| par Invité Lun 1 Fév - 12:18
| A vrai dire, Alice ne s’attendait pas vraiment à ce que son interlocuteur lui réponde. Pour l’avoir autorisée à entrer chez lui, mieux encore, à lui faire la conversation autour d’une tasse de café presque tiède alors que la plupart des individus auraient souhaité se réfugier dans leur lit, la petite darkness ne pouvait espérer plus. Du moins, c’était ce qu’elle croyait jusqu’à ce que la requête de Damien soit énoncée à voix haute. Rester à ses côtés. Il ne le savait pas mais cette annonce l’emplissait de joie. Même si le terme était un peu excessif compte tenu du peu d’émotions qui transpiraient sur son visage impassible. En son for intérieur, la jeune fille savait qu’elle remplirait sa mission. Il ne pouvait en être autrement. C’était une requête de son congénère après tout ! Le débat lancé autour de sa tenue actuelle dissipa un peu le caractère solennel de leur conversation, laquelle avait démarré dans le bureau du juge. Alice se contenta d’un hochement de la tête et cela eut l’air de satisfaire son interlocuteur, puisque ce dernier enchaîna aussitôt. La petite darkness l’écouta vaguement, serrant toujours sa tasse entre ses mains, comme pour retenir le peu de chaleur qui filtrait à travers le récipient. Pour être toute à fait franche, elle ne comprit pas du tout de l’explication de Damien. A quoi bon s’encombrer d’autres vêtements quand on en possédait un ? Et qu’est-ce qu’un couturier venait faire là-dedans ? Ça se mangeait ? Seulement, elle songeait que ses interrogations n’auraient fait qu’ennuyer davantage son interlocuteur alors elle baissa les yeux en directement de sa tasse, restée à moitié pleine. Du moment qu’il l’autorisait à garder cette robe-ci tout en demeurant près de lui, le reste lui importait peu.
La suite la perturba plus qu’elle n’aurait pu le comprendre. D’abord, la jeune fille encaissa les reproches – si toutefois s’en étaient ? – impassible, comme à son habitude. Si Damien ne voulait pas qu’elle emploie ce mot, alors elle ne le ferait pas. Son esprit pouvait encore justifier cette situation. Mais lorsque cette même bouche tenta d’apporter une partie de l’explication du phénomène de l’amour, Alice perdit pied. Son esprit était confus. Tout ce que le juge venait d’énumérer, elle le ressentait en sa présence. N’avait-elle pas été suffisamment claire dès le début ? Son regard bleu roi se posa sur leurs mains, ainsi jointes. Dire qu’il lui fallait désormais essayer de mettre des mots sur ce qu’elle éprouvait, alors même qu’elle n’était pas réputée pour ressentir énormément de choses comme le faisait le commun des mortels… Lentement, elle déplaça sa main, plus petite, sur la paume ouverte de son interlocuteur. Elle était plus douce que celles d’autres hommes. Alice n’aurait su pourquoi et surtout, comme l’expliquer. C’était ainsi et elle l’aimait comme cela. Une fois, elle avait entendu une vieille femme prétendre pouvoir lire l’avenir dans les lignes de la main. Elle vendait son don à qui voulait bien l’entendre, jusqu’à ce qu’elle fasse part d’un sinistre destin à un jeune noble, qui, vexé, ternit sa réputation en faisant d’elle une sorcière. La pauvre fut pendue haut et court par des villageois déchaînés.
« Cela ne changerait rien pour moi si vous me demandiez de partir. » répondit-elle alors.
Et dans le fond, c’était cruellement le cas. La petite darkness n’avait pas les moyens physiques et mentaux de protester contre les décisions de Damien. Si ce dernier décidait en fin de comptes de la mettre à la porte, elle ne pourrait pas se défendre contre ça. Elle reprendrait alors son errance en solitaire, à la différence que, elle regretterait l’absence de son congénère. Le démon avait beau ne pas l’apprécier, Alice ne pouvait ignorer combien la proximité et le contact du juge étaient agréables. Cela n’avait aucune connotation avec le plaisir ou même le désir sexuel. Plutôt une sorte de reconnaissance mutuelle de leur race et l’apaisement provisoire pour deux êtres dont la nature même les contraignait d’être voués au vice sous toutes ces formes. Peut-être bien que l’homme prit la parole à ce moment-là, pour lui reprocher de mentir, à nouveau. La jeune fille n’en sut rien, pour la simple et bonne raison qu’elle combla la distance qui les séparait pour prendre une seconde fois Damien dans ses bras frêles. Oui, cela ne changerait strictement rien à son quotidien d’âme en peine mais elle voulait être près de lui. Et ce geste, à la limite du désespoir de se savoir incomprise par son congénère, prouvait son attachement pour le moins surprenant. Après quelques minutes passées à serrer le juge entre ses bras, ignorant les éventuelles tentatives de ce dernier pour la faire lâcher prise, Alice releva la tête vers lui.
« Apprenez-moi comment faire l’amour Monsieur Corbyn. » demanda-t-elle le plus naturellement du monde.
Encore une expression qu’elle avait parfois entendue, soit lors de séries diffusées à la TV, soit de la bouche même de personnes en chair et en os, sans réellement savoir ce que chacun de ces mots impliquait dans la pratique même. En dépit de son espoir silencieux, la suite ne se passa pas exactement comme elle l’aurait voulu. Si son interlocuteur botta en touche, il le fit magnifiquement bien. En effet, après un bref échange venant clore la conversation, Alice se retrouva devant la porte de la chambre de son hôte, tandis que ce dernier s’affairait à l’intérieur. Qui sait ? Peut-être renoncerait-il à l’idée de la faire dormir sur le canapé, comme toute première nuit à deux l’impose ? Profitant du fait que Damien ne la regardait pas, la petite darkness se déshabilla, pour de bon cette fois, laissant le tissu sombre glisser sur sa peau avant de se répandre par terre en un petit monticule de tissu. Prenant soin de ne pas se prendre les pieds dedans et de s’étaler bêtement sur le parquet, la jeune fille fit un pas, puis deux dans la pièce tandis que son regard se posait machinalement sur le grand lit. Avant que le propriétaire manifeste des lieux n’ait le temps d’ouvrir la bouche, elle se glissa dans les draps. |
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