Silencieux, l'élémentaire attendait une réponse. le garçon semblait être devenu muet suite à son interrogation, la jeune femme semblait elle sujette à un mélange d'étonnement et d'amusement. Contrairement au garçon, elle ne semblait pas gênée.
"Ce n'est pas dangereux. Sauf qu'en société, les gens portent des vêtements pour couvrir leur nudité, c'est une coutume si vous voulez. Vous ne pourrez pas aller en ville sans ça."
Une coutume? ainsi lycans, vampires et humains avaient ce point commun: celui de couvrir leurs corps de vêtements pour les cacher au reste du monde. Les mains toujours posées sur ce qui semblait la partie la plus importante à dissimuler de son corps il s'observa à nouveau pour ensuite porter son regard sur ses interlocuteurs, les yeux vides de tout expression indiquant la gêne, il était curieux, intéressé par les traditions étranges de ces êtres.
Il regardait la jeune femme, elle semblait pensive et levait la tête vers le ciel avec inquiétude. Lentement, la couleur de celui-ci auparavant sombre et parsemée de points lumineux se changeait et se colorait. Le jour ne tarderait pas à se lever et les vampires le craignait.
Pendant que la jeune femme était occupée il baissa les yeux à terre et passa en revue ce qu'il savait faire et quelles étaient ses connaissances. De l'humain il avait hérité le langage, le corps et quelques souvenirs enfouis, il sentait aussi quelques capacités encore à éveiller en lui, des choses que Calions savait faire de son vivant. Concernant les habitudes des humains il n'avait pas gardé grand chose. De l'esprit de la nature, il avait reçu l'instinct, la capacité de contrôler les plantes et de se connecter à elles, la sensibilité aux âmes et quelques souvenirs plus ou moins refoulés concernant des choses "vues" par sa partie naturelle au cours des siècles. Il avait reçu un lien fragile avec une zone de la forêt de laquelle dépendait son existence, une zone qui était ce qu'il était avant et de laquelle émanait une grande partie de sa puissance et probablement de son état de santé, il devrait prendre soin de ce lopin de terre sur lequel il était né, plus loin dans la forêt.
*Heureusement que je me suis éloigné, si j'avais rencontré Elisabeth là-bas..*
Il était né de l'union de deux choses conceptuellement éloignées et pourtant proches. La partie dominante de son être étant cependant celle de la nature, il résultait de cette fusion un corps humain relativement faible mais aux capacités mentales élevées.
Il reporta son attention sur la vampire, elle le regardait, intriguée par ses derniers propos.
"Alors…vous êtes né ici, dans cette forêt? Ce qui veut dire que vous n'avez toujours ni nom, ni identité?"
Un nom, une identité?
Il se frottait à un nouveau concept. Celui de l'être. Sa conscience était faite de deux entités ayant chacune une histoire, il avait des résidus de souvenirs, des parties de lui avaient déjà vécu le fait d'être, d'exister. N'était-ce pas suffisant? d'être? les humains devaient probablement se servir de signes pour se reconnaître, pour se prouver qu'ils étaient bien, les noms étaient cela? des mots pour s'attribuer la preuve de leur existence?
*Avoir un nom, c'est être à travers ce nom, c'est exister, sans lui on est personne, sans nom on existe pas? si c'est le cas..*
Si c'était le cas, alors l'élémentaire, concrètement né du néant, n'avait ni nom, ni identité. Il n'avait pas de passé. Il était juste là, animé par un but primitif déjà corrompu par des idéaux de liberté imposés par sa conscience d'humain. Était-il seulement capable de redonner vie à la forêt?
"À ce propos, je m'appelle Eleonor. Eleonor Doherty, et comme vous l'avez peut-être remarqué je suis une vampire. C'est toujours plus agréable de savoir à qui on s'adresse."
Il entendait mais ruminait encore ses sombres pensées concernant son identité.
"Je n'ai.."
...
La Nature était, sans notions de bien ou de mal. Elle était, sans se préoccuper de son existence ou de sa non-existence. Elle évoluait, s'adaptait, n'ayant besoin que d'elle même, elle était composée de tout, d'hommes, de vampires, d'éléments. Elle était au passé, au présent et au futur. La Nature était tout et chaque chose était la Nature. Tout existait en elle, et elle même existait en tout. Chaque chose s'organisait dans un cycle harmonieux. Au sein d'elle, une chose était née, un de ses "enfants" était venu au monde d'un manière non habituelle, il était une nouvelle création, une de ces choses que certains considèrent comme des mutations et d'autres comme des évolutions. Et cette chose, bien qu'elle existait, n'était pas encore. Parce qu'exister et être sont des choses différentes il fallait lui donner une identité, une chose qui prouverait que sa création était quelqu'un, et par conséquent que ce quelqu'un existait.
Dans la forêt, les branches furent secouées par un vent frais, qui se dirigeait tel un messager vers le petit groupe....
"Je n'ai.."
* N A T U S *
L'élémentaire frissonna. Une sensation étrange le parcourait. Ses pupilles s'élargirent l'espace d'un instant et ses yeux prirent un vert plus clair. Le tout dura un fraction de seconde.
"Je suis.."
* V E G E O *
*Mère?*
* V E G E O _ N A T U S *
"Je suis..Vegeo Natus...et..je ne sais pas exactement ce que je suis donc..peut-être qu'il vous sera difficile de savoir à qui vous vous adressez actuellement".
Bien que n'ayant aucune idéé de ce qu'il était précisement, il se sentait tout de même soulagé, sa Mère lui avait donné la preuve qu'il n'était pas une erreur, qu'il n'était pas sans identité. Il était Vegeo Natus et il était né de l'union de deux âmes radicalement opposées, dans le but de sauver les bois qui s'écroulaient.
« Vous devriez plutôt vous soucier de vous non ? Le soleil ne va pas tarder à apparaitre et vous risquez gros à vous attarder ici. »
Vegeo reporta son attention vers Natsume, le jeune humain. Il avait raison, si le soleil se levait les choses iraient mal pour la jeune femme. EIle devait rapidement trouver un refuge. Le ciel était de plus en plus lumineux.
« Je ne cherche pas à vous éloigner, mais je pense que nous aurons tout le loisir d’apprécier cette discussion une autre fois maintenant que la tension est retombée. Le plus urgent pour vous est de vous mettre à l’abri et pour moi, de trouver de quoi vêtir cet homme. Mon studio n’est pas très loin d’ici, avec un peu de chance, on ne croisera personne sur le chemin et il trouvera de quoi s’habiller chez moi. »
Bien que l'envie de rester et de se mettre tout de suite au travail pour remettre la forêt dans un bon état était présente il avait indéniablement besoin de repos, il était dans un état de fatigue assez avancé. D'une autre part, il mourrait d'envie de découvrir les humains et autres créatures à travers son nouvel état.
« Qu’en dites-vous ? »
Il regarda tour à tour les deux et acquiesça. Puis, se tournant vers le jeune possédé.
"D'accord. Je vais vous suivre."