La journée commença comme à son habitude : avec le son du réveil de son amant. Bien sur, elle n’avait pas à se lever en même temps que lui, puisqu’elle ne travaillait que le soir et encore, ce soir serait un repos. Mais si la louve avait décidé de se lever en même temps que Jilan, c’est-à-dire assez tôt, puisque ses cours commençaient généralement tôt, c’était pour se rendre en forêt. Depuis sa conversation avec ce néko, Leann était résolue à ne pas se la couler douce en attendant que son amant lui donne des cours. Elle pensait honnêtement qu’il pourrait davantage l’éduquer mentalement plus que physiquement. Sans vouloir lui jeter la pierre, il était plus du genre à penser qu’à utiliser sa force brute. Chose qui était pourtant l’atout principal des lycanthropes. Il fallait donc qu’elle s’entraine là dessus. D’abord, elle prévoyait de courir jusqu’à ne plus sentir ses jambes. Ce n’était surement pas la meilleure méthode qui puisse être, mais aller jusqu’à pousser son corps, était une chose qu’elle n’avait jamais fait. Jamais volontairement parce qu’il était évident qu’elle avait déjà eu des séances physiquement dures à supporter. Mais ça, c’était du passé. Elle déjeuna donc avec le jeune professeur. Cette routine était étrangement agréable. Bien sur, celle avec ses anciens colocataires l’était également mais ce n’était pas totalement la même chose. Ils étaient des amis mais ils n’auraient probablement pas pu l’aider comme le pourrait surement Jilan. C’était du moins, la vision des choses de la jeune femme. Alors qu’il partait pour donner ses cours, la louve se dirigea vers la forêt. Des vêtements assez usés sur le dos et d’autres dans un sac. A ce rythme, elle n’allait plus avoir des fringues assez vieilles pour les mettre et ne pas se préoccuper si elle se transformait avec. C’était en soi un peu gênant, parce qu’elle n’avait pas réellement envie de passer plusieurs heures dans des magasins pour s’en trouver des nouvelles... Surtout seule. C’était pas marrant. Il n’y avait que pour ses vêtements de boulot qu’elle aimait faire du lèche-vitrine et prendre son temps pour choisir des ensembles. Elle commença sa course dès la sortie de l’immeuble, c’était toujours plus intelligent que se rendre en forêt en marchant. Ce n’était pas vraiment une question de perte de temps mais plutôt de sens pratique. Une fois arrivée à destination, Leann déposa son sac de vêtement dans un arbre, pas trop près des sentiers pour éviter qu’on ne la voie nue. Non pas par pudeur mais parce que la plus part des individus reste choquer face à un tel spectacle. Comme si personne n’avait jamais vu le corps d’une femme en tenue d’Eve. Mais bon, les mœurs étaient encore à la bienséance. Leann courut encore un peu, cette fois nu-pied, à travers les arbres. En prenant soin de faire attention à chaque odeur, chaque bruit qui l’entourait. Elle faisait toute confiance à sa bête pour l’avertir si un danger les menaçait. La louve se rendit dans une clairière. A vrai dire, ce n’était pas n’importe laquelle : c’était celle que lui avait montré Danaliel. Là où il l’avait laissé seule pour qu’elle apprenne certaines choses avec cette autre partie d’elle. C’était devenu son point de départ à chaque fois qu’elle se rendait en forêt. Comme pour ne pas oublier ce qu’il avait essayé de lui faire comprendre et surtout, pour se rappeler combien elle avait été faible quand son compagnon était venu combattre un lycanthrope qui s’en était prit à elle. Oui, elle était maintenant avec Jilan, même si le terme de « couple » ne leur correspondait pas vraiment, mais elle ne pourrait probablement jamais oublier ce moment là, à regarder son amant se battre alors qu’elle restait en retrait. Si elle avait été plus forte, il n’aurait pas perdu son œil et peut-être qu’il ne serait pas mort dans cette foutue ruelle ! Un hurlement franchit les lèvres de la jeune femme. Stop ! C’était du passé, cela ne servait à rien de se remémorer cet épisode de sa vie. Elle devait simplement s’en servir comme moteur pour avancer !
Leann commença donc à prendre sa forme lupine. Craquements d’os, muscles qui s’épaississent, poils qui apparaissent sur la totalité de son corps, crocs acérés... Toujours le même processus subit dans une douleur silencieuse. Avec ses transformations de plus en plus fréquentes, elle pouvait noter une légère augmentation dans la rapidité de changer de corps. Et elle avait également apprit à ne plus laisser la douleur se lire sur son visage. Elle supportait déjà bien la douleur avant mais maintenant, elle était presque sûre qu’on pourrait penser que prendre l’apparence d’une louve ne lui faisait rien. Ce qui n’était bien évidemment pas le cas. Une fois sa forme lupine prise, la bête enfonça ses griffes dans le sol pour le faire remuer. C’était devenu comme une sorte de rituel pour elle, une fois libre. Parfois, elle se mettait à hurler, mais elle avait fini par se dire que ça pouvait également alerter les autres occupants de la forêt et qu’ainsi la chasse ne serait peut-être pas aussi bonne. Doucement, la bête se déplaça entre les arbres, à la recherche d’une odeur de proie. Au bout de quelques minutes, elle sentie celle d’un cervidé. Imposant. Elle ne le vit pas, elle ne faisait que le sentir et elle décida donc de le prendre en chasse. Première chasse qu’elle ne ferait qu’à l’odorat. Ordinairement, elle ne le faisait à la vue. C’était peut-être un peu plus compliquer, elle devait presque faire abstraction du reste pour ne pas perdre sa piste. Cela prit de nombreuses minutes avant qu’elle ne finisse par le rattraper. Un cerf, magnifique et surtout plutôt gros. Dans le fond, c’était gênant puisqu’elle ne pourrait surement pas le manger en entier mais elle n’avait pas agit ainsi pour se nourrir ! Mais pour s’entrainer ! Après quelques instants de plus, elle décida de passer à l’action en se ruant sur sa proie, crocs et griffes sorties. Elles se plantèrent dans l’animal qui se mit à hurler. Elle s’était souvenue de la marque au cou qu’avait eu la biche, que Danaliel lui avait apporté. Elle s’attaqua donc au même endroit sur cette bête-ci et serra les mâchoires jusqu’à ce qu’elle ne bouge plus.
Je me levai paresseusement du sol et remuai ma fourrure tout en me dégourdissant les pattes. Je baillai la gueule grande ouverte pour ensuite commencer cette journée que le soleil levant venait illuminé. Comme vous l'aurez remarqué, je n'étais pas sous forme humaine au réveil ce matin mais bien sous forme animale. Un énorme loup, bien plus grand et plus gros qu'aucun loup ne le serait jamais. Et ce loup que j'étais, blanc comme la neige, avait passé sa nuit dans la forêt. Ou tout du moins, le reste de la nuit, étant donné que j'étais passé par l'immeuble de ma tante pour m'assurer que tout allait bien pour elle. Bien qu'elle avait pour neveu un jeune garçon à moitié-humain à moitié-loup, elle était bien loin de pouvoir se défendre contre seule contre les créatures qui peuplaient la nuit. Encore faudrait-elle qu'elle soit au courant de l'existence de ces créatures, dont certaines s'évertuaient à rester dans l'ombre jusqu'à ce qu'elles frappent leur proie. Qu'importe, le matin était maintenant arrivé, et levant le museau vers la forêt, je goûtai aux odeurs qui parcouraient les bois. Aucune trace de présence menaçante à proximité. Bien, il était temps de prendre son petit déjeuner.
Mais alors que je marchais silencieusement à travers les bois, truffe au sol, j'entendis au loin un hurlement bref mais distinct. Une voix humaine, féminine, vers l'ouest. Mais elle était bien trop loin pour être à porter de mon odorat. Je décidai de continuer ma chasse tranquillement, n'ayant perçu aucune souffrance physique dans son cri. Elle s'en remettrait surement. Continuant à quatre pattes, je me laissai aller à mes instincts les plus primaires. Et au bout de quelques heures, je trouvai la piste d'un cervidé en pleine forme qui gambadait à un kilomètre de là. J'entamai ma chasse, me décidant à ne pas pousser le hurlement mélodieux qui l'accompagnait afin de ne pas alerter d'éventuels prédateurs. Petit à petit, je me rapprochai de ma cible sous le vent, afin qu'elle ne me débusque pas. Mais lorsque je fus plus qu'à une petite centaine de mètres de ma proie, alors que tout s'annonçait bien, une odeur distincte et reconnaissable entre toute me parvint. Relevant la tête vivement, je tournai le museau vers la nouvelle source et retroussai les babines. Pas d'erreurs possibles, un autre prédateur et pas des moindres : un lycan tout comme moi fonçait à vive allure vers ma proie, toujours inconsciente du double danger qui la guettait.
Je retins le grondement territorial qui montait du fond de ma gorge afin de ne pas effrayer le cervidé, mais il était trop tard. La louve -car c'en était une- déboula et fondit sur l'animal qui ne put qu'éprouver de la peur avant que la prédatrice ne referme ses crocs sur sa gorge et mettent fin à sa vie. Cet abattoir m'avait semblé quelque peu hésitant, hasardeux, me laissant penser que cette louve ne chassait pas souvent. Tout du moins pas en forêt. Elle devait donc être plutôt jeune en tant que lycane, ou tout du moins pas expérimentée. Elle ressemblait énormément à n'importe quel loup gris commun, avec quelques tâches noires sans plus. Un observateur non-averti aurait surement fait la confusion, mais mes sens étaient formels : elle n'était pas une simple louve. Son manque de pratique aurait pu expliquer le fait qu'elle n'ait pas repérer ma présence et n'ait donc pas suivi que cette proie était déjà prise. Cela ne changeait rien au fait qu'elle venait de me voler un magnifique petit-déjeuner que j'avais mis des heures à chasser et cela ne resterait pas impuni. D'ailleurs, cette petite coïncidence n'était pas sans me rappeler une précédente rencontre avec une certaine louve, mais le contexte était différent.
Trêve de tergiversations, me ramassant au sol, je m'élançai rapidement mais silencieusement malgré ma taille à travers la forêt et parcourrai les derniers cent mètres en un instant puis me jetai sur la louve qui s'était accaparée ma proie. Je vins la bousculer de plein fouet afin de l'envoyer valser un peu plus loin et, les oreilles plaquées furieusement sur mon crâne et les babines retroussées, je poussai un long grondement. Un peu d'action ce matin ?
La bête était déjà en train de se nourrir, à peine sa proie morte. Elle avait cru apprendre qu’une fois froide, la nourriture ne serait pas aussi gouteuse et avec le mal qu’elle s’était donné pour la chasser, elle ne voulait rien gâcher ! Arrachant un morceau de chair assez conséquent et ne se préoccupant plus de rien d’autre que cette sensation lui procurait, la louve n’entendit, ne vit ou n’entendit l’autre prédateur qui lui tombait dessus. Ce fut seulement quand elle senti une énorme poussée contre son flanc qu’elle se rendit compte combien elle était novice dans la chasse. Pourquoi Diable Danaliel ne lui avait pas montré comment faire ? Au moins les bases ? En discuter avec elle ! Peut-être parce qu’elle n’était pas prête à ce moment là. Et bien qu’aujourd’hui, elle le regrettait, elle ne pouvait pas non plus lui jeter la pierre pour ça. Remarquant qu’elle était toujours sur le sol de la forêt et que son adversaire lui était déjà en position d’attaque, elle se fit violence pour se remettre sur pied. Sa façon de faire lui fit penser à un dominant et elle senti des frissons se répandre dans tout son corps. Merde ! C’était la première fois qu’elle en rencontrait un en étant toute seule. Elle ne savait pas vraiment quoi faire ou même comment réagit. Mais une chose était sûre, elle n’avait aucune envie de se laisser dominer par qui que ce soit ! Enfin... Si peut-être bien quelqu’un mais ça c’était une autre histoire. Imitant le loup adverse, ses oreilles se baissèrent légèrement et elle lui montra ses crocs en grognant. Une petite partie d’elle lui disait que ce n’était probablement pas la meilleure façon de faire avec un loup plus gros qu’elle mais elle se souvient de sa conversation avec le néko. Il lui avait conseillé de se battre pour elle, si on l’attaquait et c’était bien ce qui était en train de se passer non ? Leann senti quelque chose changer dans ses muscles, comme s’ils se détendaient un peu. Ce qui lui parut bizarre puisqu’elle allait devoir en avoir besoin. Si elle avait été seule, elle aurait certainement poussé un grognement de frustration devant toutes ses lacunes. Mais ce n’était pas le moment pour penser à tout cela. Il fallait déjà qu’elle se sorte de cette forêt en un seul morceau, pas trop abîmé mais également en ne se soumettant pas. C’était quand même une première pour Leann ! Elle ne voulait pas se soumettre ! Elle qui avait passé tant de temps à hocher la tête sous les ordres et tout ce que cela impliquait, voila qu’elle ne voulait pas baisser la tête face à un adversaire. Probablement plus expérimenté qu’elle. D’accord, elle n’avait peut-être pas choisi le meilleur moment pour commencer à vouloir faire bouger son comportement.
Prenant appuie sur ses pattes arrières, elle donna une puissante impulsion pour se ruer vers l’étranger, tout en grognant légèrement. Elle visa sa gorge, comme avec la bête de tout à l’heure mais elle le rata. Et royalement en plus ! Il avait bougé trop vite pour elle. Ou alors, elle n’était pas habituée à devoir bouger aussi vite. C’était la première fois qu’elle se battait réellement. Ca lui faisait bizarre mais étrangement, elle aimait ce vague sentiment de danger. Peut-être qu’il partirait vite quand elle serait gravement blessée ? Elle secoua la tête pour se sortir ce genre de pensées de son esprit et recommença à vouloir l’attaquer. Mais c’était sans compter que lui aussi passait à l’attaque et n’avait surement pas envie de se laisser faire. Sinon, il ne s’en serait pas prit à elle en premier ! Elle sentit ses griffes pénétrer dans sa chair avant qu’elle ne réagisse assez vite pour l’éviter. Elle ne laissa pas passer de gémissements de douleur, elle ne lui donnerait pas ce plaisir pour si peu ! La louve se recula un peu, pour pouvoir le voir arriver à la prochaine attaque. Elle avait toute son attention rivée sur les pattes de son adversaire. Peut-être qu’ainsi, elle serait assez rapide ? Elle laissa cependant échapper un grognement de frustration en se disant qu’elle ne savait pas se battre ! Devait-elle utiliser sa vue, son ouïe, son odorat ? Tous en même temps ? Comme quand elle était en train de chasser ? Et s’il n’était pas seul ? Et qu’elle se faisait encore une fois avoir parce qu’elle ne se concentrait que sur une seule proie ? C’était d’un compliqué ! Alors qu’elle s’était perdue dans ses pensées, elle le vit repasser à l’attaque et bougea en conséquence, se reculant rapidement pour essayer de garder une certaine petite distance entre eux. Elle eu soudain envie de fuir, ou tenter de fuir pour ne pas avoir à l’affronter mais ça reviendrait à revenir sur ses décisions. Et elle ne resterait qu’une soumise ! Serrant les dents et retroussant les babines, ce fut à son tour de se ruer vers lui, cette fois, elle lui toucherait la patte droite ! Du moins, c’était là son objectif et elle allait faire en sorte que cela marche, avec toute l’inexpérience qu’elle avait. (hrp : D’abord, désolée pour le temps de réponse. Ensuite, comme j’ai fais un peu bouger ton loup, si quelque chose ne te conviens pas, dis le moi et j’éditerais ! Si tu veux faire bouger Leann, soit qu’elle se reprenne un coup ou deux ou même la faire esquiver, tu peux ! Sinon on risque de ne pas faire beaucoup avancer le rp x) )
La louve qui venait de me piquer ma proie n'avait pris conscience de mon offensive que lorsque j'étais déjà sur elle, l'envoyant dans les airs pour ré-atterrir plus loin. L'odeur du sang m'avertit sans même avoir à regarder qu'elle avait déjà commencé à se repaître de sa dernière victime. Elle profitait que l'animal soit chaud pour entamer son repas. Ce qui était la meilleure façon de le savourer d'ailleurs. Mais le fait qu'elle n'ait perçu ni ma présence, ni mon arrivée renforçait ma première impression concernant sa jeunesse en tant que louve. Ou tout du moins son inexpérience. Celui ou celle qui l'avait changé ne l'avait donc pas éduqué ? Cela arrivait fréquemment, même si en général il était fortement recommandé aux loups qui ne voulaient pas subir un lourd châtiment de s'occuper de ceux qu'ils changeaient. Cela avait pour but d'optimiser nos chances de rester cachés aux yeux du monde diurne, nous, créatures de la nuit. Mais ceci était avant la révélation publique au monde de notre existence. Maintenant que tout le monde savait, tout du moins ici à l'Avventura, les lycans se contentaient de mordre des humains quand l'envie leur prenait et les laissait se débrouiller seuls avec leur nouvelles capacités. Qui, si je ne me trompais pas dans le cas de cette louve, étaient loin d'être maîtrisées.
Je vis la louve grise se relever, tout d'abord un peu surprise, puis elle se redressa de toute sa hauteur et adopta la même posture agressive que moi. Nos rythmes cardiaques avaient quelque peu accéléré à cause de l'anticipation à la bataille, mais quelque part j'étais ravi de voir qu'elle ne renonçait pas. Même si la différence de taille entre nous deux était non-négligeable. Alors que j'étais bien en position, les pattes fléchies, attendant sa réaction, je fus servi sur un plateau. D'un bond, elle fonça sur moi et tenta de me saisir à la gorge avec ses crocs. Mais je n'eus aucun mal à l'éviter, me déplaçant rapidement malgré ma corpulence. Grâce à mes sens plus développés que ceux de mon espèce, notamment grâce à ma vue, j'étais capable d'anticiper certains mouvements. Après cette attaque elle s'arrêta quelques brèves secondes alors que je ripostais en lui donnant un coup de pattes. Bizarrement, alors que je m'attendais à ce qu'elle esquive, mes griffes déchirèrent sa peau, laissant l'odeur de son sang teinter l'air. Pourquoi elle n'avait pas bougé ? Etait-elle en train de rêver pendant le combat ? Cependant, même si je pouvais flairer sa douleur, elle n'en laissa pas paraître le moindre son. Haha, il en fallait de la volonté pour ça. Elle fit quelques pas en arrière pour prendre de la distance et riva son regard sur mes pattes puis poussa un grondement...de frustration ? Lorsque je bougeai de nouveau, elle réagit immédiatement et recula rapidement. Mais mon instinct de prédateur me poussa à la poursuivre, à continuer mon avancée vers elle, et son rapide changement de comportement me surpris. Elle fonça vers moi et me donna un croche-patte à la patte droite. Etonnée et victime de mon élan, je ne pus esquiver et je m'emmêlai les pinceaux me retrouvant au sol avec une roulade. Mais je me remis tout de suite debout. On dirait qu'elle avait pris du poil de la bête.
Mais il me vint quelque chose à l'idée. La punir tout en l'aidant. Je ne comptais pas la ménager pendant ce combat, mais je pouvais tout de même lui apprendre à se servir de ses sens. Cela lui servira à l'avenir. Continuant de me battre avec elle, je multipliai les feintes et les attaques. Un bond sur le côté puis une attaque, des coups de pattes dans le vide, mais assez proches de son visage pour la faire réagir. De son côté, elle aussi attaquait, et franchement. J'arrivais cependant à l'esquiver sans trop de peine. Mais lors d'une de ses offensives où elle fonça sur moi alors que j'étais en mouvement, je me laissai entraînai par son élan. Claquant des mâchoires proche de son museau, je me sortis vite fait de sous sa carcasse et, sans prévenir, je me fondis dans les arbres aux alentours. Cela faisait parti de ma ruse pour l'amener à mieux utiliser ses sens. Je me déplaçais silencieusement à travers les arbres, espérant l'amener dans mon petit jeu. Et même si ce n'était pas le cas, je l'attaquai. Sortant du couvert des arbres à un tout autre endroit par lequel j'étais arrivé, je fonçai sur elle afin de la bousculer, avant de me remettre à couvert dans la forêt dense.
