, du moins, d'après ses vagues connaissances sur le sujet mais s'il comptait équiper des espions dans le but de les rendre moins vulnérables lors de leurs missions, il leur faudrait des équipements plus petits, sans réduire la puissance de tir dans le même temps. Et grâce au soutien de cette faussaire, leur fournir des permis pour le port d'armes ou même des licences ne serait pas un problème. Cela serait d'ailleurs plus facile d'opter pour des pistolets ou revolvers, contrairement aux idées reçues comme quoi, un couteau serait plus discret. Erreur. Comment justifier le port d'un couteau, rétractable ou non, sur soi, en pleine rue ? Les citoyens jugés ordinaires n'avaient pas le droit de porter ce genre d'arme sur eux. Les civils ne devaient leur protection qu'aux forces de l'ordre. Tandis qu'une arme à feu... N'importe quel permis pouvait se trouver. Avec un peu de coopération de la part de personnes compétentes dans ce domaine... Pivotant légèrement sur le côté, le jeune professeur vint se positionner de profil vis-à-vis de son interlocutrice, faisant à présent face à la table et prenant appui sur celle-ci, les deux paumes bien à plat, à quelques centimètres des armes. Le regard toujours rivé sur celles-ci, il reprit alors la parole, ignorant presque la présence de sa possible partenaire commerciale.

 « Pour répondre à votre question, les armes que je vois ici sont appréciables...pour des raids armés. Mais j'aimerai voir ce que vous avez en terme de pistolets ou revolvers. Toujours en gardant à l'esprit la possibilité de passer d'un type de balles à un autre en fonction des cibles. Je veux de la discrétion pour nos espions infiltrés, non pas un équipement complet qui les feraient être remarqués aussitôt. Quant aux couteaux... Je veux bien y jeter un œil, par simple curiosité car il m'arrive d'en porter sur moi. »

Lorsqu'il se tut enfin, Jilan laissa passer un silence avant de se saisir de l'arme qu'il avait précédé caresser du bout des doigts. Grâce à la disposition de la table au centre de la pièce, il put faire semblant de viser un point invisible droit devant lui. Il garda la pause ainsi, silencieux. Le poids de l'arme était bien réparti sur l'ensemble de l'objet, preuve étant que le travail avait été bien fait dessus. Au moins, l'équipement serait de bonne qualité. Mais même si le Lightness la trouvait presque trop lourde à manipuler pour lui, il ne faisait aucun doute que les créatures qui constituaient le groupe terroriste, dont la force supérieure à la sienne, la trouveraient bien trop légère... Est-ce que c'était un inconvénient ? Pas forcément mais puisqu'on avait de la marge sur le poids, pourquoi ne pas augmenter celui-ci en incluant de nouvelles fonctionnalités sur l'arme en question ? Ou tout simplement en l'améliorant encore, bien qu'elle semblait déjà être parfaite sur de nombreux points de vue ?

Sa requête concernant l'adaptation à différents types de balles pour chacune des armes proposées sur la table, sembla plonger son interlocutrice dans ses pensées. Réfléchissait-elle réellement à sa demande ou bien... ? Jilan préféra éviter de se pencher sur la question plus longtemps, puisqu'il n'obtiendrait probablement pas la réponse immédiatement. A supposer que la jeune femme accepte de conclure un contrat avec lui pour ensuite faire de son mieux pour fournir le matériel exigé en contrepartie. Les choses sérieuses n'étaient pas pour tout de suite. Le Lightness reposa alors l'arme, abandonnant ses réflexions silencieuses concernant le poids de celle-ci. S'il demandait à voir ce qu'on pourrait faire à ce sujet, en fonction des différentes races présentes au sein de l'Avventura, il se pouvait que Mantis lui rit simplement au nez. Parce que prévoir des armes pour un lycan ou un vampire, pouvait se révéler cruellement risible. Puisqu'il s'agissait des deux races les plus puissantes, du moins, du fait de leurs capacités respectives. Lesquelles variaient ensuite selon les conditions du combat et selon le type d'adversaire qu'on leur opposait. Même remise à sa place initiale sur le meuble en bois, Jilan laissa longtemps son regard posé sur l'arme. D'un point de vue extérieur, on pouvait croire qu'il s'était de nouveau laissé perdre dans ses pensées alors qu'en réalité, le jeune professeur réfléchissait déjà à autre chose que le matériel étendu sur la table. Et en sentant du mouvement en provenance de l'endroit où se trouvait toujours son interlocutrice, le Lightness lui jeta machinalement un coup d’œil. Il ne se sentait pas particulièrement en danger dans cette situation, puisque la PDG n'avait probablement aucun intérêt à tirer de voir sa tête tomber. Mais on n'était jamais assez prudent, c'était bien connu... Aussi Jilan arqua t-il un sourcil en voyant la position adoptée par la jeune femme. Cette dernière avait en effet levé sa jambe pour prendre appui sur l'un des pieds de la table. Dans d'autres circonstances et vêtements, cela aurait pu se révéler être une position des plus aguicheuses et délicieuses à contempler. Dommage qu'il ne soit pas venu pour ce genre d'affaires là.

