Jusqu'où la tourmente guidera nos actes ? [PV Leann Ridley] [Terminé]

Pourquoi fallait-il que sa venue dans le repaire de l’organisation soit toujours synonyme de mauvaise humeur ? Non satisfait de la perspective de retrouver ce lieu humide, froid et sombre –ce qui avait le don d’assombrir son humeur à grande vitesse-, le Lightness s’y rendait en étant d’ores et déjà de mauvaise humeur. La raison ? Cette étrange rencontre fortuite ou non avec l’hybride. Ce n’était pas normal qu’un possible partisan du Cercle en sache autant sur deux de ses recrues les plus importantes pour la progression de son plan, à savoir, Leann sa Seconde et Adélaïde, petite humaine au sale caractère mais dont les connaissances se révélaient essentielles pour la suite des opérations. Rien qu’en imaginant ces dernières en compagnie de l’homme-chat, Jilan serra les dents. Depuis quand ? Pourquoi avoir tardé à le faire tomber dans ce cas ? Par jeu ? Parce qu’il se savait en possession d’un coup d’avance sur le jeune professeur ? Mais alors, pourquoi avoir laissé l’enlèvement avoir lieu ? Par simple caprice ? Est-ce que le Cercle était déjà en train de se préparer à les attaquer ? Son poing vint heurter la surface rocheuse de l’intérieur de la Grotte en un bruit sec alors que le Lightness marquait une pause à l’entrée du repaire. La douleur se répandit aussitôt dans la main, engourdissant ses doigts alors qu’une tâche de couleur plus proche du mauve que du rose habituel de la chair, se formait sur le dessus de sa main. Pourtant, le jeune professeur ne faisait pas mine de s’en occuper. Par chance, la Grotte était calme à cette heure de la soirée, rares étaient les membres qui ne sortaient pas une fois la nuit tombée. L’obscurité aidait à tuer sans être repéré. Curieusement, ce fut la douleur à sa main qui lui permit de ne pas hurler sa frustration. Cette garce. Elle allait le lui payer, toutes les deux. Mais avant cela… Jilan baissa les yeux en direction de sa main meurtrie et lâchant un soupir, passa l’autre, encore valide, dessus. Le creux de la paume de sa main valide brilla faiblement, tandis qu’une douce chaleur se répandait dans celle blessée. Le phénomène ne dura pas. Quelques secondes plus tard, la douleur avait disparu et la chaleur avec elle. Le couloir de la Grotte redevint sombre, autant que l’était l’humeur de son occupant à cet instant précis. Sans perdre de temps, le Lightness se dirigea vers la salle de réunion, déserte à cette heure, non sans faire un détour du côté de l’entrepôt où l’on stockait les armes. Il était prévu que la plupart d’entre elles ne finissent par se retrouver dans l’un des sous-sols du manoir récemment acquis par l’organisation criminelle, laissant le soin au repaire actuelle d’héberger quelques malfrats en fuite. Le jeune professeur y trouva son compte : un pistolet contenant des balles d’argent. Pile ce dont il avait besoin.

L’instant suivant, il se trouvait dans cette fameuse salle, dont l’utilité se résumait à quelques heures dans le mois, tout au plus. Depuis l’enlèvement de leurs cobayes, aucun regroupement d’urgence n’avait été organisé dans cette vaste pièce, signe que les membres avaient suffisamment à s’occuper à côté. Ou alors ils se faisaient discrets, ce qui n’était pas plus mal compte tenu de l’agitation qui devait régnait au sein des rangs de leurs adversaires en ce moment même. La pensée d’imaginer la tension et la panique chez ces simples d’esprit, prétendants à la direction de la ville, ne suffit pas pour lui rendre un semblant de bonne humeur. Jilan attendait sa Seconde de pied ferme. Il lui avait donné rendez-vous ici même avec la ferme intention de s’expliquer avec elle. Non, plutôt d’écouter ses lamentables explications avant de mettre fin à sa vie de ses propres mains. Leann possédait la vitesse et la force propres à ceux de sa race mais une balle en argent entre les deux yeux réglerait amplement le problème. Conscient que la disparition de la lycanne affaiblirait grandement sa position de leader au sein de l’organisation criminelle, le Lightness envisageait déjà le pire. Ce n’était pas comme s’il n’avait pas le projet de quitter la ville en compagnie de sa sœur après tout… Que cela se fasse de manière précipitée ou dans quelques mois, le temps pour Lily de faire ses adieux, c’était du pareil au même aux yeux du jeune professeur. Le grincement de la porte que l’on poussait le tira de ses pensées et il riva son regard en direction de la nouvelle venue. Est-ce que cette dernière avait la moindre idée de la raison qui avait poussé son supérieur à la convoquer ici ? En tout cas, rien dans ses yeux ou son attitude ne laissait penser une chose pareille. Sa Seconde se comportait comme d’ordinaire, ce qui arracha un sourire à la fois amer et mauvais se dessina sur ses lèvres. Dire qu’elle osait encore se présenter devant lui, même en s’étant préparée à le trahir dans le dos ?

« N’as-tu pas quelque chose à me dire Leann ? » attaqua-t-il aussitôt qu’il fut certain de maîtriser le timbre de sa voix face à elle.

Laissant planer un court silence probablement dû à la surprise suite à une pareille question, le Lightness écouta vaguement ce que son interlocutrice avait à lui. Elle prétendait ne pas comprendre sa démarche ? Pire, lui reprocher de l’avoir fait venir ici pour un rien ? Le jeune professeur balaya d’un geste de la main les derniers propos qui franchirent les lèvres de sa Seconde, signe qu’il ne l’écoutait déjà plus, sur le point de reprendre la parole pour la couper dans ses explications.

« Dans ce cas, laisse-moi te rafraîchir la mémoire : connais-tu un hybride aux oreilles de chat, portant bandeau sur l’œil droit et piercing sur l’oreille gauche ? Parce que lui a l’air de bien de connaître en tout cas. »

Avant même que ses propos ne fassent leur chemin dans l’esprit de son interlocutrice, Jilan s’était levé d’un coup de la table sur laquelle il s’était assis en attendant l’arrivée de la lycanne. Il pointa son arme sur la jeune femme, prêt à faire feu au moindre mouvement suspect de cette dernière.

« Sale chienne. Depuis quand ? DEPUIS QUAND ? »

Le semblant de calme olympien dont il était parvenu à faire preuve jusqu’à présent venait de voler en éclat. Le masque de l’impassibilité était tombé, il ne restait plus que la douleur amère de se sentir trahi par la personne en qui on plaçait un début de confiance, faute de pouvoir complètement reposer sur quelqu’un. Il valait mieux pour sa Seconde qu’elle lui offre une raison suffisante pour ne pas tirer et ce, rapidement. Sa patience était déjà dans le rouge cramoisi.

La nuit était tombée depuis à peine quelques heures, laissant encore quelques traces de la chaleur qu’elle avait emportée. Ou était-ce simplement parce qu’elle avait chaud ? La louve venait de quitter son dernier client de la soirée. Avec le rendez-vous de Jilan, elle avait dû chambouler un peu son emploi du temps pour pouvoir être à l’heure. Ce qui ne lui plaisait pas des masses, c’était le fait qu’il lui donne ce putain de rendez-vous à la Grotte. Ne pouvait-il pas tout simplement lui dire de rentrer plus tôt à l’appartement ce soir là ? Parce qu’être obligée de se taper la traversé de la forêt en tenue qui coutait la peau de fesses, ça ne lui plaisait pas des masses ! Et oui, elle n’allait pas passer à l’appartement avant pour prendre quelques affaires, elle se changerait directement sur place, là-bas. Leann avait cependant finit par retirer ses escarpins, parce que dans la terre et les talons aiguilles, ça ne faisait pas bon ménage ! Bref, tout ça pour dire qu’elle finit par atteindre la Grotte plus ou moins à l’heure. Pendant le trajet, elle n’arrêtait pas de se demander ce qu’il pouvait bien lui vouloir et surtout pourquoi dans cette pièce. Une réunion de l’organisation ? Pourquoi ne pas l’avoir prévenue plus tôt dans ce cas ? Au bout d’un moment, elle finit par abandonner l’idée de trouver une raison de cette convocation. Parce que oui, c’était bien ce que c’était, une putain de convocation. Elle était sa Seconde pas une vulgaire membre, merde à la fin !

La porte s’ouvrir sur elle, et elle n’eut pas de mal à trouver son supérieur, assis derrière le bureau. A première vue, il était encore plus neutre et maitrisé qu’à son habitude. Qu’est-ce qui le contrariait autant pour qu’il soit ainsi ? Alors oui, ça ne se voyait pas des masses mais elle avait passé assez de temps en sa compagnie pour parvenir à déchiffrer quand quelque chose n’allait pas. La louve eut à peine le temps de fermer la porte que les premières paroles de son interlocuteur retentirent dans la pièce. Quelque chose à lui dire ? Il se fichait d’elle ? Il l’avait appelé ici pour qu’elle lui dise... Quelques chose ? Une chose qui ne lui venait visiblement pas à l’esprit à cet instant.