Leann fut la première surprise en voyant que son attaque avait touché et porté ses fruits. Certes, elle avait espéré lui porter un coup mais elle savait bien qu’elle était en train de participer à son premier combat -physique- de sa vie. Alors, les coups portés convenablement... Elle ne pouvait qu’espérer les porter à bien. Mais elle ne se déconcentra pas pour autant et garda toute son attention fixée sur son adversaire. Il ne la reprendrait pas par surprise ! La louve aurait presque préféré qu’il reste à terre pour qu’elle puisse quitter les lieux sans avoir l’impression de fuir. Mais il ne fallait pas se leurrer. Si elle, une ancienne soumise -même si elle l’était toujours plus ou moins- n’avait pas voulu accepter la supériorité de cet étranger, il ne faisait aucun doute qu’il allait pensé la même chose la concernant. Dans une certaine mesure, c’était presque amusant de voir cette scène se dérouler. En tout cas, sans aller jusqu’à éclater de rire, Leann s’amusait. Probablement à ses dépends puisqu’il semblait être plus fort et expérimenté qu’elle. Mais si elle parvenait à ne pas mourir dans cette forêt, cet évènement ne pourrait qu’enrichir son inexpérience. Et c’était peut-être la meilleure façon qu’elle avait d’apprendre ? Après tout, il parait que c’est en « forgeant que l’on devient forgeron » peut-être que si elle se battait plus souvent contre des adversaires expérimentés, elle en deviendrait également une ? C’était comme cela que Jean-Dame avait réussit à progresser non ? Elle le regarda donc se relever, aussi rapidement qu’il avait esquivé son premier coup. En parlant de coup, elle sentait son propre sang qui s’était collé à son pelage et elle espérait que cela n’attire pas plus de prédateur, à défaut d’exciter celui qui lui faisait face. Sa blessure s’était refermée, elle l’avait senti mais l’odeur resterait présente le temps qu’elle ne s’en débarrasserait pas. Tant pis, elle allait devoir faire avec... Ou se mettre à courir jusqu’au lac pour se plonger dedans. Malheureusement, elle n’avait pas vraiment cette possibilité pour le moment. Elle ne tournerait pas le dos à ce lycanthrope. S’il courait plus vite qu’elle, il pourrait facilement la mettre à terre en lui sautant dessus et elle serait à sa merci. Et la jeune femme n’en avait pas particulièrement envie.
Le combat reprit mais aucune goutte de sang ne se versa. Le loup parvenait à esquiver ses attaques, ce qui la frustrait et l’énervait dans un même temps. C’était là aussi une nouvelle sensation, jamais encore Leann n’avait laissé libre cours à sa colère. Il n’y avait pas à dire, cela faisait du bien ! Quant aux coups de son adversaire, ils passèrent tous plus ou moins à quelques centimètres de sa peau. Elle ne pouvait pas croire qu’elle s’était améliorée au point d’esquiver elle aussi les coups. Mais cela reviendrait à dire qu’il faisait exprès de ne pas la toucher, malgré la force qu’il y mettait ! Ce qui dans le fond, ne lui plaisait pas. Elle aurait encore préféré qu’il la blesse à plusieurs reprises sans se retenir. Oui, la louve avait un penchant pour le masochisme mais c’était surtout pour apprendre jusqu’à la vibre de son corps ces sensations. Elle se rua alors vers lui, c’était à son tour d’attaquer, même s’il n’y avait pas vraiment de rythme... Quoi que, lorsqu’un des loups attaquait l’autre esquivait et vice-versa. C’était presque comme une dance ! Cette pensée amusa Leann. La dance, elle connaissait ! Et elle était même plutôt bonne là dedans ! Peut-être qu’elle pourrait se servir de cette approche pour s’améliorer ? C’était une idée à ne pas oublier ! Elle fut surprise de voir qu’il n’esquiva pas cette attaque-ci et elle se raidit malgré elle en entendant le claquement de ses crocs si près de son museau. Il lui avait fait peur ! Plus peur que le combat en lui même ! S’il avait réussit à la toucher à cet endroit, elle aurait surement pu tourner les talons, la queue entre les pattes ! Il avait encore fait exprès de ne pas la toucher ? Cette pensée la dérangeait vraiment ! Ou alors, il ne faisait que s’amuser lui aussi ? A sa manière ? Si c’était le cas, elle n’avait pas vraiment de quoi lui jeter la pierre, trouvant elle aussi certaine partie de cet affrontement amusant. Un sadique et une maso... Ils allaient pouvoir passer un bon moment ! Perdue dans ses vagues pensées, elle le vit partir en direction des arbres à défaut de le sentir s’extraire de sa prise. Merde ! Elle le senti plus qu’elle ne le vit quand il vient la percuter. Re merde ! Alors qu’elle pivotait pour essayer de mordre l’une des pattes du loup, ce dernier était déjà parti se cacher sous le couvert des arbres. Il jouait réellement avec elle ! Leann grogna à son attention lorsqu’il lui posa la question et ferma les yeux pour ne se concentrer que sur son flair et son ouïe pour essayer de le repérer. Il n’allait quand même pas pouvoir rester cacher éternellement à ses sens ! Ce n’était pas une ombre ! Elle marqua un temps d’arrêt. Poser la question ? Il avait parlé ? On pouvait faire ça ? Elle n’avait jamais essayé et ça lui semblait bizarre ! Peut-être parce qu’elle n’avait pas prit son apparence lupine très souvent jusqu’à récemment ?
Elle le senti -cette fois avec son odeur- se rapprocher d’elle du côté de son flan droit et elle parvient à l’éviter de justesse, sentant le pelage du loup frotter contre le sien. C’était une sensation grisante et elle devait reconnaitre qu’elle aimait ça ! Peut-être parce qu’il n’y allait pas aussi fort qu’il le pouvait ? Aussitôt cette pensée traversa son esprit qu’il vient la percuter une autre fois. Elle ne l’avait pas senti venir cette fois ! Elle n’avait pas été assez concentrée ! Merde ! Il fit cela plusieurs fois, au point où elle commençait à se dire qu’elle allait finir par avoir des bleus sur l’ensemble de son corps. Au bout de quelques minutes, elle parvenait à mieux le sentir et l’entendre arriver sans le lâcher une fois qu’il s’éloignait d’elle. Leann s’étonna en se demander s’il n’était pas en train de l’aider ou de l’entrainer en agissant de la sorte. Ce n’était quand même pas possible ? Non... Il ne devait faire que jouer avec elle ! Elle se remit à grogner. Qu’il l’attaque pour de bon à la fin ! Ou qu’il s’explique ! N’importe quoi !
Au fur et à mesure que ce combat durait, j'y prenais de plus en plus plaisir tout en oubliant l'objectif premier de cet affrontement qui était le vol de ma proie. Maintenant je me battais pour le plaisir de me battre. Il paraissait que les lycans étaient réputés pour leur amour du combat, tout du moins pour la plus part d'entre nous. C'était inscrit dans nos gênes. Et franchement, je me voyais mal changer cette partie de moi. J'avais expérimenté tant de combats dans ma vie que j'aurais pu difficilement les compter grâce à la panel des nombres existants sur Terre. La plus part d'entre eux avaient été contre des humains, toujours en bandes - sinon le combat aurait été trop peu intéressant. Je m'étais même battu de temps à autres contre des tigres et une fois contre un ours. Mais dernièrement je m'étais battu contre une louve du nom d'Amarra qui avait signé l'une de mes rares défaites. J'essayais de réconforter mon ego en me disant que cette dernière n'était pas qu'une louve ordinaire, mais cela avait été néanmoins une expérience enrichissante et amusante - tout du moins jusqu'à ce qu'elle se transforme en tout cas - et je ne regrettais en rien. Et aujourd'hui, je me battais contre une louve, dont je ne connaissais toujours pas le nom d'ailleurs.
Mais je constatai qu'au cours de l'affrontement, son hésitation avait laissé place, elle aussi, à l'amusement. Je remarquai évasivement que sa blessure ne saignait plus, ce qui signifiait qu'elle s'était refermée. Elle commençait à apprécier le combat elle aussi, à tel point que lorsque je la ménageais, faisant mes mâchoires claquer non loin d'elle sans la toucher, elle commença à s'énerver. Je pouvais clairement percevoir sa frustration, et cela me donnait envie de rire. Lorsque je m'étais finalement soustrais temporairement à la bataille pour rejoindre le couvert des arbres, elle sembla un peu perdue. Je la bousculai une première fois, et elle tenta de me saisir la patte, mais trop tard. Je lui laissai un temps de répit avant de re-commencer. Cette fois-ci elle avait réussi à esquiver. Elle semblait commencer à comprendre le truc, comment utiliser ses sens. Elle reprit tout de même fois plusieurs bousculades avant de s'habituer et de m'éviter. Je l'entendis une nouvelle fois grognai de frustration d'ailleurs. Je déduis à la tension qui l'habitait qu'elle était concentrée sur ses sens pour me percevoir, et qu'elle avait fini par arrêter de me perdre. Eh bien il n'était pas trop tôt. Je pouvais enfin passer aux choses sérieuses. Il était temps de reprendre le combat.
Une fois de plus, je fonçai sur elle, sortant des arbres vif comme l'éclair. Elle commençait à s'habituer, et elle esquiva une fois de plus mon assaut. Mais cette fois-ci je ne retournai pas dans ma cachette. Lorsqu'elle esquiva, je pris appui sur une patte pour pivoter et retournai tout de suite sur la louve grise et je mordis son flanc tout en entamant avec elle un roulé-boulé. Emportés par mon élan, nous nous retrouvâmes au milieu des arbres. Jusqu'à présent nous nous étions battus dans ce qui ressemblait plus à une clairière, mais dans la forêt elle même c'était différent. Nous n'avions plus autant d'espaces et il fallait faire attention à son entourage. Lorsque je m'éloignai encore une fois d'elle, je grognai de plaisir et d'amusement.
Surprend moi petite louve..
Je me léchai les babines de manière provocante, et je pris l'initiative avant qu'elle ne le fasse. Slalomant entre les arbres pour la déstabiliser, je fonçai et je sautai sur elle, tout crocs et toutes griffes dehors. Ma course et mon saut était emplie de la grâce naturelle des loups. Je détendis ma patte pour lui donner un coup au niveau du visage. L'excitation du combat était omniprésente et mon loup ronronnait de plaisir. Etant plus expérimentée qu'elle, j'avais surement l'avantage dans la clairière, mais au milieu des arbres elle pouvait utiliser son environnement. C'est ce que je voulais d'ailleurs qu'elle fasse. Même si il n'y aurait pas toujours des arbres, il y aurait surement d'autres choses dont elle pourrait se servir. Jusqu'où allait son imagination ? Cette fois je ne comptais pas la ménager, alors j'espérais qu'elle avait du répondant.
L’instant était comme fixé dans le temps aux yeux de la louve. Il pouvait bien se passer n’importe quoi autour d’elle ou dans le monde extérieur, qu’elle n’en avait cure, seul cet échange de coups/esquives avait de l’importance. C’était surement dangereux d’agir ainsi mais il fallait la comprendre ! C’était la première fois qu’elle ne reculait pas devant plus fort qu’elle, qu’elle essayait de tenir tête à quelqu’un ! Elle savait évidement qu’elle avait encore beaucoup de chemin à parcourir pour pouvoir être une lycanthrope digne de ce nom -au niveau des combats physiques- mais elle ne désespérait pas ! Rien n’était encore perdu. La preuve, Leann était sortie de ce cercle de soumission dans lequel elle aimait se perdre. Ce n’était probablement rien aux yeux de n’importe quel individu mais pour elle, c’était beaucoup. Surtout après tout ce qui lui était arrivé. Dommage qu’il lui ait fallut la mort de son compagnon pour le comprendre et bouger. Le loup arriva de nouveau sur elle et comme précédemment, elle réussit à esquiver de quelques centimètres le coup. Elle s’attendait évidemment qu’il reparte dans l’autre sens pour se cacher une nouvelle fois sous le couvert des arbres, mais ce ne fut pas le cas et un grognement franchit ses lèvres quand elle senti les crocs de son adversaire pénétrer sa chair. Elle avait au moins confirmation sur une chose : il avait fait exprès de ne pas la toucher au cours des dernières minutes à la charger. La jeune femme se laissa emporter dans l’élan du loup, incapable de résister à la traction de leur corps. Elle senti le sang recommencer à couler sur son pelage et elle espérait de nouveau que cette odeur ne vienne pas attirer d’autres prédateurs. Elle n’était surement pas prête à ça. Pas maintenant.
Le décor venait de changer. Elle avait perdu le sentiment de protection que lui procurait la clairière, pour se retrouver entre les hauts arbres. Ce n’était pas du tout rassurant, les odeurs y étaient plus fortes et la vision moins bonne. Ce loup continuait à jouer avec elle ! Il avait surement fait exprès de l’emmener jusqu’ici ! Et pourtant, la bête continuait de prendre du plaisir là dedans. Peut-être parce que c’était le premier vrai échange avec un être de son espèce ? Parce qu’elle pouvait laisser libre cours à ses émotions ? Parce qu’elle n’arrive tout simplement pas à prendre au sérieux le déroulement du combat ? Un peu de tout cela. Elle avait l’impression qu’il s’amusait plus qu’autre chose, s’il avait vraiment voulu lui faire du mal -ce qui pouvait toujours arriver !- il y aurait mit plus de force et de rapidité dès le début et aurait prit le dessus sur elle rapidement, voir même immédiatement. Alors oui, elle s’amusait plus qu’autre chose, tout en apprenant quelques petits trucs en plus. Elle devrait surement le remercier pour tout cela. S’il lui en laissait l’opportunité et la vie. Une danse pour monsieur ? Cette idée la fit sourire intérieurement mais elle redevint sérieuse dès qu’elle entendit le grognement du loup. Ses paroles la firent également grogner. Il était inutile de lui rappeler qu’elle était novice là dedans !
Mais le surprendre ? Comment ? Elle n’avait mit les techniques, ni le temps pour lui tendre un quelconque piège. Leann le regarda arriver vers elle, zigzaguant entre les arbres probablement pour qu’elle le perde de vue. Sauf qu’elle le suivait toujours à l’odeur ! Malheureusement, elle n’était pas assez réactive qu’elle sentie les griffes de son adversaire lacérer son visage, au niveau de sa joue jusqu’à son œil. Il n’était pas crevé mais elle pouvait sentir un liquide chaud coule de son orbite et il lui était impossible d’ouvrir la paupière. Elle le remercia mentalement de ne pas avoir utilisé d’argent. Sinon, elle aurait pu dire adieu à son œil ! Là, elle allait simplement devoir attendre quelques heures ou jours pour que la blessure guérisse. Elle geint faiblement, la douleur était assez désagréable pour lui faire lâcher son attention du loup. C’était une erreur, elle le savait mais même si elle supportait la douleur, il y avait des réflexes qu’elle ne pouvait pas contrôler.
Leann essaya de faire marcher son cerveau, ce qu’elle savait sur la topographie des lieux et de ce qu’elle pourrait en tirer comme profit. Mais entre la douleur, l’excitation de sa bête et son désir de ne pas se laisser marcher dessus, ses pensées ne l’aidaient pas vraiment à trouver de solution. Finalement, elle se décida de l’attaquer de front à son tour. En se concentrant de nouveau, elle pouvait savoir à peu près où il se trouvait. La lycanthrope s’élança donc dans sa direction. Mais elle n’allait pas aussi vite qu’elle le pouvait. Pour cause : elle faisait exprès de gratter son pelage aux autres qu’elle croisait. Laissant ainsi son odeur sur l’écorce, comme une trainée de poudre -pensant que cela pourrait le perturber- mais également dans le but que ses poils s’imprègnent du parfum des arbres. Elle pensait pouvoir masquer sa propre odeur en agissant ainsi, pour essayer ainsi de le prendre par surprise. Bien sur, il restait encore sa vue et elle était meilleure que la sienne maintenant ! Mais pour le moment, il n’y avait que cette idée qui lui était venue à l’esprit. Malheureusement, le temps que ses blessures ne seraient pas refermées, l’odeur de sang continuerait de la suivre. Effluve que chaque loup ne peut ignorer. Elle arriva cependant près de lui, après quelques bonds entre les arbres et elle fit claquer sa mâchoire près de son poitrail, arrachant quelques poils au passage. Peut-être qu’avoir un œil fermé allait l’handicaper plus qu’elle ne l’aurait cru. Mais elle n’attendit pas de se poser plus de question, elle repartie à son tour. Elle agissait comme lui précédemment. Sauf qu’il bougeait également entre les arbres et le jeu du chat et de la souris n’en devenant que plus excitant. Bientôt, un certain périmètre d’arbre sera recouvert de son odeur, laissant même des trainées de sang sur les végétaux pour rendre sa localisation plus difficile.
Comme je le pensais, je réussis à percuter la louve grise et à lui faire rejoindre le couvert des arbres grâce à mon pivot et une contre-attaque rapide. Je lui avais mordu un peu en dessous de l'épaule où le sang avait recommencé à couler. Je ne visais pas les points vitaux afin que la lycanthrope n'ait pas trop de mal à guérir. Je ne voulais pas que cet affrontement lui laisse des marques durables et je savais que faire dans ce but. Mais je ne tenais pas pour autant à la ménager comme je l'avais fait auparavant. Le combat allait devenir un peu plus sérieux et j'espérais que, sous la pression et l'urgence, son instinct prendrait un peu plus le dessus et elle finirait par acquérir assez d'expérience pour me surprendre. En attendant, l'odeur de son sang emplissait l'air de la forêt une fois de plus, faisant remuer loup d'excitation contrôlée. D'autres prédateurs à l'odorat assez fin seraient surement capables de sentir l'odeur de son sang, mais si c'était le cas, ils seraient tout aussi capable de flairer l'odeur des deux prédateurs que nous étions. Et je n'étais pas sur qu'il prendrait le risque de s'attaquer à nous, sauf bien sur si ils pensaient que nous n'étions que deux simples loups. Auquel cas ils se fourvoierait complètement et le regretteraient surement. Mais pour l'instant, nous vivions l'instant présent. Si quelqu'un ou quelque chose venait perturber notre bagarre, je le saurais.
La louve grise semblait un peu moins à l'aise avec tout ces arbres qui nous entouraient à présent, mais néanmoins pas décidé pour autant à abandonner. Bien, parce que je m'amusais bien trop pour que cela se finisse maintenant. Et elle semblait tout aussi bien que moi prendre plaisir à cet affrontement. Les odeurs de la forêt, comparées à celles de la clairière, étaient plus riches, plus profondes et à mon sens beaucoup plus mélodieuses. Cela ne m'empêchait en aucun cas de me concentrer sur les signes vitaux de la louve, même si pour elle, qui ne semblait pas avoir beaucoup d'années de pratiques avec ses sens, ce mélange d'effluves pouvaient s'avérer être une légère distraction. Elle grogna une nouvelle fois avant que je fonce sur elle, zigzaguant entre les arbres pour enfin sauter sur elle et lui asséner un coup de griffes. Même si elle semblait avoir suivi mes mouvements, elle n'avait pas pu réagir à temps et ma patte la toucha, ouvrant sa peau de sa joue jusqu'au bas de son oeil. Flûte, son oeil était légèrement touché ! Je m'étais un peu laissé emporter et je n'avais pas vraiment fait attention mais je veillerais à ce que ça ne se reproduise pas. Par ailleurs, la blessure n'était pas trop grave et si elle se transformait à plusieurs reprises pour accélérer un peu le phénomène de guérison, à la fin de la journée tout devrait rentrer dans l'ordre.
Mais lorsque j'y réfléchissais bien, cela s'avérait encore utile pour son entraînement. Elle avait un handicap avec sa blessure qui l'obligeait à fermer l'oeil, et pourtant il fallait qu'elle continue à se battre, à me tenir tête. Ce qui lui demanderait plus de concentration. Je ne l'attaquai pas de suite afin de lui laisser le temps d'adaptation à sa nouvelle condition. Mais ce fut la sous-estimer car elle ne perdit pas beaucoup de temps avant de retrouver ma trace et foncer sur moi. J'eus envie de sourire face au progrès qu'elle avait déjà commencé à faire, quant à l'utilisation de son odorat. Mais j'aurai le temps de la faire après. Même si sa course ne m'inquiétait pas des masses car elle semblait comme curieusement au ralenti. Enfin, pas tout à fait, mais elle n'était pas pour autant rapide et j'eus l'impression que son but premier n'était pas de me surprendre ou de me prendre de vitesse. Que mijotait-elle donc ? Ses mâchoires vinrent claquer près de mon poitrail, et je me dégageai. Mais il me semblait qu'elle avait fait exprès de ne pas me toucher. Puis elle était reparti. Intéressé, je l'observai faire. Elle recommença plusieurs fois, toujours à la même vitesse et je n'eus aucun mal à l'éviter. Cette fois-ci je ne pus m'empêcher de pousser un jappement heureux. Elle imitait ma tactique d'un peu plus tôt. Alors je l'imitai à mon tour et commençai à bouger entre les arbres, et nous tournions, nous nous cherchions, nous taquinant, comme une danse.