Le regard hétérochrome remarqua aussitôt l'imposant attirail que son interlocutrice portait autour de sa jambe. Cette femme là n'avait pas dû passer inaperçue sur la route qui l'avait menée jusqu'ici. Devait-il lui en faire la remarque ? Simplement pour s'assurer que leur rencontre resterait un secret professionnel entre eux ? Il serait bien embêtant que le Cercle et ses espions décident de se mêler de leurs histoires. Ce nouvel étalage des produits de la compagnie représentée par son interlocutrice, capta encore une fois l'attention du Lightness. Il y en avait effectivement pour tout les goûts avec cette femme, ce qui n'était pas pour lui déplaire. Rien que d'imaginer les ravages que ces armes pourraient causer... Mais lorsque Mantis s'attaqua à lui présenter son choix d'armes blanches, le jeune professeur se retint de faire la moue. Il n'était décidément pas aussi emballé par cet ensemble de couteaux, aussi efficaces et séduisants soient-ils, que par celui des armes à feu. Mais puisqu'il avait déjà pu s'assurer par lui-même de l'efficacité d'un simple couteau à cran d'arrêt en cas d'une situation gênante, Jilan ne pouvait pas non plus cracher sur cette proposition. Surtout si ce genre d'armes convenait à plusieurs de leurs recrues. Du moment que ces dernières se montraient efficaces dans les missions que l'on leur dictait, il n'allait pas non plus s'amuser à leur mettre des bâtons dans les roues en lui imposant un modèle d'arme par défaut. Ce serait stupide de sa part. La remarque de la PDG lui arracha un autre sourire amusé, le faisant un peu revenir au moment présent par la même occasion. Tandis que la jeune femme s'occupait à ranger l'éventail pour le moins sympathique mais de loin son genre d'arme, le Lightness reporta son attention sur les deux catégories d'armes qui se présentaient à lui. Vous l'aurez bien compris, sa préférence allait pour les armes à feu. Jilan balaya du regard les différentes armes, posées bien en vue et finit par porter son choix sur le couteau à cran d'arrêt. Pourquoi celui-ci et pas un autre ? Et bien, il maîtrisait son utilisation, tout simplement. Et plutôt que de se ridiculiser bêtement en choisissant une autre arme, le jeune professeur avait naturellement préféré celle-ci. Il joua avec entre ses doigts, comme un enfant ignorant le caractère tranchant de la lame. Se couper ne l'effrayait pas, bien au contraire. Son penchant pour le liquide sanglant n'avait pas disparue au cours de ses 300 siècles d'existence parmi les Hommes. Cependant, une question lui effleura rapidement l'esprit.

 « J'ose espérer que chacune de vos lames est d'argent ?... »