« T’es sérieux là ? Qu’est-ce que tu veux que je te dise au juste ? »

Si au moins il lui disait sur quel sujet elle devait s’orienter, elle aurait une chance d’avoir une meilleure répartie qu’à cet instant. Alors qu’elle ouvrait de nouveau la bouche pour l’intimer de s’expliquer, Jilan ne lui en laissa pas le temps et enchaina. Pour le coup, elle le remerciait mentalement d’éclairer sa lanterne. Manque de bol, le sujet qu’il lui balançait à la gueule était dès plus inattendu. Elle n’eut pas à réfléchir longtemps pour savoir qu’il parlait de Jean-Dame. Mais où Diable savait-il qu’elle avait été en contacte avec cet hybride ? Alors qu’elle réfléchissait encore sur le pourquoi du comment de cette conversation, Leann se retrouva avec le canon d’un flingue au niveau de sa tête. Oh... Les choses se précisaient un peu plus dans son esprit et ce n’était pas vraiment pour lui plaire. Surtout qu’à cette distance, elle pouvait sentir qu’i s’agissait de balle en agent qui se trouvait dans la chambre de l’arme. Alors Jilan était sérieux ? Il était prêt à la tuer ? Bon, ce n’était pas comme s’il ne l’avait pas déjà menacé de la tuer, mais quand même, pas à ce niveau là. Quand il s’emporta réellement, la louve serra les dents et les poings. Pour qu’il réagisse de la sorte et en prenant en compte le fait que Jean-Dame fasse parti du Cercle, ça ne signifiait qu’une chose : Jilan était en train de l’accuser de trahison. Comment osait-il ?! Après tout ce qu’elle avait fait pour lui ? Mettant en jeu sa vie à plusieurs reprises. Un nombre incalculable d’insulte envahir son esprit mais restèrent au niveau de sa gorge. Non pas parce qu’elle ne voulait pas l’offenser, pour le coup, elle s’en contre foutait. Non, c’était à cause de ce putain de flingue qui était braqué sur elle. Elle devait prendre grand soin à ses prochains mots où elle allait y laisser la vie. Ca c’était une chose claire qu’elle pouvait lire dans les yeux de son interlocuteur. Elle ferma les yeux et soupira.

« Depuis des mois. C’est le représentant des hybrides et je pensais pouvoir m’approcher assez de lui pour lui soutirer des informations. »

Après cette phrase, elle reprit sa respiration, l’ayant prononcée d’une seule traite pour qu’il ne tire pas trop vite. Qu’est-ce qu’il voulait entendre de plus ? Très lentement et sans mouvement brusque, Leann s’approcha de lui, son attitude n’annonçait aucune violence et elle finit par poser son front sur le canon de l’arme et le regarda dans les yeux.

« Je n’ai jamais songé à te trahir. Je t’ai dis que ma vie était tienne. Comment tu peux penser que j’ai voulu te vendre putain !? »

Si le début de sa phrase était prononcée doucement et calmement, la fin laissa transparaitre combien elle était énervée par cette accusation. Cet enfoiré était prêt à la tuer pour des conneries ! Et fondées sur quoi ? Elle ne savait même pas ! La louve enchaina alors rapidement.

« Je ne sais pas ce que tu crois savoir mais si j’avais voulu te balancer, j’aurai pas attendu et participé à l’enlèvement ! Putain mais réfléchis un peu ! »

Sous la colère et s’il le pouvait compte tenu de sa propre colère à lui probablement, il devait sentir qu’elle était sincère dans ses propos. Elle ne le lâchait pas des yeux et malgré l’envie de sa bête de faire surface pour lui montrer qu’elle aurait pu le faire tomber depuis bien longtemps, ses iris restaient étonnement absinthe. S’il ne lisait pas dans ces derniers qu’elle était sincère sous son indignation alors il n’avait qu’à tirer. Elle n’avait pas vraiment envie de crever aujourd’hui mais dans le fond, aujourd’hui ou demain, qu’est-ce que ça changeait ?

Depuis des mois ? Quand l’information tomba, Jilan ne sut pas ce qui le retint de presser aussitôt la détente de son pistolet. Il se sentit suffoquer rien qu’à l’idée d’imaginer sa Seconde en compagnie d’un homme qui n’était rien d’autre que leur adversaire. Ce type n’était pas n’importe qui ! Le représentant des hybrides ! L’homme qui était chargé d’assurer la justice dans cette ville et dont la voix s’élevait même au-dessus de celles des juges si besoin ! Et cette chienne copinait avec ? Dans son dos ?! Le jeune professeur écouta la fin des explications de son interlocutrice, plus parce que cette dernière avait débité les deux phrases en un temps record, que parce qu’il voulait entendre sa version de l’histoire. Lui soutirer des informations hein ? La colère revint à la charge, autant que les affirmations dérangeantes de Jean Dame un peu plus tôt dans la soirée. Deux versions complètement différentes. Laquelle croire ? S’il se trompait, il risquait bien de perdre la vie ce soir après avoir menacé une lycanne avec de l’argent… Et s’il tuait une innocente dans cette affaire, il perdait un bras droit, une personne de confiance et sur qui il faisait reposer une grande partie de son autorité.

« Je sais qui il est. Je l’ai appris ce soir, en le rencontrant directement. Jean Dame Zefra… C’est son petit nom n’est-ce pas ? Combien de fois il a eu te culbuter pour obtenir des renseignements ? HEIN ? Tu vas me faire croire que tu ne m’as rien dit pendant tous ces mois alors que tes intentions étaient honorables ?! »

La colère perçait dans le timbre de sa voix et il était évident que sa patience n’était plus présente en quantité suffisante pour permettre à son interlocutrice de se lancer dans de longues explications. La suite le laissa tout simplement silencieux parce qu’il préférait ne rien répondre sur le moment. Trop d’arguments lui venaient en tête lors de la question de Leann, et s’il s’écoutait, il l’aurait insultée de plus belle avant de lui tirer une balle dans la tête. Qu’est-ce qu’il perdait à commettre une erreur à ce stade de toute façon ? Ce n’était pas comme s’il envisageait de mettre les voiles en compagnie de sa jeune sœur… Mais en voyant la louve se livrer d’elle-même sous la menace que représentait l’arme, le Lightness fut déstabilisé. Comment pouvait-elle demeurer aussi calme en apparence alors qu’il pouvait prendre sa vie d’un simple petit mouvement de l’index ? Agacé par le ton qu’employa son interlocutrice sur la fin, Jilan profita de la faible distance qui les séparait pour ramener son bras vers lui et frapper sa Seconde au visage en exécutant un fluide mouvement dans la direction opposée.

« Tu me crois stupide ? Qu’il existe une seule façon de trahir quelqu’un ? Tu sais seulement à qui tu parles ?! »

Se disant, le pistolet reprit sa place initiale sur le front de la jeune femme, tandis qu’il prenait véritablement sur lui pour ne pas presser la détente. Cela ne durerait qu’une fraction de secondes. Un bruit sourd, étouffé par les épaisses parois de la Grotte. Nul ne saurait ce qui se serait passé ici, entre eux deux. Alors pourquoi hésiter ? Leann venait tout de même de confirmer un point concernant l’hybride : il était effectivement le représentant de ceux de sa race. Bonne ou mauvaise nouvelle ?

« Que sait-il ? J’imagine qu’un échange d’informations se doit d’être fondé sur la base du donnant-donnant. Je ne permettrais pas que des informations filtrent. Il sait pour Adélaïde. Qui est Pyro ? »

La lueur qui brillait dans les yeux absinthes de la jeune femme ne lui plaisait pas. Se serait-il trompé malgré tout ? Est-ce que l'homme-chat aurait finalement réussi à lui faire croire des choses fausses en réalité ? Les prochaines secondes de ce face-à-face houleux allaient rapidement le fixer sur la question.

Ce soir ? Alors il était tellement sur les nerfs par ce qu’il pensait avoir apprit qu’il l’avait convoqué ici pour avoir des explications sur le champ ? Ou était-ce simplement l’endroit le plus approprié pour lui mettre une balle dans la tête sans que personne ne pose trop de question ? Cette dernière supposition fit gronder intérieurement sa bête. Elle ne tolérait pas d’être traitée comme une simple putain qui couchait à tous les râteliers. Et le fait qu’il affirme ouvertement qu’elle ait couché avec cet hybride pour des infos ... Leann vit rouge à cet instant. Cet enfoiré qui prétendait avoir placé en elle, un tant soit peu de confiance, voila qu’il était perturbé parce qu’il était tombé dans les filets d’un autre manipulateur que lui ? Si elle n’était pas aussi blessée de le voir réagir comme ça, elle en aurait surement rire. Se rendait-il au moins compte de son comportement ? La mâchoire de la louve se serra une fois de plus, mais cette fois, ce fut pour se contrôler et ne pas lui sauter dessus. Oui, ce serait prendre un risque, celui de perdre la vie, mais à ce stade de la conversation...

« Me baiser pour obtenir des renseignements ? Tu t’entends ?! Je suis p’tre une pute mais je ne serais jamais une traite. » Lâcha-t-elle, le regard noir de colère.