Mais son stratagème poussait beaucoup plus loin et je ne m'en rendis compte qu'un certain moment après. Après quelques minutes de cette danse prédatrice et à la fois taquine, je me rendis compte que je ne pouvais plus la localiser précisément avec mon odorat. C'était comme si la forêt c'était imprégné de son odeur et de son sang, et qu'à son tour elle s'était imprégné de l'odeur des arbres. Regardant au sol brièvement de temps en temps, je vis des tâches de sang, son sang. Pareillement, quelques poils de son pelage s'étaient perdu sur l'écorce de bien des arbres, emplissant le périmètre de combat de son odeur. Et plus que n'importe quel autre loup, j'y étais des plus sensibles car mon odorat plus que développé ressentait chacune de ces distractions plus intensément. Je tentai de me concentrer afin de déterminer l'endroit ou les effluves de la loup étaient les plus présents, mais ce fut ce moment précis où mon odorat décida de n'en faire qu'à sa tête. L'inconvénient lorsqu'on avait des sens plus développés que la moyenne, c'était que lorsque l'on forçait trop parfois, tout nous submergeait. Je ne contrôlais plus rien, toutes les odeurs de la forêt me submergeaient en même temps, mêlées à l'odeur de la louve dans un chaos de senteurs indéchiffrable. Je ne pouvais plus rien distinguer ou affirmer précisément en ne me basant que sur mon odorat. Alors je laissai tombai avant d'attraper une migraine qui me clouerait au sol et avant que cette submerssion se propage à mes autres sens. Eh bien, à présent je ne pouvais plus compter sur mon odorat.
Mais j'avais toujours mon ouïe et elle était excellente. Me redressant pour me concentrer et tendre l'oreille, je me mis à l'écoute de la forêt, me focalisant sur les bruits maintenant que les odeurs ne me servaient plus à rien. Je perçus tout d'abord le vent faisant bruisser les feuilles, les termites rampant sous terre, des oiseaux au loin chantant. Et enfin, le bruit de la course de la louve, sa respiration, les battements de son coeur. Et je me focalisai sur ça afin de la verrouiller avec mon ouïe. Lorsque je l'eus retrouvé avec mes oreilles, je pus la suivre des yeux et nous recommençâmes notre danse. Je contrôlais presque à la perfection chacun de mes sens, sauf quand ils décidaient de me jouer des tours comme il y a deux minutes, donc je n'avais aucun mal à la suivre ainsi. J'aboyai d'excitation toutefois et en même c'était un signe d'encouragement adressé à la jeune lycanthrope pour son initiative.
Bien joué, continue dans cette voix. Mais ce n'est pas fini.
Afin de mettre ce que je venais de dire en action, lorsqu'elle se rapprocha, au lieu d'esquiver, je campai sur mes positions et fléchis les jambes. Puis lorsqu'elle fus presque sur moi, je fis un léger bond de recul pour pouvoir mieux repartir et je bondis une nouvelle fois sur elle et l'immobilisai sous mon poids, ce qui n'était pas très compliqué au vu de la différence de corpulence qui nous différenciait. Je restai ainsi quelques secondes, babines retroussées avec mes crocs à découvert et grognant de manière menaçante. Puis je mordillai doucement sa truffe et je m'éloignai rapidement et repris forme humaine. Mes yeux brillaient toujours du feu doré du loup, et ce dernier n'était pas forcément content de notre retour à la forme humaine. Il voulait encore jouer. Mais nous aurions surement le temps de jouer plus tard.
-Je te conseillerais de te transformer afin d'accélérer la cicatrisation de cette vilaine blessure sur ta joue. Et d'ailleurs je m'en excuse.
Puis j'attendis patiemment de voir si elle allait accéder à ma demande et pendant ce temps je m'adossai au tronc d'un arbre. Je me demandais à quoi pouvais bien ressembler la forme humaine de la louve grise qui était juste devant moi. Par ailleurs, mon retour à la forme humaine n'avait pas pour autant améliorer l'état de mon odorat, et j'attendais patiemment que celui-ci revienne à la normale. Normalement ça devrait être plus facile sous forme humaine parce qu'ainsi mes sens étaient moins aiguisés, mais ça prendrait quand même un certain temps. En attendant je pouvais toujours compter sur mes autres sens.
Pour une raison qu’elle ignorait, Leann se sentait particulièrement bien entre ces arbres, à aller et venir vers ce loup, essayant de le toucher à plusieurs reprises mais échouant, puisqu’elle n’allait pas assez vite, volontairement. D’ailleurs, elle se rendit compte qu’elle ne le considérait même plus comme un adversaire ! Sa louve intérieure non plus. Il ne s’agissait plus que d’un de ses semblables, avec lequel elle passait le temps, de manière instructive mais presque violente. Bien sur, elle gardait à l’esprit le fait qu’il l’avait blessé, et ce à plusieurs reprises mais cela ne l’inquiétait pas plus qu’outre mesure. Peut-être qu’elle ne devrait pas penser ainsi et continuer sur le fait qu’il ne faisait que s’amuser avec elle, avant de finalement la mettre à mort ? Mais... Ne se serait-il pas déjà lassé si c’était là, son but ? C’était ce qu’elle pensait et les coups qu’il lui avait porté, qui auraient pu être bien plus profonds, la confortaient dans cette idée. Entendre également des jappements s’échapper de ses babines la rassurait. Elle n’était donc pas la seule à apprécier ce moment ? Bien que si on regardait de l’extérieur, ils se cherchaient ? Se testant l’un l’autre. Encore une fois, la jeune femme ne se préoccupait plus de ce qui l’entourait, à part le lycanthrope et la nature environnante, avec qui elle s’amusait aussi. S’il n’y avait pas la puissance dans leurs coups, la certaine rapidité de leur mouvement, plus lui qu’elle, on aurait presque pu croire, qu’ils jouaient. Tout simplement. Peut-être que c’était un peu le cas, puisqu’il n’était plus trop question de blessures maintenant. Elle ne savait pas vraiment comment ils en étaient arrivés là, mais elle se félicitait de ne pas avoir reculé, de ne pas s’être soumise à lui dès le départ. Elle pensait que le déroulement de la situation ne se serait pas passé pareil sinon. Elle le remercierait surement aussi pour ça. Elle bondit sur le côté pour essayer de le toucher une fois de plus, effleurant son pelage du bout de sa pate griffue. Elle n’était pas prête d’oublier cette rencontre. Elle ne s’était jamais sentie aussi proche de sa bête qu’en ce moment, en compagnie de cet autre lycan. Elle avait été proche de Danaliel -sur certains points-, elle avait été proche de sa bête au moment de sa mort ou lorsqu’elle s’était retrouvé seule. Mais là, ce n’était pas encore la même chose, peut-être parce qu’elles étaient toutes les deux excitées par ce jeu ? Cette danse presque ? Elle aussi laissait échapper ça et là quelques petits jappements ou grognements, selon la situation. Et ce n’était pas des sons qu’elle était habituée à entendre de ses lèvres. La louve fut fière d’elle lorsqu’elle le vit finir par hésiter sur la direction à prendre pour la suivre. Alors ce petit stratagème avait fonctionné ? C’était ce qu’il avait attendu d’elle ? Pourquoi elle espérait que ce soit le cas ? Pourquoi l’option de cet inconnu l’intéressait soudainement ? Parce que c’était le premier qu’elle croisait depuis la disparition de son compagnon et avec qui elle se trouvait « proche » ? Oui, parce que le fait de se donner des coups était une forme de proximité aux yeux de Leann. Ou alors, c’était parce qu’elle savait qu’il était plus expérimenté qu’elle et qu’elle voulait qu’il l’aide à devenir meilleure ? Cette pensée la fit sourire intérieurement. Peut-être qu’elle le lui demanderait ! Entendre sa voix la fit sursauter légèrement. Oui, lui, il utilisait la parole. Il faudrait qu’elle s’y essaye aussi ! Quand le sens de ses mots arriva à l’esprit de la jeune femme, elle se sentie heureuse, comme une gamine qu’on félicitait pour un travail bien fait ! Elle se trouvait un peu ridicule et pourtant, elle le remerciait mentalement pour ça. Malheureusement, le voir bondir en arrière alors qu’elle lui fonçait dessus, n’était pas normal, il ne faisait qu’esquiver avant ! Quand elle se retrouva sous lui, incapable de bouger malgré ses efforts, elle laissa échapper un grognement de mécontentement. Il avait finit avec elle et allait finalement lui ôter la vie ? En entendant le propre grognement du loup, c’était la seule idée qui lui vient à l’esprit. Mais quelle fut sa surprise en sentant ses crocs se refermer sur son truffe. C’était quoi ça ? Elle eu l’impression soudaine d’avoir fait quelque chose de mal -sans savoir quoi- et que ce mouvement était là pour le lui rappeler mais quand même temps, il lui disait que ce n’était pas si grave... Qu’il lui pardonnait ? Pourquoi ? Leann questionna intérieurement sa louve. Cette dernière lui répondit en lui faisant comprendre qu’elle voudrait lécher le pelage du loup au dessus d’elle. Et c’est ce qu’elle fit. Avant qu’il ne la lâche et s’éloigne d’elle, la lycanthrope lui lécha légèrement et rapide les babines. La jeune femme n’y comprenait pas grand chose. Elle n’avait jamais eu ce genre de contact avec un autre membre de sa race. Pas même avec Danaliel. Elle se rendit alors compte, que depuis sa transformation, sa bête s’était toujours sentie seule. Isolée de ses semblables lupins et qu’elle en souffrait. Ce n’était pas très surprenant dans le fond. Les loups sont faits pour être en meute -le plus souvent- pourquoi en serait-il autrement pour leur cousin lycanthrope ?
Leann se redressa sur ses pattes et ne fit pas mine de bouger ou chercher à l’attaquer alors qu’elle le voyait prendre forme humaine. Il n’allait donc pas la tuer ? Pire, il lui faisait confiance pour prendre cette forme ? Moins puissante que la lupine ? Parce qu’il se mettait quand même en danger en agissant ainsi. Elle était surement moins puissante que lui, dû à son manque d’expérience. Mais un lycan transformé était quand même plus puissant qu’un lycan sous forme humaine ! Sa nouvelle prise de parole la fit sortir de ses pensées. Il s’excusait de l’avoir blessé à cet endroit ? Ce qui pouvait ressembler à un sourire se dessina sur les babines de la louve. Intéressant tout ça. Elle le regarda s’adosser contre l’arbre et elle se rendit alors compte qu’il avait l’air plus jeune qu’elle. Elle venait de se prendre une raclée par un lycan plus jeune qu’elle ? Cette pensée aussi l’amusa. Et bien, elle n’avait plus qu’à lui demander conseil, même si elle était plus âgée. Suivant son conseil mais également parce qu’il n’y avait plus de raison de rester sous cette forme, Leann commença à faire le chemin inverse de sa métamorphose. On pouvait entendre ses os craquer pour prendre une autre forme, ses poils tomber sur le sol, sa chevelure mauve pousser jusqu’à atteindre ses chevilles, ses griffes se rétracter pour laisser la place à ses ongles. En quelques minutes, elle finit par revêtir sa forme humaine. Elle porta aussitôt sa main droite à sa joue pour toucher sa plaie. Elle n’avait plus l’air de couler. C’était une bonne nouvelle. Elle fit pareil avec la morsure à ses côtes gauches. Même constat, on voyait la trace de crocs mais la plaie ne saignait plus. Leann reporta alors son attention sur le jeune homme. Il avait l’air aussi détendu qu’elle devant leur nudité commune. Un vrai lycanthrope en somme. Affichant un sourire joyeux, elle prit la parole.
« Inutile de t’excuser. Je me suis bien amusée... »
Elle passa une main dans ses longs cheveux, constatant qu’elle allait avoir du mal à les nettoyer à cause du sang séché qui s’y trouvait attaché. Regardant un peu ailleurs, elle se sentie soudainement bête face à lui. Il paraissait tellement plus expérimenté qu’elle ! Finalement, elle se lança.
« Je n’avais jamais fais ça avec un autre loup... Je veux dire... Se chercher, se tester... Mais... Ca m’a beaucoup plu... Et apprit aussi... »
Vu de l’extérieur, le tableau qu’ils formaient devait être étrange. Chacun nu en face de l’autre, à parler comme s’ils se connaissaient depuis dans années. Alors que ce n’était nullement le cas ! Une question lui vient alors à l’esprit et elle n’eut pas le temps de la retenir, qu’elle franchit ses lèvres.
« Mais pourquoi m’avoir attaqué pour au final... Jouer avec moi ? »
Avec cette question, elle admettait qu’elle était vraiment une novice dans le domaine de la chasse, ou lycanthropique. Puisque si elle était expérimentée, elle aurait surement trouvé la réponse toute seule. Tant pis, il avait déjà dû le comprendre seul, lui, alors il n’était pas nécessaire de se cacher. Et étrangement, elle n’eut pas peur qu’il lui rit au nez. Peut-être que c’est ce qui allait se produire, après tout, elle ne le connaissait pas. Mais il ne donnait pas cette impression là.
Tout au long de cette bataille faussement acharnée, où nous nous étions plus amusés qu'autre chose, j'avais senti que peu à peu, la louve et l'humaine s'étaient rapprochées et avaient tendu à ne faire plus qu'un. Notre statut l'un vis à vis de l'autre avait également changé au fil du temps, jusqu'à ce qu'elle ne me considère plus comme un ennemi, une nuisance. Je le voyais à des petits indices gestuels et corporels que trahissaient le langage de son corps. De mon côté, je ne la voyais plus tant comme une piqueuse de proie. Malgré le fait que c'était la raison pour laquelle je l'avais bousculé en premier lieu. D'où cette petite pression exercée sur son museau plutôt, à laquelle elle répondit en me léchant les babines malgré son air surpris. Et je le fus tout autant, qu'elle laisse sa louve prendre le contrôle afin qu'elle puisse agir de la sorte, car je doutais qu'elle l'avait fait d'elle-même. Ce qui m'amena à la considérer en fait plutôt comme une...élève ? A cette pensée j'eus l'irrésistible envie d'éclater de rire...envie à laquelle je résistai paradoxalement. Je n'avais que 17 ans, et me voilà en train d'apprendre à une autre louve, tout comme ces profs au lycée m'apprenaient ce dont j'avais besoin de savoir. Ce qui m'amena à me demander quelle âge avait cette louve devant moi. Question à laquelle je ne pourrais pas répondre tant qu'elle n'aurait pas repris forme humaine. Il était pour moi possible d'estimer l'âge d'une personne grâce à mon odorat dans le cas où l'apparence physique ne suffisait pas, procédé qui relevait d'un système d'ailleurs plutôt complexe. Mais sous forme lupine, à notre âge, nous avions tous atteint et dépassé l'âge adulte depuis un certain temps, ce qui rendait la détermination de ce facteur beaucoup moins évidente. Peu importait, elle n'allait pas tarder de toute manière à retrouver forme humaine.
Lorsque je repris forme humaine, je sentis l'étonnement de la louve en face de moi. Je m'étais mis en position de faiblesse de manière totalement volontaire, dérogeant à tous les instincts qui régissaient ma nature bestiale. Mais j'étais persuadé qu'elle ne me ferait pas le moindre mal. Et par dessus tout, si le besoin s'en faisait ressentir, je pouvais me transformer quasi-instantanément malgré mon attitude non-challante. Je savais que c'était pas le cas de tous les loup-garous, tout du moins ceux qui n'étaient pas nés ainsi. Mais pour ma part, ma transformation ressemblait plus à une explosion de la moitié de mon être qui était sur le point de dominer, alors que pour d'autre cela ressemblait d'avantage à la décomposition d'un être pour laisser place à l'autre. Mais au fil des années et des multiplications des transformations d'un état à l'autre, ce processus devenait bien plus rapide et la douleur en était presque négligeable. Et la transformation à laquelle j'assistai me conforta cette fois-ci définitivement dans l'idée que la lycanthrope se tenant devant moi n'était pas habituée à passer d'un état à l'autre. Pour raison, sa transformation pris plusieurs minutes, durant lesquelles mon sens de l'odorat revint à la normale et mes oreilles perçurent les innombrables craquements de ses os reprenant forme humaine. J'avais préféré tourner légèrement les yeux afin de lui laisser l'intimité de la transformation : cela ne me dérangeait pas, mais certains préféraient garder pour eux la perte des poils et des griffes qui étaient loin d'être "glamour" dans certains cas.
Après ces longues minutes où je restai patiemment adossé à l'arbre sans bouger, je relevai les yeux pour faire face à une jeune demoiselle ravissante aux longs cheveux mauves et aux yeux jaune-vert. Cela me fit penser que la couleur de ses yeux avant le Changement devaient surement être d'un joli vert, bien que le jaune-vert de la louve n'était pas plus mal pour autant. Je regardai d'un oeil distrait la lycanthrope et ses caractéristiques physiques sans pour autant réagir physiquement de manière visible. J'étais habitué à la nudité depuis que j'étais capable de me transformer et cela ne me dérangeait pas plus que ça, et il semblerait qu'elle non plus elle ne le soit pas au vu de son naturel. Elle toucha sa joue là où mes griffes avaient déchiré sa peau pour constater que la blessure avait déjà commencé à guérir. Pareil pour celle sur son flanc. Dans quelques heures elle n'aurait surement plus aucun trace. Surtout si elle renouvelait les transformations. Les effluves de la douleur qu'avait provoqué sa métamorphose étaient toujours présentes dans l'air mais je passai outre. Puis enfin, elle prit la parole, m'informant qu'il était inutile que je m'excuse et qu'elle s'était bien amusée. Je lui rendis son sourire avec entrain, attendant qu'elle continue. Car visiblement elle voulait me dire quelque chose d'autre. Elle continua donc sur sa lancée en m'avouant qu'elle n'avait jamais fait ça avec un autre loup, ni rien de semblable. A cela je répondis simplement en élargissant mon sourire et hochant la tête, montrant par la même occasion que je l'avais perçu durant notre affrontement. Puis enfin, elle me demanda pourquoi je l'avais attaqué plus tôt.
Eh bien maintenant il fallait que je m'explique. Mais avant j'avais d'autres choses à dire. D'autres questions qui se bousculaient dans ma tête. Je pris une grande inspiration pour fouiller les flagrances que m'apportaient la forêt. A part quelques insectes sous-terrains qui écoutaient aux portes, nous étions seuls, ou tout du moins hors de portée d'oreilles quelconques. Cela n'avait aucune espèce d'importance, mais il était toujours bon de se rassurer, au cas où le sang et la douleur, ainsi que l'excitation de notre petite bataille avaient invité quelques prédateurs. Mais rien. Alors je me focalisai sur les battements de coeur de la jeune et mince fille, qui, maintenant que je le remarquais, étais plus âgée que moi. Et je pris la parole avec un sourire joyeux.
-Oui, j'avais remarqué que tu n'avais pas l'habitude de tout cela. Mais ce fut un réel plaisir pour moi. Et si tu veux bien, je pourrais surement t'apprendre quelques petits trucs.
Je coupai un moment mon flot de parole afin de marquer la séparation entre la première partie de ma réponse et la deuxième. Puis lorsque j'estimai ce temps fini, je repris rapidement la parole.
-Et d'ailleurs, l'une de ces choses comme tu l'auras remarqué, c'est de t'apprendre à te servir correctement de tes sens. En premier lieu, je t'ai bousculé tout simplement parce que tu m'as chipé ma proie, lui fis-je avec un clin d'oeil. Le cervidé que tu chassais, je le chassais moi aussi depuis un certain temps. Tu l'aurais d'ailleurs surement remarqué en faisant un brin plus attention.
C'était toujours dit sur le ton de l'amusement, de la taquinerie, et c'est ainsi que je le prenais. Vraiment. Mais ce ne serait surement pas le cas de tous les lycans si il s'avérait qu'un jour elle vole la proie de quelqu'un d'autre. Cela risquait de finir bien plus mal. Interrompre une chasse et priver le prédateur de sa proie...c'était dangereux pour la personne mal-avisée de faire cela. Puis après un instant, je me rendis compte que, malgré le fait que nous soyons nus comme des vers l'un devant l'autre comme si tout cela était naturel, aucun de nous deux ne s'étaient présentés. Alors je décidai de faire le premier pas. Mes yeux étaient toujours brillants de l'éclat doré du loup, mais ils n'étaient plus agressifs pour autant.
