| par Invité Jeu 7 Nov - 13:47
| Le temps n’avait pas changé depuis que je m’étais installée sous la grotte avec le jeune homme blond du nom de Vegeo. Il pleuvait, encore et toujours, et l’eau ruisselait sur la paroi de pierre qui nous servait d’abri. L’odeur de la végétation humide qui nous entourait, et la fraîcheur que dégageait la pluie me mettait mal à l’aise. Mon âme de pyromane protestait contre tant d’eau, et je sentais mes pouvoirs refluer tout au fond de moi, là où c’était vraiment difficile, voire parfois même impossible, de les atteindre. Je me sentais soudain faible, vulnérable… Certes, j’avais toujours pour moi ma force et ma rapidité de vampire, mais mon don était mon petit plus, cette chose qui faisait que je me sentais entière. Un temps pareille m’ôtait un de mes moyens de défense le plus efficace, même si mon pouvoir sur le feu avait soudainement diminué sans que j’arrive à savoir d’où cette soudaine faiblesse pouvait bien venir. A part allumer quelques bougies, ou un feu de camp, je n’arrivais plus à rien. Je me souvenais encore de cette époque où je pouvais faire à peu près n’importe quoi de cet élément. Mais ça… C’était avant. J’avais eu du mal à tourner la page sur cette puissance disparue, mais j’avais fini par y parvenir. Je me reposais surtout sur mon pouvoir de télépathie, et sur la suggestion, pour me protéger. Cependant, une trop longue utilisation de ma force mentale pouvait me coûter cher, je me voyais donc contrainte à une utilisation modérée et restreinte de ma faculté. Chose très handicapante pour une femme vampire, surtout aussi assoiffée de pouvoir et d’importance que moi. Pourtant, si le surnaturel m’avait déserté, l’achat prévu de la boite de nuit de la ville, qui appartenait à Danaliel fut un temps, m’assurait de nouveau un quasi-omniscience sur le monde des mortels. Je dois dire que j’avais appris la disparition du loup avec une certaine satisfaction. Je n’avais jamais su qui l’avait supprimé du paysage, mais toujours était-il que ça m’avait fait grand plaisir. Je m’étais longtemps demandé si c’était Néro qui avait fini par le supprimer, ou si cet ivrogne d’animal était finalement tombé sur plus gros et plus fort que lui et qu’il s’était finalement fait écraser.
Je m’étais une fois encore perdue dans mes pensées, et je ne me rendis donc pas compte que je n’étais pas la seule. J’avais oublié l’esprit de Vegeo pour pouvoir à loisir plonger dans mon propre subconscient. J’affectionnais particulièrement ces rétrospections. Elles me permettaient de me relaxer, de m’éloigner de ce monde vide et sans réel intérêt, pour me remémorer cette époque vive, et riche en souvenir, qu’avait été pour moi le siècle précédant. Ces robes, ces bals, ces fêtes… Ces gens que j’avais rencontrés et aimés, puis perdus. Je ne savais pas où j’irai à présent, mais j’étais sûre d’une chose : je finirais par retrouver mon chemin, comme toujours. J’avais beaucoup changé au cours de ces dernières années. Sans compter que j’allais m’approprier ce club, et qu’il y avait Aliana maintenant… Je ne savais pas, une fois encore, où cette histoire naissante mais déjà pleine de promesses nous guiderait. Tout ce que je savais, c’est que j’avais envie de la connaître, de la chérir et de ne pas la perdre pour des broutilles. J’avais une envie, une passion sans limite pour cette mystérieuse vampire, qui m’avait vue sous mes pires jours, et suivie pendant plus d’un siècle. Je ne savais rien d’elle que ce que j’aurais pu apprendre dans un livre. Puisqu’on ne parlait d’elle nulle part. On n’évoquait qu’ici et là une créature pire encore que moi, qui tuait et qui tue encore à peu près n’importe qui, comme dans un jeu sadique et mortel dont elle seule connaissait les règles. Seul l’avenir nous dira ce qu’il adviendra. Mais je voulais absolument me donner à elle corps et âme. L’histoire que j’avais vécue avec Néro m’avait bouleversée. Mais ce que je ressentais pour la belle immortelle était tellement différent… Tellement destructeur, aussi. Je risquais de m’y brûler les ailes, j’en étais consciente. Et pourtant, je courais volontairement à la catastrophe.
