| par Invité Lun 18 Oct - 16:26
| Ambre l’écouta aussi attentivement qu’il l’avait lue, cernant le personnage peu à peu, voire de mieux en mieux. Le son de sa voix, un geste qu’il faisait, la direction de son regard. Elle se demandait comment il était parvenu à vivre en affirmant à haute voix qu’il détenait bel et bien un pouvoir qu’il maîtrisait, ou qu’il avait appris à maîtriser. Elle hochait la tête au fur et à mesure qu’il lui répondait, s’abreuvant de son histoire. Ses cheveux, qu’elle avait laissés détachés ce soir suivaient ses mouvement de tête, laissant la lumière refléter les couleurs auburn quand ils se perdaient sur sa chevelure.Un jour elle avait constaté que souvent les hommes qui prenaient la parole avaient à portée un verre, parler longtemps desséchait la gorge. Elle prit alors la décision de le choyer, pour le remercier, à sa manière à elle, de lui accorder du temps. Chose que les gens avaient trop peu faits quand elle était encore humaine, chose qu’elle avait refusée aux autres de faire à d’autres moments. Faisant un signe au premier serveur qui passait elle désigna les cartes qu’il tenait en main. Nathaniel parlait toujours et elle ne voulait pas l’interrompre, alors elle glissa sur le bord de la table les cartes, ce qui lui permettrait d’y jeter un coup d’œil quand bon lui semblerait. Elle tourna à nouveau ses yeux bleus vers lui, elle entendait la tension dans sa voix, elle pouvait la sentir dans ses muscles. Elle voyait son cou et sa mâchoire plus contractées, elle ne put que se rappeler qu’il avait gardé un visage fermé depuis un moment. Il prenait sur lui, il ne cherchait pas à le dissimuler. Elle connaissait ce genre de visage, ce genre de signes, combien de fois s’était-elle imaginé dans cette posture ? Elle ne put s’empêcher de penser que dans un film ce serait le moment fatidique où la personne qui écoutait poserait sa main sur celle de la personne qui parlait, là, elle serrerait sa main sur la sienne, leurs regards se croiseraient… Mais elle n’était pas dans un de ces films dont elle revoyait les bandes-originales pour les bandes son françaises, elle était dans une situation bien réelle. La jeune vampire fit alors glisser la carte vers lui, une esquisse de sourire sur les lèvres, l’invitant à y jeter un coup d’œil.Ce ton de voix, l’aurait presque faite frissonner, tant elle y reconnaissait cette haine vengeuse, mais il abandonna le ton aussi vite qu’il l’avait pris, passant à un sujet tout autre, lui demandant de but en blanc ce qu’elle comptait faire. Elle passa alors sa langue sur sa lèvre inférieure qu’elle mordillait, un de ces tics qu’elle avait quand elle réfléchissait à la réponse qu’elle formulait dans son esprit. Cette question qu’il lui posait était dure, car il y avait ce qu’elle faisait déjà, puis ce qu’elle aimerait réellement faire. Ce qu’elle voulait vraiment faire ? Son regard aurait pu se durcir comme celui qu’il avait quelques instants auparavant, elle ne s’en serait pas rendue compte. Sa main passa sur sa cicatrice. Elle n’avait encore jamais été prise de folie meurtrière comme de nombreux jeunes vampires laissés à eux-mêmes, elle n’éprouvait pas le besoin de goûter au sang qui sentait si bon et frais, mais des envies violentes la prenaient quand elle pensait à son Créateur. « Je travaille dans le monde du spectacle, pour une boîte privée où j’y refais les bandes sons de certains films, de courts métrages, de films publicitaires, etc. Ça, c’est ce que je fais. » Elle souleva son stylo, puis leva sa tête, perdue par la question qu’il lui avait posée, elle savait qu’il lui avait demandé ce qu’elle voulait faire, mais que pouvait-elle lui dire ? Elle n’avait rien d’intéressant à lui dire d’elle-même. Cette question elle y aurait répondu naïvement et facilement il y a encore quelques semaines de là. Elle aurait rougi en pensant à ce garçon qui l’avait accompagnée à la sortie du boulot et avec qui elle avait mangé le lendemain. Elle aurait écrit le mot famille à côté du mot carrière, mais ce temps était révolu, ce qu’elle avait, on le lui avait pris. Elle n’allait pas non plus lui écrire tout cela, pour une première rencontre, ça le ferait mal, comme l’aurait dit ses camarades de classe. Elle posa alors la pointe du stylo sur la feuille, son regard se perdait sur la blancheur de la page, vierge de tout mot et de toute pensée. Elle commença à y inscrire les premiers mots : « Ce que je souhaite faire » Mais elle était perdue, elle ne savait pas quoi rajouter. Elle leva la tête, cachant son désarroi, ne voulait pas de pitié ou de sentiments de ce genre. Le serveur vint à sa rescousse, prêt à prendre commande, elle indique une boisson au hasard sur la carte, un de ces nombreux sangs en bouteille qui était maintenant en vente. Elle jeta un regard timide vers le mage, attendant sa réponse, puis, au bas de la page elle gribouilla vite en petites lettres pressées : « Cela ne te gêne que je boive devant toi ? » La commande passée, elle se sentit encore pressée, par cette envie ce besoin de répondre. Cependant l’ignorance et le doute étaient les sentiments qui subsistaient le plus elle ne finit jamais sa phrase qu’elle avait commencé, haussant simplement les épaules. Elle n’était pas quelqu’un de bien intéressant, elle était encore jeune dans tous les sens du terme, elle n’avait encore pas pu expérimenter la vie qu’on la lui avait ôtée et qu’on lui en avait imposé une nouvelle. Ce qu’elle voulait, ce dont elle avait besoin, tout cela était maintenant le cadet de ses soucis, c’était pour cette raison qu’elle était seule, dans un bar, alors que la nuit était jeune. Elle aurait pu travailler ce nouveau morceau qui lui était venu en tête l’autre jour, elle aurait pu chercher à faire amie-ami avec quelqu’un, elle aurait pu partir à la recherche d’un vampire qui saurait la guider, mais elle n’en avait pas envie, elle voulait qu’on la laisse vivre sa petite vie. Ou du moins, c’était ce qu’elle s’était imaginée, à entendre cet homme, elle commençait à se rendre compte, qu’au fond d’elle, elle voulait plus, elle désirait plus, elle avait de plus. Mais quoi, elle ne le savait pas encore.Elle jeta un énième coup d’œil à la phrase inachevée, comme si la réponse allait jaillir de la page quasi vierge, mais rien ne changeait, à part peut-être le fond sonore, car on autre groupe s’était mis à jouer, changeant l’ambiance et détournant le regard des derniers curieux de leur table. |
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