Et comment le convaincre davantage hein ? Il avait tellement l’air sûr de lui et de sa trahison. Alors pourquoi il ne tirait pas ? Pourquoi il ne mettait pas un terme à toute cette connerie ? De toute manière, si le fait de s’avancer vers lui ne lui suffisait pas, Leann n’avait pas envie de perdre son temps et les quelques instants qui lui restait surement de vie, à essayer de convaincre quelqu’un qui ne semblait visiblement pas vous faire un minimum confiance. Crier à la trahison à la première occasion ? Sérieusement ? Elle n’était pas qu’une simple membre merde ! La louve ferma les yeux et compta jusqu’à cinq pour essayer de se calmer de nouveau, si bien qu’elle ne vit pas le coup arriver. Mais elle le senti très nettement, faisant même couler un petit filet de sang le long de sa lèvre. Alors c’était ça sa réponse ? La violence parce qu’il n’avait rien d’autre à dire ? Pas d’autres arguments qu’un soit disant informateur adversaire lui avait fournit ? Si elle le trouvait stupide ? A cet instant, plus que jamais. La jeune femme passa sa langue sur la petite coupure de sa lèvre, qui commençait probablement déjà à se refermer et répliqua :

« Stupide ? Bien sûr ! Tu te mets à douter de moi maintenant ! Alors que les flics sont à notre recherche, qu’ils te soupçonnent ! Quel autre moyen auraient-ils, que de foutre leur merde dans nos rangs, pour nous faire tomber ? »

Franchement, il se disait manipulateur et stratège mais il était tout simplement dicté par ses émotions à cet instant. Un lycanthrope n’aurait probablement pas fait mieux que lui. Et dire que c’était la représentante de cette race qui était la plus calme en apparence de la pièce. Ca aussi, ça en serait presque comique. Elle ne baissa pas plus les yeux que précédemment, le fixant de ses iris absinthe. Que savait Jean Dame ? Il le faisait exprès ? Sérieusement ? Il ne pouvait pas se montrer aussi débile maintenant. Leann inspira profondément. Pourquoi se prenait-elle autant la tête pour quelqu’un qui l’avait prévenu dès le début, qu’il ne lui ferait pas totalement confiance ? Elle aurait dû prévoir que ce jour arriverait tôt ou tard.

« Il sait que je fais partie des Rebelles sans connaitre ma place. Rien d’autre. Et si mon plan avait marché, tu aurais été tenu au courant. Mais c’était un échec, voila pourquoi je n’ai pas pris la peine de t’en parler ! »

Ecoutant plus ou moins le reste de ses paroles, haussant un sourcil sous le nom de « Pyro », elle tourna les talons pour se diriger vers le tableau d’affichage. Elle en arracha l’affiche qu’elle avait fais des mois plus tôt et lui colla sur la tronche.

« Ca, tu le vois ? Regardes un peu cette putain de date ! Quatre mois que j’ai lancé ça ! Je t’en ai pas parlé mais ce n’était pas non plus caché ! »

En voyant du coin de l’oeil qu’il portait une rapide attention à ce fichu bout de papier, Leann usa de sa rapidité lupine pour lui prendre l’arme des mains. Malheureusement pour elle, le doigt de Jilan était un peu trop sensible et près à appuyer et le coup parti. La balle se logea dans son épaule et elle grogna de douleur avant de retirer le chargeur de l’arme et reposer le tout sur la table. Elle jura sous la douleur, sans prêter attention à ce qu’il pouvait lui dire ou faire avant de reporter son attention sur lui. Ses yeux avaient virés de couleur, laissant apercevoir la bête qui était toute proche de la sortie.

« Maintenant qu’on peut discuter comme des gens civilisés... Je ne sais pas qui est ce Pyro, aucun membre ne s’appelle comme ça. Quant à Adélaïde, elle ne sortira plus de cette grotte à partir de maintenant. »

La louve grimaça sous la douleur d’avoir de l’argent dans son organisme, sentant ce métal lui bruler la peau de l’intérieur. Elle détestait vraiment cette sensation et pas seulement parce qu’elle en était naturellement sensible.

« Tu attends quoi de moi, Jilan ? Je ne t’ai pas trahis, je n’ai couché avec personne et je n’ai jamais prononcé ton nom face à qui que ce soit. Si tu ne crois pas en mes paroles, alors vas-y... » Elle lui tendit l’arme, vide, à lui de remettre le chargeur et de faire le reste. « Tu me traites de chienne sans savoir que les chiens sont réputés pour leur fidélité ? » Finit-elle par ajouter sans le lâcher des yeux.

Sa respiration s’était un peu accélérée à cause du poison qui se rependait dans son épaule mais elle n’allait surement pas s’occuper de ça maintenant, si elle allait y laisser la peau quelques secondes plus tard. Qu’elle souffre une toute dernière fois, physiquement et psychologiquement pour emporter avec elle la douleur que fut sa vie. A ce stade, s’il n’entendait pas raison, elle n’avait aucune envie de tourner les talons et quitter les lieux. Si lui, ne croyait pas en elle, après tous ces mois passés en sa compagnie, alors personne ne le pourrait.

En dépit de ce pistolet chargé aux balles en argent, capable de prendre la vie de la jeune femme en face de lui, le doute l’assaillait de plus en plus. Le Lightness avait clairement vu cette sincérité dérangeante dans le regard de son interlocutrice, à tel point qu’il aurait presque été soulagé de l’entendre avouer sa trahison à cet instant précis. Il se doutait que l’hybride avait menti concernant certains points lors de leur rencontre et le fait qu’il se serve de Lily pour l’amener là où il voulait, n’aidait en rien le jeune professeur à garder son sang-froid. L’intéressé le savait parfaitement et pourtant, et pourtant… ! Les exclamations de la louve le tirèrent violemment de ses pensées, avant même qu’il ne se rende compte à quel point il s’était perdu à travers elles. Plusieurs mots en particulier retinrent son attention. Elle lui faisait des reproches en plus ? A cause de ses fausses accusations ou bien sa vulgarité précédente ? Pour le coup, Jilan ne savait plus trop lui-même et il réalisa à ce moment que les mots avaient dépassé sa pensée. Oui, c’était toujours blessant de se faire trahir et il était bien placé pour le savoir compte tenu de son passé… Mais de là à accuser sa Seconde… Il ne l’avait pas choisie sur un coup de tête, il avait passé de longs mois à l’observer, elle et son évolution en tant que membre à part de l’organisation criminelle… La fin des propos de son interlocutrice lui fit froncer les sourcils et il vint lui saisir le menton de sa main libre, fermement. Manœuvre dangereuse qui aurait permis à la jeune femme de retourner la situation à son avantage mais il s’en moquait.

« Non. Tu te trompes, encore une fois. Tu étais une pute, bien avant que je ne te ramasse ce soir-là. Plus maintenant. Est-ce que j’ai tort ? »

Se disant, le Lightness la lâcha aussitôt. Ce n’étaient pas des excuses à proprement parler mais il reconnaissait tout de même avoir été trop loin dans le choix de ses termes, la colère ne justifiant en rien son langage face à Leann. Foutre leur merde dans leurs rangs ? En étaient-ils seulement capables ? Son orgueil l’empêchait de l’admettre ouvertement mais s’il avait tout d’abord douté de l’identité du dénommé Jean Dame, à présent, cette théorie tenait la route. Parfaitement même. Et il avait été trop crédule pour tomber dans le panneau… Lui ! Une chance que son interlocutrice poursuivait sur sa lancée, lui dévoilant alors de nouvelles informations. Apprendre que l’homme-chat savait dans quel camp se situait la louve ne lui plut pas particulièrement et Jilan le lui fit savoir à travers son regard. La fin le surprit en revanche. Un échec ? C’était donc pour cette raison qu’elle avait gardé le silence à propos de cette histoire ? Par peur de le décevoir ? De son jugement ? Même en sachant qu’elle était parvenue à approcher un représentant ? En la voyant s’éloigner, le Lightness lui ordonna de rester sur place, sous peine de lui tirer dessus. Il n’en avait pas fini avec elle ! Et si jamais il lui inspirait tellement peu de crainte pour qu’elle ignore superbement sa présence alors… Heureusement pour l’intéressée, il n’eut pas à faire usage de son arme qu’elle revenait déjà dans sa direction. Avant que le jeune professeur n’ait le temps d’ouvrir la bouche à nouveau, Leann lui brandissait un bout de papier sous le nez –ou dans la figure, question de point de vue-, si bien qu’il se sentit obligé d’y prêter un minimum d’attentions. Cela suffit à donner de l’assurance à son interlocutrice, au point qu’elle se décide à le désarmer. Mauvaise idée. Le coup partit aussitôt, plus par réflexe de sa part en sentant le pistolet lui échapper des mains que par réelle intention de lui tirer dessus.

« Putain mais qu’est-ce qui te… ?! » jura-t-il sans avoir l’occasion d’aller au bout de sa phrase puisque la louve reprenait dans la foulée, comme si de rien n’était.