-Au fait, je m'appelle Bran, un lycan né. Pourrais-je savoir le nom de la demoiselle ?
A la façon dont le jeune loup lui répondait, simplement avec des sourires ou hochements de tête, Leann pouvait en déduire qu’il était plus amusé par la situation qu’autre chose. Parce que ce n’était pas fréquent de tomber sur un loup plus âgé mais en même moins expérimenté ? En tout cas, elle le remercia mentalement de ne pas chercher à l’enfoncer. Elle savait qu’elle avait encore pas mal de choses à apprendre, raison pour laquelle elle se retrouvait si souvent dans la forêt. Doucement, elle vient s’approcher de lui pour s’adosser à son tour contre l’arbre. C’était toujours mieux que de prendre place sur le sol, surtout en ne sachant pas combien de temps ils allaient parler. Peut-être pas longtemps, après tout, rien n’obligeait son interlocuteur à rester dans les parages maintenant que leur petit jeu était terminé. Elle profita de cette proximité pour renifler son odeur, non pas qu’elle ne l’avait pas déjà fait plus tôt, mais il était maintenant sous forme humaine. Et même si son parfum restait le même dans le fond, il y avait quand même quelques petits changements et elle voulait les mémoriser. Sait-on jamais, peut-être qu’elle pourrait être amenée à le recroiser, dans une foule et elle voulait être capable de l’identifier sans pour autant avoir besoin de le voir de ses yeux. Le temps qu’elle se fasse quelques petites réflexions, le jeune homme prit la parole. Leann ne pu s’empêcher de sourire légèrement quand il confirma le fait qu’il avait bien remarqué son inexpérience mais également parce que ça lui avait plu. Donc cela n’avait pas été trop gênant qu’elle soit novice ? Sa proposition la surprit un peu -même si elle lui aurait probablement demandé de l’aide- autant qu’elle lui faisait plaisir et elle senti sa bête se frotter à elle comme pour lui communiquer son propre contentement. Etrangement, ni l’une ni l’autre ne ressentait de gêne dans le fait qu’il leur propose son aide, parce que c’était bien de cela qu’il s’agissait non ? Ce n’était pas seulement de l’aide pour l’humaine mais également pour la bête. La jeune femme ne pouvait pas s’empêcher de se dire qu’elle avait eu pas mal de change depuis qu’elle était arrivée dans cette ville. Sa rencontre avec ces deux humains, charmants... Bien qu’elle n’ait plus aucune nouvelle, ni de l’un ni de l’autre à l’heure actuelle. Cette pensée assombrit momentanément son visage, elle avait l’un de flaire les plus développé qu’on puisse trouver mais elle n’arrivait pas à percevoir leur présence en ville. Et elle ne pouvait pas croire qu’ils soient partis, tout deux, sans la prévenir. Ils n’étaient pas comme ça. Elle secoua légèrement la tête, ses pensées allèrent ensuite à Danaliel et lorsqu’elle se souvient de son état lorsqu’on lui avait annoncé sa mort, elle se mordit la lèvre inférieure. Ce qu’elle pouvait être faible quand on y regardait de plus près. Elle serra les poings à la suite de cette pensée et se félicita de chercher à devenir plus forte, de ne plus rester soumise. A quiconque... Même à Jilan ? Cette idée la fit légèrement sourire. Elle verrait le temps venu.
Leann sortie de ses songes lorsque son interlocuteur reprit la parole. Pour un peu, elle aurait pu ne pas faire attention à ce qu’il allait dire. Et pourtant, cela avait une certaine importance ! Se servir de ses sens ? Elle était plutôt assez pour cette idée. Ce n’était pas comme si elle pouvait se permettre de ne pas prendre l’aide qu’on lui proposait. Mais quand vient le moment où il s’expliqua sur sa première attaque, elle senti le rouge lui monter aux joues, presque honteuse de son acte. Elle comprenait donc maintenant pourquoi il n’avait pas été très sympathique dans un premier temps. C’était assez normal en soi et elle se fit la réflexion qu’elle avait surement eu de la chance de tomber sur un loup comme lui et pas un autre, territorial. La rencontre ne se serait probablement pas déroulée aussi bien sinon. Donc en effet, elle avait besoin de plus d’entrainement.
« Oui... Désolée, je n’ai pas fais plus attention que ça dès que j’ai vu cette proie... Du coup, j’accepte avec plaisir tout ce que tu pourras m’apprendre. Que ce soit concernant les sens ou même une manière de se battre... » Elle passa sans faire attention le bout de ses doigts sur la plaie qu’elle avait à l’estomac avant de reprendre, pour lui dire ce qu’il devait déjà avoir conscience. « Là dedans aussi je suis novice... » Leann ferma les yeux quelques secondes avant de soupirer et de lui donner une explication sur cette inexpérience. « J’ai passé des années en tant que soumise, aussi bien humaine que lupine... Ca explique ma façon de réagir... »
Oui, c’était une réelle raison mais peut-être qu’il ne le comprendrait pas ? S’il n’avait jamais eu à se montrer soumis pour un quelconque motif, est-ce qu’il pourrait comprendre ce que ça signifiait ? Même si ce n’était pas le cas, elle n’avait pas pour autant honte de le lui avoir dit. Ca faisait parti de son passé et ça l’avait amené à ce qu’elle était aujourd’hui. Et surtout, amenée à ne plus vouloir se soumettre. C’était ce qui comptait non ? Leann ressorti de ses pensées avec la voix du jeune homme. Elle sourit bêtement en entendant qu’il était en train de se présenter. En effet, c’était plutôt une bonne idée de se dire comment ils s’appelaient. Surtout en voyant la situation dans laquelle ils étaient : à parler normalement alors qu’ils étaient nus. Enfin, puisque ni l’un ni l’autre n’avait fait de remarque, ça pouvait également être une chose « normale ». Elle hocha la tête, bien sur qu’il le pouvait.
« Leann... Lycanne... Mordue. Mais tu as dû également le comprendre, non ? » Elle marqua une pause avant de demander, sans détour. « Tu maitrises donc bien ton loup ? Quel est ton lien avec lui ?... Je veux dire, est-ce qu’il t’arrive aussi de ressentir qu’il essaye de te protéger par moment ou bien qu’il souhaite te faire vivre un enfer si tes choix ne lui vont pas ? »
D’accord, c’était peut-être des questions indiscrètes mais c’était le premier loup qu’elle rencontrait depuis Danaliel et elle ne voulait pas passer à côté d’une possibilité de réponse. Elle s’en voudrait si elle ne l’interrogeait pas et qu’ils ne se revoyaient pas. Mais bon, ça n’arriverait pas, n’est-ce pas ? Ou alors, c’était parce qu’elle craignait qu’il ne disparaisse sans avoir eu l’opportunité de lui répondre ? Même sans ça et même si elle ne le connaissait pas, elle n’avait pas forcément envie de ne plus le revoir. Elle ne ressentait aucune attirance à proprement parler envers Bran mais ça n’empêchait pas qu’elle l’appréciait et qu’il s’agissait d’un loup. Pour un peu, au niveau de l’âge, il pourrait même être son petit frère ! Cette idée la fit sourire bêtement.
Au bout d'un certain temps, la jeune femme à la chevelure mauve s'approcha lentement de l'arbre sur lequel j'avais pris appui afin, à son tour, d'y poser son corps. Alors qu'elle passait lentement devant moi, j'en profitai pour prendre une grande inspiration et flairer son odeur d'humaine un peu mieux. Elle sentait la lycanthrope, mais aussi une senteur florale (que je n'aurais su déterminer sur le coup) plus douce. Mais elle portait aussi en fond l'odeur d'un autre homme, pas un loup, mais il n'avait pas exactement l'odeur d'un humain, même si ça y ressemblait beaucoup. Ces dernières flagrances étaient très discrètes, et j'étais surement le seul à pouvoir le détecter à vue de nez (sous forme humaine en tout cas), mais elles ne m'échappèrent pas. Ce qui signifiait soit qu'elle habitait avec cet homme, soit elle passait un temps considérable en sa présence. Enfin, je ne poussai pas plus loin mon investigation qui, d'ailleurs, n'aurait pas pu être plus précise uniquement grâce à mon odorat. Lorsqu'elle vint se poser contre l'arbre à son tour, elle en profita elle aussi pour flairer mon odeur. J'eus une brève envie de sourire mais je me retins.
Lorsque je lui proposai mon aide pour améliorer l'utilisation de ses capacités lycanthrope, elle ne se sentit ni vexée ni gênée, mais plutôt heureuse -comme je l'avais pensé. Puis enfin, lorsque je terminai ma tirade avec la raison pour laquelle je l'avais attaqué en premier lieu, ses joues se tintèrent d'un joli rouge qui renforça mon sourire. Cela me rappelait le temps où je faisais encore des bêtises, n'étant que louveteau et que mon père me réprimandait gentiment. D'ailleurs, cela était plutôt étrange étant donné qu'elle était plus âgée que moi. Surement pas de beaucoup, mais elle l'était tout de même. Elle s'excusa de cette erreur et accepta mon aide de l'aider, que ce soit en matière de bagarre ou d'utilisation de ses sens, car, comme je l'avais remarqué, elle n'était pas experte en la matière. Mais cependant, ce que je ne savais pas c'était la raison de son manque de pratique. Elle était une soumise, que ce soit l'humaine ou la louve. En tout cas elle l'avait été. Et cela expliquait beaucoup de choses. J'arborai un air pensif alors que je réfléchissais à ce qu'elle venait de me dire. Sa soumission était une très bonne explication au fait qu'elle ne maîtrisait pas l'art du combat. Elle devait surement plus être habituée à recevoir des coups sans rien donner en retour.
Mais je sentais qu'elle avait envie de changer cela. Déjà dans la clairière elle ne s'était pas soumise et avait décidé de se battre, ce qui constituait déjà un premier pas. Si il le fallait, j'étais prêt à l'aider à continuer dans cette voie. Et après m'être présenté, elle se présenta à son tour. Elle s'appelait Leann et était une Lycanne mordue. Mais alors que je m'apprêtais à lui poser une question, elle me devança et m'en posa deux d'affilés sur ma relation avec le loup à l'intérieur de moi. Mon sourire se renforça alors que le loup blanc qui reposait dans l'autre partie de mon âme remuait la queue et semblait porter de l'intérêt tant à la discussion qu'à la louve en face de nous. Il n'y avait aucune tension sexuelle entre nous, mais c'était plutôt comme une aisance à discuter ensemble, comme deux membres de la même meute qui apprenaient à se connaître un peu mieux. Et cela me propulsa fugacement dans un doux rêve dont je sortis bien vite.
-Effectivement, je contrôle parfaitement mon loup. Ou pour être plus exacte, lui et moi on s'entend à merveille, précisai-je lorsque j'entendis le grondement du canidé dans ma tête. Il s'agit plus d'une entente plutôt qu'une dictature. Je pris une petite pause avant de reprendre, amusé. Et oui, il est très protecteur et quand mes choix ne lui plaît pas, il me le fait savoir très clairement. Bien évidemment, quand il en a l'occasion il en profite pour prendre le contrôle, mais je lui fais confiance et vice-versa. J'ai toujours vécu avec lui dans ma tête ou presque.
Mon autre moi-bestial se mit à ronronner presque après cette déclaration, et j'eus envie de sourire. Mais je me re-concentrai sur le moment présent, tout en regardant à l'horizon, respirant l'air réconfortant de la forêt et écoutant le bruit du vent, et des êtres-vivants qui la composait. C'est alors que me revint une question que je m'apprêtais à lui poser, et qui, avec ses interrogations, en avaient apporté d'autres.
-Et celui qui t'as mordu, qu'est ce qu'il est devenu ? Et puis comment tu t'entends, toi, avec ta louve ?
Ces questions pouvaient sembler bizarre aux oreilles de ceux qui ne savaient pas ce que c'était que d'être un lycan, mais pour les autres membres de notre espèce, ces questions étaient le plus souvent indiscrètes. Mais étant donné que nous étions déjà sur la lancée, pourquoi ne pas continuer ?
Entre le moment où elle posa sa question et la réponse de Bran, la louve se rendit compte qu’elle l’attendait impatiemment. Ca pouvait paraitre bizarre, puisque ce n’était que des questions parmi tant d’autres, mais elle en avait besoin de savoir si sa louve faisait exception ou si leur relation était normale. Et surtout, s’il lui répondait par l’affirmative à sa première interrogation, elle pourrait surement en apprendre que plus. Elle senti sa bête attendre aussi sa réponse, comme si elle était intéressée par ce qui allait suivre. Cette pensée fit sourire la jeune femme, à part la chasse, elle ne pouvait pas dire que son autre partie était intéressée par grand chose. C’était assez marrant comme situation. Quand Bran finit par lui répondre, Leann était toute ouïe. Sa précision l’amusa également et elle pouvait presque imaginer que son loup avait légèrement protesté lorsque le mot « contrôle » était tombé. C’était du moins, comme cela que réagissait sa propre bête, de temps en temps. Elle enregistra toutes ses paroles, gardant un sourire au coin de ses lèvres au fur et à mesure qu’il parlait. Qu’il confirme être dans le même cas qu’elle était rassurant et elle senti sa louve intérieure se frotter à elle, comme pour lui dire « tu as vu que je ne suis pas néfaste ». Et en effet, la jeune femme ne la trouvait pas néfaste, dans le fond, elle ne l’avait jamais vu comme tel et ce même à leur début de cohabitation. Elle dévisagea Bran au moment où il parla de confiance réciproque. Est-ce qu’elle pouvait en dire autant elle ? Bien sûr, elle savait que sa bête voulait la protéger mais...
« Comment faire confiance à ta bête si... Elle veut s’en prendre à quelqu’un que tu veux protéger mais qu’elle trouve trop faible pour mériter cette attention ? »
D’accord, ses pensées s’étaient transformées en paroles avant qu’elle ne le réalise vraiment. Et oui, Leann faisait référence à l’envie de sa bête d’attaquer Jilan malgré l’avis contraire de la propriétaire du corps. Mentalement parlant, il n’était pas faible mais physiquement -et comparé à elle- il l’était et ça ne plaisait pas à sa louve intérieure. La jeune femme sortie de ses pensées en entendant la question de Bran. Cette dernière la déstabilisa plus qu’elle ne l’aurait cru. C’était la première fois qu’on lui demandait une chose pareille et le fait de devoir se souvenir de cet homme... Elle senti des frissons lui parcourir l’échine et sa bête grogner face à ce souvenir. Tout ce qu’il lui avait fait repassa rapidement devant ses yeux. Que ce soit sa manière bestiale de la prendre ou son sourire carnassier quand ses griffes s’enfonçaient dans son estomac... Même si c’était grâce à lui qu’elles étaient aujourd’hui ensemble, il n’empêchait que...
« Il m’a laissé à moitié morte après s’être amusé à me lacérer et arracher la peau. Ca répond à ta question ? » Sa voix était légèrement froide malgré elle. Elle n’avait pas voulu lui parler comme ça mais elle ne comprenait pas pourquoi il voulait savoir une telle chose. « Désolée... Pourquoi tu demandes ça ? » Sa voix était redevenue calme et douce.
Sa seconde réponse ne la toucha pas autant que la deuxième et elle sentait sa bête être plus calme également. Retournant dans un coin de son corps, tranquillement, comme si elle n’avait jamais cherché à montrer son mécontentement face à ce souvenir douloureux. Leann sourit et caressa mentalement le pelage de sa louve. Si elle devait un jour expliquer ce genre de chose à voix haute, à d’autres personnes n’étant pas lycanthropes, elle serait probablement prise pour une folle. Mais passons.
« Je dirais, plutôt bien... Comme le tiens, elle est du genre protectrice et ce depuis le début... Elle a comprit qu’elle devait se soumettre à... Notre environnement, pour notre bien. » Elle fronça légèrement les sourcils mais souriait en même temps, paradoxale, comme sa bête. « Mais depuis que nous sommes libres... Elle essaye davantage de sortir... Et de s’imposer. Comme le fait d’attaquer quelqu’un qui veut m’aider... Tu... Sais pourquoi ? »
Avec ses questions, il était clair qu’elle ne connaissait rien, mais puisque Bran était déjà au courant... Elle se demanda soudainement s’il n’allait pas finir par se lasser de répondre à ses interrogations et lui apprendre certaines choses, qui devaient être devenues banales pour lui. Devait-elle s’excuser pour ça ? Elle le voulut mais sa bête s’agita pour lui signifier que ce n’était pas la peine. Elle avait comprit ou senti un truc qui lui avait échappé ?
{hrp : Désolée c'est plus court que d'habitude ^^" }
Le temps que je réponde à ses questions, j'avais remarqué que Leann était pendue à mes lèvres, attendant avec impatience les mots qui allaient les franchir. Elle me faisait décidément penser à un louveteau, contrairement à l'apparence physique mature qu'elle détenait. Son impatience, son agitation, sa curiosité...Tant de points de ressemblance qui firent naître en moi un sentiment affectif de tendresse envers cette presque-inconnue. Mais pouvais-je toujours la considérer ainsi ? Certes, je ne savais pas grand chose sur elle, mais nous nous étions présentés l'un à l'autre et nous conversions depuis déjà quelques minutes, tous les deux nus comme des vers au milieu de la forêt. Je suppose qu'au vu de tout cela, nous ne pouvions que remettre ce statut d'étranger en question. Ou en tout cas, du point de vue d'un observateur extérieur. Peu importait de toute manière, car seule la forêt était témoin de notre rencontre et de notre conversation, et pour peu que j'en sache, elle semblait plutôt vivement intéresser mon interlocutrice. Elle souriait peu à peu alors que je décrivais du mieux que je le pouvais la relation que mon loup et moi entretenions. Elle semblait comprendre et en même temps affirmer ce que je disais.
Mais lorsque je parlai de confiance, elle sembla perplexe. Et elle laissa échapper une phrase qui semblait plus à adresser à elle même plutôt qu'à moi, semblant expliquer les raisons pour lesquelles elle ne faisait pas totalement confiance à sa louve. Cette dernière désirait attaquer une personne de l'entourage de Leann, chose sur laquelle la "propriétaire" n'était pas d'accord. J'essayai d'assimiler cette information, essayant de trouver une explication alors que je posais mon autre question sur celui qui avait mordu la louve à la chevelure mauve. Et je sentis alors le coeur de la jeune fille s'emballer, son odeur se chargea des douleurs du passée et je compris la réponse avant même de l'avoir entendu de sa propre bouche. Encore un cas de loup solitaire transformant une humaine en louve sans même prendre soin de lui apprendre le nécessaire. Sans la recueillir.
-Pourquoi ? Eh bien, de là où je viens, les humains que les loups transforment sont pris en charge par ceux ayant effectué la Morsure. Ils leur apprennent tout ce dont ils ont besoin de savoir pour vivre et se défendre et parfois cherchent à fonder une meute. Mais il semblerait que le taux de loups solitaires sauvages et barbares ait considérablement augmenté. C'était juste pour confirmer mes soupçons.
Les choses que je savais, de là où je venais, c'était les histoires que me racontaient mon père, des histoires de meute. Mais cela m'intriguait. Sa voix avait été d'abord froide, puis elle s'était radoucie. Je savais pourtant que les choses qu'il lui avait faite subir étaient horribles et qu'elle en garderait des cicatrices, au moins psychique à défaut de physique. D'où le fait que je me promis de ne plus reposer ces questions. D'ailleurs mon loup grogna intérieurement, sa manière de pester contre mon manque occasionnel de discrétion en la matière. Cela ne l'empêcha pourtant pas de répondre à la deuxième partie de ma question, qui consistait à prendre connaissance des relations qu'elle entretenait avec sa louve. Ce qui sembla être plus ou moins similaire à ma situation. A la différence qu'il n'essayait pas outrageusement de sortir, ou qu'il ne menaçait personne de mon entourage. Etait-ce une nouvelle allusions à ce qu'elle avait dit plus tôt ? Il semblerait vu l'hésitation. Libre ? Avait-elle été prisonnière ? Enfin bref. Je décidai tout de même de répondre.
-Eh bien, si ta louve réagit ainsi : Soit elle aimerait que la personne avec qui tu es sois plus forte afin que cette personne soit en mesure, et en volonté, de t'aider tout le temps et pas l'inverse. Ou sinon, ta louve a détecté quelque chose que tu n'as pas eu le temps ni de sentir, ni de voir, ni rien. Ne serait-ce que quelque chose de fugace, mais qu'elle aurait perçu comme une menace et aurait réagi en face.