La tournure de la question en elle-même pouvait laisser transparaître une certaine suffisance de la part du Lightness. Peut-être était-ce le cas qui sait ? Surtout qu'aucun accord n'avait été officiellement conclu entre eux, alors se prendre pour le maître de la situation semblait un peu précipité. Et puis, même si le jeune professeur avait demandé, d'entrée de jeu, à ce que les armes commandées soient efficaces contre des lycans ou vampires, il savait parfaitement que son interlocutrice n'aurait pu prévoir le coup à l'avance, sans connaître les exigences de son client. Qu'elle lui réponde que ce n'était pas le cas ne faisait rien. Mais si elle était aussi vive d'esprit que bonne commerciale, Mantis devrait comprendre que par la suite, le choix du matériau utilisé lors de la fabrication des lames de ses produits ne serait plus une question de goût. Sans même attendre une réponse de sa part, Jilan continua de s'amuser avec le couteau, jusqu'à s'immobiliser d'un seul coup, pour s'ouvrir la paume de la main sur toute la longueur. Compte de la taille de la blessure, il prit néanmoins le soin de ne pas enfoncer trop profondément la lame, sinon il était bon pour aussitôt partir en direction des toilettes, stopper le saignement. Et contre toutes attentes, ce ne fut pas une grimace de douleur qui apparut sur ses lèvres mais un large sourire satisfait, quoiqu'un peu crispé, du fait de la douleur très certainement.

 « Tranchante. Voilà qui est parfait. Ne me regardez pas comme ça, j'aime m'assurer de la qualité de la marchandise. Si vous n'acceptez pas que je nettoie l'arme afin de vous la rendre, je la payerai pour vous en débarrasser. »

Se disant, il entreprit tout de même d'essuyer la lame du couteau avec un bout de sa chemise. Il avait bien fait de porter une chemise noire aujourd'hui : le sang ne se voyait presque pas, c'était à peine si l'on pouvait distinguer la trace plus sombre laissée par le liquide. Le Lightness reposa donc l'arme blanche avec les autres et sans faire attention à sa blessure dont le sang coulait légèrement, reprit :

 « Ce que vous me présentez me convient parfaitement. Je n'ai pas besoin de démonstrations ou d'arguments supplémentaires, ma seule requête étant la double fonction des balles et l'utilisation d'argent pour les lames de vos armes blanches. » déclara t-il, avant de s'interrompre un instant.  « Combien demandez-vous ? »

Ayant pris le temps de marquer une pause afin de chercher ses mots, le jeune professeur tourna alors la tête pour venir planter son regard hétérochrome dans les iris de son interlocutrice. Rien qu'avec cet échange, cette dernière avait pu comprendre que les choses sérieuses allaient commencer entre eux. La négociation ne faisait que commencer. Mais aucun des deux ne pouvait prédire sa fin ou pendant combien de temps elle allait durer.

Avait-il bien fais de s'entailler la peau du creux de la main devant sa probable partenaire commerciale ? Peut-être que non, et ce, pour deux raisons majeures : la première étant que son interlocutrice pourrait se faire de fausses idées sur lui -chose dont il ne souciait bien peu en réalité mais il préférait mettre toutes les chances de son côté pour conclure un contrat avec elle- et cette idée persista longtemps dans l'esprit du Lightness, malgré le sourire qu'eut Mantis à la suite de sa remarque concernant son geste. La seconde, parce qu'il n'allait pas pouvoir s'occuper de sa blessure immédiatement. Une chance que celle-ci ne soit pas très profonde. Il y avait vraiment des jours où il regrettait de ne pas être l'une de ces créatures réputées pour leur régénération ultra-rapide. Et s'il pouvait choisir, le jeune professeur aurait opté pour la race vampirique, sans aucune hésitation. Son penchant pour le sang en était peut-être la motivation première mais la simple idée de ressembler à l'une de ces boules de poils avec plus de muscles que de cervelle... Très peu pour lui. Mais tandis qu'il se faisait ce genre de réflexions silencieuses, Jilan constata que s'il avait réellement été l'une de ces créatures de la nuit, il n'aurait pas pu se retrouver en ce moment précis, face à la PDG. Oh bien sûr, il existait quelques combines, plus ou moins pratiques pour se mouvoir en plein jour mais les risques restaient élevés. Non, vraiment, être un vampire comportait des inconvénients non négligeables aux yeux du Lightness. C'était peut-être ce qui le retenait de pousser plus loin la réflexion à ce sujet. A supposer seulement qu'il puisse un jour se transformer en vampire. Rien n'était moins sûr, puisqu'il était déjà une créature qui avait vaincu la mort... La voix de la rousse le tira de ses pensées et le jeune professeur reporta son entière attention sur elle. Si le début de sa première phrase avait de quoi le satisfaire amplement, la suite un peu moins en revanche. Non pas que l'optique de la revoir afin de programmer d'autres commandes en matière d'armement lui déplaisait mais à l'heure actuelle des choses, Jilan n'avait pas d'idée très précise de la quantité d'armes qu'il souhaitait commander auprès de son interlocutrice. Et cette dernière lui poserait très certainement la question. A moins que les détails pratiques ne soient reportés pour une prochaine rencontre, disons, plus formelle encore que celle-ci ? Pourtant, lorsque Mantis évoqua de nouveau le sujet des balles entre eux, le Lightness prêta une attention toute particulière à ses propos. Il fut tour à tour déçu et surpris de ce qui suivit. L'ingéniosité de la jeune femme était surprenante mais dans le bon sens du terme. En voilà une qui savait contourner un problème pour mieux parvenir à ses fins. Cet état d'esprit lui plaisait. Sans avoir besoin de la connaître davantage -bien que cela aurait pu se révéler utile compte tenu des projets qu'il avait en tête-, Jilan sut qu'il devrait bien s'entendre avec l'intéressée. Peut-être pas sur un plan horizontal mais au moins pour les affaires. Sauf si elle se révélait encore plus tenace qu'elle ne le laissait paraître en ce qui concernait les prix ? Sujet qu'elle évitait soigneusement pour le moment...