La couleur inhabituelle de ses yeux capta l’attention de Jilan, lui rappelant la vraie nature de la personne qui se trouvait en face de lui. Si elle l’avait voulu, peut-être aurait-elle déjà pu lui sauter dessus pour lui arracher la gorge, le faisant taire lui et ses conneries, par la même occasion. Pourquoi ne pas l’avoir fait dans ce cas ? Par peur de la mort ? Par soumission ? Ou simplement pour lui prouver sa bonne foi ? Le Lightness garda le silence alors que son interlocutrice s’expliquait concernant la tierce personne citée par l’hybride. Ainsi, il avait vu juste : l’autre lui avait menti sur ce point ou s’était fourvoyé, au choix mais ce n’était pas son problème à ce stade. Ce qu’il attendait d’elle ? Sa Seconde ? Très bonne question même s’il pensait avoir déjà un début d’élément de réponse. Son regard se posa alors sur l’épaule meurtrie de la louve, à l’endroit où la chair essayait de reprendre ses droits malgré la présence de ce corps étranger, mortel pour ceux de sa race.

« Voilà ce qui arrive quand on se croit la plus maline. Ne t’avise plus de me désarmer Leann. » se contenta-t-il de répliquer avant de croiser de nouveau les yeux de son interlocutrice. « Sa tête. Je veux que tu me ramènes sa tête. Et que tu ne me caches plus ce genre de choses. Si tu m’en avais parlé, j’aurai eu toutes les cartes en main au moment de le rencontrer. C’est pour ça que j’ai fait de toi ma Seconde après tout. »

Un silence suivit ses paroles, parce qu’il ne voyait pas comment régler cette situation. S’excuser auprès de Leann ? Et puis quoi encore ? Il n’avait fait que tirer des conclusions à partir des éléments qu’il avait en sa possession. Et si sa Seconde n’était pas foutue de le mettre au courant de ses projets, en particulier celui d’approcher un haut placé dans les rangs de leurs adversaires… D’un autre côté, il n’avait pas non plus fait le rapprocher entre l’annonce punaisée sur le panneau d’affichage de la Grotte et cet hybride… Le jeune professeur finit par soupirer bruyamment en passant une main dans ses cheveux.

« Tu ferais mieux de soigner cette blessure. La douleur risque de te rendre folle et je… »

Des bruits de pas précipités approchant dans leur direction l’interrompirent soudain alors que son attention se portait vers le son en question. L’instant d’après, un garçon âgé d’environ une vingtaine d’années se présentait dans l’encadrement de l’unique porte de la salle. L’interrogation se lisait dans son regard et son visage exprima rapidement autre chose en voyant la blessure de la louve.

« J’ai entendu un coup de feu et… »

« Tout va bien, fausse manœuvre. Retourne à ton poste. » le coupa brutalement Jilan.

« Mais chef… »

« Obéis ! Sinon je te colle une balle entre les deux yeux c’est clair ?! »

Cette menace eut le mérite de ne pas le faire se répéter. Le nouveau venu fila aussitôt en sens inverse, ce qui lui arracha un nouveau soupir. Il n’avait pas le choix. Ne sachant pas ce que la louve avait en tête après cette conversation houleuse, il l’empoigna par le bras –celui-là même qui était blessé à l’épaule- sans tenir compte de la douleur que pouvait causer pareille prise de sa part sur le membre en question de son interlocutrice. Sans attendre de protestations, le Lightness la conduisit de force jusqu’à l’infirmerie, ne sachant pas s’il devait espérer ou non que quelqu’un s’y trouve pour s’occuper de la blessée. Il la savait capable de s’en charger toute seule et c’était peut-être mieux que cet incident demeure connu d’eux seuls. Ce n’était pas la jeune recrue de toute à l’heure qui risquait de répéter quoique ce soit, Jilan en était au moins certain.

La prise sur son menton la surprit plus qu’autre chose. Qu’est-ce qu’il voulait encore ajouter qui nécessitait cette approche ? Il allait lui demander des détails de positions qu’ils avaient pu imaginairement utilisées ? Si tel était le cas, la patience sous jacente de la louve risquait elle aussi d’en prendre un coup et elle ne répondrait plus d’elle à ce stade de la conversation. Mais les propos qui franchirent les lèvres de son interlocuteur furent toutes autres et cela la surprit encore plus. Plus maintenant hein ? Il essayait de se rattraper là ? De s’excuser à moitié pour ce qu’il avait dis, de manière détournée ? Dans tous les cas, Leann détourna le regard à cette question. Ils n’avaient jamais parlé de leur passé respectif, ce n’était pas pour commencer maintenant. Encore moins ici et dans ces circonstances. Il pouvait bien penser ce qu’il voulait, puisque de toutes manières, il avait déjà une idée arrêtée sur elle. Même s’il se rattrapait sur ce point, le plus douloureux n’était pas d’être traiter de putain, c’était ce qu’elle était et elle ne pouvait pas changer ça, mais bien de traitre. Ca, ça ne pouvait pas passer. Un autre que lui, qui se mettrait à douter d’elle et de son engagement, à la rigueur même s’il en recevrait les conséquences. Mais, Jilan ? Celui qui avait fais en sorte de la faire rentrer dans l’organisation après s’être assuré de ce qu’elle était devenue. Celui qui avait passé des mois en sa compagnie, parfois jour et nuit. Et cet enfoiré doutait d’elle à la moindre information douteuse de leur ennemi ! Ce putain de Jean-Dame. Foutre sa merde à ce point. Si elle le recroisait, elle allait se le faire. Enfin, si elle survivait à cette nuit, tout était relatif à ce stade.

Bref, pour revenir au moment présent, à la douleur physique et morale et à la décision de son enfoiré de supérieur. Qu’il pose son regard sur son épaule ne lui plut pas. Est-ce qu’il était en train d’apprécier la vue ? Une sorte de premier châtiment pour ce qu’il prenait comme une trahison ? Sa réaction avait laissé paraitre de la surprise plus qu’une réelle satisfaction. Comme s’il n’avait pas voulu ce qui s’était passé avec l’arme. Mais pour ce qu’elle avait apprit avec un membre de l’organisation, qui lui avait apprit à se servir d’arme à feu, par simple curiosité, lorsqu’on n’est pas prêt à tirer sur quelqu’un, on ne le menace pas d’une arme chargée. D’autant plus qu’il n’avait pas choisi n’importe quelle munition pour lui faire face, de l’argent. Jilan avait réellement eut le désir de la tuer, alors qu’il ne fasse pas celui qui était surprit du coup parti. C’en était presque que plus blessant. Après avoir dit ce qu’elle avait à dire, il ne lui restait plus qu’à attendre le verdict. Leann ne pu s’empêcher de se demander si ça faisait d’elle encore une soumise, de simplement attendre qu’il daigne prendre sa décision. Mais la réponse fut négative de son point de vue. C’était plus de la lassitude. Elle avait signé pour se battre contre le Cercle et leur idéaux, pas pour se voir confronter à la personne qu’elle suivait. Evidement qu’ils avaient des différents, bien souvent, mais ce n’était rien comparer à cette situation. Si ça se débloquait et que Jilan retrouve ses esprits, Leann craignait maintenant davantage pour leur relation. S’il avait douté d’elle une fois, alors rien ne garantissait qu’il ne le referait pas. Et une fois était déjà largement assez pour elle. Pourtant, il ne prit pas l’arme tendue, signe qu’il ne voulait pas lui mettre une balle entre les deux yeux, ou le cœur, il avait le choix. Plus maline ? Ne plus lui prendre son arme ? Il pensait qu’il pouvait lui parler de la sorte ? La louve le regarda dans les yeux pour lui signifier que ses paroles ne l’atteignaient pas. Si elle devait le refaire, elle le referait sans hésiter. Ca faisait mal mais ce n’était pas la première fois qu’elle était confrontée à ce métal, qu’il ne pense pas pouvoir lui faire comprendre à quel point son acte était stupide par ce seul biais. Elle écouta la suite tout aussi silencieusement et quand la décision tomba un mélange de sourire et d’exaspération apparut sur son visage. La tête de Jean-Dame ? Sérieusement ? Il n’avait rien d’autre à lui demander ? Comme si elle ne la voulait pas déjà pour le merdier qu’il venait de mettre ! Elle ouvrit aussitôt la bouche pour lui répliquer le fond de sa pensée, mais la fin de ses propos la fit refermer. C’était sa façon à lui de s’excuser et de remettre les choses à leur place, que de lui rappeler sa place auprès de lui ? Mais désolée pour lui, il faudrait un peu plus de temps à la lycanne pour digérer cet épisode. S’il pouvait tourner la page rapidement, ce n’était pas son cas. Il avait été blessé de se sentir trahit et elle pouvait le comprendre, mais il en allait de même de son côté. Et reprendre en pleine face qu’elle n’avait pas assez de sa confiance pour que ça arrive... La louve serra les dents pour se calmer.

« Cette exigence ne vaut pas la peine d’être dite, tu crois que je vais le laisser tranquille après ce qu’il a fait ? Sa manipulation et ta connerie ont faillit me couter la vie. Je ne laisserais pas ça passer. » Répliqua-t-elle presque froidement pour le coup.