Prenant une pause pour réfléchir à ce que je venais de dire, cela me rappelai que j'avais oublié de parler dans la hiérarchie.
-Dans une meute, le statut de la femme est établie par son milieux. Peut-être n'apprécie-t-elle donc pas ce facteur. Les dominants sont faits pour protéger leur compagne et les chouchouter.
Puis me perdant une fraction de secondes dans mes pensées, je proposai à la jeune femme une expérience que je n'avais jamais faîte.
-Tu penses que tu pourrais laisser la louve discuter à ta place ? La laisser prendre possession de ton corps afin que je puisse lui parler.
Le temps que Bran réponde à sa question concernant le loup qui l’avait agressé et ainsi transformé, la jeune femme se perdit dans l’écoute de la nature environnante. Cela lui permit de ne pas laisser ses pensées divaguer en direction de son passé, elle n’avait aucune espèce de rancœur pour ce lycan mais se revoir aussi faible et sans défense ne lui plaisait pas maintenant qu’elle avait décidé de changer. Dans le fond, elle ne pouvait même pas lui en vouloir de lui avoir fait subir ça. Elle n’était rien ni personne et il avait payé pour passer quelques heures en sa compagnie, comme tous les autres. La seule différence avait été qu’il n’avait pas les mêmes besoins à assouvir que les humains. Bien sur, qu’il la laisse pour morte dans cette chambre n’était pas non plus quelque chose qui pouvait être apprécié, mais puisqu’elle avait survécu... Leann finit donc par se perdre -quand même- dans ses pensées mais en prêtant l’oreille au doux bruit du vent dans les feuilles. La voix de son interlocuteur la reporta au moment présent et comme depuis le début de leur conversation, elle écouta attentivement sa réponse. A croire qu’elle le connaissait depuis toujours et qu’elle avait une réelle confiance en ses paroles. A cette idée, elle se rendit compte que ce n’était pas totalement faux et cela la perturba quelque peu. En cherchant des réponses du côté de sa bête, elle en trouva une toute simple : cette dernière lui faisait en effet confiance. Alors qu’ils ne se connaissaient même pas ! Leann toisa sa louve intérieure, attendant une quelconque indication sur ce ressenti et elle se retient de soupirer en comprenant que c’était simple « comme ça ». Parce qu’elle ne prenait pas ce jeune loup pour une menace, qu’elle s’était amusée avec lui comme avec personne auparavant et qu’elle savait qu’il lui serait d’une certaine aide. Force est de constater que sa bête avait cruellement raison, Leann ne releva pas et décida donc d’agir comme son autre partie. En écoutant ses paroles, elle regrettait presque que ce lycan qui l’avait transformé n’ait pas été comme certains qu’ils décrivaient. Même s’il avait agit pareillement, avoir un de ses semblables près de soi dès les premières heures de cette cohabitation aurait été beaucoup moins perturbant et marquant. Lorsque Bran aborda le sujet de la meute, la jeune femme senti sa louve remuer. C’était ce qu’elle voulait ? A peine cette interrogation fut-elle apparut dans son esprit, qu’elle savait que la réponse était affirmative. La solitude n’avait jamais été dans le caractère de sa bête et ce, depuis le début. Alors pourquoi elle ne lui avait jamais parlé de ce concept de meute ? En la regardant dans les yeux, Leann comprit que même si elle ne voulait pas être seule, sa louve avait également peur de ne pas se montrer assez forte pour faire partie d’un groupe de loups et être en bas de la hiérarchie était surement pire qu’être seule. Du moins, c’était ce qu’elle pensait.
« Tu fais parti d’une meute, toi ? »
Sa question était sortie plus vite qu’elle ne l’aurait voulu et elle senti sa bête grogner. Ce n’était pas une question qui devait se poser aussi facilement de son point de vue. Et puis, la réponse était presque toute trouvée : s’il était un lycanthrope né, c’était presque évident que sa famille constituait pour lui sa meute. Leann parti dans ses pensées, en essayant de s’imaginer ce que cela pourrait faire d’être entourée d’autres loups et de s’entre-aider les uns les autres. Mais bien vite, cette idée la quitta en se souvenant de son frère ainé. Peut-être qu’elle deviendrait forte avec le temps, mais elle ne voulait pas vivre de nouveau la perte d’une personne qui comptait pour elle et le regret que l’on ressent devant son impuissance. Est-ce qu’elle devait tourner les talons sur le champ ? Pour éviter qu’elle ne se prenne davantage d’affection pour Bran ? La réponse était clairement non. Sa présence était étrangement agréable et il semblait plaire d’une certaine façon à sa bête. Mais il était encore trop tôt pour qu’elle puisse interpréter ce sens. La voix de son interlocuteur lui permit de ne pas se poser plus de questions sur le ressenti de sa louve intérieure et elle fit bien, d’écouter, parce que la réponse l’intéressait au plus haut point. Que Jilan soit en mesure de l’aider mais pas l’inverse ? C’était pourtant déjà le cas non ? C’était lui qui l’avait empêché de ne pas trop sombrer dans le désespoir après la mort de Danaliel et qui lui avait fait comprendre qu’elle n’avait pas à faire taire les pulsions de sa bête. La suite des paroles du jeune homme la perturbait un peu plus. Une chose que sa bête aurait sentie, comme menace ? Dans ce cas, pourquoi elle ne lui en aurait pas fait part et la laisser passer ses nuits avec ce professeur s’il était vraiment un danger pour elle ? C’était à ne rien y comprendre et le mutisme de son interlocuteur ne l’aidait pas, la laissant seule avec ses songes. Heureusement, il reprit vite la parole. Elle fut étonnée par ce qu’il lui apprit et Leann jeta un coup d’œil à sa louve pour attendre sa réaction face à cette remarque. Le problème, c’était qu’elle ne considérait pas Jilan comme un dominant, du point de vue physique. Il était plus fort qu’un humain mais pas autant qu’elle. Alors qu’elle était censée être faible ! La jeune femme eut un léger sourire lorsqu’il parla du fait qu’un dominant devait protéger et chouchouter sa compagne. Même si elle passait ses nuits en compagnie de cet homme et qu’elle le considérait comme son amant, elle n’était pas pour autant sa compagne. Aucun sentiment d’attachement n’émanait de lui. Peut-être que c’était aussi ce qui déplaisait à sa louve ? Ou alors, c’était simplement parce qu’il n’était pas lycanthrope ? Lassée de chercher des explications, elle allait lui répondre qu’elle ne savait pas du tout où se plaçait son autre partie d’elle, quand Bran lui proposa de... Laisser sa louve prendre possession de son corps ? Elle écarquilla les yeux sous la surprise de cette idée. Jamais elle n’avait fait cela. Et même sous forme lupine, jamais sa bête n’avait prononcé un seul mot. Elle ne savait même pas si elle en serait capable ! Elle regarda sa louve dans les yeux pour lui demander de l’aider et celle-ci se contenta de baisser les oreilles. Ca voulait dire quoi ça ? Reportant son regard sur le lycan, même si ses yeux ne l’avait pas quittés à proprement parler, elle sourit, légèrement gênée.
« Je suis désolée, mais je ne sais pas comment faire et elle ne semble pas décider à m’aider, à moins qu'elle ne sache pas non plus... Mais... Puisqu’elle t’entend, tu peux lui parler à travers moi et je te transmettrais ce qu’elle dit... »
En entendant ces propres paroles, Leann se dit qu’un inconnu qui écouterait cela, la prendrait pour une folle. Mais elle savait que ce ne serait pas le cas avec Bran. Et pour cause, il était lui aussi un lycanthrope alors il savait de quoi elle parlait et ce qu’elle voulait dire. Remplaçant son sourire gêné par un autre, plus curieux, elle demanda.
« Tu m’expliqueras, ou me montrera comment on fait ? Je sais que je t’en demande beaucoup... Mais tu es le seul loup que je connaisse... »
A ces mots, elle revit le visage de Danaliel devant les yeux et crut sentir son odeur, mais elle savait pertinemment que c’était son esprit qui lui jouait des tours. Malgré cela, elle ne pouvait pas s’empêcher de regretter de ne pas avoir passé plus de temps avec lui. Sa louve se mit à geindre et à grogner. Oui, elle avait raison, ce n’était plus le moment pour avoir ce genre de pensées. Il faisait parti du passé et rien ne pourrait le changer. Leann la senti se redresser, assise aux aguets et elle comprit qu’elle attendait Bran, ce qui l’amusa et la fit sourire.
« Elle est toute ouïe... »
>> hrp : Désolée de ne pas avoir posté hier, j'ai eu des problèmes internet <<
Au loin, un fumet subtil était perceptible à travers la végétation ambiante. Un prédateur approchait. Les traces de sang de notre combat avait-elles fini par attirer cette bête ? Ou était-elle juste de passage dans le coin ? En tout cas, si c'était l'arôme du sang qui l'avait amené ici, nous allions vite être dérangés car Leann avait recouvert la zone de l'odeur de son sang. Mais ce n'était pas un soucis. Nous n'aurions aucun mal à nous débarrasser de ce vil prédateur. Peut-être bien que je n'aurai même pas à agir...? C'était une option à envisager. Mais il était encore trop loin pour s'en inquiéter. La louve aux cheveux couleur mauve ne pouvait surement pas encore le sentir à cette distance. Mais il était inutile de faire monter la pression alors que nous étions en train de parler paisiblement contre un arbre, nus comme des vers. Alors que j'y repensais, je ne pus m'empêcher de constater les formes gracieuses de la jeune demoiselle, sans pour autant m'y attarder. Un climat de confiance s'était établi et mon loup en semblait ravi. Bien que cela ne faisait que peu de temps qu'ils se connaissaient, mon loup se sentait aussi bien ici, au milieu de la forêt avec cette autre louve, qu'à la maison. Ce n'était pas forcément une bonne chose. Mais je suivais mon instinct. Et mon instinct avait confiance.
Lorsque j’abordai le sujet de la meute, je compris rapidement que Leann voulait me demander quelque chose. Et elle ne tarda pas à la faire. D’ailleurs, sa question fut quelque peu brutale, me laissant pendant un très bref instant sans voix. Est-ce que moi, je faisais parti d’une meute ? J’aurais du. Mon père avait fait parti d’une meute autrefois, et il était légitime que j’appartienne à cette dernière. C’était un droit de sang. Cependant il l’avait quitté avant ma naissance afin de pouvoir vivre avec ma mère, qui était humaine. A noter que l’humanité de ma mère n’avait en rien altérer mes gènes lupin, et j’étais tout aussi fort et rapide que les autres lycans nés. Mon père, par contre, m’avait transmis le nom de la meute, mais je n’avais jamais été capable de prendre contact avec cette dernière, ou même simplement la retrouver. Etant trop jeune, je n’avais pas posé énormément de question à mon père sur son passé, et mon instinct de meute avait été comblé par sa présence et celle de ma mère. Mais depuis qu’ils avaient disparu, bien que j’avais trouvé une meute de loups blancs, ce n’était pas pareil qu’une vraie meute composée de loup-garou tout comme moi. Et ce manque commençait depuis un certain à peser sur ma nature bestiale.
-A vrai dire, non. Ma mère et mon père étaient les uniques membres de ma meute. Ma mère étant humaine, mon père a quitté la meute afin de l’épouser et m’ont éduqué en dehors de celle-ci. Mais ils sont partis depuis bien longtemps…
A cela, j’ajoutai un sourire résolu pour lui montrer que, même si la tristesse se faisait entendre dans ma voix, la blessure de leur mort avait déjà cicatrisé. J’y avais moi-même veillé en apportant ma propre justice. Cependant, les réponses que je lui apportai sur le comportement de sa louve semblèrent la rendre encore plus perplexe. Je la sentais un peu perdue. Pendant un instant, elle prit un air absent, et je sus qu’elle était en train de consulter la partie de son âme qui n’était pas humaine. Cependant celle-ci ne sembla pas plus la dépanner, et lorsque je lui proposai de laisser place à sa louve, encore une fois, elle fut surprise. Et bien il était vrai que la plus part du temps, lorsque la part humaine laissait à la part loup le contrôle, c’était non pas par volonté mais par obligation. Il aurait d’ailleurs été plus juste de dire que la part humaine perdait le contrôle face à la part louve. Ce qui se traduisait par une transformation la plus part du temps. Mais j’avais découvert que, sans pour autant revêtir notre part animale ou même perdre totalement le contrôle, il était possible de laisser la place à l’animale à l’intérieur. Notre perception du monde changeait alors, même sous forme humaine, et il était amusant de remarquer la différence de pensée entre notre part humaine et celle bestiale. Même si chez moi, elles se rejoignaient assez souvent. Mais cela était surement le résultat de mes longues années de cohabitation avec mon loup, expérience qu’un loup « nouveau-né » ne pouvait avoir. Et surement ne pouvait-il pas s’en douter. Et Leann vint confirmer cette pensée. Elle n’avait en effet aucune idée de comment procéder, et sa louve ne semblait pas apte à le faire non plus. Mais au moins m’entendait-elle m’assura la louve. J’acquiesçai lorsqu’elle me demanda si j’étais d’accord pour lui apprendre cela aussi, et lui fit savoir que ça ne me dérangeais pas le moins du monde. Après cela je repris mon sérieux et lui posai une série de questions.
-Rejettes-tu cet ami de Leann car tu te méfies de lui ? Ou parce qu’il n’est pas un loup ? D’ailleurs aimerais-tu que Leann te laisse plus souvent sortir ? Que penses-tu d’elle ?
Je m’arrêtai un instant afin de laisser Leann et sa louve analyser toutes ces questions. De mon côté, j’étais concentré sur mon interlocutrice et était penché sur ma perception sensorielle de cette dernière. Prenant une grande respiration après lui avoir laissé ce temps pour s’interroger, je m’apprêtai à enchaîner avec une autre question. Mais je perçus l’odeur du prédateur, qui était maintenant beaucoup plus proche de nous. C’était un tigre adulte, et qui semblait costaud. Je le repérai visuellement la seconde d’après. Il semblait affamé, et un tigre affamé était un tigre énervé. Pourtant, restant tout à fait calme, j’informai Leann de la situation au cas où elle ne l’aurait pas encore remarqué.
-Il semblerait qu’on a de la visite…
Spoiler:
Désolé pour le retard. J’étais énormément débordé ces derniers temps. Et désolé si la qualité du post n’est pas la même.
Quand sa question eut quitté ses lèvres, même si ce n’était pas beaucoup perceptible, Leann pu noter que sa louve avait eu raison : elle n’aurait pas dû demander cela. Ou du moins, pas comme ça. A voir le corps de son interlocuteur réagir légèrement, elle pu deviner que quelque chose au sujet d’une potentielle meute n’allait pas. Une foule de supposition fit son apparition dans l’esprit de la jeune femme. Et s’il avait perdu les membres de sa meute ? Tuer par des chasseurs ou elle-ne-savait quoi encore ? S’il avait été rejeté à cause de la couleur immaculée de son pelage une fois sous forme lupine ? Elle avait un doute sur cette dernière supposition, qui rejetterait un membre de sa famille pour une chose aussi futile ? Mais puisqu’elle n’avait aucune information sur le fonctionnement d’une meute de lycan, elle ne pouvait que se faire ses propres hypothèses. Et dans le fond, elle n’avait pas vraiment envie de les exposer à Bran. Mettre les deux pieds dans le plat à ce sujet était déjà bien assez. Au moment où elle allait ouvrir la bouche pour lui présenter ses excuses quant à sa question, le jeune homme la devança pour lui répondre. Dès les premiers mots et surtout au son de sa voix, Leann regretta que plus d’avoir posé cette question. Il ne fallait pas être intelligent pour comprendre qu’elle avait touché à une partie sensible de son passé. Sensible et très certainement douloureuse. Mais en écoutant son récit, elle pu aussi se dire qu’il devait -lui aussi- avoir confiance en elle pour le lui raconter. On ne se livre pas forcément au premier venu et surement pas sur des sujets aussi délicats. Elle lui aurait bien demandé ce qu’il ressentait en sa présence mais après un grognement de sa bête, elle comprit que ce n’était pas non plus une question à poser. Pour le moment du moins. Et peut-être qu’elle aurait la réponse sans même avoir à demander ? Qui sait ? Sans vraiment savoir pourquoi, elle sourit faiblement à la fin de ses paroles, comme pour répondre à celui qui s’était dessiné sur les lèvres du lycanthrope. S’il y avait bien quelque chose qu’elle pouvait comprendre, c’était la perte d’un être cher, son absence et devoir surmonter tout cela. Du coup, aussi bête que cela puisse paraitre, elle se sentait encore un peu plus proche de son interlocuteur, sans pour autant être capable d’en expliquer la raison. Ou alors, c’était simplement parce qu’ils avaient traversé tout deux ce passage difficile dans leur vie ? En plus d’être tout deux des lycans ? Leann ne pu s’empêcher de se demander si cela serait pareil pour les autres loups qu’elle pourrait rencontrer, ou c’était simplement dû à des causes et effets en ce qui concernait Bran ?
« Je vois... »
Oui, c’était la seule chose qui lui venait à l’esprit ! Pitoyable, elle le savait mais à part s’excuser pour avoir posé la question, aucune autre formulation ne lui venait. Et puis, il avait commencé à aborder lui sujet, elle n’avait fait que suivre... D’accord, elle essayait de se trouvait des excuses, ce qui n’était pas bien. Et pourquoi ne s’était-elle donc pas excuser ? Parce qu’il semblait avoir surmonté -si toutefois la perte d’un être cher est réellement surmontable- leur disparition et le plaindre ne changerait rien au passé. Leann le remercia mentalement de changer de sujet pour revenir sur celui concernant la potentielle discussion entre lui et sa bête intérieure. Elle sourit, enchantée qu’il accepte -dans un avenir plus ou moins proche- de lui apprendre à communiquer comme il lui avait demandé. Elle serait probablement redevable à vie à ce jeune loup, avec tout ce qu’il pouvait lui apprendre. Si cette optique la dérangeait ? Pas le moins du monde. Au contraire, ce serait plutôt ne pas l’être qui la dérangerait. Elle et très certainement sa bête. Encore un point sur lequel elles s’entendaient. En fait, à part le sujet « Jilan », elles étaient plus ou moins sur la même longueur d’onde. Ce qui était une bonne chose, non ? Les questions qui lui posa la surprenaient un peu, parce qu’elle s’était vaguement demandé ces choses là, sans vraiment les poser clairement à sa bête. Est-ce qu’elle lui répondrait ? Leann se replia mentalement aux côtés de sa bête pour écouter ses réponses et pouvoir les transmettre à Bran. Etrangement, elle était toute intéressée par ce qu’elle pourrait apprendre, si toutefois sa bête daignait lui répondre. Elle vit celle-ci se lever -métaphoriquement parlant- pour marcher autour d’elle et la regarder. Etait-ce sa façon à elle de réfléchir ? Aussitôt que cette pensée lui soit venue, elle su que ce n’était pas vraie et que sa partie lupine se demandait plutôt si elle pouvait dire ce qu’elle ressentait sans que cela ne dégrade leur relation. Leann se senti soupirer intérieurement. Comme si c’était une chose qu’elle voulait ! Elles étaient faites pour cohabiter jusqu’à leur mort, alors elles avaient tout à gagner en étant « copines » plutôt qu’ennemies ! A cette réflexion, la bête s’assit devant la propriétaire légitime du corps et les mots franchir les lèvres de cette dernière sans qu’elle ne s’en rende compte.
« Elle le rejette parce qu’il se serre de moi et même si j’en ai conscience, je ne fais rien pour aller contre. Et le fait qu’il ne soit pas un loup joue également, parce qu’elle veut la présence d’un de ses semblable près d’elle. »
Marquant une pause, Leann se rendit compte qu’elle n’apprenait rien avec ces paroles, elle savait déjà tout cela depuis un moment. Mais autant elle pourrait agir sur le fait qu’il se serve d’elle, autant le fait de trouver un autre loup était plus difficile. A cette pensée, ses yeux couleur absinthe se posèrent sur son interlocuteur. En effet, c’était un lycanthrope tout comme elle mais elle doutait qu’un lien de type charnel puisse avoir lieu entre eux. Oh ! Non pas que Bran n’était pas attirant ! Loin de là ! Il était même plutôt mignon, sous toutes les coutures, puisqu’elle le voyait nu depuis plusieurs minutes maintenant. Mais ce n’était pas ce genre d’attirance qu’elle ressentait en le voyant. Et dans le fond, elle n’était même pas certaine que c’était ce que voulait sa bête. Peut-être qu’être simplement en sa compagnie -comme maintenant- lui irait. Alors qu’elle se perdait dans ses pensées, d’autres mots franchirent ses lèvres.