D'abord plus intrigué que réellement intéressé par les rapides coups de crayon de la PDG, le jeune professeur ne s'approcha pas immédiatement de cette dernière, préférant écouter ses explications orales, en suivant vaguement du regard, l'évolution du dessin sur la feuille dépliée pour l'occasion. Ce ne fut que lorsque Mantis aborda des détails plus techniques, que le Lightness se rapprocha d'elle, passant dans son dos mais suffisamment grand par rapport à son interlocutrice, de sorte qu'il puisse jeter un coup d’œil au croquis par-dessus l'épaule de l'intéressée. Sans être une artiste hors pair, la jeune rousse savait se faire comprendre par le biais de son crayon et son client put aisément se faire une représentation de la balle en question, bien qu'à écouter les explications de la PDG, il ne s'agissait encore que d'un prototype, pour lui, comme pour elle. S'il était ravi de la confronter à de nouvelles choses au travers de ses requêtes ? Et comment ! Mais pour le moment, l'heure n'était pas à se réjouir. Convaincu par l'argumentation de son interlocutrice, Jilan la laissa s'écarter légèrement de la table pour prendre place sur une chaise, disposée non loin. Le regard hétérochrome ne suivit pas l'agréable silhouette mais demeura concentré sur le dessin. Ce n'était pas pour en apprécier le talent mais plutôt pour réfléchir à tout ce qui venait d'être dit. Le prototype proposait diverses possibilités à exploiter mais une inquiétude soudaine fit son apparition dans l'esprit calculateur du Lightness. Et bien quoi ? Il n'allait quand même pas se contenter de formuler des requêtes et d'attendre sagement que son interlocutrice lui offre ce qu'il voulait, sans émettre de commentaires constructifs non ? Caressant doucement le papier du bout de son index, le jeune professeur le fit glisser à plusieurs reprises le long d'un même axe, axe sur lequel devrait logiquement se situer l'épine en argent évoquée plus tôt par Mantis. Sous ce contact répétitif et insistant, la trace du crayon devint plus foncée et fondue dans le même temps, comme s'il s'agissait de fusain. Mais n'étant pas un artiste dans l'âme, loin de là, Jilan ne s'en fit même pas la réflexion. Le geste en lui-même n'avait servi qu'à appuyer sa réflexion, jusqu'à là silencieuse, du moins, avant qu'il ne décide d'en faire part à sa probable partenaire.

 « Intéressant, très intéressant. Vous êtes pleine de surprises ! Mais ne pensez-vous pas que l'épine risque de fragiliser la balle en elle-même ? Le bois est un matériau plus fragile que l'argent. Il pourrait se fissurer sous la pression de l'épine, combinée à différents facteurs, comme un changement de température brutal ou un choc si l'arme venait à heurter le sol. »

Tout en parlant, il avait ôté son doigt du dessin pour croiser un bras, celui qui présentait dorénavant un doigt dont l'extrémité était plus sombre que les autres, tout en portant son autre bras pour venir se saisir de son menton. Dans cette position, il incarnait plus que jamais le professeur réfléchi qu'il pouvait être lorsque la situation se présentait à lui. Mais sa pause n'avait pas seulement pour intérêt de lui permettre de mouvoir ses membres. Son regard se détacha alors du croquis pour venir se perdre dans celui de son interlocutrice, tandis que le même sourire indéchiffrable flottait encore sur ses lèvres.

