Avventura
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Message par Invité Dim 24 Fév - 17:39

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Cela avait commencé avec une dépense colossale. Puisque son salaire de médecin lui avait permit d'amasser beaucoup d'argent depuis plusieurs décennies et qu'elle n'avait jamais trouvé de bon moyen de le dépenser, Eleonor avait, sur un coup de tête, décidé d'acheter pour l'hôpital deux appareils faisant de l'imagerie par résonance magnétique. Évidemment, cela avait fait volé en éclat toutes ses économies, car ces machines totalisaient plusieurs millions d'euros, mais quelle importance puisqu'elle ne comptait pas prendre sa retraite un jour? Tout sourire, elle avait remis le chèque à l'hôpital d'Avventura lors d'une petite cérémonie et posé en photo pour un article qui apparaitrait dans le journal. Par la suite, la reconnaissance des gens envers son geste ne fit que lui confirmer qu'elle avait eue raison d'agir ainsi, et elle était devenu plus pauvre et plus heureuse que jamais. Elle faisait ce qu'elle aimait le plus au monde, et maintenant son lieu de travail pourrait prodiguer à ses patients des IRM, alors que demander de plus? Mais voilà si l'histoire se terminait ainsi, elle aurait été bien courte et n'aurait pas valu la peine d'être raconté, et bien sûr quelque chose de sombre découla de son action.

Tout ceci s'était passé très vite, comme dans un rêve. Elle avait du mal à se rappeler quand exactement, mais un soir en sortant de l'hôpital, un homme tenant un journal l'avait prise en filature. Elle avait d'abord été inquiète et s'était imaginé les pires complots portés contre sa personne. Rien cependant ne lui était arrivé et elle avait regagné sa demeure la peur au ventre. Tout le reste de la nuit s'était déroulé normalement et, le lendemain, elle était allé travailler avant le lever du soleil, comme à son habitude. De ce dont elle se souvenait, on ne l'avait plus suivit dans les rues par la suite. Trois jours plus tard elle recevait une lettre: c'était une obligation à se présenter en court. Elle allait subir un procès en bonne et du forme pour des évènements qui s'étaient produits lors des trois jours sombres. Eleonor se rappelait très bien ces évènements, comment les oublier? Mais elle se souvenait également des bons commentaires qu'on avait fait à son sujet, car elle avait toujours gardé son calme et avait tenté méticuleusement de sauver chaque patient qui se présentait à elle, que ce soit une cause perdue d'avance ou non. En somme, elle avait bien fait son travail. Ainsi en recevant la lettre avait-elle songé de nouveau à cette personne étrange qui l'avait suivit dans la rue. Une kyrielle de pensées fusaient dans son esprit, et elle s'imaginait que cette lettre ne lui était pas réellement destiné, et que c'était une erreur. Elle avait donc appelé le bâtiment du Cercle pour leur faire remarquer la dite erreur. Or, ce n'en était pas une. Notre protagoniste avait toujours du mal à saisir ce qui se passait. Mais elle avait procédé comme il se devait: elle avait embauché pour sa défense un avocat fraîchement diplômé de l'Université de l'Avventura. L'oeil brillant, sagace, recelant d'une fureur tranquille, c'était un jeune combattant qui ferait tout pour gagner sa première cause. Il lu de long en large les accusations à sa cliente, lui expliqua certains termes juridiques qu'elle ne comprenait pas, prépara son plaidoyer, et puis ce fut le procès. Il dura en tout trois jours. Trois jours de pur surréalisme pour Eleonor, qui n'avait jamais réellement comprit qu'elle était assise au banc des accusés. Tout se déroulait dans un silence duveteux et grisant. Personne ne disait mot dans la salle d'audience. Elle y reconnu quelques-uns de ses patients qui évitaient soigneusement son regard ou bien lui mimait des invectives et lui lançaient des regard rempli de haine. Elle trouva cela étrange de leur part, eux qui, il n'y avait pas si longtemps, lui faisait confiance et l'avaient tant remercié lorsqu'elle avait fait son don à l'hôpital. La nature humaine était bien versatile. La juge était, juste à propos, une humaine. C'était une femme noire et corpulente qui avait passé la cinquantaine. De ses lèvres pincées elle avait prononcé les accusations portés contre Eleonor.

-Mademoiselle Eleonor Doherty, docteur en médecine, est accusé de négligence criminelle qui a mis en danger de mort un de ses patients, d'avoir manqué au code de déontologie médical, et de n'avoir pas su dénoncer ses actes criminels lorsqu'ils se sont produits. Mademoiselle Eleonor Doherty est également poursuivit en justice pour plusieurs dizaines de milliers d'euros par le dénommé Joseph Franco, pour lui avoir causé des séquelles psychologiques sévères suite aux soins qu'elle lui a prodigué sans son consentement. Par la présente je déclare l'affaire Joseph Franco contre Eleonor Doherty ouverte.

