| par Invité Jeu 3 Mar - 2:06
| Sortir. Sortir. Sortir. Ce mot revenait sans cesse dans son esprit, comme un appel lancé à la sauvagerie qui grondait en lui, incessamment. Sulkan le savait pourtant, il ne pourrait pas le contrôler éternellement. Le point de rupture était proche, aussi il s’empressa de mettre les voiles. La soirée était bien avancée déjà et l’air frais. La pâle chaleur des rayons du soleil avaient laissé place à une fraîcheur toute nocturne, éclairée par l’astre lunaire. Pourtant, le garçon sortit en T-shirt. Les rares passants pas encore assez imbibés d’alcool lui adressèrent des regards surpris ou amusés, sans toutefois s’attarder sur son cas. Ils auraient été suicidaires de l’aborder alors qu’il se trouvait dans cet état. L’intérieur de sa tête était devenu un joyeux bordel, rempli d’incitations au meurtre. Sulkan s’efforça tant bien que de mal d’éviter les grandes rues, celles qui comportaient le plus de commerces et de bars, ouverts et lumineux pour attirer le plus de clients possibles à une heure tardive. Malheureusement pour lui, les ruelles glauques et sordides assaillirent son odorat surdéveloppé d’odeurs immondes, qui loin de décourager la bête en lui, ne firent qu’augmenter son besoin de chasse. Partout, il pouvait sentir l’odeur de perpétuelles proies, les humains et parfois même, quelques créatures. Avec le temps, il avait appris à faire la différence entre les races. Et même en rasant les murs de petites ruelles obscures, ses oreilles captaient l’éclat des rires ci et là, ou encore les exclamations incohérentes des ivrognes. Il allait devenir fou. Et il se désespérait de n’avoir pas encore atteint le parc. La forêt lui paraissait tellement lointaine à cet instant précis. Jamais il n’allait pouvoir tenir jusque-là. Et pourtant, il le fallait !
Cependant, en dépit de ses efforts répétés pour résister face aux appels de son loup, ce dernier fut plus fort. Avisant un coin sombre semblable à une forêt miniature avec sa multitude de pierres tombales, le lycan s’y dirigeait à l’aveuglette, ou presque, compte tenu de son odorat. A ce stade, seul celui-ci lui permettait de mettre un pied devant l’autre. Et lorsqu’il atteignit enfin le cimetière, un hurlement de douleur jaillit de ses lèvres. Ou de désespoir qui sait ? Il n’y avait pas de témoins pour relater l’incident. La transformation ne tarda pas à suivre. De bipède, il devint quadrupède. Le loup blanc déchira une nouvelle fois l’air par un long hurlement. L’appel de la chasse, lequel ferait frissonner ceux qui pourraient l’entendre. Aussitôt, il entreprit d’inspecter son territoire autoproclamé. Bien maigre en réalité. Le cimetière comportait déjà son lot de macchabés et ce qu’il convoitait, était un corps bien vivant et chaud à déchiqueter entre ses crocs. Au contraire, la relative puanteur qui régnait ici ne lui convenait pas. L’animal grogna avant de commencer à s’éloigner, indifférent aux restes de vêtements qu’il laissait derrière lui. Pourtant, une odeur se distingua des autres. Le loup huma l’air, soudain intrigué et l’odeur se confirma quelque part au-dessus de sa tête. Quelque chose se balançait en effet en hauteur. Il ne lui en fallut pas plus pour bondir et arracher le sac à dos de sa cachette. L’instant d’après, le contenu de celui-ci se déversait sur l’herbe humide du cimetière, rapidement rejoint par les lambeaux de ce qui avait été un sac à dos auparavant. Ces objets avaient une vague odeur de congénère mais quelque chose n’allait pas. L’animal gronda de plus belle, plus que jamais enclin à chasser.
Un son étouffé fit bouger l’une de ses oreilles. Le loup blanc ne bougea plus, attendant un nouveau signe de la part des ténèbres. Comme plus aucun bruit ne lui parvenait alors, il se mit à humer l’air, conscient qu’il n’était plus seul dans les environs. Il perçut alors une odeur familière, puisqu’il l’avait sentie quelques secondes auparavant, émanant du sac à dos et des affaires qu’il contenait. La bête se mit alors en position de chasse. Lentement et le plus silencieux possible, elle contourna les pierres tombales, effectuant par-là, un large détour sans le savoir. Elle n’avait pas encore identifié l’origine de l’odeur et celles du cimetière la gênaient en partie. Même en procédant de la sorte pour ne pas être vu avant de passer à l’attaque, le loup était presque aussi haut que certaines des pierres tombales, lesquelles le dissimulaient à peine. Sans compter que sa fourrure d’un blanc immaculé ne passait pas non plus inaperçue dans la nuit noire. Aussi, l’animal se mit à courir. Il venait d’identifier l’origine de l’odeur et il déboula au coin d’une allée, tordant et ravageant les pierres tombales qui se trouvaient sur son chemin. A quelques mètres de là, se trouvait sa proie. A présent, elle était dans son champ de vision. Un autre loup ? Non, l’odeur était clairement celle d’autre chose… Quoiqu’il en soit, la bête ne ralentit pas l’allure. L’autre devait l’avoir vu à présent mais elle arrivait si vite sur lui que l’effet de surprise pourrait jouer en faveur du lycan. Ce dernier ne tarda pas à bondir en direction de sa proie : son arrière-train se ramassa sur lui-même, souple et son corps se détendit d’un seul coup, à commencer par le devant tandis qu’il prenait son élan pour tomber sur sa proie, la gueule ouverte.
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