| par Invité Mar 18 Mar - 22:21
| Alors que je plantais mes crocs avec violence dans la chaire du vampire, un flash d'images d'une sensualité à faire rougir un cameraman de films pornos me traversa l'esprit avec une force qui me déstabilisa l'espace d'une seconde. Je tenais Kara, enlacée dans mes bras, alors que je la mordais avec tendresse exactement au même endroit pour boire son sang, comme je l'avais déjà fait de si nombreuses fois depuis que l'humaine était tombée sous mon charme, apprit ma condition de mort-vivant et accepté que je me nourrisse de son sang plutôt que de celui d'un quelconque innocent en prenant le risque que je la tue si je perdais le contrôle de mes pulsions. Seulement, c'est instants de parfaite communions étaient si intenses, si profonds... Je me sentais alors liée à elle, comme si nos âmes ne faisaient plus qu'une ( si tenté qu'un monstre de ma sorte aie une âme ! C'était là tout le débat d'une vie...). Mais là, la sensation était si différente ! C'était une sauvagerie pure qui me ravageait, comme si j'étais une lionne en chasse, que rien ne pourrait arrêter tant qu'elle n'aurait pas abattu sa proie. Le goût du sang de cet homme était enivrant, comme de la drogue pour un camé. Il était puissant, aux senteurs de musc et de parfums d'orient. J'ignorais d'où pouvaient venir ces parfums. J'avais toujours pensé qu'ils venaient des origines des gens aux cous desquels je m'abreuvais. Mais à moins que ce ne soit lointain, ce type ne semblait pas avoir le moindre gène asiatique. Ça venait peut-être d'autre chose, mais pour l'instant, j'avais l'esprit trop embrumé pour y réfléchir plus longtemps. Après m'être retrouvée bloquée sous le corps massif et lourd comme un bloc de plomb de Kjeld, une nouvelle série de souvenirs me revinrent brusquement en mémoire, comme si ces réminiscences intempestives étaient devenues une maladie. Cette fois, j'étais couverte de sang, mes vêtements étaient déchirés et je tenais un pistolet et une épée braqués sur une chose à la fourrure touffue et hirsute. C'était un lycan, particulièrement énorme, aux grands yeux d'un orange à faire pâlir le Soleil. Ça aurait été terrifiant pour quelqu'un qui n'en avait jamais vu. Mais j'en avais combattu la plus grande partie de ma vie, alors celui-là n'en était qu'un de plus parmi tant d'autres. Quand les images disparurent, je fus comme projetée à travers la réalité, revenant à la lutte présente.
C'était un peu le même contexte : une nuit noire, chaude et empestée de sang. Les seules différences étaient l'absence de la Lune et de ces armes si précieuses, qui m'auraient protégé plus efficacement que n'importe quoi d'autre. J'en étais réduite à une malheureuse dague métallique coulissante de mon invention. Certes, c'était plutôt ingénieux et pratique. Mais face à un animal à la peau si dure, j'avais peur que ça ne suffise pas. Sans compter que ce mec semblait avoir tissé un lien très étroit avec son sabre, comme s'il était devenu une partie intégrante de son propre corps. Autant dire que face à un tel épéiste, mon bout de fer brillant risquait d'être un peu légère ! De plus, l'acier affectait plus les lycans que les vampires, même s'il ne leur était jamais fatal. Autant dire qu'un pieu bien taillé en bois m'aurait donné un plus grand avantage, à moins que mon adversaire ne le retourne contre moi pour me renvoyer au Néant dont je m'étais déjà échappée une fois ! Il était clair que j'étais en infériorité évidente... j'avais beau m'être nourrie peu de temps avant le début du combat, s'il fallait que je puise autant dans mes réserves jusqu'à ce que le soleil ( qui allait m'affaiblir encore davantage, le mauvais côté d'être un jeune vampire), j'allais vite déchanter ! J'avais beau avoir eu une bonne idée en projetant mon assaillant contre un arme, ce qui le cribla de bouts d'écorces qui ouvrirent une multitude de plaies sur son corps, il se releva bien vite, presque comme si ça ne l'avait pas touché. Il retira les cure dents qui lui criblaient la peau en un geste, laissa échapper un cri avant de se saisir d'une branche d'arbre très pointue qu'il avait visiblement l'intention de m'enfoncer dans le corps en prenant son temps pour que ce soit le plus douloureux possible. Je lus de la haine pure dans son regard, mais aussi du sadisme. Il allait me faire souffrir, c'était une évidence. Et mes chances de m'en sortir étaient bien trop maigres pour que je me sente bien. Autant dire qu'elles étaient même presque inexistantes, compte tenu de la rapidité des gestes de l'homme en face de moi. Si je ne trouvais pas vite un moyen de faire pencher la balance, j'allais être dans une merde noire...
