| par Invité Ven 21 Fév - 11:32
| Je regardais le vampire d’un air distrait alors que je semblais branchée sur une pile de deux mille volts. J’avais l’impression que si je restais plus d’une minute au même endroit, j’allais prendre feu. Donc je faisais les cent pas dans la grotte comme un boxeur avant de monter sur le ring. Je comprenais maintenant pourquoi on disait que le sang de vampire pouvait s’assimiler à une drogue pour les mortels : il donnait une énergie, une force et une vitalité plus efficace que les amphétamines ou que toute autre saloperie avec lesquelles on dopait nos sportifs. J’aurais pu décrocher la Lune si on me le demandait, ou même traverser l’Atlantique à la nage tellement je me sentais bien. Mes mouvements étaient plus rapides que d’habitude et j’aurais sûrement pu creuser les parois de la cavité avec mes poings si je le voulais. Mais contrairement aux effets d’une drogue humaine, je ne voyais pas de choses qui n’existaient pas et je n’avais pas d’hallucinations. Non…. Je voyais TOUT ce qui EXISTAIT : Un furtif vol d’oiseau ici, un battement d’ailes de papillon par là, le chant lointain d’une hirondelle, les moteurs des voitures en ville, qui se trouvait pourtant à bonne distance de là où nous nous trouvions. Je ressemblais à une camée en manque. Ca aurait pu m’inquiéter, mais je trouvais ça vraiment chouette. J’eus un temps envie de sauter du promontoire rocheux pour voir si j’étais capable d’en tomber sans me blesser une fois en bas, mais je me contins d’un effort de volonté surhumain : j’avais beau avoir absorbé la puissance pure d’un vampire de 500 ans, je n’en avais ni le corps ni l’expérience et mes tests risqueraient simplement d m’apporter la mort. Je n’avais donc plus qu’à attendre que les effets se dissipent. Si me collègues me voyaient comme ça, ils penseraient immanquablement que j’avais été mystifiée par un monstre. Ce qui y ressemblait plus ou moins, mais j’étais toujours parfaitement consciente de mes faits et gestes. Bien plus que d’habitude, d’ailleurs.
-Oui, en effet, je m’en suis douté. Je ne connaissais pourtant presque rien d’autre sur votre race que ce qu’on lit dans les livres. Mais je protège les gens en détresse, et sous les rayons du soleil, vous l’étiez. Alors mon instinct m’a soufflé de voler à votre secours. Je me plais à penser qu’une réputation est un avis global sur une population, et qu’il y a toujours des exceptions à tout. Une fois encore, j’avais vu juste. Mais c’est vrai qu’une erreur aurait pu m’être mortelle.
Malgré l’acte de bienveillance dont il avait fait preuve en me donnant son sang pour me remettre d’aplomb, je restais tout de même méfiante : bien que je voulais croire que tous les vampires n’étaient pas des monstres sanguinaires, je ne connaissais pas cette race et je n’avais pas de mal à penser qu’il avait dû commettre un certain nombre d’horreurs en 500 longues années d’existence. Après tout, nous faisions tous des erreurs un jour ou l’autre et tuer était dans les gênes de ces gens. Pourtant, il avait eu l’occasion de prendre ma vie et il ne l’avait pas saisie. Je ne comptais pas juger cet homme sur des faits passés alors d’une lueur de bonté s’était allumée en lui. S’il prenait conscience qu’avec ses incroyables capacités, il pouvait protéger des innocents, c’est tout ce que je lui souhaitais car ça lui redonnerait une raison de prolonger sa vie sur cette Terre. C’était d’ailleurs le rôle du Cercle : faire comprendre aux vampires que les Hommes étaient des êtres à part entière, qu’on ne pouvait pas vider de leur sang à tort et à travers dès qu’ils avaient une petite faim. Si au moins ils prenaient la peine de trouver des donneurs volontaires et de les laisser en vie après leur festin, les choses iraient déjà mieux. Mais c’est sûr qu’avec une réputation aussi mauvaise que la leur, trouver des bénévoles pour ce genre de job risquait d’être compromis…
-Parce que vous avez passé ce demi -siècle à vivre pour vous. Vivre pour les autres, pour assurer leur bien et leur prospérité vous aiderait sûrement à retrouver goût à ce qui vous entoure. Empêcher les plus forts de malmener des innocents, apprendre à leur vivre autrement et s’interposer dans des luttes inégales est un but très louable. Ca ne remplace pas tout, c’est un fait, mais ça peut peut-être vous rendre une étincelle d’espoir.
Comme trouver un travail ou reprendre des études, venir en aide à son prochain était une occupation louable. Certes, ça ne rapportait pas un sous, mais les vampires étaient connus pour amasser des fortunes colossales et je ne parvenais pas à imaginer ce qui pouvait manquer à cet homme. Il avait sûrement une grande maison, une voiture de sport, toutes les femmes qu’il désirait, les dernières technologies en date… Autant trouver quelque chose qu’il ne pouvait pas acheter et que seule sa conscience pourrait lui offrir.
-Je suis rassurée de savoir que vous avez changé d’avis sur la fin de votre vie. Si mon intervention vous a permis d’apprendre plus sur vous et sur ce qui vous entoure, alors j’ai accompli ma tâche. C’est tout ce que je souhaite.
Le demi-sourire qui étira les lèvres du vampire me réconforta. Il était signe que, quelque part, quelque chose avait changé chez cet homme. J’étais parvenue à lui rendre un peu d’espoir, même si le long passé, visiblement tumultueux, de Néro finirait sûrement par le rattraper une nouvelle fois. J’espérais seulement qu’il continuerait quand même la lutte. En attendant, le jour le bloquait dans la grotte et il ne pourrait pas en sortir avant que l’astre nocturne ne reprenne ses droits pour les heures à venir, dans la continuité éternelle du cycle tracé depuis des décennies, qui assurait un règne égal entre les deux astres.
-En effet, je dois rejoindre mes collègues. Nous avons du pain sur la planche. Il paraît qu’il y a des vestiges intéressant par ici et je dois aller réveiller les fantômes du passé. Bonne chance, Néro. Ne laissez pas la flamme s’éteindre.
Je tournais alors les talons à une vitesse qui était redevenue humaine, pour finalement retrouvé mes hommes, inquiets de ma soudaine disparition. Je leur expliquais en partie ce qui m’avait tirée de mon lit de camp, sans trop m’appesantir. Je ne voulais pas qu’ils rendent une visite surprise à mon ami piégé dans sa cavité, car je redoutais une réaction stupide. Après tout, je n’avais pas sauvé la vie de ce type pour qu’un de mes amis la lui ôte ! |
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