| par Invité Ven 7 Fév - 11:41
| Le vampire ne bougeait pas. C’était un fait avéré. Pourtant, ses yeux quittèrent les miens, pour finalement descendre sur mes ailes. Ces mêmes ailes, dont j’avais fait un paravent pour le protéger des rayons dévastateurs qui étaient alors en train de ravager sa peau et de lui ôter définitivement la vie. Les premiers temps, elles m’avaient paru très lourdes, et particulièrement encombrantes. Jusqu’à ce que je me rende compter que je pouvais les attacher, pour éviter qu’elles ne me gênent dans mes déplacements. Mon corps s’était alors développé, fortifié, jusqu’à ce que ces nombreuses plumes me paraissent légères, presque insignifiantes. J’étais faite pour protéger, pas pour tuer, c’était une évidence. Ma réaction en était encore une preuve. J’aurais pu regarder mourir cet homme, et exaucer le souhait qu’il s’était fait de trépasser sans jamais se donner la chance de revenir. J’aurais pu, en effet. Mais mon instinct m’avait dicté que ce n’était pas la solution, qu’en faisant ça, il ne serait que temporairement apaisé. J’ignorais toujours le motif de sa tentative de suicide, certes, mais la façon dont il m’avait regardée et parlé après mon intervention m’avait informée qu’il avait eu un bon motif pour passer à l’acte. Cependant, il n’agissait plus comme ça. Non, il semblait simplement… Vidé. Vidé d’envie, vidé de sa soif de vengeance à mon égard, vidé de ses pulsions meurtrières. Il semblait plus calme et serein que s’il avait réussi à aller jusqu’au bout de ses intentions de tout à l’heure. J’avais eu raison, pour une fois. Ses plaies semblaient cicatriser, très, très lentement, mais elles cicatrisaient. Ca expliquait sûrement en partie son retour à un comportement moins venimeux, la douleur le quittant petit à petit. Il avait des traits fins et volontaires, comme si son visage avait été taillé dans du marbre. Il ne respirait pas, visiblement, sa poitrine n’était pas secouée des soubresauts coutumiers aux êtres vivants. Parce qu’il ne l’était pas, au sens premier du mot. Il était « mort-vivant ». Pourtant, il était beau, à sa façon. Ses cheveux de jais s’arrêtaient un peu avant ses épaules, ils étaient lisses et soyeux. Presque brillants. Son regard avait retrouvé un éclairage humain, loin de cette lueur sanguine et assassine. Bien qu’il soit à moitié avachi contre la paroi, il semblait grand, svelte et athlétique. Sous son t-shirt calciné, ses muscles semblaient saillants, comme ceux d’une statue. Il respirait l’élégance, mais aussi la force tranquille.
Il aurait pourtant fallu être idiot pour ne pas sentir, en étant aussi près de lui que moi en ce moment, l’aura de puissance qui émanait de son corps. Il était imposant, bien que physiquement et mentalement diminué. Il aurait aussi fallu être un parfait imbécile pour ne pas saisir la menace de mort sur pattes qu’il était. C’était évident : S’il voulait tuer, il pouvait le faire sans problème. J’étais sûre qu’il pourrait me trancher la gorge sans même froisser ses vêtements s’il en avait l’envie. Et s’il ne venait pas de tenter de passer dans l’autre monde :
-Oui, s’est exacte. Je suis à moitié humaine, à moitié cygne. Comme quoi, ça a parfois du bien d’être un monstre ! J’ai comme l’impression que votre haine envers les humains est facilement explicable. Pourtant, ils vont sont nécessaires, non ? Le sang des mortels n’est-il pas le composant principal, voire exclusif, de votre régime alimentaire ?
J’étais soudain perplexe. Je fronçais les sourcils, les bras croisés sur la poitrine. Comment pouvait-il détester à ce point ceux qui assuraient sa subsistance ? C’était sûrement lié à son passé… De plus, il avait sûrement été humain avant d’être vampire lui aussi. Non ? A moins que ce soit un vampire de sang pur, né immortel. Et dans ce cas, j’étais encore plus perdue. Je savais qu’il aurait probablement été dans mon intérêt de taire mes questions, mais ma curiosité me rattrapa. Eh oui… Chassez le naturel, il revient au galop !