« Pour les sorties, pas spécialement plus, je fais des efforts, elle le sait et ça lui suffit. » La jeune femme marqua une pause, sans s’en rendre vraiment compte, avant de poursuivre. « Elle pense que j’ai du potentielle en tant que lycanne mais que je dois arrêter de faire taire ce que je ressens. Comme la colère, quand la situation le suggère... »
Leann avait fini par s’approcher de sa bête pour passer ses doigts dans son pelage alors que les mots sortaient peu à peu de sa bouche. Si cela la surprenait ? Peut-être un peu mais comme précédemment ce n’était pas comme si elle ne le savait pas, intérieurement. Alors qu’elle se perdait dans ses pensées, en contemplant le regard de sa bête, celle-ci se redressa et retroussa les babines en signe de danger. Cette réaction fit échos aux paroles de bran. De la visite ? Un sourire étrange se dessina sur les lèvres de la jeune femme. Il semblerait que quelque chose soit passé entre les deux parties de l’âme de la lycanthrope et qu’elles semblaient se comprendre plus rapidement. Merci Bran ? Très certainement. Sauf que le temps n’était pas à le remercier pour le moment. Mais plutôt, à la bagarre ? En croisant le regard du nouvel arrivant, c’était la première hypothèse qui lui venait. Il ne semblait pas être ici pour faire la cosette. Elle ne pu s’empêcher de lever les yeux au ciel. Oui, comme si c’était optique l’exaspérait. Et c’était le cas ! Elles étaient en train de discuter et cet intrus se pointait ! Un grognement monta dans la gorge encore humaine de Leann pour finir par quitter ses lèvres, en signe de mécontentement et de menace. Est-ce qu’elle avait prit un peu plus confiance en elle ? Peut-être. Mais surtout, elle savait qu’elle n’était pas seule et que même si son petit jeu avec Bran l’avait un peu fatiguée, elle n’était pas prête à abandonner. Son sourire s’élargie alors que sa peau était en train de se couvrir de poil, ses os craquer et ses ongles se transformer en griffes. Elle n’aurait jamais prit autant sa forme lupine en une journée ! Et même si c’était toujours aussi douloureux, ça lui importait peu ! Pire, il lui semblait qu’elle y prenait un certain plaisir. Un nouveau stade de son caractère masochiste qui était franchit ? Il fallait le croire... Elle mit moins de temps qu’à l’ordinaire pour prendre sa forme animale et même plus petite que son adversaire, elle était prête à se battre. Elle jeta un rapide coup à son interlocuteur qui avait également revêtit cette forme avant de s’élancer vers le tigre, en laissant échapper un jappement de plaisir. Excitée par le combat qui était sur le point d’avoir lieu ? Et comment ! Parce qu’elle était en compagnie d’un autre loup et qu’elle ne chasserait pas seule cette fois ? Parfaitement !
Les deux lycans se placèrent de part et d’autre de leur adversaire et chacun leur tour, ils vinrent attaquer le tigre-garou. Lorsqu’un venait donner un coup de patte, l’autre se tenait à bonne distance. Et ils échangeaient leur place dans un rythme qu’ils étaient les seuls -semble-t-il- à ressentir. Leann attaqua la première, un violent coup de patte au niveau du museau du tigre et quand celui-ci vient pour riposter, elle se reculait rapidement pour laisser la place à Bran. Et lorsqu’il devait esquiver l’attaque de leur adversaire, c’était à elle d’attaquer. Tout cela en bougeant à bonne allure à travers les arbres. Parce que même s’ils attaquaient, ils devaient aussi rester sur leur garde quand l’autre contre-attaquait. Encore une fois, la situation lui fit penser à une danse. Sauf que cette fois, seuls les deux loups étaient autorisés à en entendre la musique. Leann senti à plusieurs reprises les griffes du tigre pénétrer sa chair mais elle n'en avait cure, pour le moment, seule l'excitation de la chasse était présente et non la douleur.
>> hrp : Pas de problème, je comprends ! Et pour ton poste, comme d'habitude, j'ai beaucoup aimé ! Par contre, comme tu peux le voir avec le mien, je fais bouger un peu Bran, si ce n'était pas ce que tu avais en tête, mp moi et je modifie ça ! x) <<
Lorsque j'avais commencé à parler, il était évident que Leann avait ressenti la tristesse qui perçait dans ma voix au souvenir de la mort de mes parents. Je sus d'emblée qu'elle fut prise de regrets, qui étaient cependant inutiles. La blessure laissée par la mort de mon père et ma mère s'était refermée depuis un moment. Et bien que ma voix continuait à se charger d'émotion lorsque je m'aventurais à parler d'eux, aussi rare cela fut-il, cela me permettait toujours de me remémorer d'eux et des moments que nous avions passé ensemble. Mais maintenant j'étais devenu un jeune loup presque adulte, et je menais une vie libre et débrouillarde dont je jouissais pleinement. J'avais peut-être du parfaire mon éducation lycanthrope seul, mais j'estimais m'en être pas si mal sorti pour autant. Assez en tout cas pour aider d'autres lupins comme moi, qui n'avaient pas autant d'expérience en la matière. Et cela me permettait par la même occasion de créer des liens avec d'autres loups, que cette grande et grosse bête blanche à l'intérieur de moi semblait apprécier. A cette pensée, il jappa mentalement pour me signifier sa joie.
De son côté, la louve semblait comprendre ce que je ressentais, comme si elle aussi avait ressenti ce sentiment de perte que l'on éprouvait lors du départ d'un être cher. Elle ne murmura qu'un "Je vois", et cependant je trouvai cette réponse bien mieux que tout ce qu'elle aurait pu dire. Je m'étais senti assez proche d'elle et en confiance pour lui confier cette déclaration, et je ne voulais pas qu'elle s'en excuse ou s'en sente coupable. Je changeai alors de sujet pour revenir à sa louve, avec ma multitude de question. Comme il était logique de le faire, bien que mes questions semblèrent la surprendre, elle s'absenta plus ou moins physiquement pour rejoindre cette partie d'elle où résidait sa louve. Je sentis les battements de son coeur ralentir légèrement, comme un état de plénitude, et elle resta ainsi quelques secondes, les yeux fermés. Je patientai tranquillement, et au bout d'un instant, sa voix retentit de nouveau. Alors, sa louve m'expliqua indirectement la situation, qui ne semblait guère surprendre la propriétaire du corps, et lorsqu'elle évoqua le problème de la non-bestialité de l'homme qui partageait une part de sa vie, elle posa le regard sur moi.
Je compris tout de suite ce qu'elle ressentait. Il était tout naturel pour des loups de se rassembler en meutes, d'établir des liens entre eux, pas forcément amoureux mais juste "fraternelle". C'était un besoin vital pour nous que les humains, ou tout du moins une majorité de ceux qui n'avaient pas cette part lupin en eux, ne semblaient pas comprendre. J'acquiesçai alors et ne dis rien afin de la laisser continuer. Ce qu'elle fit. Et mit le doigt sur un autre soucis, qui était sa retenue face à la colère. Il était vrai que les loup-garous étaient très prompts à la colère, et je ne faisais pas exception à la règle. Mais au fil des années, j'avais réussi à canaliser cette colère pour la laisser éclater au bon moment. Enfin, j'y arrivais de temps en temps en tout cas. Lorsque le cycle lunaire n'était pas trop proche de la pleine lune.
-En effet, la colère fait partie intégrante de notre nature. Il faut savoir s'y laisser aller. Puis en souriant au souvenir du jour ou j'avais retrouvé les meurtriers de mes parents, je repris. Sans pour autant tomber dans une rage meurtrière et massacrer de pauvres innocents.
Ceux qui s'en étaient pris aux parents Marok n'avaient rien d'innocents ni de pauvres. Et ma rage meurtrière avait été totalement justifiée, je n'en ressentais aucun remord. Il était cependant plus prudent, la plus part du temps, de ne pas se laisser aller à tuer des gens. Les amocher suffisait amplement. Par ailleurs, je sentais qu'au fur et à mesure de cette introspection qu'effectuait Leann, le lien qui l'unissait à sa louve devenait plus clair et plus fort. J'espérais que cela continuerait ainsi. Pour preuve, un sourire vint recouvrir les lèvres de la jeune femme à la chevelure mauve, et elle détecta le menace du tigre-garou en même temps que j'avais pris la parole. Eh bien au moins avait-elle fait des progrès. Alors que je percevais clairement son agacement face au perturbateur, je ne pus m'empêcher de sourire. Et alors qu'elle se transformait pour revêtir sa forme de louve, je ne pus que constater que le changement avait pris cette fois-ci bien moins de temps. Temps pendant lequel le félin s'était rapproché lentement, prudemment.
Il n'avait pas fait l'erreur d'attaquer Leann alors que j'étais toujours sur mes gardes. Cela prouvait que même si il avait faim, il ne ferait pas n'importe quoi. Lorsque Leann finit de Changer, je laissai à mon tour la force du loup m'envahir. Accompagnés d'une vague de puissance, mes yeux virèrent au doré avant qu'à mon tour je revête ma forme de loup en un instant. Le tigre-garou gronda, et à mon tour je lui répondis par un grondement menaçant. Après cela, Leann commença à bouger. Nous retrouvâmes rapidement cette danse au rythme d'une mélodie que seule nous entendions. Sauf que cette fois-là, la louve et le loup blanc bougeaient en harmonie sur cette musique. Le pauvre tigre, qui chassait seul, se retrouvait contre deux loups. Grâce à un travail de meute, les loups pouvaient abattre des gibiers bien plus gros qu'eux. Inutile de vous faire un dessin quant à ce que des loup-garous, eux, pouvaient accomplir lorsqu'ils chassaient ensemble.
Leann attaqua la première, lui donnant un coup de pattes au museau, qui laissa couler une traînée de sang sur l'herbe. Ensuite, elle s'écarta rapidement pour se mettre à l'abri de la riposte du tigre. Elle avait compris le truc. Et moi, pendant ce temps, je vins lui ouvrir des sillons sanglant sur le flanc d'un coup de crocs. Nous l'harcelions ainsi, tour à tour, l'assaillant de toute part. Mais il n'était pas pour autant vulnérable. Il réussit à atteindre Leann plusieurs fois, et ses griffes tracèrent aussi sur moi des marques sanglantes que de jolies mouvements venaient accompagné. Il était doué. mais il était seul. Cependant, pendant cette joute, il réussit à prendre une fois le dessus sur moi, plongeant sur ma trajectoire tout en me surprenant. Il me plaqua alors au sol, tentant de me saisir à la gorge. Mais n'eut-il pas le temps d'ouvrir la gueule que Leann vint le percuter, me permettant de me remettre sur pied. Et dans un éclair, je fus à mon tour sur lui. Bougeant astucieusement, nous harcelèrent le tigre de nos crocs et nos griffes, et l'odeur de son sang et de sa résignation finirent par remplir l'air. M'interposant alors entre Leann et notre agresseur, je le laissai partir.
J'étais couverts de griffures qui commençaient déjà à cicatriser, similairement à Leann. Les plaies de notre adversaire cependant étaient bien plus sérieuses que les nôtres. Je ne voyais pas l'utilité d'appliquer la peine de mort pour ce garou qui avait juste faim et qui cherchait à manger. Son choix n'avait pas été des plus judicieux, mais il ne méritait pas pour autant de mourir. Même si je lui en voulait pour mon pelage blanc tâché de rouge à présent. M'enfin. Je me retournai vers Leann et aboyai joyeusement en lui donnant un coup de langue près du museau tandis que ma queue battait l'air, tout cela afin de la féliciter de ses progrès fulgurants. Elle bougeait mieux, réagissait mieux et plus vite. Elle était plus louve. Puis vint se poser sur mon visage un air interrogateur, et ma posture reflétait mon attente. Qu'allions nous faire maintenant ? C'était à elle de prendre la décision.
Les paroles de Bran n’étaient pas tomber dans l’oreille d’une sourde mais Leann n’avait pas grand chose à lui répliquer. Elle avait conscience que lorsqu’elle ne s’énervait pas ouvertement dans une situation qui pouvait l’exiger, elle réprimait en quelque sorte, ses pulsions. Mais, elle n’avait jamais été du genre à s’exclamer ou monter sur ses grands chevaux pour un rien. Il lui fallait beaucoup pour qu’elle s’énerve vraiment, alors elle ne voyait pas du même œil que sa bête, l’utilité de se montrer agressive à chaque fois. Dans le fond, cela avait toujours été dans sa nature de se montrer discrète quelque soit les circonstances. Lorsqu’elle était encore humaine et qu’elle était encore chez elle avec Micah, elle ne disait jamais rien face à leur père. Bien sûr, avec le recul, elle regretterait toute sa vie de n’avoir rien dit. Plus tard, une fois lycanne, on lui avait apprit à rester à sa place. Et dans le fond, même si elle ne voulait plus se montrer soumise en tous points, elle ne voulait pas non plus laisser la colère prendre une trop grande part dans son caractère. Pour la jeune femme, le fait qu’elle dise ce qu’elle pense ou ne se laisse plus faire, était déjà une bonne chose en soi. Pourquoi devrait-elle laisser place à ce sentiment, parce que cela devait être dans sa nature ? Elle nota quand même le conseil de Bran dans un coin de sa tête -après tout, il était le mieux placé pour ce qui concernait la lycanthropie- qu’il fallait aussi savoir s’y laisser aller. Elle savait aussi qu’elle ne s’attaquerait pas à n’importe qui. Comme lui avait dit Jean-Dame et elle adhérait à cette façon de penser, ce ne serait seulement pour se défendre ou défendre quelqu’un qu’elle apprécie. Dans d’autres situations, elle ne se voyait pas aller attaquer le premier venu sans aucune raison. La faim pourrait peut-être être une bonne excuse mais là encore, attaquer des êtres humains ne serait surement pas nécessaire. Surtout lorsqu’on voyait qu’en pleine ville, il y avait toujours des témoins. Elle n’avait aucune envie de se faire arrêter de part sa nature et ses pulsions. Elle se demanda ce qu’elle ferait si jamais elle tombait un jour sur un humain, en pleine forêt. Passerait-elle à côté de ce dernier ? Ou le prendrait-elle en chasse ? Pour varier un peu ses proies ? Dans le fond, puisqu’elle n’en voulait pas plus outre mesure au lycan qui l’avait attaqué, parce que cela faisait partie de ses pulsions, pourquoi devrait-elle se limiter aussi ? La lycanne n’eut pas le temps de répondre à ce flot question puisque le temps était venu au combat.
Les coups pleuvaient des deux côtés, plus celui des loups -puisqu’ils étaient deux- mais le tigre-garou n’en restait pas moins un adversaire de taille. Du moins, peut-être était-ce l’avis de la jeune louve parce qu’elle ne s’était jamais vraiment battue contre quelqu’un ? Parce que même si avec Bran, ils s’étaient un peu chercher, cela s’arrêtait là, ça n’avait été un combat réel. Ici, c’était différent, on pouvait lire la faim dans les yeux du tigre-garou. Ce qui était un bon moteur pour la chasse, aucun prédateur pourrait le contredire. Malheureusement, et ça, même Leann le savait : il fallait faire attention à la proie choisie ! Bon, elle n’était pas très bien placée pour le dire, puisqu’elle avait piqué celle de Bran, mais jamais elle ne se serait attaquer à deux personnes. D’une part, si elle n’était pas totalement sûre de leur nature, alors que là, il avait dû sentir qu’il s’agissait de lycans. D’autre part, parce qu’aussi fort que pouvait être un loup transformé, la supériorité numérique n’est pas quelque chose à négligé. Même elle qui n’avait jamais vraiment chassé, le savait. Mettant de côté toutes ces pensées, elle se reculait pour esquiver un coup. Malheureusement, leur adversaire n’en fit rien. Pire, il s’attaqua directement à Bran, se retrouvant sur lui, la gueule bien trop ouverte dans la direction du cou du loup pour que la jeune femme le laisse faire. Dans un grognement de protestation -peut-être même de protection-, elle se rua vers l’ennemi pour le charger et l’envoyer s’écraser à quelques mètres. Il était hors de question qu’elle laisse son partenaire se faire blessé aussi gravement sous ses yeux. Sa bête en était la première d’accord. Personne ne toucherait mortellement ce loup blanc en sa présence. C’était agréable de la voir aussi protectrice envers quelqu’un d’autre que Leann, d’autant plus qu’il s’agissait d’un loup ! En peu de temps, les deux compagnons étaient sur le tigre-garou, ouvrant de plus en plus de plaies sur sa peau, faisant couler de plus en plus de sang. Ce qui -évidement- excitait de plus en plus la bête, qui ne voulait pas s’arrêter en si bon chemin. Un faible grognement s’échappa des babines de la louve lorsque Bran se plaça entre elle et sa cible. Elle ne comprit pas immédiatement ce qu’il comptait faire en agissait ainsi. Elle avait beau voir son sang couler et lire dans ses yeux qu’il n’avait plus aucune faim mais qu’il voulait plutôt quitter l’endroit, elle n’appréciait pas qu’il se mette en travers de son chemin.
Cependant, lorsqu’il se retourna vers elle avec cette expression et vient la lécher, toute envie de continuer la quitta. Simplement parce qu’il avait l’air contente d’elle ?! C’était si ridicule qu’elle en aurait rougit si elle avait été sous forme humaine. Là, elle se contenta d’humer l’air une dernière fois pour s’imprégner de l’odeur de ce garou. Dès fois qu’elle le croiserait plus tard... Sait-on jamais. Pour le moment, et certainement à cause de sa louve qui appréciait -peut-être un peu trop- la compagnie de Bran, elle décida de ne pas poursuivre la chasse. Le tigre-garou n’attendit pas son reste et lorsqu’il vit qu’il avait une porte de sortie, il prit la poudre d’escampette. Leann de son côté, pour lui faire comprendre qu’elle abandonnait la poursuite, elle se déplaça lentement vers lui et vient lui lécher son pelage, près de ses babines, là où du sang était encore présent. Et au lieu de s’arrêter, Leann poursuivit sur chacune des traces sanglantes qui étaient présentes sur ses poils blancs. Après quelques minutes à agir ainsi, la jeune femme réalisa que s’ils avaient reprit leur forme humaine, elle serait en train de lui lécher les côtes à cet instant précis. Cette pensée la perturba un peu, non pas parce qu’elle avait honte de ce qu’elle faisait -elle ne s’était même pas posé la question- mais parce qu’elle ne savait pas comment allait l’interpréter Bran. C’était la première fois qu’elle agissait librement avec un autre loup, sous forme lupine ! Elle arrêta donc aussitôt et s’assit. Dans un commun accord avec sa bête, elle commença à reprendre forme humaine. Peut-être qu’elle aurait aimé rester sous cette forme encore un peu plus de temps, mais si elle devait s’expliquer avec son interlocuteur, le mieux était encore qu’elle puisse avoir accès à la parole. La transformation était toujours aussi douloureuse mais encore une fois, elle y prit un certain plaisir. Peut-être qu’elle voyait cette expérience comme ce qui la reliait surement le plus à sa bête ? Parce que si elle souffrait, il était presque certain que c’était la même chose pour l’autre. Une fois le changement effectué, Leann posa la question qui lui trottait le plus dans l’esprit.
« J’avais envie de le mettre à mort... Pourquoi pas toi ? »
On lui répétait maintenant qu’elle n’avait pas à réprimer ses pulsions, alors pourquoi Bran n’agissait pas de la même façon ? Même s’il avait des principes, il ne faisait aucun doute que le tigre-garou aurait essayé de les tuer -et y serait peut-être parvenu- s’ils n’avaient pas été ensemble. Alors pourquoi avoir des remords ? Elle n’arrivait pas à comprendre ! Et puis, ça lui permettait aussi de ne pas lui demander si ses lèches l’avaient dérangé. Une autre question qui la travaillait, mais là, elle n’était pas certaine d’oser la poser. Elle verrait.