 « Sauf bien sûr, si vous adaptez la taille de l'épine en fonction de l'épaisseur de la balle ou réciproquement. Mais je ne veux pas non plus que vous soyez contrainte de me fournir des armes spécialement calibrées pour tirer ce genre de balles. Elles devront être utilisables par n'importe quel modèle d'armes à feu. A plus forte raison, les pistolets. »

Laissant la jeune rousse se perdre à son tour dans ses pensées, le Lightness l'observa en silence. Peut-être laisserait-elle encore passer quelques minutes avant de lui répondre franchement, comme elle l'avait fait pour le sujet des balles multifonctions ? A moins qu'elle n'estime pas nécessaire de lui répondre quelque chose puisqu'elle connaissait mieux son métier que lui ? Cette idée l'amusa dans le fond, bien que cela ne transparaisse pas dans son sourire de circonstances. Pourtant, quand son interlocutrice se mit argumenter sur un tout autre type d'arme, en fonction des situations que le groupe terroriste serait amené à vivre, Jilan ne put s'empêcher de perdre son sourire pour arquer un sourcil, perplexe. S'il savait au fond de lui, qu'il n'était pas en mesure d'expliquer son métier à l'intéressée, il aurait préféré qu'elle s'abstienne de lui conseiller des armes suivant ses projets futurs, projets dont elle ne savait rien. Défendre une base ? Le secret de l'emplacement de la Grotte n'avait pas été gardé pendant tout ce temps pour que le premier niais du Cercle s'y pointe, accompagné de renforts ou non. C'était l'avantage du repaire des rebelles. Bien caché et bien équipé pour préserver ses membres de l'extérieur pendant une longue période. Poli avant tout chose, le jeune professeur consentit donc à la laisser poursuivre, l'écoutant distraitement jusqu'à ce que la valise dévoile les aspirations de vente de sa propriétaire. Ce qui acheva de compléter le scepticisme naissant du Lightness. En effet, cette arme de destruction massive que lui proposait Mantis avait de quoi séduire. Mais à l'heure actuelle, Jilan ne voyait pas en quoi elle pourrait leur servir, concrètement. L'organisation comportait encore trop peu de membres actifs pour se risquer à tenter un assaut de front contre le Cercle, bien équipés ou non, cela ne changerait rien au résultat final. Et perdre des recrues inutilement, n'était pas dans ses intentions premières. Voilà pourquoi il cherchait d'abord à se procurer des armes discrètes mais efficaces, dans le but d'amener progressivement l'usage de consœurs disons, plus imposantes. Restait à développer son point de vue en regroupant tout ceci...

 « Il y a une raison pour laquelle je vais vous ai rapidement orientée vers des armes plus discrètes que ce que vous tenez actuellement. Je ne remet pas en question l'efficacité de votre lance-roquette mais les missions que j'envisage devront se faire dans la discrétion la plus totale. D'où l'inutilité de cette arme... Pour le moment du moins. Car je suis certain que vous saurez nous fournir un équipement de qualité, j'attends donc de voir si vous pouvez accéder à mes requêtes, aussi exigeantes soient-elles, avant d'opter pour des commandes plus importantes. Entre professionnels, on se comprend. »

Se disant, il se retourna complètement pour tourner le dos à la table mais en s'y appuyant malgré tout, la tête toujours orientée en direction de son interlocutrice et de l'arme imposante qu'elle tenait en appui sur son épaule. Sans l'admettre de vive voix, le Lightness était impressionné qu'elle puisse soulever un engin pareil, sans aucune aide. Lui-même n'était pas certain d'y parvenir mais il préférait compenser son manque de muscles par autre chose... Chacun ses atouts.