-Vous avez été vous-même mortel. Vous êtes mort, et avez été ressuscité par un immortel. Je me trompe ?
J’ignorais quel âge pouvait avoir cet homme. Il semblait très jeune, peut-être vingt ans, vingt-cinq, tout au plus. Mais les apparences, chez mes suceurs de sang, étaient trompeuses. A ce qu’il se dégageait de lui, cette sorte de silhouette de puissance le suivant, je dirais qu’il pouvait avoir entre 400 et 700 ans. C’était large, mais c’était le premier vampire que je rencontrais, ailleurs que dans un livre. Pourtant, le côté surnaturel et animal en moins voyait en ce type un prédateur. Un chasseur. Et c’était la première fois que cette impression était aussi forte, violente et entêtante… Toutes les parcelles de mon corps vibraient à son contact. De toute évidence, il était assez vieux pour que tout en moi me hurle finalement de m’en éloigner. Mais ma raison me répétait en boucle qu’il n’était pas menaçant pour l’instant, et que je n’avais aucun motif pour prendre mes jambes à mon cou.
-De rien. J’espère simplement que vous ne regretterez pas plus tard d’avoir été sauvé. Le temps est la chose plus précieuse qu’on a sur cette terre. Autant en profiter jusqu’à la dernière seconde, n’est-ce pas ?
Je lui souris, pour la première fois depuis que je l’avais amené dans cette grotte. Et ce que je m’apprêtais à faire était encore plus fou. Il sembla pris d’étonnement quand je portais mon bras à son visage en lui proposant de me mordre. Après tout, peu de gens devaient s’offrir comme encas à un suceur de sang comme ça, tout du moins sans demander la moindre contrepartie. Mais il savait, comme moi, qu’il en avait besoin. La douleur fut fulgurante quand l’homme planta violemment ses dents dans la peau, la perçant jusqu’à ce que mon sang sorte à grand flot de mes veines. Je serrais les dents, refusant de laisser échapper le moindre cri. Je l’avais voulu, je l’avais eu. Maintenant, c’était à moi d’assumer. A quoi m’attendais-je ? C’était une morsure, même si on appelait souvent ça « le baiser du vampire ». Sauf qu’un baiser, c’était agréable. Là, c’était une vraie torture. Je sentais parfaitement le liquide rouge quitter mes veines, mes jambes devinrent aussi molles que deux spaghettis, et je manquais de m’effondrer. Je ne restais debout que par un ultime effort de volonté, car je sentais littéralement mes forces me quitter, et mon esprit s’embrumer. Après deux bonnes minutes à m’empêcher de hurler ou de tomber dans les pommes, le vampire s’arrêta. Ma peau était devenue blême, et je m’en serais inquiéter si j’étais encore capable de mettre deux idées l’une derrière l’autre dans un tout cohérent. Ce qu’il fit ensuite m’aurait également étonnée en temps normal, mais j’étais tellement dans les vapes que je me rendis à peine compte que l’homme venait de se mordre et d’appliquer son sang sur ma blessure. La bouche pâteuse, je le remerciais :
-Euh...M..Mer…Merci.
Je dus me retenir à la paroi pour éviter de m’écrouler sur le sol de pierre froide de la grotte. Je secouais vaguement ma tête, dans l’espoir vain de retrouver mes esprits. Je le regardais, abasourdie. Il cicatrisait plus vite, sa peau retrouvait un peu de couleur. J’étais sonnée, et je dus finalement m’asseoir, tout autour de moi tournant dans une valse infernale. Heureusement que mon côté animal me permettait de guérir un peu plus vite qu’un mortel classique. Pourtant, je resterais sûrement affaiblie un peu moment, compte tenu de la quantité de sang qu’il m’avait pompée. Je jetais un regard distrait à mon bras, et remarquais alors que la plaie de mon bras s’était refermée. Incroyable… |
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