Lorsque je lui avais effectivement parlé de cette colère que sa louve trouvait trop réprimée, elle m'avait en effet écouté. Mais elle n'en avait dit mot, et je sentais qu'elle aurait toujours une certaine retenue vis-à-vis de ce sentiment. Peut-être cela était dû à son passé en tant qu'humaine et son caractère d'alors, et cela était tout à fait compréhensible. Certains après leur Changement étaient devenus de tout autres personnes, laissant à leur côté bestial libre court. D'autres au contraire, réprimaient celle-ci ou parvenaient à installer un certain équilibre avec leur part animale. Toujours était-il que, peu importe la relation qu'on entretient avec son loup, on en finissait toujours changé lorsque nous avions été autrefois humain. N'ayant jamais été qu'humain, je n'avais jamais eu ce conflit de personnalité. Mais j'avais connu un ou deux loups avant et après, et c'était la conclusion que j'en faisais. Vous pourriez penser que je faisais une généralité, que certains pouvaient rester exactement les mêmes avant et après. Mais alors, vous auriez tord, car avoir ou non une autre entité à l'intérieur de son propre corps n'était jamais quelque chose qui laissait indifférent. Et ce n'était pas seulement la colère que vous aviez à gérer si jamais il prenait à un lycan l'envie de vous mordre et de vous transformer. Il y avait tout un cocktail de subtilités et de choses à savoir, et ces dernières n'étaient pas toujours facile à gérer au quotidien. Mais alors que je vis les rouages de l'interrogation intérieur de la jeune fille tourner à plein régime, l'heure vint au combat.
Lorsque nous nous eûmes débarrasser du fauteur de trouble et que je m'interposai entre elle et ce dernier afin qu'il puisse s'en sortir et prendre la poudre d'escampette, un grondement de colère et de frustration échappa à ma camarade. Il semblait, bien que sa louve et elle-même m'appréciait, que la première n'aimait pas pour autant que je -ou quiconque- l'interrompe dans ce qu'elle avait prévu de faire. En l’occurrence tuer ce pauvre petit tigre-garou qui avait eu la stupidité et le culot d'attaquer deux lycans. Bien évidemment, j'avais autant eu envie qu'elle de l'achever et de lui montrer quelle incroyable erreur il avait faite en s'en prenant à nous. Mais une partie de moi avait eu pitié de lui. Quelques années auparavant, après la mort de mes parents, j'étais resté plusieurs jours sans goûter à la moindre petite parcelle de nourriture potable. M'étant "nourri" de champignons comestibles et d'herbes, de quelques fruits quand je pouvais en trouver, j'avais un jour croisé la route d'un tigre adulte. Désespéré, je savais que j'avais aucune chance de l'emporté mais je l'attaquai tout de même. Il aurait pu me tuer, mais au lieu de ça il m'avait laissé m'en aller et je pus alors rejoindre la meute de loup qui m'avait accueilli en son sein. Depuis ce jour, sachant ce que le brouillard de la faim pouvait amener, je m'étais promis de ne jamais tuer un être affamé si jamais je pouvais l'épargner. Et aujourd'hui était l'un de ces jours. J'espérais juste que ça servirait de leçon à se tigre-garou et qu'il s'attaquerait à des proies à sa portée la prochaine fois.
Mes félicitations et mon comportement joyeux semblèrent mettre fin à sa frustration passagère et elle se laissa aller à la joie elle aussi. Elle vint à son tour me lécher les babines. Puis continuant, elle commença alors à lécher mes blessures contre toute attente. Surpris et de manière très agréable, je me laissai aller à ce comportement digne de deux membres d'une même meute et mon loup se mit alors à ronronner de plaisir alors qu'il se relaxait totalement et laissait la louve de Leann agir. Mais lorsque cette dernière arriva alors au niveau de mes côtes, elle se stoppa net et revint à sa place. Elle était gênée et cela se voyait clairement sur son attitude. Cela amusa légèrement mon loup qui sourit intérieurement, mais garda tout son sérieux pour l'extérieur. Puis la jeune louve au pelage gris se re-transforma en la jeune fille à la chevelure mauve. J'en fus d'ailleurs surpris car je pensais tout d'abord que nous allions rester encore quelque temps sous forme animale avant de recouvrer notre humanité. Mais une question semblait alors la démanger, et il était effectivement plus pratique dans ce cas là de reprendre forme humaine pour y répondre. J'assistai alors une fois de plus au changement de la jeune demoiselle, et alors que ses os se déformaient pour reprendre leur place initiale, je crus flairer l'odeur du plaisir par-dessous celle de la douleur. Intéressant...Je le notai dans un recoin de mon cerveau avant de me soumettre à mon tour, paresseusement toutefois, au processus de la métamorphose. Comme d'habitude la mienne fut rapide et en quelques secondes j'étais de nouveau sur pied et totalement nu. Les blessures étaient déjà presque entièrement guéries et d'ici quelques minutes il n'y aurait plus rien. De même que pour Leann. Alors, je lui répondis.
-J'ai déjà connu une faim similaire à la sienne. Et ce jour-là, j'ai à mon tour été épargné de ma stupidité. J'avais bien évidemment envie de le tuer, et de mettre fin à sa vie pour qu'il n'attente plus à la notre. Mais peut-être qu'ainsi il apprendra de ses erreurs. Bien mieux que si il était mort.
Mais ce n'était pas tous les jours que j'allais épargné ceux qui venaient menacer ma vie ou celle de ceux à qui je tenais. A cette pensée je posai mon regard où quelques paillettes dorées persistaient sur Leann. Mon loup semblait la considérer de ces gens qu'il ne laisserait personne blesser. Et cela m'allait parfaitement. Si il prenait un jour l'envie à quelqu'un de s'en prendre à elle et que je pouvais y faire quelque chose, peu importe si je ne la connaissais que depuis moins d'une journée, je n'aurais aucun remords à agir en conséquence. Et quelque part, je sentais que c'était la même chose du côté de notre chère demoiselle ici-présente. J'avais détecté le grondement protecteur qui lui avait échappé avant qu'elle vienne empêcher le tigre de planter ses dents dans ma gorge. D'ailleurs, maintenant que j'y pensais, elle m'avait sauvé la vie et je n'avais pas pensé à la remercier de cela. Ce qui ne tarderait pas à se faire d'ailleurs. De ce fait, suivant mon instinct, je m'approchai de la demoiselle et posai ma main sur le haut de son crâne en une légère caresse, comme un grand frère à sa petite soeur. J'étais un peu plus grand qu'elle en taille, ce qui rendait le geste plus mignon que ridicule si cela avait été le contraire. Je lui souris de toutes mes dents avant de lâcher ce que j'avais à lui dire
-Merci au fait de m'avoir sauvé la vie de ce Grand Méchant Tigre. Je t'en dois une maintenant.
Comme la fois précédente, Leann regarda son interlocuteur reprendre forme humaine. Elle l’enviait un peu, pour sa rapidité de changement. Au moins, il prenait moins de risque qu’elle pendant ce laps de temps. Parce qu’on avait beau dire, pendant cette transformation, les lycans étaient vulnérables. Que ce soit à cause de la douleur ou même de leur corps qui étaient en train de muter. Il était plus difficile de l’utiliser alors, bien que certains possèdent une troisième forme. A cette idée, la louve mit de côté une question pour Bran, à savoir, s’il possédait lui aussi une forme intermédiaire. Mais plus elle y pensait et plus elle se disait que cette forme ne lui serait plus d’aucune utilité, puisque maintenant, elle s’entendait mieux avec sa bête. Peut-être qu’elle pourrait la revêtir pour avoir plus de force tout en continuant d’avoir accès à la parole ? Sauf si Bran lui apprend comment parler sous forme lupine ? Elle avait tant de chose à apprendre ! Est-ce qu’il finirait par se lasser d’être son instructeur ? La jeune femme espérait sincèrement que non. Elle appréciait vraiment ce jeune homme, tout comme sa bête semblait apprécier celle de son propriétaire. Et dire qu’il n’y avait aucune attirance sexuelle là dedans ! C’était à un niveau parfaitement différent et pourtant, elle pouvait presque dire que c’était plus profond qu’une relation amoureuse. Leann se retient de lever les yeux au ciel devant tout cet enchainement de réflexion. Comment pouvait-elle dire cela après seulement quelques heures passées en sa compagnie ? Simplement parce que les deux parties de son être aimait la présence des deux autres de l’homme ? Parce qu’ils venaient de se battre tous deux contre un même adversaire et qu’il semblait que les deux loups n’auraient pas tolérés qu’il arrive quelque chose à l’autre ? Est-ce qu’une relation sur la confiance, la protection et l’aide pouvait naitre aussi rapidement ? La louve intérieure de Leann répondait par l’affirmative à cette dernière question. La partie humaine regarda avec exaspération celle lupine, tout était à parier qu’elle agissait ainsi parce qu’il était question d’un lycan et qu’elle voulait être en relation avec un -ou plusieurs- membres de sa race. Pourtant quand Leann faillit lui reprocher qu’elle aurait été comme ça avec n’importe quel autre loup, sa bête se mit à grogner. Elle se trompait donc ? Avec cette question en tête, elle se rendit compte que sa louve avait en effet choisi Bran et son loup. Elle ne se serait pas attachée au premier venu. Qu’est-ce qu’il avait que d’autre n’avait pas pour lui plaire dans ce cas ? La réponse fut presque trouvée aussitôt : la solitude. Même en essayant de la cacher, la bête avait pu la sentir et la reconnaitre. Et pour cause, elle était similaire à la sienne. Comment ne pouvait-elle pas répondre à cet appel ? Leann senti un sourire triste naitre sur ses lèvres. Pourquoi sa louve ne lui avait pas parlé plus tôt de ce besoin -presque vital- d’être en compagnie de ses semblables ? Parce qu’elle avait essayé de le lui faire comprendre en rejetant Jilan ? Parce qu’elle aurait dû le comprendre d’elle-même ? Satané louve ! L’humaine aurait été capable de partir à la recherche d’autres loups si elle avait su ! Mais dans le fond, lorsqu’elle voyait la rencontre qu’elle venait de faire avec Bran, elle ne regrettait rien. Si elle se basait sur son ressenti et celui de sa bête, il ne faisait presqu’aucun doute qu’ils allaient pouvoir avoir un lien assez profond entre eux. Elle espérait simplement que Bran avait la même vision des choses.
Sortant de ses pensées, elle se rendit compte qu’il en avait été de même pour son interlocuteur. Ca l’a rassurait assez, de ne pas être la seule à être partie un peu loin dans ses songes. Leann retint un sourire amusé en voyant qu’il émergeait de ses réflexions presqu’en même temps qu’elle. Etait-ce parce qu’ils avaient partagé une chasse ensemble et quelques souvenirs douloureux, qu’ils étaient maintenant aussi proches pour avoir le même comportement ? La jeune femme se trouva presque ridicule à supposer une telle chose. Comme si cela pouvait être possible ! A moins, que cela ne joue sur un plan dont elle n’avait aucune connaissance ? Elle remercia mentalement Bran de prendre la parole pour qu’elle arrête d’avoir ce genre de pensées. Elle fut assez surprise d’apprendre une chose pareille. Qu’il ait lui aussi souffert de la faim au point de se montrer si téméraire. Elle senti un étrange sentiment l’envahir alors qu’elle porta mentalement le regard sur sa bête, cette dernière lui faisait comprendre qu’elle aimerait qu’une chose pareille ne se reproduise pas et elle demandait à Leann de faire en sorte d’être là pour lui. Toujours dans son esprit, la jeune femme sourit à cette demande tout en traitant son autre partie d’imbécile. N’avait-elle pas déjà dit qu’elle ne laisserait rien arriver à Bran, dans la mesure du possible ? Revenant au moment présent, elle hocha la tête pour signifier à son interlocuteur qu’elle comprenait ce qu’il lui disait mais également le fait qu’il n’ait pas voulu mettre à mort leur adversaire. Elle émit un petit sourire lorsqu’il lui donna une raison de son envie de le tuer. « Pour qu’il n’attente plus à la notre ». Notre il avait dit ? Donc il l’aurait lui aussi protéger ? Cette idée lui plaisait au plus au point, surtout qu’elle allait de paire avec la sienne. Elle finit d’écouter attentivement sa réponse, parce qu’elle lui avait posé la question, donc par principe, elle se devait d’en écouter la réponse. A la fin de celle-ci, une interrogation lui vient à l’esprit, dans la continuité de ce qu’elle s’était dit au cours de leur entrevue.
« Est-ce que tu pourrais tuer un humain ? Comme tu tues un cerf ? Le prendre en chasse pour sentir l’odeur de sa peur ? Ou tu ne prends une vie que lorsque la tienne ou celle de quelqu’un que tu veux protéger est en danger ? »
C’était des questions particulièrement sérieuses et elle le savait. Mais étrangement, elle savait aussi qu’elle pouvait les lui poser sans trop craindre sa réaction. Après ce qu’ils s’étaient dit sur leur passé, ils pouvaient aussi parler de leur présent non ? Mais Leann comprenait aussi que selon sa réponse, elle pourrait le classer comme étant du côté du Cercle ou de ceux que l’on nomme Rebelles. La réponse en soi en changerait probablement rien à ce lien qui était en train de se tisser entre eux -du point du vue de la louve- mais ce n’était pas anodin non plus. Et s’ils se retrouvaient un jour à s’opposer parce que leurs principes n’étaient pas les mêmes ? En soi, la jeune femme ne se classait pas dans l’un des deux groupes, mais elle avait des doutes sur Jilan. Et elle savait que s’il faisait effectivement parti de l’opposition, elle resterait à ses côtés, sinon plus. Mais et Bran ? S’il lui avouait ne se laisser aller à ses pulsions que lorsqu’un être cher était en danger ? Qu’il ne tuait pas par envie ? Même si Leann ne l’avait jamais fait jusqu’à présent, cette idée de prendre en chasse un humain commençait à faire son chemin... La jeune femme sorti de ses pensées en le voyant s’approcher d’elle. Ayant confiance en lui, elle ne bougea pas d’un cheveu mais elle était intriguée par ce qu’il avait derrière la tête. Etant toujours assise, elle se trouvait bien petite comparée à lui. Son geste, normalement anodin, la fit se raidir sans qu’elle ne le veuille vraiment. Non pas parce qu’elle n’aimait pas ce geste, au courant, mais il lui rappelait le comportement de Micah. En levant les yeux vers lui et lorsqu’elle vit son sourire, Leann ne pu qu’y répondre. Non, ce n’était pas son frère mais il pouvait le devenir, d’une certaine façon. Quand il lui fit part de la raison de son geste, son sourire devient plus large avant de se transformer en un petit rire. Surtout face à sa façon d’appeler le tigre.
« C’est normal, je n’allais pas le laisser faire. On était toutes les deux d’accord là dessus. » Continuant de le regarder, elle garda son sourire avant de poursuivre. « Je pense qu’on est quitte, puisque tu m’aides. »
Lorsque je lui annonçai la raison pour laquelle j'avais épargné ce tigre téméraire, elle sembla surprise qu'un jour j'ai pu l'être tout autant que ce grand félin. C'était une partie de mon histoire que très peu de gens connaissaient en raison de mon exil face à la société à ce moment là. Même ma tante, qui savait que j'avais été absent durant plusieurs années sans donner de nouvelles ni de signe de vie, n'en connaissait pas beaucoup plus que ce que j'avais dit à la plus part des gens. Par ailleurs, bien que certains moments avaient été baigné par le bonheur d'appartenir à une meute de loups -à défaut d'une meute de lycans-, c'était une période de ma vie que je préférais laisser dans l'ombre. Par la force des évènements, j'avais un peu été obligé de jouer les loups solitaire version lycan, même si j'avais toujours désiré faire partie d'une meute où les membres prendraient soin l'un de l'autre. Car tel était le rôle de tout membre d'une meute, et plus encore d'un dominant ; prendre soin de ses pairs. Et j'étais prêt à parier que c'était cette solitude et ce besoin d'être avec ses semblables qui avaient réunis aussi rapidement les deux parties animales de Leann et moi-même.
Lors de notre premier échange de coups, j'avais déjà senti que je pouvais faire confiance à Leann, et que mon loup pouvait faire confiance au sien. A cette pensée, je me rendis compte que j'avais commencé à m'attacher, si l'on pouvait dire, alors même que nous étions toujours en train de nous battre. Façon étrange de tisser des liens, mais cela était peut-être normal vu que nous n'étions nous-même pas des humains. A chaque espèce ses règles ? On dirait bien. Cependant je finis par sortir de mes pensées, et je remarquai à un léger sourire mélancolique flottant sur les livres de ma camarade que je n'avais pas été le seul à m'y perdre. Elle avait l'air d'être beaucoup plus en phase avec sa bête et elles devaient avoir quelques discussions de retard. Et beaucoup plus en phase avec moi aussi au passage...Bizarre non ? En parlant de phase, mon loup vint se frotter mentalement aux barrières de ma conscience en remuant la queue d'allégresse : Il aimait la compagnie de la louve et ne souhaitait pas s'en départir de si tôt. Lorsque je lui expliquai les raisons de mon acte de miséricorde envers notre agresseur, elle comprit et acquiesça avec ce qui ressemblait à de la solennité.
Mais lorsque je parlai de "nos vies" que je ne permettrais pas que quelqu'un mette en danger, elle fut très visiblement ravie du choix de l'article. Mais elle me laissa terminer avant d'à son tour me poser une question pour la moins sérieuse et qui méritait réflexion. Est-ce que je pourrais tuer des humains comme je tuerais un cerf ? Ou si ne le ferais-je que pour sauver ma vie ou celle de ceux à qui je tiens. C'était une excellente question, cependant à laquelle j'avais déjà une réponse. J'avais toujours laissé libre court à mes instincts depuis toujours et j'avais déjà tué deux humains auparavant. Bon il était vrai que c'était parce qu'ils avaient tué mes parents. Mais j'en avais aussi tué l'un d'entre eux lors d'une chasse avec mon amie hybride Ellie. Avait-ce été pour la protéger elle aussi ou aurais-je tué cet humain de toute façon ? Je sentais avec le recul que ces questions avaient pour thème mes pulsions. Les bridais-je ou m'y laissais-je aller ? Cela me rappelait énormément le conflit qui opposait le Cercle aux Rebelles. Et mon opinion était déjà toute faite. Ce n'est qu'après l'avoir remercié pour m'avoir sauvé la vie, et avoir reçu sa réponse en retour qui me fit sourire à mon tour, que je pris le temps de lui répondre.
-Je n'aurais aucun remord à planter mes crocs dans la chair d'un humain lors d'une chasse si un jour l'envie me prenait. Je trouve stupide de brider ses instincts. Et les humains ne sont jamais que de la nourriture sur patte. Puis affichant un sourire amusé sur mes lèvres, je continuai. Mais je préfère de loin chasser les cerfs : ils sont beaucoup plus rapides que ces humains et savent faire durer la chasse. C'est une raison pour laquelle je n'ai jamais encore chassé l'humain.
J'avais perçu la raideur qui l'avait prise lorsque j'avais posé ma main sur le haut de son crâne en un geste attendrissant. Elle n'avait pas semblé déprécier ce contact, au contraire, mais quelque chose avait dû la perturber. Un souvenir peut-être ? Réminiscence ? Il y avait encore beaucoup de choses que je ne connaissais pas à propos de cette louve que je considérais déjà presque comme un membre de ma meute, mais j'étais sur qu'avec le temps nous apprendrions à mieux nous connaître. Mais avant d'en venir à ce sujet, j'étais moi aussi curieux de savoir ce que pensait la demoiselle au sujet de suivre ses instincts ou pas. Je lui retournai alors la question qu'elle venait de me poser. Peu importait sa réponse, je ne lui en tiendrais jamais rigueur. Qu'elle ait un penchant pour le Cercle ou pour les Rebelles ne dévierait en rien l'amitié qui naissait entre nous. Mais il était toujours utile et intéressant de savoir.
-Tu en penses quoi toi ? Tu te sens capable de chasser l'humain ?