Et ce fut avec le martèlement du maillet en bois de la juge sur son bureau que la descente commença. Au fil des jours elle avait de moins en moins conscience de ce qui se passait, elle avait le regard creux et persistant sur l'un des barreau de la salle qui se trouvait juste en face d'elle. Ce fut d'abord le lycan qui plaida sa cause, debout face à l'assemblé. Le pathétisme renversant avec lequel il relatait les évènements, les larmes factices inutiles qu'il servait à l'audience mettait tout le monde mal à l'aise, car malheureusement personne n'y crut. Mais tout le monde s'entendait sur un point: ce qu'elle avait fait était grave et ne pouvait pas être laissé sans conséquences. Son tour venu, et incapable de mentir dans un tel contexte, Eleonor avait relaté, du mieux qu'elle le pouvait, les évènements tragiques des trois jours sombres, du moment où elle avait été introduite sous la tente médicale jusqu'au moment où elle avait laissé partir le lycan. Elle mettait beaucoup de détails techniques, et la froideur avec laquelle elle expliquait comment elle avait enfoncé une sonde trachéale dans les poumons du lycan sans anesthésie faisait fulminer l'assemblé. Cent chuchotements d'indignations furent échangés durant son court monologue, et à cause de cela la juge du ramener le silence à plusieurs reprises.

Durant les rencontre qu'ils avaient seul à seul, son jeune avocat se tenait la tête entre les mains et jurait parce que sa cliente ne l'écoutait pas. N'importe quel imbécile aurait facilement tordu la réalité. Il lui aurait suffit d'expliquer que l'urgence d'opérer, combiné au stress et au manque de médicament sur le terrain avait pu provoquer une telle catastrophe. Un manque de vigilance comme celui-ci était tout à fait pardonnable. Mais Eleonor répondait:

-Je résiste très bien au stress, et jamais je n'oublierais d'opérer un patient sans l'anesthésier d'abord.

Son avocat la maudit alors, comme toute l'assemblé avait fait entre ses dents dès la première fois où elle était apparue dans la salle d'audience. Le procès s'étala de long en large les jours suivants. Elle du raconter devant toute l'assemblé ses théories selon lesquelles ses parents biologiques, puis ses parents adoptifs avaient été tués par des lycans. Elle n'y mit aucun émoi et se contenta d'énoncer les faits, car elle était toujours aussi déconnecté de la réalité. De plus ces évènements s'étaient produit il y avait des décennies. En outre, elle avait fait son deuil de tout cela. La couronne lui demanda si elle était certaine de ce qu'elle avançait. Elle répondit que non, mais qu'il y avait de fortes chances que ce soit le cas.

-Oui mais alors pourquoi vous venger sur un lycan qui n'avait rien à voir avec leur mort? Je crois que nous assistons là, madame la juge, à du racisme, purement et simplement. À du racisme exercé par une femme qui n'aurait jamais du obtenir autant de pouvoir et de notoriété dans son domaine. Si cela n'en tenait qu'à moi, cette femme serait retiré de ses fonctions immédiatement!

La juge avait alors fait taire l'avocat de la couronne et le reste de la salle dont les visages commençaient de nouveau à s'empourprer d'indignation. Malheureusement, Eleonor ne pensa pas à préciser que le lycan à qui elle avait causé autant de tord avait eu besoin d'une telle opération parce qu'il avait tenté de tuer des enfants, et que pour cela on lui avait tiré dessus. Après avoir passé en revue les évènements les plus important de la vie d'Eleonor, et surtout ce qui s'était passé lors des trois jours sombres, les membres du jury avaient prononcé le jugement fatidique.

-Nous déclarons mademoiselle Eleonor Doherty coupable de négligence criminelle à l'égard d'un patient, de manquement envers le code de déontologie médical et de non-dénonciation de ses actes criminels.

La sévère juge avait enchaîné.

-Je vous condamne donc, Eleonor Doherty, à être rayé de l'Ordre des médecins et vous retire désormais le droit de pratiquer toute forme de médecine. Vous êtes également condamné à payer la somme demandé par le plaignant, ainsi qu'une amende sévère pour l'exemple.

Le martèlement du maillet en bois avait résonné en écho dans sa tête. Et c'est alors, de façon feutré, que son esprit se fondit à nouveau dans la réalité. Elle écarquillait les yeux, abasourdie, mais tout son corps restait droit et calme. Son avocat sifflait entre ses dents, enragé d'avoir perdu sa toute première cause. Il ne rendit pas la poignée de main qu'Eleonor lui tendit et, après s'être levé, ne regarda plus jamais dans sa direction ni ne lui adressa la parole. Les gens dans la salle criaient silencieusement victoire, et alors qu'elle affichait toujours un air surpris, un journaliste, le même que celui de la cérémonie à l'hôpital, vint la prendre en photo pour un article qui devait apparaître le lendemain dans le journal. Eleonor se leva et sortit de la salle. Elle resta un moment dans la bâtisse, jusqu'à ce que tout le monde l'ait évacué, et s'appuya sur une colonne de marbre, le visage enfoncé dans son bras, seul dans l'immense couloir. On pouvait alors voir tomber par terre quelques larmes, et sa respiration saccadée trahissait ses sanglots. Elle, une femme si vieille et si expérimenté, était redevenue aussi vulnérable que le jour de sa naissance. Elle n'avait pas pleuré depuis des années, et pourtant la voilà qui sanglotait comme une petite fille. Tout s'était passé bien trop vite et, maintenant, elle n'avait aucune idée de ce qu'elle allait faire, ruinée et sans plus aucun but dans l'existence.
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