| par Invité Jeu 19 Mar - 15:26
| Le silence était parfois tout aussi évocateur que les paroles, et la façon d’agir de Soleon trahissait un malaise certain en termes d’interactions sociales. Je n’avais pas vocation à lui tirer les vers du nez d’une quelconque façon, plus maintenant. En le braquant je n’obtiendrais qu’un résultat imparfait, et plus probablement un échec, le mieux était de le laisser travailler avec ses méthodes, même si elles allaient à l’encontre des miennes. Je jouais beaucoup depuis que nous nous étions trouvés, d’abord avec calme puis avec bien plus de perversion. J’étais sérieux, mais annoncer des buts aussi horrible que de torturer une personne était surtout une énorme provocation, surtout pour un représentant de l’Ordre, enfin s’il l’était vraiment… Malgré nos moments passés ensemble, notre rencontre était récente et ne nous apprenait pas grand-chose. L’enquête que Soleon menait était visiblement illégale, je le suivais par amusement, de cela nous en étions tous deux conscients, mais pour le reste… Choux blanc. Je restais à ses côtés le regard redevenu bien plus serein, mes mains dans mes poches et la lèvre en sang, mais qu’importerait tout coagulerait rapidement. Je ne pouvais m’empêcher d’y repenser, chaque fois je jouais machinalement avec mes fils et chaque fois ça me frappait en plein visage comme un poing. Cette époque n’était pas la plus heureuse de ma vie, j’avais passé longtemps, trop longtemps dans cette pièce accrochée à un lit… Le souvenir le plus frappant était pour moi cette scène récurrente ; attaché à une table en inox je me débattais alors que totalement entravé je ne pouvais que tenter de le faire, ma tête rivée vers le plafond je ne pouvais bouger. J’entendais à côté des moi des hurlements et des paroles qui auraient pu sortir d’une mauvaise série : « Scalpel, ciseaux… » Le silence n’existait pas dans cette salle, il y avait toujours des hurlements, et pourtant c’était la voix monocorde des opérants qui faisaient le plus peur. Jamais il n’y avait une trace de remord ou de doute… Nous n’étions que des bouts de viandes tout-juste bons pour nous faire charcuter. Je sentais alors un point douloureux sur mon bras avant que mon cœur ne s’emballe et qu’une ombre le visage masqué par un bandeau vert lui prenant de la gorge au nez. La frayeur s’emparait de moi, et mon cœur semblait proche de la rupture, je n’entendais plus rien d’autre que mon cœur tambourinant dans mes oreilles, des doigts forcèrent mes yeux à rester ouvert, et lentement, une aiguille s’approchait, très lentement, laissant le temps à ma peur de se figer en moi, s’installer confortablement dans chaque recoin de mon esprit, et de mon cœur… Soudain la voix du grand brun raisonna, et me tira de ma torpeur en un sursaut, je m’apercevais alors que j’avais retenu ma respiration, comme un enfant l’aurait fait. Portant tranquille une main tremblante à mon œil gauche, je soupirais tentant d’évacuer mon stress. Je ne fis qu’un signe de tête avant de le suivre dans la rue. Tout en traversant il me posait une question intéressante, à laquelle j’avais bien envie de répondre par mon nom, mais s’aurait alors été me tirer une balle dans le pied. Je reprenais lentement contenance, alors inutile de me mettre à jouer les durs maintenant, je prenais le temps de réfléchir. Il y avait bien eut cet intervenant en début de semaine, un habitué de la fac, mais je ne le voyais pas faire grand-chose, d’autant qu’il tenait à peine debout. Un professeur arrivé en début d’année semblait briller par ses connaissances, mais le plus remarquable à mon sens était le professeur de lettre qui animait ses cours à grand renfort de poésie étrangère… Son nom m’échappait, mais je trouvais le procédé intéressant.
« Je ne crois pas, enfin si, nombre de professeurs son unique, mais le professeur de Lettre l’est un peu plus. Il anime ses cours avec de la poésie étrangère, un procédé relativement esthétique… Comme cet enlèvement, propre et presque parfait… Mais je ne saurais dire si c’est lui ou non… Parmi les élèves il y en a quelques-uns, mais là encore rien de probant, à par ce garçon toujours rejoins par un homme en costume. Les deux se payent une tête de sérial killer, m’enfin ce n’est pas encore un crime. Mais le fait est qu’il ne parle jamais sauf dans le cours de Lettre. C’est tout ce que je saurais vous dire, je ne suis ici que depuis trop peu de temps pour connaître chaque personne… Mais j’ai tout de même repéré ces deux-là. »
Je ne savais trop ce que voulait Soleon, mais je ne pouvais lui trouver les suspects s’il n’en avait pas lui-même. Ce garçon était étrange, mais pour autant que j’en savais, autant dire presque rien, il était inoffensif… Bah je me prenais trop la tête, je n’avais qu’à être moi-même et agir selon mes attentes et rien d’autre.
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