Quant à ce qui était de parler, Leann hocha simplement la tête en signe d’acceptation. Ouais, elle parlerait. Le silence qui suivit était lourd et si elle avait été de ces femmes qui ne le supportent pas, elle l’aurait surement comblé en paroles inutiles. Mais là, elle n’avait rien à dire, rien de constructif du moins. Elle releva la tête, qu’elle ne se souvenait pas d’avoir baissé lorsqu’il lui parla de sa blessure. En quoi ça le regardait ? Oh, alors il avait encore peur pour sa vie ? Qu’elle ne lui saute à la gorge à cause de la douleur qu’engendrait cette balle en argent ? Elle se tourna vers le nouveau venu, droite et le regard noir. Qu’est-ce qu’il venait foutre ici ? Qu’il se mêle de ce qui le regardait. Elle laissa faire Jilan, puisqu’il était le chef des lieux mais elle ne pu s’empêcher de laisser un soupir franchir ses lèvres. C’était un bon soldat s’il venait voir ce qui se passait, mais il aurait du comprendre en voyant les deux protagonistes qu’il fallait mieux se barrer. Surtout avec leur tête respective qui ne devaient pas être très avenantes. Leann ferma les yeux quelques instants, en se disant qu’elle allait devoir faire ressortir cette balle de son épaule avant que les dégâts n’endommage rien de très sérieux. Ce fut à ce moment que choisit Jilan pour la prendre par le bras, lui arrachant un grondement de douleur et de mécontentement. Sa bête n’appréciait pas le moins du monde qu’il ose poser sa main sur elle, aussi autoritairement qui plus est. Il se prenait pour qui au juste ? Mais Leann ne chercha pas à reprendre son bras, se contentant de le suivre. Si ça lui faisait plaisir de l’emmener lui-même à l’infirmerie. Pour se donner bonne conscience ? Il était presque mignon.

Une fois arrivés sur place, elle reprit son bien. Non pas violemment mais assez rapidement pour lui faire comprendre qu’il n’avait plus besoin de la tenir. Dire qu’il n’y avait personne à cette heure. Elle aurait pourtant bien apprécié de voir leur médecin pour qu’il lui arrange ces conneries plutôt que de s’en occuper elle-même. Mais vu les circonstances, elle allait devoir s’en occuper toute seule. Elle alla s’asseoir sur un lit où une petite table roulante se trouvait et sur laquelle il y avait des ustensiles. Tous soigneusement propres. Après tout, il y avait dans leur rang des gens qui n’étaient pas immunisé par des saloperies. La louve se saisit d’une paire de ciseaux à pointes longues. Ca devrait surement suffire et elle le planta dans sa blessure pour essayer d’attraper le projectile. Elle grimaça sous cette sensation désagréable plus que douloureuse et jura lorsqu’elle senti les ciseaux se refermer sur eux-mêmes et enfonçant un peu plus la balle. Si Jilan lui parlait à cet instant, elle ne l’écoutait tout simplement pas et après une seconde tentative échouée également, elle balança les ciseaux et entreprit d’aller chercher la balle à même ses doigts. Pour essayer de penser à autre chose, elle reprit la parole, elle se voulait contenue et froide mais des intonations de douleur passaient parfois entre ses mailles.

« Natsume fait parti.. De l’organisation... »

Un juron lui échappa alors qu’elle agrandissait la plaie pour passer ses doigts et toucher à son but.

« Il fera ce qui doit être fait, ce n'est plus le tendre humain que par le passé... Mais sache qu’il veut la tête de la lycanne qui la tué. »

Elle quitta des yeux son épaule alors qu’elle retirait enfin la balle, pour les porter sur son interlocuteur.

« Ne fais pas cette tête. La vengeance, c’est un bon moteur non ? »

Elle laissa retomber le projectile dans une petite coupelle et grogna sans s’en apercevoir en la voyant. Elle ferma les yeux quelques instants, pour essayer de se reprendre, de reprendre son souffle qui s’était accéléré. Ca irait mieux à partir de maintenant. Laissant cependant une cicatrice de ce qui s’était passé ce soir, entre eux. Une marque de la connerie de Jilan sur ce qui devait être de la confiance entre eux. Elle se leva ensuite pour aller chercher des compresses pour ne pas mettre davantage de sang partout et en colla une sur son épaule. Finalement et n’y tenant véritablement plus, elle se tourna vers lui, avec une étrange lueur dans le fond de ses yeux.

« A quel point tu me fais si peu confiance, Jilan ? » Lâcha-t-elle, la gorge légèrement serrée.

Il avait confiance pour avoir fait d’elle sa putain de Seconde mais pour qu’il pète un plomb aussi facilement et sans preuve... La louve avait besoin de la réponse. Pour savoir où ils se trouvaient tous les deux.

Le spectacle de Leann en train d’ôter la balle en argent de son épaule ne lui fit ni chaud, ni froid. Même si cette dernière se montrait superbement résistante à l'argent, la douleur de la lycanne le laissait indifférent, pour la simple et bonne raison que rien de tout ceci ne serait arrivé si elle l’avait tenu au courant de ses agissements en évitant de chercher à le désarmer alors que son flair lupin devait avoir ressenti à quel point le jeune professeur était instable à ce moment précis. Le Lightness ne préférait même pas imaginer ce qui se serait passé si jamais la balle l’avait atteinte autre part. Croisant les bras, il alla se poser, le dos appuyé contre le mur de l’infirmerie pour regarder faire sa Seconde. Pas question de l’aider –de toute façon, il doutait qu’elle le laisse tenter quoique ce soit vu le déroulement de leur conversation- puisqu’elle s’était mise toute seule dans le pétrin. Alors quoi ? Qu’est-ce qu’il attendait au juste ? Que leur discussion reprenne ? Qu’ils mettent les points sur les i encore une fois ? Ou qu’ils s’engueulent pour de bon ? Il se retint de sourire à cette pensée : comme si ce n’était pas déjà fait… Le prénom qui franchit les lèvres de Leann attira soudain son attention, le tirant de ses réflexions silencieuses dans le même temps. Natsume ? Un membre de l’organisation ? Est-ce qu’il devait s’emporter de plus belle pour lui reprocher de ne pas lui avoir dit plus tôt ? Ou au contraire la remercier pour le lui avoir dit, contrairement à d’autres détails ? Heureusement que d’autres informations vinrent s’ajouter à celle-ci, l’empêchant de prendre immédiatement la parole. Il se rappelait le contenu de la lettre de Kyarra : le garçon albinos était effectivement devenu un darkness plus, disons, concret dans ses actes, sa nature aidant. Et petit bonus, il était amnésique d’après les dires de l’ancienne meneuse du groupe criminel. Cependant, pouvait-il vraiment se savoir en sécurité de ce côté ? Il était directement mêlé à la mort de ce garçon et faisait ainsi un suspect de choix. Si par malheur il venait à se souvenir de quoique ce soit, pire, à parler… Ses efforts et sa couverture voleraient en éclats. Il ne pourrait pas tenir sa promesse envers Lily. Est-ce que quelque chose dans son regard ou même les traits de son visage avaient changé ? Le commentaire de son interlocutrice concernant son expression le prit de court et il essaya de se reprendre, masquant sa surprise. Objectif, détourner la conversation.

« Depuis quand ? » demanda-t-il soudain.

A en juger par les précisions de sa Seconde, cette histoire ne datait pas de tellement longtemps et puisqu’ils ne faisaient que se croiser depuis plusieurs semaines, il ne pouvait pas lui reprocher de ne pas l’en avoir informé plus tôt.

« En effet. Cette femme ne se trouve plus en ville de toute façon, il peut la chercher autant qu’il le désire. Mais s’il en fait sa priorité, est-ce qu’on peut être sûr qu’il n’abandonne pas nos rangs pour la traquer en apprenant sa fuite ? Ou même ne change de camp dans l’optique d’obtenir plus de renseignements à son sujet ? » Puis après une courte pause. « Tu crois que c’est dans ce but qu’il a rejoint nos rangs ? Ou serait-ce toi qui l’a approché dans ce but ? »

A cet instant, il se demanda sincèrement si sa crainte s’entendait dans sa voix. Au vue du dénouement de leur précédente conversation, Leann était sans aucun doute possible fidèle à sa personne. Mais il savait également que ces deux-là étaient d’anciens colocataires. Et il était bien placé pour savoir que les sentiments, même ceux de l’amitié, nous jouaient parfois de vilains tours. La question qui suivit le fit soupirer et il ne cherche pas à s’en priver.