Son argumentation semblait avoir porter ses fruits sur la détermination de son interlocutrice à essayer de lui vendre des armes plus lourdes et conséquentes, à côté desquelles, les revolvers faisaient pâle figure. Le Lightness l'observa se débarrasser du lance-roquette puis le ranger à sa place initiale. S'il avait voulu prendre d'assaut le bâtiment du Cercle, ultime symbole du pouvoir en place, il ne faisait aucun doute que ce genre d'équipement aurait plus que bienvenu pour réduire à néant les poches de résistances idéalistes. Mais il existait un point, un détail même, sur lequel les deux partenaires commerciaux ne paraissaient pas s'entendre : la nature des missions menées à l'encontre du Cercle et de ses membres. Jilan comprenait parfaitement que la PDG ne cherchait simplement qu'à vendre toujours plus d'armes pour rentabiliser son commerce et c'était tout à son honneur. Mais le jeune professeur savait également que les ressources financières du groupe armé n'étaient pas non plus infinies et qu'il allait devoir jouer finement pour obtenir ce dont il avait besoin, tout en ne s'endettant pas auprès de quiconque. Rien que d'imaginer la tête de la lycanne disparue si cette dernière venait à remettre les pattes en ville pour découvrir que son ancien second avait dilapidé leurs réserves personnelles, amusa le Lightness. Sauf qu'il doutait sérieusement que Kyarra revienne un jour sur l'Avventura. Pour des raisons plus que claires que l'intéressée avait évoquées dans sa lettre. Pour que la louve en arrive à lui adresser une missive de ce genre, il avait plutôt intérêt à la prendre au sérieux. Tandis qu'il se perdait lentement mais sûrement dans ses pensées, la voix de Mantis le ramena soudain à la réalité et l'attention du jeune professeur fut reportée, presque de force, sur les propos de son interlocutrice. Et il n'apprécia pas vraiment ce qu'il entendit par la suite. Elle le prenait pour qui ? Un débutant ? Comme s'il n'avait pas conscience des risques qu'impliquait l'usage d'armes à courte portée uniquement !

 « Je me suis déjà préparé au pire en me retrouvant à la tête de l'opposition. Il est certain que face à des armes de ce type, nous risquons d'en pâtir mais ce serait oublier les capacités mêmes des créatures qui composent nos rangs. Je sais exploiter tout ce qui me trouve à ma portée, pas uniquement mon cerveau. »

Voilà qui était dit. Sans aller jusqu'à contredire la PDG -puisqu'en soi, elle avait parfaitement raison-, le Lightness lui faisait simplement remarquer que sa dernière tentative pour vendre avait lamentablement échouer. Jilan ne la quittait plus du regard, attendant peut-être une réaction de sa part mais son interlocutrice se contenta de changer de sujet pour reprendre ce qui avait été dit plus tôt concernant le choix des matériaux pour les balles. Malgré l'apparente assurance dont il avait preuve auparavant sur la fragilité du bois au contact de l'épine d'argent, le jeune professeur n'était pas non plus un spécialiste sur le plan technique. Pour ce domaine là, il préférait s'en remettre bien volontiers à Mantis et à ses connaissances. Alors si l'intéressée attendait de lui qu'il confirme ses propos ou remette en question ses suggestions, elle risquait fort d'être déçue !

 « Vous savez ce que j'attends de vous ? Ce serait plutôt à vous de me dire si ce projet est faisable ou non, au lieu de me faire miroiter la possibilité de bénéficier de balles de ce type. Vous semblez être quelqu'un de sérieux dans votre travail, ne détruisez donc pas cette image que j'ai de vous. » déclara t-il simplement en balayant de la main les interrogations de la jeune femme. Malheureusement, la suite lui déplut encore davantage par rapport à la première réflexion de la PDG.  « Ne me prenez pas pour un con. Faire la guerre avec des arcs à notre époque, ce serait jouer le jeu de la défaite, surtout quand on sait tout ce qu'il est possible de créer de nos jours. Encore une proposition de ce genre et vous pouvez dire adieu à notre affaire. » ajouta t-il, non sans humeur dans la voix.

