|  par Invité Dim 17 Nov - 21:41
| J'étais sortie très tôt de chez moi, dès la nuit tombée. J'avais prévu depuis un moment d'acquérir la boite de nuit de la ville, où je dansais de manière honoraire à l'époque où Danaliel gérait encore. Depuis que j'avais appris, avec une joie incontrôlée, la mort du loup, je m'étais dit que c'était la plus belle revanche que je pouvais prendre sur lui. Le dernier pied de nez aux lycans, et à la puissance qu'ils semblaient vouloir bâtir en ville. J'avais largement assez d' argent pour prendre la tête du club, et j'aimais tant la danse qu'avoir ma propre boite me faisait très envie. Je m'étais déjà mise d'accord avec l'agent immobilier qui se réservait la vente du bâtiment. Je pris la moto et je rejoignais le centre ville, où j'avais un rendez-vous. Je me garais à l'entrée de la ville, mon court blouson en cuir sur le dos, et des talons aiguilles qui frappaient de manière rythmique le pavé. Ma besace se tenait à mon côté, contenant mon portefeuille, mon portable et un tas de babioles plus ou moins utiles. La Lune était haute, il faisait froid. Le vent était glacial et le ciel était clair. Les rues se faisaient désertes depuis que La Cage avait fermé boutique. Ne restait que le bar, où quelques ados allaient se bourrer la gueule. Ils en sortaient très souvent bien éméchés, ou étaient carrément jetés dans le caniveau par les vigiles. On entendait parfois le bruit assourdissant d'une bagarre, des voix d'hommes bourrues et incohérentes, des injures. Heureusement, on voyait aussi, plus loin, des couples s'enlacer et s'embrasser dans des ruelles sombres. Des couples hétéros, mais parfois aussi des couples de femmes sensuelles et en parfaite osmose, qui préféraient éviter les bastons et fuir les poings dévastateurs des mâles. Depuis que Néro était parti, me laissant à moi-même, j'avais préféré garder mes distances avec ces charmantes créatures. J'avais bien rencontré Aliana Liven, mais elle ne me donnait plus de ses nouvelles, et elle me faisait l'impression d'avoir quitté la ville. L'incident au bal ne l'avait pas retenue, malheureusement... Je mettais alors mon temps dans une occupation, pour m'encombrer l'esprit et éviter de penser à ma solitude.
Je m'arrêtais devant la boite, et je constatais que le temps avait commencé à ravager la façade et la structure. L'enseigne lumineuse s'était éteinte, et certains néons s'étaient brisés. J'allais devoir faire des travaux, pour redonner à ce bâtiment son panache d'antan. J'avais déjà fait faire des plans par un architecte, et j'avais dans l'idée plusieurs décorations pour faire de La Cage un lieu branché et fréquenté, aussi bien par la « haute » que par le peuple. Des meubles modernes, un éclairage tamisé et chaleureux, idéal pour les rencontres romantiques, tout en permettant aux insouciants de mater en toute impunité les superbes danseuses et les danseurs que j'engagerais. Sans compter que les anciens employés de Dan étaient talentueux, je devais l'admettre, même s'il y avait encore moyen de les améliorer. D'ailleurs, ce n'était pas parce que je comptais prendre la direction de la boite que je comptais arrêter la scène et je voulais mettre mon expérience au service de mes employés. Par contre, je voulais engager un nouveau DJ, qui balancerait des sons plus neufs et plus vifs. Cependant, je voulais aussi qu'à partir d'une certaine heure, il envoie des musiques plus douces et sensuelles, sexy, pour que la piste devienne un incontournable lieu de partage entre couples, laissant aussi aux autres le plaisir de la drague. Je comptais aussi remplacer le barman, pour mettre une ou deux belles filles, histoire de pousser un peu à la consommation, tout en servant des boissons de qualité. En bref, il y allait avoir du changement, et ce n'était pas pour me déplaire. Je voulais faire de ce night club un reflet de ma personnalité : extravagant, tout en finesse et d'un certain modernisme, tout en gardant de la profondeur et du romantisme, alliée à une bonne dose de « sexy chic ».
Poussant la porte un peu défoncée du club, je saluais l'agent qui m'attendait, assis à une table à haut siège. Il était très élégant ( pour un homme) dans un beau costume gris perle, à la cravate noire et à la chemise blanche. Il portait sans doute des chaussures de cuir italien, vu l'aspect. Une fine paire de lunettes à monture noire Dior trônait sur son nez, et il avait de saisissants yeux gris. Il m'avait l'air un peu trop beau pour être humain, mais le fait qu'il porte des lunettes m'empêchait de croire qu'il était vampire. Alors quoi ? Un bon darkness ? Un lightness ? Un lycan ? Non, trop raffiné pour être un clébard enragé. Et puis bon, je m'en fichais, il déguerpirait bien vite d'ici. Il faisait juste acte de présence pour me faire signer les papiers pour l'achat de la boite, après il s'en irait. Il venait chercher son argent, c'était tout. Et il restait un homme, donc à part lui pomper un peu de sang, je ne voyais pas trop ce que je pouvais en faire ! Lui serrant la main, laissant un peu de ma force vampirique traîner dans l'étreinte brève, je m'assis. Il avait un air sûr de lui, genre sérieux et impénétrable. Incorruptible. Moi, j'avais tout de la femme fatale : Des yeux maquillés de noir, une tenue tout en cuir et un haut plutôt décolleté. Des ongles parfaits, manucurés à souhait. Un look que je n'avais plus arboré depuis longtemps, mais qui m'avait manqué. Je m'habillais comme ça quand j'allais à Londres ou à New-York, où je m'amusais à tomber tous les mecs en Porsche décapotable rouge. Je fumais encore à ce moment là, et je pensais à m'y remettre. Toujours est-il qu'il engagea la conversation, sans vraiment prendre le temps d'y mettre les formes :
-Bien ! Avez-vous pris le temps de visiter les lieux, ou faut-il que je m'en charge ?
-Je connais bien les lieux. J'y suis venue plusieurs fois.
Il sortit de sa mallette une liasse de feuilles tapées à l'ordinateur, frappées de minuscules caractères noirs. Soupirant, je tirais un stylo plume en métal argenté de ma poche intérieure de veste. Le décapuchonnant, je lis rapidement le dossier que l'homme avait posé devant moi. Il s'appelait Maître Draconis, et je trouvais presque ça ironique de la part du sort : un tel type méritait un nom dans ce style. Froid, distant, presque prêt à te sauter à la gorge si tu t'approches trop de lui. En bref, il collait bien à l'image que je me faisais d'un avocat. Bien que celui-là ne travaille pas dans un tribunal. Il avait l'air aussi peu commode que tous ses confrères, raison pour laquelle j'évitais d'avoir besoin de leurs services. Et puis, j'avais quelques notions en juridiction, alors si je pouvais m'épargner le contact avec ces goujats, ça m'allait d'autant mieux ! Je déposais vite ma signature sur les formulaires, pressée de me débarrasser de ce mur de granit. Il n'avait pas de conversation, avait limite l'air de se demander ce qu'il foutait dans ce trou pourri. J'avais presque envie de le foutre dehors moi-même ! Bref, je lui rendis ses feuillets signés, lui serrais la main une dernière fois, et il tourna les talons, refermant la porte derrière lui, me laissant seule dans la salle parsemée de tables. Une nouvelle aventure commençait ! |
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