« Je te fais confiance. Sinon tu ne serais pas ici, ni même en vie. Je n’ai fait que réagir en fonction des informations que j’avais et plus particulièrement celles que je n’avais pas. Ton initiative était bonne cependant tu aurais dû m’en parler. Je suppose que tu n’avais pas imaginé que ce type me contacte directement. Il a l’air bien déterminé à me faire tomber. D’ailleurs, il m’a même mis en garde, comme quoi, quelqu’un viendrait bientôt s’occuper de mon cas. Tu savais qu’il ne lui restait plus longtemps à vivre ? »

Depuis quand ? A croire qu’il n’avait que cette question là à la bouche ce soir. Il allait encore lui passer un savon parce qu’elle ne l’avait pas prévenu dans l’heure qui avait suivit ? Comme si elle n’avait que ça à faire avec les évènements qui avaient suivit les enlèvements et tout ce qui allait avec. Franchement, il se permettait bien des choses. Leann lui répondit, notant date et heure. Peut-être pour se foutre de lui discrètement mais ça passait aussi comme un rapport précis, et comme rien ne laissait supposer dans sa voix qu’elle se payait sa tête, c’était bénef. Elle écouta la suite de ses propos, tout en rangeant les outils qu’elle s’était servit quelques instants plus tôt, nettoyant ce qui devait l’être. Pourquoi est-ce qu’il prenait la peine de l’informer -de nouveau- qu’elle n’était plus là ? Elle le savait parfaitement et l’avait même communiqué à Natsume. Mais elle se garda bien d’en faire tout commentaire, continuant de l’écouter d’une oreille plus ou moins attentive. Est-ce que l’albinos n’allait pas quitter leur rang s’il avait la confirmation que cette lycanne n’était plus là ? Qu’est-ce qu’il voulait qu’elle en sache ? Elle n’avait jamais été dans sa tête, que ce soit maintenant ou même avant. Elle ne pourrait faire que des suppositions, comme tout le monde à ce stade.

« Tu sais que j’en sais pas plus que toi ? Si je le connaissais dans le passé, je te rappelle que ce n’est plus le même. Alors oui, il nous lâchera peut-être pour aller la retrouver s’il a une piste. Mais combien de membres utilisent l’organisation à des fins personnelles ? Son cas n’est qu’une généralité. Cette louve en est la preuve vivante non ? Quant à savoir s’il ne retournera pas sa veste, j’en sais rien, je suis loin d’être sa confidente. »

Sérieusement, il était chiant avec ces questions à la con. Ou alors c’était elle qui se montrait plus irritable à cause de son état ? De sa bête plutôt proche de la surface ? Probablement.

« Que je l’ai approché dans quel but ? Lui fournir des infos sur cette louve ? » Elle marqua une pause et finit par lâcha. « J’ai pas attendu de le revoir pour le faire. » Et s’il le prenait mal ? C’était loin d’être le cadet de ses soucis. « Et on sait tous les deux pourquoi je l’ai approché. S’il n’est pas mort, c’est qu’il n’est plus celui qu’il a été et qu’il a du potentiel parmi nous. Tu veux que je te dise quoi de plus ? »

Cette conversation n’allait mener à rien. Parce qu’il aurait beau lui poser des questions, jamais elle ne pourrait lui donner des réponses exactes. Elle n’était plus sa colocataire et elle serait même incapable de dire si elle était toujours comme une amie à ses yeux. Trop de choses avaient changées dans leur vie pour que cette simple question trouve sa réponse à coup sûr. Alors pour le reste... Est-ce que ça l’attristait ? maintenant qu’elle l’avait plus ou moins retrouvé ? Plus vraiment. Elle s’était simplement fait une raison. Son soupire la fit sortir de ses pensées et elle essaya d’écouter ce qu’il avait à lui répondre, lorsqu’elle se souvint de la question posée. Elle sourit en coin, presque amusé qu’il affirme lui faire confiance. Devait-elle lui rappeler que son premier réflexe avait été de prendre des balles en argent ? Elle aurait dû lui en parler ?

« Tout comme tu es allé au commissariat sans m’en parler ? On est simplement quitte. » Répliqua-t-elle. Il jouait sur ce terrain là depuis un peu trop longtemps pour que cette réplique soit gardée indéfiniment entre ses lèvres. « Ok. J’ai merdé. Mais ça vaut aussi pour toi et cette putain de convocation. D’ailleurs, tu leur a joué ton rôle de prof manipulé ? »

Et il pourrait lui dire ce qu’il voudrait, elle n’en démordrait pas. La laisser dormir et se barrer de la sorte, c’était bien petit comme façon de faire. Quelqu’un allait venir s’occuper de Jilan ? Leann avait beau réfléchir, elle ne voyait pas comment l’hybride pouvait agir comme ça.

« Il t’a dans le collimateur parce que tu es le prof qui a organisé cette conférence. Je ne vois pas d’autres explications. » Elle marqua une pause à sa question finale. Evidement qu’elle le savait. « Oui. Maintenant ça doit se réduire à un mois. Mais s’il est poussé à utiliser ses dons, alors sa vie s’écourtera encore un peu plus. Pourquoi ? »

Son interlocutrice ne lui apprit rien d’intéressant par la suite. Oui, il pensait vraiment qu’elle en saurait davantage que lui, pour avoir été sa colocataire et l’avoir rencontré après sa transformation alors que lui-même n’avait fait que le croiser brièvement lorsque le garçon était encore un simple humain tourmenté par la darkness qui survivait dans son esprit. Où était le mal d’espérer que Leann en sache plus que lui ? Elle était stupide de jouer les ignorantes en pensant que c’était légitime. Le Lightness se retint de lui faire remarquer qu’elle ne renvoyait pas l’impression de s’intéresser à son entourage pour en savoir aussi peu sur son ancien colocataire… Vraiment ? Elle l’avait approché dans le but de le recruter ? Seulement ça ? Le jeune professeur observa longuement le visage de son interlocutrice, essayant de déterminer si elle lui disait bien la vérité. Chose qui ne pouvait pas être deviné aussi facilement…

« Rien, sauf si tu sais quelque chose de plus mais ce n’est pas le cas, si ? » répliqua-t-il avec lassitude.

Si effectivement ce garçon avait du potentiel, il serait le bienvenu dans leurs rangs. Quoi ? Elle lui reprochait de s’être rendu au commissariat sans elle à présent ? Jilan lui rit au nez. C’était petit de lui renvoyer cette affaire dans la figure…

« J’y suis allé seul pour qu’ils ne t’aient pas également dans le viseur. Comment justifier la présence d’une stripteaseuse aux côtés d’un professeur soupçonné d’appartenir aux rebelles ? Si tu veux tant que ça te retrouver sous le feu des projecteurs, rends toi au commissariat toute seule. »

Son rôle de professeur manipulé ? C’était une belle façon de représenter la chose. Le Lightness lui résuma vaguement ce qui avait été dit entre sa sœur et lui, comprenant également le rapport remis aux forces de l’ordre. Sans lui préciser l’identité de la personne qui l’avait écouté ce jour-là dans la salle d’interrogatoire. L’espace d’un instant, il hésita à tout lui dire à propos de Lily. En d’autres circonstances, peut-être qu’il l’aurait fait. Mais vu la tournure de leur conversation et surtout, la source d’agacement que représentait Leann à ce moment précis, il allait s’abstenir. Et si elle s’en servait contre lui par la suite ? Lui reprochant de ne pas lui avoir dit cette information ?

« Ma sœur est chargée d’établir un rapport sur mon compte. Autant dire que rien ne filtrera. » déclara-t-il, demeurant le plus neutre possible.

Les propos suivants de la jeune femme ne lui apprirent rien de plus. C’était bizarre de se savoir dans le collimateur de quelqu’un avec autant d’acharnement alors que l’enlèvement ne datait pas d’aussi longtemps que cela… Mais Jilan se retint de faire preuve de sarcasme envers son interlocutrice pour cette fois. Aucune envie de réveiller les tensions, il était lassé de cette conversation. Pourquoi voulait-il savoir ce genre de détails ?

« Simplement pour m’assurer que tu le savais également, rien de plus. De toute façon, avec un contrat sur sa tête, je doute qu’il vive encore très longtemps. Pour changer de conversation, où en est la demande d’acquisition du manoir ? »

Son rire la fit légèrement grimacer. Elle n’appréciait pas spécialement lorsqu’il agissait comme ça mais elle se contenta d’écouter ce qu’il avait à lui répondre, avant de commencer à s’énerver un peu plus. Il avait agit de la sorte, pour la protéger ? Et protéger ses arrières également mais... Leann ferma les yeux en s’asseyant sur le lit derrière elle. Evidement, elle n’allait pas avoir beaucoup de réplique à lui fournir pour lui tenir tête. Mais la suite la fit soupirer. Il pensait qu’elle le lui reprochait, parce qu’elle n’était pas suspectée de faire partie des Rebelles ? D’ailleurs, il était assez étonnant que Jean-Dame n’ait pas donné sa signalisation depuis le temps. Devrait-elle le remercier ? Avant de le tuer ? Peut-être. Quoi qu’il en soit, la question n’était pas là et la lycanthrope fournit le fond de ses pensées à son supérieur.