Sa première et dernière phrase en particulier, témoignaient de son mental suite à l'offre dérisoire de Mantis. Il n'était pas exclu de se tourner vers des armes disposant d'une plus longue portée dans l'avenir, y compris les arbalètes, qui se révélaient être de terribles armes de mort en étant bien utilisées mais si son interlocutrice ne choisissait pas mieux ses mots dans un futur proche, il se pourrait bien que les rebelles se passent de ses services. A bon entendeur ! Cependant, un phénomène inattendu dissipa instantanément l'humeur du Lightness : le petit manège de la PDG avec la flamme de la bougie ne lui avait pas échappé. Serait-elle une élémentaire elle aussi ? Et de feu, à en juger par la situation. C'était assez frappant le contraste entre cette femme d'affaires, déterminée et coriace, et l'homme un peu égaré dans ses pensées qu'il avait eu le loisir de rencontrer dans la forêt. En y repensant, il n'avait pas recroisé l'individu en question, peut-être bien que ce dernier était mort, faute de s'être adapté rapidement à son époque... Ce n'était pas comme si Jilan s'en trouvait attristé. La voix de son interlocutrice le tira une nouvelle fois de ses pensées et le jeune professeur l'écouta, l'esprit plus serein cette fois. Il allait vraiment devoir retrouver la chaleur des rayons du soleil sous peu. Malgré les nombreuses pauses que fit la PDG en lui donnant ses conditions de vente, il ne chercha pas à l'interrompre. Il préférait avoir connaissance de toutes les informations avant de prendre sa décision. Le prix était plus qu'abordable à première vue et dans un sens, cela le rassurait. Restait à voir si la qualité et la quantité attendues, seraient elles aussi au rendez-vous. Après que Mantis ait fini de l'éclairer sur le sens du symbole en forme de mante religieuse, le Lightness demeura pensif quelques instants. Croisant les bras, il évaluait la situation le plus rapidement possible pour ne pas faire languir son interlocutrice, sans pour autant se précipiter et commettre une erreur qu'il pourrait regretter amèrement par la suite.

 « Votre commande se limitera uniquement à ce dont nous avons parlé. A savoir, les pistolets et revolvers incluant le prototype de balles spéciales. Je m'en remet à vous pour leur fabrication. Vous y inclurez également les armes blanches mais je ne compte pas vous commander d'arbalètes pour le moment. Voyez ça comme une remise à plus tard. » conclut-il en s'autorisant son habituel sourire. Mais il restait encore un point à évoquer.  « Concernant le paiement, j'imagine que de l'argent liquide vous convient parfaitement ? Mais si vous avez des préférences là-dessus, il serait temps de me les communiquer. »

Une fois que la réponse lui fut fournie, le jeune professeur décréta qu'il n'avait plus de raison de demeurer en ces lieux plus longtemps à présent. Il remercia la PDG pour ses démonstrations mais également pour lui avoir accorder de son temps. Ce qui était loin d'être facile quand on se trouvait à la tête d'une importante compagnie, notamment quand celle-ci faisait dans un trafic plus qu'illégal en France. Pourtant, tandis qu'il se dirigeait vers la porte en laissant à Mantis, le soin de ranger les armes qu'elle lui avait présentées, Jilan ne put s'empêcher de lui adresser une dernière remarque :

 « En tant que professionnelle, je pense que je peux accorder un peu de ma confiance pour ce qui est de garder sous silence cette entrevue. J'aimerai croire que vos offres ne seront pas uniquement réservées aux rebelles. Malheureusement, les affaires sont ce qu'elles sont... Toutefois, j'espère pour vous que vous ne ferez pas la bêtise d'aller vendre vos armes du côté du Cercle. Je serai vraiment navré d'avoir à me séparer d'une partenaire commerciale aussi prometteuse que vous. Vous vous êtes permis de me donner une conseil un peu plus tôt, laissez-moi en faire de même. A bon entendeur Mantis. »

Sur cette menace à peine dissimulée, le Lightness ouvrit la porte pour quitter la pièce, laissant celle-ci se refermer d'elle-même derrière lui. Sans un regard en arrière, il prit le chemin inverse de celui qu'il avait emprunté à l'aller, ses pensées songeant déjà à ce qu'il pourrait bien faire, une fois que la PDG l'aurait livré, lui et ses hommes, comme convenu. Certains seront sans doute ravis de pouvoir bénéficier d'un peu de support matériel lors de leurs missions à venir...