Contrairement à ce qu’elle avait pensé, la réponse de Bran fut rapide à arriver. Ce qui lui donnait déjà un élément de réponse : il n’avait pas réfléchit longtemps sur la question. Parce qu’il savait surement déjà ce qu’il avait à dire. Cela rassura Leann de voir qu’il lui répondait aussi facilement que si elle lui avait demandé le temps qu’il ferait demain. Etait-ce parce qu’il se sentait également en sécurité en sa compagnie et qu’il avait donc conscience qu’il pouvait parler librement ? Cette idée lui fit d’autant plus plaisir qu’elle pourrait ainsi le bombarder de questions par la suite ! Enfin, en restant dans les limites évidemment. Mais c’était agréable de se dire que l’on pouvait poser des questions à quelqu’un qui n’était pas là pour se moquer de votre ignorance, mieux qui pourrait -pour la plus part- y répondre. Leann écouta donc sa réponse avec attention. Elle ne put retenir un sourire en entendant qu’il ne retenait pas ses pulsions. Si ça lui faisait plaisir de rencontrer un loup dans son genre ? Et comment ! Pour un peu, elle aurait pu se dire qu’il allait la rejeter parce qu’elle avait certaines visions des choses différentes de lui et qu’elle pourrait se montrer trop dangereuse pour être approcher. Bien sûr, lorsqu’elle serait plus entrainée. Son sourire s’élargit lorsqu’il qualifia les humains de « nourriture sur patte ». Ainsi donc, elle n’avait rien à craindre sur le fait qu’il la rejette si elle émettait le fait qu’elle avait déjà pensé chassé un homme ? Bien que sa bête semblait déjà le savoir, peut-être parce qu’elle avait une plus grande confiance en Bran et son loup, qu’elle-même, la jeune femme lui aurait bien lécher une joue pour lui montrer sa satisfaction à l’idée qu’il resterait à ses côtés. Enfin, à ses côtés, ce terme pouvait être ambigüe, mais c’était un peu comme ça qu’elle voyait les choses. Evidemment, elle savait qu’ils ne pourraient surement pas se voir tous les jours -il ne fallait pas trop en demander non plus !- mais rester en contact souvent était peut-être envisageable ? La louve remarqua le sourire de son ami et en entendant la suite de ses propos, elle comprit pourquoi il avait l’air amusé. Savoir que les animaux étaient plus à même à leur faire profiter d’une bonne chasse ne tomba pas dans l’oreille d’une sourde. Et vu la façon dont il en parlait, elle avait l’impression qu’il parlait en connaissance de cause. Il avait déjà tué des humains ? Alors qu’il était plus jeune qu’elle de quelques années ? Elle ne savait pas si elle devait se montrer impressionnée ou intriguée. Après une seconde d’hésitation, elle opta pour la première option. Il avait été plus rapide qu’elle a accepté ses pulsions et à les laisser sortir. Mais peut-être que cela venait du fait qu’il était né loup ? Alors qu’elle, elle l’était devenue et qu’elle se devait de ne pas les extérioriser ? Au risque de se voir enfermée dans une cage en argent. Cela devait jouer un rôle, c’était presque certain. La seule chose qu’elle regrettait aujourd’hui, c’était de ne pas avoir eut ce déclique plus tôt. Pire, qu’il avait fallut la mort de Danaliel et les paroles de Jilan pour le lui faire avoir. Elle fut quand même étonnée quand il lui avoua ne jamais avoir chassé l’humain. Elle avait pourtant eu cette impression. Elle s’était donc trompée ? Tant pis. Et une idée lui vient à l’esprit mais voyons qu’il n’avait pas l’air d’avoir terminé, elle entendit pour lui en faire part. Leann sourit évidement à ce retour de questions. C’était parfaitement légitime qu’il veuille savoir, puisqu’elle ne s’était pas gênée, elle.
« En toute honnêteté... J’aimerais essayer d’en chasser... J’ai été attaquée par un lycan et même si je n’ai pas couru, j’ai pu lire dans ses yeux qu’il prenait plaisir à voir ma peur et ma douleur... J’aimerais savoir si ce plaisir est différent quand il ne s’agit pas d’un animal... Pourquoi il a préféré la peur d’une humaine à celle d’une biche. »
Oui, elle parlait donc son attaque comme si ça n’avait pas été un moment difficile à vivre, ce qui n’était évidemment pas le cas. Mais elle ne pouvait pas non plus rester toute sa vie traumatisée par ce qui s’était passé ce jour là. Plus maintenant qu’elle avait l’envie de reproduire une telle pratique. Une vague pensée lui vient à l’esprit, probablement sa conscience qui essayait de se faire une place dans une discussion où elle en avait aucune... La pensée qu’avec ce qu’elle avait vécue, elle ne devrait pas vouloir faire vivre la même chose à quelqu’un. Parce qu’elle savait que cela avait été atrocement douloureux et traumatisant. Est-ce qu’en plus d’être maso, elle avait développé un côté sadique ? Cette idée l’amusa autant qu’elle était surprenante. Elle ? Sadique ? C’était quelque chose qu’elle n’aurait jamais imaginé, mais compte tenu de ses paroles... Reprenant ses esprits, elle finit par lui poser la question dont faisait l’objet son idée.
« Accepterais-tu de participer avec moi à cette chasse ? » Marquant une pause, elle reprit rapidement. « Pas aujourd’hui hein... Je pense qu’on est tous les deux assez fatigué... Et se serait surement dommage de ne pas être en pleine forme pour cette occasion... Tu ne crois pas ? »
Leann était parfaitement sérieuse dans ses paroles et elle était également prête à passer à l’action concernant un humain. Est-ce qu’elle s’arrêterait au moment de mordre dans sa chair ? Ou au contraire, est-ce qu’elle prendrait un aussi grand plaisir que le lycan qui l’avait transformé ? C’était encore des questions auxquelles elle n’aurait de réponse qu’au moment venu. Et quelque chose lui disait que sa bête n’aurait aucune hésitation lors d’une chasse, ce qui la rassurait dans le fond. Mais à cet instant, elle se raidit. Elle laissait certes libre court à ce qu’elle était de nature mais, cela détruisait tout ce qu’elle avait été étant humaine : gentille et ne voulant de mal à personne. L’individu pour laquelle son frère était mort pour la protéger. Est-ce que cela voulait dire qu’il était mort pour rien ? Parce que la petite sœur qu’il avait protégé toutes ces années était presque morte désormais ? Ce flot de question perturba plus qu’elle ne le voulait la jeune femme. Le pire dans tout cela, c’était qu’elle n’avait aucune réponse à fournit. Peut-être qu’elle devrait tout simplement oublier celle pour qui Micah avait donné sa vie ? Et les classer tout dans au fond de son cœur pour ne plus les y ressortir ?
>> hrp : Chronologiquement parlant, Leann ne peut pas tuer un humain avec Bran dans ce poste ! C'est nul ! :3 <<
Lorsque j'avais répondu à Leann après un léger temps de réflexion, je pus constater un certain soulagement chez cette dernière. Comme si elle avait craint que je ne trouve sa question trop personnelle ou déplacée, que je m'offusquerais à ces paroles. Effectivement, à quel esprit humain serait-il venu l'idée de chasser des hommes comme on chasse un lapin ou un cerf ? Cela semblait totalement inconcevable. Et pourtant, moi qui n'était pas humain et ne l'avais jamais été, je n'avais pas été touché par cette espèce de moral superflue qui pouvait rebuter certains face à la formulation de cette réponse que j'avais donné à la louve aux cheveux mauves. En tant que loup, je n'avais ressenti aucune espèce de gêne à l'idée même de chasser un homme et de planter mes crocs dans sa gorge. Pas plus que la question de Leann ne m'avait dérangé. Tout simplement parce que je sentais que je pouvais faire confiance à cette louve, et quoi que j'aurais pu dire, j'étais sure qu'elle n'aurait porté aucun jugement définitif. Surement aurait-elle juste tenté de comprendre les raisons qui motivaient mon choix, et c'est ce que j'appréciais chez elle. Elle avait la curiosité d'une jeune louve et la compréhension d'une adulte, et je trouvais cela attendrissant. Nous avions encore beaucoup de choses à apprendre l'un de l'autre, mais nous avions largement le temps. Car même si nous n'étions pas immortels comme nos amis les vampires, nous possedions une sacré longévité. Et j'étais sur que je reverrais cette charmante louve. Même si il fallait que je traque son odeur dans tous les recoins de la ville pour la retrouver. Et le loup blanc qui habitait à l'intérieur de moi était tout à fait d'accord avec ce dernier point.
Au vu de ma réponse, un sourire s'épanouit sur les lèvres de la jeune femme pour accueillir la révélation. Au moins semblait-il que j'avais donné la réponse qu'elle espérait. Mais lorsque je lui avouai n'avoir jamais chassé l'humain, elle fut cependant surprise. Bon il était vrai que ce n'était pas exatement la vérité, et j'aurais surement dû formuler la réponse autrement. En effet, j'avais déjà chassé, et tué, deux humains jusqu'à ce jour et je n'avais pas senti la moindre once de remord face à cet acte. Mais il s'agissait plus de vengeance plutôt qu'une réelle chasse à l'homme, même si le résultat final était le même. Et bien que j'avais apprécié sentir leur peur, leur douleur alors que je les perforais de mes crocs, ils avaient été de bien maigres et lents opposants face à moi, alors que j'étais à peine âgé du tiers de leur âge. Mais peut-être n'avais-je pas pris le temps de savourer correctement cette chasse. Peut-être avais-je été précipité par la colère et la rage meurtrière de justice et de sang. Quoi qu'il en était, lorsque je retournai la question à mon interlocutrice, j'étais déjà presque sur de la réponse qu'elle allait me donner, ou tout du moins le sens qu'elle prendrait. Mais je n'avais eu aucune idée qu'elle allait par la même occasion faire allusion à l'attaque du lycan qui l'avait Changé. Prenant un air léger pour aborder ce sujet malgré la souffrance que je sentais toujours en elle, je fis de même pour pouvoir l'écouter. Pourtant, ce n'était qu'une façade, car en moi brûlait ce désir protecteur qui voulait retrouver le coupable et le dépecer sans autre forme de procès. Mais, si il n'avait pas agit ainsi, cette dernière ne serait surement pas devenue une louve par la suite. Et je me demandais ce qui se serait passé si jamais nous nous étions rencontré alors qu'elle était toujours humaine. Des liens se seraient-ils créés aussi rapidement ? Avec une telle force ? Peut-être pas, mais nous n'aurions jamais le loisir de répondre à ces questions. Ce n'était pas pour autant que j'étais prêt à remercier le salopard qui avait fait cela à Leann.
Mais je comprenais à présent mieux le désir de la louve, qui résultait autant de ses instincts que de sa curiosité, face à cette chasse à l'homme. Et lorsqu'elle me proposa de partir à la chasse à l'homme avec elle un de ces jours, je ne pus empêcher un sourire de s'afficher sur mes lèvres. Cela me donnerait une raison et surement une date afin de revoir celle que je considérais à présent comme ma soeur de meute. Il était évident que la chasse ne serait pas aujourd'hui, et heureusement car cela aurait détruit ma prochaine rencontre assurée avec la lycane, mais je sentais qu'elle n'allait pas tarder. Elle était sérieuse quant au fait d'aller chasser un humain. Et je n'y voyais aucun inconvénient. Je commençais même déjà à ressentir l'excitation en prévoyance de la chasse qui allait s'annoncer bientôt. J'étais moi aussi curieux de savoir ce que cela ferait de chasser un homme (ou une femme qui savait) juste pour le plaisir de la chasse. Serait-ce réellement différent que de chasser un lapin ou une biche ? Est-ce que cela procurait un plaisir indicible et submergeant pour cette partie de nous qui aimait tuer ? D'ailleurs, je n'avais jamais pensé à demander à mon loup ce qu'il en pensait. Me tournant alors vers ce dernier mentalement, je lui posai la question à savoir si ça l'intéressait et si il pensait qu'il préférerait cette chasse aux autres. Il battit joyeusement la queue pour me signifier qu'il était tout à fait partant -bien que je ne sache pas si c'était vraiment parce qu'il le voulait ou juste parce que c'était une demande de la louve-, mais il ne savait pas pour autant l'effet qu'elle produirait sur lui. Me tournant alors vers Leann, même si en réalité je ne lui avais jamais vraiment tourné le dos, je lui souris de toutes mes dents et lui répondis.
-Je ne saurais que trop bien répondre par oui à cette invitation. Mon loup est aussi excité que moi à l'idée de cette chasse. Et bien évidemment, en pleine forme c'est bien mieux pour savourer, finis-je avec un petit sourire malicieux et sadique, faisant briller mes yeux d'un éclat doré sauvage.
Cependant, j'étais encore mineur et je vivais sous le toit de ma tante, et donc sous sa responsabilité. Je ne tenais pas à lui attirer des ennuis si jamais on remontait jusqu'à moi. Il fallait donc que j'évite certaines choses. Ainsi que quelques autres principes auquel je m'attachais et dont je devais informer ma camarade de chasse.
-Par contre, il faudrait que nous trouvions quelqu'un qui ne manquerait pas à grand monde et dont on pourrait se débarrasser facilement. Malheureusement je suis encore sous la garde de ma tante, et je n'aimerais pas lui créer de soucis. Et en ce qui concerne notre prochaine cible, j'aimerais que ce ne soit pas un enfant. Je ne chasse jamais des spécimens trop jeunes, même quand il s'agit d'animaux. Ça te va ?
Malgré tous ses efforts pour faire taire la vision de Micah dans son esprit, ce dernier restait toujours aussi présent. Pire, l’image de son corps entre les bras de l’enfant qu’elle avait été, était en train de ressurgir violemment. Leann senti son cœur manquer un battement devant ce spectacle qu’elle détestait tant. Son grand frère sur le point de mourir, entre ses petits bras et toujours ce sourire protecteur sur ses lèvres. La louve se fit violence pour ne pas prendre sa tête dans ses mains pour essayer de faire partir cette apparition. Entre tous ses souvenirs c’était celui qu’elle ne pouvait pas regarder et rester calme. C’était tout bonnement perturbant. Alors qu’elle sentait que son corps allait la lâcher et se mettre à trembler sous l’émotion, la jeune femme senti -mentalement- la présence puis la douceur de la peau de sa bête contre sa joue. Intérieurement, elle était en train de pleurer et sa louve venait la réconforter. Même si elle n’avait pas été là à ce moment, elle comprenait que ce serait toujours l’épreuve de sa vie. La perte qu’elle n’aurait jamais dû avoir. Leann enlaça sa louve par le cou, et se laissa aller contre elle. Ce qu’elle aurait aimé être une lycanne plus tôt, peut-être qu’elle aurait pu ainsi sauver son frère... Sentant une chose chaude et humide sur sa joue, elle regarda sa louve après qu’elle l’eut léché. Elle avait raison, cela n’aurait jamais pu arriver et il fallait vivre avec. Au moment où elle pensait au mot « seule », un grognement de protestation monta dans la gorge de l’animal. En effet, elle ne l’était plus et ne le serait plus jamais. Dans un mouvement de tête, la bête montra également la représentation de ce loup blanc qu’elles venaient de rencontrer. Pensait-elle qu’il serait également toujours à ses côtés ? Ca en avait l’air et cela réchauffa le cœur de Leann. Evidemment, tout cela se passa très rapidement dans l’esprit de la louve, au point qu’elle ne devait se montrer simplement absente du point de vu de Bran. Mais elle savait aussi qu’il avait dû sentir ce qui s’était passé, son malaise du moins. En relevant les yeux -qu’elle ne se souvenait pas d’avoir baissés-, la jeune femme croisa le regard du lycan et en voyant son sourire, elle ne pu qu’y répondre. Retournant mentalement vers sa bête, elles se mirent d’accord d’un simple regard sur une chose : Leann ne pouvait pas se laisser aller à ses souvenirs douloureux, plus maintenant qu’elle s’était jurée de devenir plus forte et surtout, si elle désirait pouvoir protéger Bran. Il pourrait être son petit frère en termes d’âge et pourtant, il était plus expérimenté qu’elle. Mais cela n’avait aucune espèce d’importance, elles protégeraient cet adolescent et ce loup blanc. Contrairement à Jilan, qu’elle protégerait par devoir, puisqu’elle lui était redevable et qu’elle l’appréciait, comme une amante. Leann protégerait Bran comme une sœur. Lequel des deux elle choisirait si jamais la situation l’exigeait ? Elle ne préférait pas à avoir à répondre à cela. Elle préférait surement se sacrifier pour sauver les deux. Encore une fois, tout cela se passa en quelques secondes du point de vue du jeune loup alors que pour la jeune femme, c’était plutôt des minutes. La vision du temps qui passe était vraiment quelque chose de subjectif !
Mais pourquoi souriait-il déjà ? Se remémorant rapidement leur conversation actuelle, Leann se rappela qu’il s’agissait de sa demande de chasse à l’homme. C’était ça, il devait lui donner sa réponse ! Avec tout ce qui venait de se passer dans son esprit, elle l’avait presque oublié. Mais maintenant qu’elle savait où elle en était, elle était plus attentive. Quand il accepta, elle senti sa louve grogner de satisfaction, cela lui plaisait de pouvoir chasser en compagnie de ce jeune loup blanc. Et apprendre que c’était la même chose pour ce dernier -ainsi que Bran lui-même- ravissait les deux parties du corps de Leann. Le regard tout comme le sourire de son interlocuteur fit avoir des frissons à la jeune femme. Pas de peur mais plutôt d’excitation. Cette chasse future promettait d’être bestiale et quelque chose lui disait que ce serait aussi très intense du point de vue des deux loups. Encore une étape pour les lier ? Leann aimait assez cette idée ! Les premiers mots prononcés par son frère -? Ami ? Elle ne savait pas comment l’appeler !- la raidirent un peu. « Par contre » ? Heureusement qu'il enchaina rapidement parce qu’elle aurait pu commencer à partir dans une multitude de supposition. Est-ce qu’elle avait peur de perdre Bran ? Alors même que cela ne faisait que quelques heures qu’ils se connaissaient ? Malheureusement, la réponse était oui. Chassant ses pensées de son esprit, la lycanne écouta la suite de ses propos. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre ce qu’il voulait dire par là. Et sans s’en rendre compte, elle se mit à sourire étrangement. Il voulait choisir quelqu’un qui ne manquerait à personne ? Cette idée la fit partir dans un petit rire nerveux alors qu’elle entendait la fin de sa question. Elle se calma rapidement et consenti à s’expliquer aussitôt :
« Je comprends mieux pourquoi il m’a attaqué alors, s’il voyait les choses comme toi. »
Oui, cela n’avait rien de drôle que de rire au fait que si elle avait été attaquée, cela pouvait venir du fait que si elle serait morte, elle n’aurait fait aucun malheureux. Discuter avec Bran était vraiment enrichissant, sur tous les points, même ceux qu’elle ne pensait plus à avoir à aborder. Pour le reste de sa demande, elle comprenait parfaitement. Même si en étant sous forme lupine et sans laisser de traces, Leann ne voyait pas trop comment il pourrait créer des problèmes à sa tante. Reprenant son sérieux, ou du moins, en ayant perdu son hilarité passagère, elle hocha la tête.
« Ca me va, si tu as des principes, je les respecte. On a tous des limites et c’est plutôt une bonne chose que tu les connaisses... » Sourit en coin, mi-amusée, mi-désolée. « Parce que ce n’est pas encore mon cas... Quant à notre prochaine proie... »
Leann se mit à réfléchit quelques secondes. S’il fallait trouver quelqu’un comme Bran désirait, il allait falloir mener une sorte d’enquête, ce qui pourrait se révéler être un peu long. Elle qui avait pensé prendre le premier humain seul qu’ils croiseraient dans la forêt. Il allait carrément falloir amener leur proie dans ces lieux ? Parce qu’en pleine ville, ce serait tout bonnement du suicide. Il en demandait quand même beaucoup ce jeune loup ! Mais la bête de Leann grogna pour lui faire comprendre qu’elle pouvait essayer de faire ça. Perdu dans ses pensées, elle eut alors une idée. Dans son nouveau boulot, qui consistait à faire du striptease à domicile, il n’était pas fréquent que ses clients lui parlent de leur vie. Hum... Ca pourrait peut-être être une piste.
« Je pourrais surement convaincre un de mes clients de me suivre dans la forêt. Mais il me faudra surement un peu de temps pour trouver le bon... Mais ce sera de nuit... Tu n’auras pas de mal à sortir ? Avec ta tante ? »
Bon, avec le terme « client », il allait peut-être lui demander ce qu’elle faisait dans la vie. A moins, qu’il ne parte dans ses propres suppositions, qui ne seraient peut-être pas mauvaises, compte tenu de sa façon de parler d’homme. Et si elle demandait s’il pouvait sortir, c’était parce qu’elle n’avait jamais eu à vivre avec un tuteur. Son proxénète ne lui laissait aucun choix sur ses envies alors la question ne se posait pas et ensuite... Elle avait pu vivre comme elle l’entendait. Une question lui vient alors à l’esprit et elle la formula à haute voix :
« Mais, tu as quel âge alors ? Moins de 18ans à ce que je comprends mais... De beaucoup ? »
Parce que même s’il semblait ne pas vouloir attirer d’ennuis à cette femme, s’il commençait à sortir de nuit pour la retrouver et chasser des humains... Leann se surprit à espérer que sa majorité arriverait bientôt...
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par Invité Mer 1 Jan - 11:46