C’est en revenant à la réalité que je vis Vegeo tomber lourdement sur le sol. Mon aveu sur mon don de télépathie l’avait visiblement chamboulé, et il s’était écrasé un peu plus violemment que prévu contre le mur de la cavité, en face de moi. Mon sourire ne me quittait plus, et je ne pus retenir un rire à sa réaction. Certes, je pouvais lire dans les pensées. Mais je n’étais quand même pas un décodeur ambulant. Je ne pouvais lire ses pensées que temporairement, et j’avais arrêté depuis un moment maintenant. C’est une bribe de pensée, un brève évocation d’une personne, qui me redonna envie de rire et de ne jamais m’arrêter : Il sortait avec Eleonor ? LA Eleonor ? Cette vampire toute fragile et végétarienne, que j’avais eu envie de tuer au bord de ce même lac, presque un an auparavant ? Celle que j’avais croisée quand je chassais dans les bois, alors que Néro était là, lui aussi ? Je me souvenais de ce combat comme s’il avait eu lieu hier. Nous avions presque faillit nous entretuer ce jour là. Ce fut ensuite une série d’images brouillée de la forêt qui apparut dans sa tête, et je m’en tirais bien vite. Elles défilaient tellement vite qu’elles m’en donnaient mal au crâne. Il essayait visiblement de noyer des souvenirs très intéressants avec des images un peu confuses. Cela dit, j’eus l’impression qu’elles avaient un sens. Peut-être qu’il était un élémentaire, et qu’au final, cette forêt était sa maison ? Ca expliquerait qu’il se sente aussi bien par ce temps pourri, et dans cette grotte miteuse, alors que la partie boisée de la ville la plus proche se trouvait à au moins un quart d’heure à pied. C’est aussi là que je compris que si je voulais faire un feu, il faudrait que je me débrouille sans branches.
-Nan, tu ne risques rien, ne t’en fais pas. Je ne peux lire les pensées des gens que temporairement : Ca demande beaucoup d’énergie et ça me fatigue très vite. Je devrais aller chasser très vite après, et je risquerais de tuer quelqu’un. C’est certes dans ma nature, mais je préfère éviter le plus possible. Toujours est-il que je connais un peu celle avec qui tu vis, jeune homme ! C’est une vampire, c’est ça ? Et elle ne boit pas de sang humain, que du sang animal ?
Dehors, de la vapeur s’échappait du sol. La chaleur qu’il avait emmagasinée s’échappait grâce à la pluie, et la vue du lac était donc brouillée par ces nuages blanchâtres. La mine faussement désappointé du jeune homme me tira un nouveau rire, et quand il essaya tant bien que mal de remettre sa chevelure en ordre avec sa serviette mouillée, ce ne fut que pire, et je ris de nouveau. Il avait la tignasse en bataille, et ses mèches blondes étaient encore plus rebelles qu’après que je l’ai tiré du lac. Il tira aussi de son sac un thermos et deux gobelets, dont un qu’il m’envoya, et que je rattrapais avec une souplesse qui n’était pas franchement humaine. De toute façon, je n’en avais que faire qu’il sache que j’étais un vampire : si l’une de mes congénères partageait sa vie, je ne l’effrayerai pas.
-Tu sais, je sauve rarement les gens pour avoir le plaisir de les tuer. Je ne suis pas un darkness, et je ne suis plus la cruelle demoiselle que j’étais. J’ai beaucoup changé. Qui plus est, tu n’as pas le goût d’un humain, et je ne me nourris que de ça. Autrement dit : tu ne crains rien en ma présence. Et oui, je veux bien un thé glacé. Mais si tu le veux chaud, ton thé, je dois pouvoir arranger ça.
Je posais la main sur le gobelet du jeune homme, et me concentrais intensément. Ce fut long et difficile, mais je finis par parvenir à cerner l’étincelle de pouvoir cachée en moi. Une fois que j’eus mis la main dessus, je transférais la chaleur qui montait en moi au verre, et le liquide qu’il contenait se réchauffe petit à petit. Je ne le fis pas trop chaud, pour éviter que Vegeo ne le lâche par terre. Ca devrait lui faire du bien de boire ça par ce temps pourri : -Ouais, je comprends. C’est mieux là ?
Je bus une gorgée de mon propre thé, attendant sa réaction avec un amusement non dissimulé. |
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