« Je te suis reconnaissante de vouloir me protéger mais... C’est plutôt l’inverse normalement... » Elle marqua une pause, s’allongeant sur le lit, la tête commençait à lui tourner. « Je veux simplement savoir où tu es lorsqu’il s’agit des affaires de l’organisation. Pour réagir au plus vite si jamais il t’était arrivé quelque chose. »

C’était une raison légitime et logique non ? D’accord, elle aurait réussit à faire rapidement le lien entre la convocation et sa disparition, mais elle n’aimait pas l’optique de perdre du temps contre ses adversaires. Notamment en ce qui concernait Jilan. Elle écouta avec attention la suite de ses propos, gardant les yeux ouverts pour fixer le plafond blanc et humide dans l’infirmerie. Un sourire apparut sur ses lèvres devant la tournure de certaines de ces phrases, lui, un simple pion, manipulé par les rebelles. Par une chef qui n’était plus là depuis des mois et qu’il serait surement difficile à retrouver. C’était une histoire assez bien ficelée et elle faillit l’applaudir pour son jeu d’acteur. Mais ça aurait été déplacé et elle n’avait pas envie de bouger. La douleur à son épaule était toujours présente, quoi qu’un peu moins violente. Foutu argent. Son cerveau se mit sur « stop » lorsque les mots ma sœur, chargée et rapport se firent entendre. La louve se redressa aussitôt, surprise par cette information inattendue. Jilan avait une sœur qui faisait parti de la police ?!

« Pourquoi tu ne m’as jamais parlé d’elle ? Elle est des nôtres, en planque chez l’ennemi ? Depuis combien de temps ? »

Dire qu’elle ne remettait même pas en cause la confiance que Jilan pouvait avoir dans ce membre de sa famille. En temps général, elle faisait confiance à son jugement, s’il pensait qu’une personne était apte à être dans la confidence, elle le croyait, mais là, il s’agissait d’une affaire pointilleuse, surtout avec un chat dans les parages pour foutre sa merde. Mais non, si le lightness croyait en sa sœur, alors la louve en ferait autant. Cette dernière partie momentanément dans ses pensées, peut-être qu’elle ne remettait pas en doute la confiance qu’il avait en cette fille, parce qu’elle ne pouvait pas concevoir qu’un frère et une sœur se mentent et cherchent à se nuire. Bien sûr, elle n’était pas la mieux placée pour penser de la sorte, puisque son propre frère était mort alors qu’elle était encore toute jeune. Peut-être qu’elle n’aurait pas gardé cette complicité avec Micah avec le temps ? Non, ça aurait été impossible. La louve sentit quelque chose lui couler le long de sa joue droite et en essuyant cette dernière du dos de sa main, elle fut surprise : une unique larme. Comme si c’était le moment de repenser à des choses passées. Son ainé était mort, elle devait passer à autre chose. Leann ne fit pas attention au regard que lui lançait son interlocuteur face à ce comportement. Dire qu’elle avait même finit par se calmer. Mais elle l’incitait par son regard absinthe à lui répondre. Pour le coup, elle était intriguée de connaitre l’identité de cette fameuse sœur. Est-ce qu’elle était comme Jilan ? Tout son contraire ? Evidemment, il y avait l’aspect attachement qui entrait en ligne de compte mais Leann aurait bien été incapable de lui faire une remarque cinglante le concernant. S’attacher à un individu et partager le même sang, ce n’était pas la même chose. Alors il lui était impossible de lui renvoyer dans la tronche quelques unes de ses piques passées. Peut-être qu’elle était trop sensible sur ce genre de sujet...

La question sur le manoir la fit sortir de ses pensées. Ah ouais, le manoir. Elle avait complètement oublié de lui en parler. De l’avancée de son acquisition et tout ce qui allait avec.

« Elle est en cours. Le prix du manoir a nettement chuté avec la crise, les déménagements liés aux évènements... Du coup, un de nos membres a pu se l’acheter : Araël Vild. Le fait qu’il soit taxidermiste et qu’il ait besoin d’espace pour travailler sans faire peur à ses voisins, c’était le petit plus qui a convaincue l’agent immobilière. On devrait recevoir les papiers signés et en forme d’ici la fin de la semaine... »

Elle n’eut pas besoin de lui décrire l’homme en question. Depuis le temps qu’il faisait parti de l’organisation, il devait au moins le connaitre de nom. Ou peut-être pas. Et si ce n’était pas le cas, alors la jeune femme lui ferait un résumé de la personne qu’était Araël.

L’inverse ? Parce qu’elle était sa Seconde et lui le chef des rebelles ? Ou alors parce qu’elle avait naturellement plus de force physique que lui, il était normal qu’elle le protège ? Cette conception de leur relation était dépassée… Oui, Leann était dans le vrai mais elle aurait dû savoir qu’ils ne pouvaient pas se contenter de raisonner de la sorte. Pas dans toutes les situations qu’ils seraient amenées à affronter. Ensemble. Une fois démasquée, elle ne pourrait plus espérer infiltrer les rangs ennemis, surtout après la tragique future disparition de ce minet. Tandis que lui pourrait toujours tuer en toute discrétion, simulant une attaque cardiaque ou l’une de ces morts brutales sans explication scientifique derrière. Cependant, le Lightness n’eut pas le loisir de lui faire part de son raisonnement silencieux, que la louve appuyait sa vision des choses avec un argument de poids. Effectivement, si la situation lui échappait – comme cela avait déjà été le cas par le passé – mieux valait que la jeune femme ait connaissance de ses agissements, mieux, de sa position à l’heure des faits. Jilan ne pouvait nier le fait que sans son aide le soir où il avait voulu raccompagner Eléanore, il aurait pu disparaître brutalement de cette ville. Avant d’avoir eu le temps de retrouver sa petite sœur. Cette révélation eut le mérite de lui faire entendre raison sur ce sujet, aussi laissa-t-il couler pour le moment. Il arriverait un jour où Leann devrait comprendre qu’il n’était pas aussi inutile que cela, que malgré sa faiblesse évidente une fois la nuit tombée, il pouvait toujours tuer comme elle. Il l’avait démontré au précédent leader du groupe d’opposition, ce qui lui avait valu sa place de bras droit avant de monter en grade en conséquence du destin, et surtout de l’égoïsme de Kyarra. Sa remarque concernant l’existence de la jeune policière dans les rangs adverses n’échappa pas aux oreilles de son interlocutrice. Aussitôt, les questions se mirent à pleuvoir, ce qui ne manqua pas de l’agacer.

« Parce que j’ignorais qu’elle était en vie depuis toutes ces années. »

Ces siècles même… Et pour une fois, il n’eut pas besoin de mentir à sa Seconde sur un détail de son passé pas toujours très glorieux. En revanche, le jeune professeur ne vit pas les propos de la louve d’un très bon œil.

« Elle n’est pas des nôtres. »

La réponse tomba comme un cheveu sur la soupe, le Lightness en avait parfaitement conscience. De quoi jeter un nouveau froid entre eux. Même si son interlocutrice comprenait que le caractère récent de ses retrouvailles inespérées, couplé à leur situation préoccupante avec la progression de l’enquête des forces de l’ordre, ne lui aurait pas permis de recruter sa petite sœur, d’abord au niveau de leur mental respectif avant leurs camps opposés, peut-être que Leann allait en profiter pour lui renvoyer ses piques antérieures en pleine figure ? Après tout, il lui avait ordonné de tout abandonner pour le suivre, de couper tout contact ennuyeux avec son propre passé de louve soumise. Pourquoi n’exigerait-elle pas la même chose de lui à présent qu’il se retrouvait dans la situation qu’elle avait occupée plusieurs mois auparavant ? Ce serait osé de sa part, risqué même mais si la jeune femme avait compris qu’elle ne pourrait pas être remplacée de sitôt, elle avait tout à gagner en jouant sur ce terrain. Et Jilan le savait. Ce qui n’était pas pour lui plaire. Pas du tout même.

« Et je ne compte pas la faire rejoindre l’organisation. Elle a fait ses choix, j’ai fait les miens. Je sais qu’elle ne nous trahira pas, j’ai sa parole. Alors inutile d’aller flairer du côté du commissariat pour la rencontrer. Si j’apprends qu’un de nos membres l’a approchée, même de loin, sous tes ordres ou non, il le payera. Et toi aussi si tu y es mêlée, je ne me contenterai pas d’une balle perdue dans l’épaule. Je prendrai soin de viser ici. »

Se disant il posa son index sur le front de son interlocutrice, appuyant un peu l’espace d’une fraction de secondes, histoire de joindre le geste à la parole au cas où il lui prendrait l’envie de tenter le diable dont il pouvait revêtir l’apparence quelques fois. Heureusement que la conversation entre eux prit un meilleur tournant lorsqu’elle rebondit sur le sujet du manoir. Maintenant qu’elle lui en parlait, il se souvenait de ce drôle de personnage, pour ne l’avoir rencontré que très brièvement. Il ne se souvenait plus de son nom, aussi Leann se chargea de lui rafraîchir la mémoire. Ses penchants lui avaient de suite plu, de quoi les mettre en pratique sur de malheureux prisonniers parmi les rangs adverses.

