| par Invité Mer 9 Sep - 16:15
| La fête battait son plein. Comme d’ordinaire, on se pressait sans jamais cesser de danser entre les murs de la Cage. L’endroit portait remarquablement bien son nom : une fois à l’intérieur, le client avait toutes les peines du monde à remettre le nez dehors, tant à cause de la musique endiablée diffusée toute la nuit, qu’en raison de la masse humaine que l’on devait fendre pour atteindre la sortie. La décision de se rendre au club avait été prise sur un coup de tête : tout commence par un simple apéro entre amis dans lesquels se mêlaient parfois quelques collègues animateurs. Innocent moment de détente en apparence. Mais très vite, les choses nous échappent, on se laisse entraîner par l’avis de la majorité. Les verres s’enchaînent, l’alcoolémie augmente et rien de tel qu’une danse effrénée jusqu’au bout de la nuit pour l’éliminer, c’est bien connu. L’air frais frappa sèchement Issana au visage. Après l’ambiance torride et moite de la Cage, même un 20 degrés lui paraissait frisquet. Néanmoins, elle devait reconnaître que c’était agréable et elle se surprit à prendre quelques secondes pour fermer les yeux, souriant bêtement, le nez en l’air. La sueur ne fut pas longue à sécher, restait l’odeur, malheureusement. Sans compter celle de tous ces inconnus frôlés, touchés voire collés au cours de la nuit. La voix de ses amis la tira de ses pensées. Mieux valait se déplacer en bande, notamment la nuit tombée et ce, malgré les récents événements, dont la dissolution du groupe d’opposition au pouvoir en place, d’après le porte-parole du Cercle. Nul ne pouvait se convaincre qu’aucun survivant ne traînait encore dans les rues, avide de vengeance. Alors les amis déambulèrent dans les rues, se raccompagnant les uns, les autres au fur et à mesure que leur itinéraire passait devant le domicile de l’un d’entre eux. Issana fut la dernière.
« T’es sûre que tu veux pas passer la nuit ici ? Ça me dérange pas tu sais ? »
« Et prendre le risque que tu tentes quelque chose ? Jaamais ! » répliqua la jeune femme avec un sourire espiègle.
« T’es pas sérieuse ? »
« Je t’assure que ça va le faire. Je suis déjà rentrée plus tard que ça toute seule. Alors dors tranquille Jérémy, il ne m’arrivera rien. »
Ce à quoi son ami lui rétorqua un tas de mises en garde, précédées par le fameux « Tu as intérêt ouais ! » avant que la lightness ne parvienne à reprendre sa route. Contrairement à son entourage, elle ne redoutait pas beaucoup la perspective d’une promenade nocturne, au contraire ! C’était l’unique moment de la journée où elle se sentait, presque normale. Le reste du temps, elle était toujours de bonne humeur, à vouloir aider son prochain, de par son caractère et sa nature d’être de lumière. Ici, perdue au milieu des ombres, elle avait de nouveau cette sensation de n’être qu’elle-même, humaine par les Hommes. Peut-être était-ce de la naïveté que de se risquer à marcher seule à une heure pareille… L’intéressée préférait le mettre sur le compte de son goût pour les défis. Issana apprécia tellement sa promenade, qu’elle se risqua à faire un détour par le parc. L’aube ne pointait pas encore ses premières lueurs de l’autre côté de l’horizon, il ne devait pas être plus de 3 ou 4h du matin. Même si elle rentrait aussitôt chez elle pour se coucher immédiatement, jamais elle ne pouvait espérer être en forme pour le travail. Quelques heures seulement la séparaient du début de l’émission alors autant en profiter pour s’offrir une nuit blanche ? Ce ne serait ni la première, ni la dernière. Aux prises avec ses pensées, la jeune femme bouscula un passant dans une allée. Un insomniaque lui aussi ? Levant les yeux, Issana plissa le nez devant l’odeur de cigarette qui embaumait l’inconnu. Comment pouvait-on fumer autant et à n’importe quelle heure ?! Malgré tout, elle s’excusa sans cesser de sourire avant de reprendre sa route, laquelle ne tarda pas à être interrompue quelques mètres plus loin.
« Hé ma jolie, ça te dit qu’on se trouve un coin tranquille ? »
D’ordinaire, ce genre d’approche ne l’aurait pas rebutée, au contraire. Sauf quand elle émanait d’un homme affichant la cinquantaine ainsi qu’une hygiène douteuse. Le sourire sans ambiguïté qu’il adressa concernant le sous-entendu de sa question acheva d’agacer la lightness. Il ne fallait pas oublier que la nuit rendait ses semblables quelques peu irritables parfois.
« Sans façon. »
« Oh aller, fais pas ta sainte nitouche ! Je sais que tu-… »
A l’instant même où la prise se refermait sur son bras, Issana lui envoya son pied dans l’entrejambe, interrompant net son interlocuteur sur sa lancée. Ce dernier la lâcha aussitôt pour porter ses deux mains à l’endroit de sa virilité mise à mal avant de tomber à genoux. La jeune femme ne prit pas la peine de s’excuser cette fois. Elle n’avait pas de raison de le faire face à un malotru qui ne comprenait visiblement pas le sens de « sans façon ». Elle reprit sa route, marchant vite pour mettre le plus de distance entre l’énergumène et elle, allant même jusqu’à couper entre deux allées en escaladant une petite butte. Mais une fois arrivée de l’autre côté, la lightness ne put s’empêcher de s’allonger sur le dos, dans l’herbe fraîche. La lune se dessinait au-dessus d’elle, ses contours lumineux tranchant très clairement sur le ciel étoilé. Le spectacle en valait la chandelle. Sauf qu’elle ne vit pas le sommeil lui fondre dessus. Issana s’endormit sans même s’en rendre compte, se laissant bercée entre les bras de Morphée. Malheureusement pour elle, cette nuit-là, elle fit un cauchemar : elle revoyait les derniers instants qu’elle avait passés en tant qu’humaine, paisible et sans souci. Elle visualisait très clairement sa main tendue vers le ciel alors qu’elle s’enfonçait, inexorablement dans les profondeurs glacées de l’océan. Bien malgré elle, la jeune femme se recroquevilla sur elle-même, en ramenant ses jambes nues contre sa poitrine, grelotant et marmonnant à tout va telle une discrète possédée. |
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