Il ne répondit pas à ma provocation verbale, mais autant dire que l'expression bestiale de son visage en disait long. Je savais à quoi ressemblait un vampire quand son instinct de tueur se réveillait. Mais la différence s'était que, jusque là, j'avais toujours eu cet air-là, mais il n'avait jamais été dirigé SUR moi... Le regard assassin de cet homme aurait suffit à pétrifier quelqu'un qui n'était pas en mode « survivor ». Étant donné que je ne comptais pas me laisser tuer sans réagir, j'essayais d'anticiper au maximum ses mouvements, mais il était très dur à suivre. L'entraînement qu'il avait dû recevoir et les très nombreuses années qu'il avait au compteur lui conféraient une force et une rapidité absolument hallucinante. Il se rua sur moi, son poignard de bois improvisé dans une main et son sabre couleur de nuit dans l'autre. J'eus l'impression de regarder un éclair qui s'apprêtait à me frapper. J'essayais de suivre la lame, mais elle bougeait si vite et elle était si sombre que je n'y parvins pas, à tel point que j'avais l'impression de me battre contre un fantôme. J'esquivais un peu au hasard, et c'est une douleur fulgurante qui me déchira le flanc, jusqu'au milieu du ventre, puis la joue et l'épaule. Je serrais les dents, alors qu'un flot de liquide chaud et paraissant noir dans la nuit vint maculer mon t-shirt, à tel point qu'il me collait à présent à la peau comme une combinaison de plongée. Des ondes de souffrance me parcoururent, et je finis par tomber à genoux devant lui, alors que son sabre s'était teinté de mon sang. Un frisson glacial me grimpa le long de l'échine, empourprant mes pensées comme un glaçon. Je n'étais pas mortellement blessée, mes plaies finiraient pas guérir. Seulement, ma faiblesse m'avait frappée de plein fouet, comme la plus terrible des évidences. Comme si disparaître ce soir était mon destin.
Je n'étais plus mue que par une violente et féroce envie de survivre, par une conviction inexpliquée. J'ignorais d'où me venait une telle force, mais je me relevais en puisant au plus profond de moi, comme si je voulais creuser le sol à mains nues afin d'y trouver de l'or et des joyaux. Je savais qu'au bout de cette course, se serait le trépas de cet être qui voulait tant me supprimer. Je serrais alors le poing droit de toute ma force, armant le bras avec une intensité qui m'était étrangère, comme si je n'avais jamais eu à aller puiser aussi loin en moi. Lançant le coup, alors que je ne me trouvais qu'à quelques dizaines de centimètres de ce type abjecte, ma lame jaillit de sous mon avant bras, longue et menaçante. Elle se planta dans l'épaule du vampire en m'aspergeant le visage d'un sang presque brûlant. Mais, alors que je voulais la retirer de là où elle s'était fichée, elle se brisa au niveau des charnières qui me permettaient de la faire glisser et de la plier sans l'abîmer. Je laissais alors dans le muscle du vampire un poignard d'une quinzaine de centimètres et ma seule véritable arme contre lui, n'ayant aucun moyen de l'y récupérer. Seul le brassard en cuir et les sangles qui portaient la lame étaient dorénavant rattachés à mon bras, inutiles. Ma respiration s'était accélérée, bien qu'en théorie les vampires n'avaient plus besoin d'oxygène pour vivre. Mon instinct me chuchotait distinctement, comme la voix d'un démon : « Tue-le... Tue-le ! » Inconsciemment, je lui répondis avec agacement : « Ah ouais ? Je veux bien, moi... Mais comment ? » Évidemment, il n'y eut aucune réponse. Quelle idée de parler à sa conscience, aussi ! Je restais alors plantée là, totalement démunie face à mon adversaire. J'aurais bien voulu profiter de l'immobilité de son bras pour m'emparer de la branche qu'il avait dans la main, seulement ça aurait nécessité que je me penche en avant et que je m'expose encore d'avantage. Ca ne valait même pas la peine, de toute façon : il n'aurait qu'à retourner à un arbre pour aller en chercher une autre. Certes, ça m'aurait tenue immédiatement en sécurité. Mais dans la durée, ça n'aurait eu aucun effet notable. C'était bien là le plus affreux dans ma situation... Je ne pus faire qu'une chose : reculer de plusieurs pas afin de me protéger du mieux que je pouvais. |
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