« Bien. Sitôt que j’y aurai jeté un œil, on pourra entamer le transport du matériel stocké ici. Seuls resteront une partie du stock d’armes, de quoi défendre la Grotte au besoin, et les prisonniers bien entendu. Pour ceux qui sont encore vivants. »

S’il avait volontairement gardé le silence concernant l’apparition de cette unique larme sur la joue de la jeune femme – parce qu’il doutait d’avoir frappé fort au point de la faire pleurer – le Lightness choisit ce moment pour jeter un regard lourd de sens à sa Seconde. A moins qu’il ne lui prenne l’envie de contester ses directives à propos du sujet délicat que constituait Lily, il lui faisait comprendre qu’il valait mieux pour elle qu’elle aille chasser un peu, histoire de laisser sortir sa bête. Ou carrément de régler le problème de l’argent mordant encore et toujours sa chair. Si toutefois, il y avait quelque chose à faire de ce côté. Jilan n’était pas non plus un expert dans ce domaine, contrairement à la principale intéressée.

Il ignorait que sa sœur était en vie ? Leann le dévisagea, pour essayer de trouver une trace de mensonge sur son visage, mais il fallait croire qu’il lui disait la vérité là dessus. Que s’il ne lui en avait effectivement pas parlé, c’était parce que lui-même n’avait aucune information sur cette fille. Pour un peu, Leann trouvait ça triste mais si elle avait pu, elle aurait aimé être à sa place. Elle chassa toutes sortes de pensées nuisibles de son esprit, il était inutile de songer à des choses qui n’arriveront jamais. La suite la surprit encore plus. Cette fille n’était pas des leurs ? Elle faisait donc partie du groupe adverse et ne trahirait pas Jilan parce qu’il était son frère ? Cette idée ne plus pas le moins du monde à la louve. Si elle pouvait croire en ce qui se passait entre un frère et une sœur, en se basant naïvement sur sa propre relation fraternelle, alors seul le lightness serait sauvé de cet arrangement. Dans le fond, c’était logique, pourquoi aider d’autres personnes qu’elle avait décidé de combattre ? C’était une situation bien délicate et elle n’aimait pas du tout ça. Est-ce que Jilan serait prêt à trahir tout le monde pour sauver sa propre peau ? Elle n’aimait pas non plus penser à lui de la sorte, et s’il n’y avait pas eu Bran et Natsume dans leurs rangs, il était certain qu’elle se ficherait de cette optique d’avenir. Mais ce n’était pas le cas et elle ne voulait pas prendre le risque de les voir tomber tous les deux entre les mains du Cercle. C’était évidement chose possible puisqu’ils avaient rejoins leur groupe mais ce n’était pas pour autant qu’elle voulait les voir tomber. Leann dû sortir de ses pensées lorsque son interlocuteur reprit la parole. Encore une fois pour des paroles qu’elle n’aurait jamais pensé entendre de la bouche de Jilan. Il se refusait à recruter sa sœur ? Parce qu’ils avaient des points de vue différents ? Ridicule. Encore plus prononcé par cet homme. Lui qui prônait qu’il ne fallait pas s’attacher. D’un autre côté, la louve aurait elle-même envoyé pas mal de chose bouler si Micah faisait son retour. Le contact de ce doigt sur son front la fit plus sourire qu’autre chose. Encore des menaces ? Il en devenait presque ridicule de toujours penser avoir besoin de la menacer. Mais peut-être qu’il n’avait toujours pas comprit que ça ne faisait rien à la lycanne ? Bien sûr, elle préférerait vivre plus longtemps mais elle n’était pas stupide pour savoir qu’elle avait une espérance de vie moins élevée depuis qu’elle avait décidé de le suivre et de donner sa vie pour lui s’il le fallait. Dans ce cas de figure, la menacer de mort n’avait aucun intérêt. Encore plus quand elle savait qu’elle était l’une des rares à avoir une confiance plus ou moins grande de sa part. La jeune femme ne le lâcha pas des yeux, peut-être pour lui faire comprendre qu’elle avait compris ces propos mais qu’il perdait sa salive. Ce fut ensuite à son tour d’avoir un geste à son encontre, prenant le menton de son interlocuteur fermement mais sans agressivité, entre son pouce et son index.

« Et tu ne te dis pas, qu’il serait plus judicieux que je sache de qui il s’agit ? Pour qu’on ne la prenne pas pour cible le jour venu ? Si tu ne veux pas la recruter, c’est pour la protéger, n’est-ce pas ? C’est normal, c’est ta sœur après tout. Alors fais plutôt en sorte de dire que tu veux la garder pour toi, fait croire qu’elle est ta cible. Parce que le jour où l’affrontement aura lieu, les forces de police et le Cercle, seront nos proies. Ne l’oublie pas.» Déclara-t-elle sérieusement et sincèrement.

Leann finit par le lâcher à la fin de sa tirade, se demandant comment il allait prendre cette prise de parole. Peut-être qu’il s’était attendu à ce qu’elle lui rit au nez concernant cette sœur nouvellement apparue ? Puisqu’il était le premier à clamer haut et fort que les attaches n’étaient que des choses inutiles. Elle aurait pu lui foutre ses remarques dans la figure et l’espace de quelques secondes, cela lui avait effleuré l’esprit. Mais même si elle avait changé et gagné en caractère, il y avait des choses qui ne changeraient sans doute pas et le sujet fraternel en était un.

La suite de la conversation, presque moins sérieuse se poursuivit, Leann hochant la tête en signe d’appréciation de ses dires. S’il voulait lire les documents, grand bien lui fasse, ça lui éviterait de le faire en profondeur.

« Je te préviendrais par sms lorsque les documents seront arrivés. Tout sera sans doute bouclé pour dans deux semaines et Calahan est déjà au courant que l’endroit des rendez-vous à changé. »

S’il n’y avait plus rien à dire entre eux, parce qu’elle se doutait que ses propos concernant sa sœur n’avait pas dû lui plaire, Leann n’avait plus de raison de rester là. Les choses importantes avaient été dites et elle doutait fortement qu’il prenne la peine d’en rajouter. Peut-être un autre jour, quand leur esprit respectif sera moins échauffé par le premier des sujets évoqués dans la soirée.

C’était quoi ça ? Une mise en garde ? Parce qu’elle s’inquiétait sincèrement de ce qui pourrait arriver à sa prétendue sœur – parce qu’elle n’avait aucune preuve de son existence pour le moment si ce n’est sa propre parole et Dieu seul sait combien il en avait usé pour mentir de son vivant – si jamais un affrontement éclatait entre des membres rebelles et les forces de l’ordre ? Le jeune professeur ne pouvait pas croire que Leann se préoccupait du sort de la policière, pas plus que de son équilibre mental à lui si jamais la seconde venait à disparaître brutalement de sa vie. A ce moment-là, elle pourrait toujours lui balancer dans la figure qu’il n’avait nullement besoin d’attaches en tant que chef des rebelles. D’ailleurs, c’était pour le moins surprenant qu’elle ne lui ait pas encore sorti une remarque de ce genre. C’était l’occasion rêvée pourtant.

« Je pense que son nom seul suffira pour que tu la reconnaisses. Et d’autres avant toi si jamais elle rencontre des membres rebelles lors de ses missions. Mais s’ils ont un tant soit peu de jugeote, ils ne s’essayeront pas à l’attaquer si ils connaissent son nom de famille. Dans le cas contraire, ils sont idiots et suicidaires. »

Et lors d’un affrontement ? Il ne pourrait pas la protéger lui-même, encore moins la nuit. Et se comporter étrangement devant ses recrues risquait de provoquer un début de mutinerie dans leurs rangs. La force régissait les lois de l’organisation et il n’était pas impossible qu’on tente de le déloger de sa place actuelle de leader. Et ce, même s’il avait inspiré la crainte dès le début et qu’il avait récemment organisé une action de grande envergure dans le but de troubler les plans du Cercle. Il fallait sans cesse innover en étant membre de cette organisation, de surcroît en étant chef, pour éviter que la frustration n’engendre de folles idées de pouvoir ! Voilà pourquoi l’existence d’un, voire de deux bras droits était la bienvenue. A condition que ces derniers n’aient pas de raison valable de s’opposer à votre règne, aussi court était-il…

« Je m’occupe d’elle. La conversation est close à ce sujet. »

Peut-être que la rumeur de leur affiliation familiale s’était déjà répandue entre les épaisses parois de la Grotte ? Si lui ne l’avait rencontrée que par hasard, peut-être que d’autres membres avaient déjà enquêté sur lui ? Et dans le pire des cas, fait le rapprochement entre deux personnes porteuses du même nom de famille ? Le Lightness ne pouvait pas oublier ce détective un peu trop tenace à son goût. Il regretta presque de n’avoir pas eu le temps de lui poser une question concernant sa jeune sœur. Même si à l’époque, il ignorait tout de sa survie en tant que darkness. La suite et fin de la conversation ne lui apprit rien de plus, aussi Jilan prit congé de son interlocutrice, non sans avoir noté dans un coin de sa tête les informations dont il allait devoir se souvenir dans les prochains jours. Ils convinrent même d’une future visite du manoir en question, en présence ou non de son propriétaire légitime, histoire de s’assurer que les lieux convenaient bien et qu’ils pourraient s’y installer rapidement. Sans doute que leur petite humaine pourrait davantage expérimenter les effets de ses poisons dans un endroit sec, chaud, lumineux et équipé comme il fallait, plutôt qu’une vulgaire Grotte humide et sombre.