Encore un soir en vadrouille, histoire de se remémorer chaque recoin de la ville, Torak marchait d’un pas sûr et plus tranquille qu’avant. En effet, sa rencontre fortuite avec Galahad lui avait provisoirement assuré un toit, un problème dont il n’aurait plus à se soucier pour le moment puis, il s’était habitué à l’Hôpital même si cela lui rappelait sa captivité. Généralement, il observait les gens, les étudiait avant de songer à les voler ou cambrioler leurs domiciles. Ce soir, ses filatures l’avaient menée aux abords des sources chaudes, endroits qu’il n’avait pas fréquentés depuis longtemps. Marchant le long de l’allée menant aux sources, Torak essayait d’humer chaque odeur dans la limite du possible. Parfois, il culpabilisait de sa condition humaine, de n’être qu’une créature si faible en comparaison d’Elle. S’il pouvait être ne serait-ce qu’un fragment de sa personne, il aurait sans doute une bien meilleur estime de lui-même. Fort heureusement, il chassait ces pensées rapidement, pensant qu’il faut toujours se satisfaire de qui l’on est. Perdu encore à penser, il finit par trouver une cible à dépouiller. Elle marchait un peu plus loin devant lui sans se soucier d’être suivi. De dos, il ne la voyait pas très bien, elle avait l’air assez jeune, d’environ son âge peut-être. Il ne remarquait que des mèches d’une couleur assez pâle couler le long de la capuche noire de son manteau. Avec un peu de chance, il en tirerait un objet précieux ou un peu d’argent pour manger quelque chose de plus consistant, pour une fois.
Ce soir, je pourrais manger à ma faim …
Torak salivait à la viande qu’il pourrait s’acheter et dévorer si la chance était de son côté. La jeune femme marchait lentement et lui de plus en plus vite, ce qui lui valut de se rapprocher facilement. Les habitants présents commençaient à déserter la rue, rentrant dans leurs domiciles et s’enfermant pour le couvre-feu. Seul restait Torak et sa mystérieuse proie, proie qui commençait à tituber. Voyant qu’elle ne tenait pas très bien sur ses pieds, il accourra pour l’aider, chassant de sa tête toutes ses envies passées. Au fond, il savait que ce qu’il faisait été mal mais la seule règle régissant le monde, même quand le monde semble l’avoir oublié, est : la loi de la jungle.
- Eh ! Tout va bien ?
Lui saisissant une épaule pour l’empêcher d’avancer, il constata la mine affreuse qu’elle arborait. Pourtant, il ne pouvait s’empêcher de se dire qu’elle était jolie avec ses belles boucles roses.
Du rose .. Voilà qui est curieux.
S’attendant à de la gratitude, il ne reçut qu’un regard furieux de la part de la jeune femme.
Ewilan souffrait atrocement, cela faisait deux jours qu'elle ne s'était pas rendue au lac par manque de temps. Les patients graves s'étaient enchaînés à l'hôpital et la jeune femme avait à peine eu quelques heures à elle pour dormir un instant. L'élémentaire d'eau avait, encore une fois, fait passer la santé de ses patients avant sa propre santé, elle finirait par y laisser la peau...
Après avoir quitté l'hôpital, la jeune chirurgienne avait pris la direction de son appartement et y avait abandonné ses affaires, ne repartant qu'avec ses clés ainsi que ses poignards et ce qu'elle portait sur le dos. La jeune femme aux yeux océan pensait être partie vers le lac mais elle se rendit bien vite compte de son erreur en apercevant devant elle un lieu lui étant totalement inconnu. Où donc se trouvait-elle? Mais plus important encore: le lac était-il loin de ce lieu inconnu? Ewilan n'aurait pas la force de marcher plus longtemps, la preuve elle commençait à tituber dangereusement. Les rares passants s'écartaient de son chemin comme si elle était une pestiférée, qu'ils s'en aillent, elle ne s'en porterait que mieux ! Non...elle avait besoin d'aide. Les pensées de la jeune femme devenaient troublées, comme perdues dans un brouillard dont elle ne parvenait plus à se défaire. Une voix dans son dos parvint tout juste à ses oreilles.
- Eh ! Tout va bien ?
La jeune élémentaire leva un visage terne vers le jeune homme qui venait tout juste de l'empêcher de poursuivre son chemin. Il arrivait au mauvais moment... L'élémentaire n'était pas d'humeur à se quereller avec qui que ce soit pour l'instant. Une fois ressourcée, sans doute cela s'arrangerait-il. Ewilan darda un regard noir sur l'inconnu et demanda d'un air furibond:
-Est-ce que je vous ai demandé de l'aide?! Je vous prierai de bien vouloir me lâcher et de me laisser en paix, je n'ai aucunement besoin de votre aide. Déclara t-elle avec une mauvaise fois tout à fait impressionnante.
L'élémentaire aurait voulu parler d'une voix plus forte, malheureusement son corps en décida autrement et le monde commença à tourner autour de la jeune femme. Titubant un court instant, l'élémentaire d'eau tenta de s'éloigner de l'inconnu, elle n'avait pas besoin d'aide ! Pourquoi donc venait-il l'ennuyer dans un moment pareil?!
Si la situation avait été autre, il aurait probablement réagis violemment. Le fait est que cette jeune femme ne semblait pas du tout être en forme, il se résigna et comprima cette colère naissante. Il prit même l’initiative de se mettre devant la jeune femme pour lui bloquer le passage, au risque qu’elle considère ce geste comme venant d’une tout autre intention, pour insister.
- Je me permets d’insister.
Tout semblait croire qu’elle allait bien, pourtant, l’attitude de la jeune femme démontrer ce visage serein et en bonne santé. Torak commençait à paniquer discrètement en la voyant en si mauvais état. En effet, les endroits médicaux ne lui plaisaient pas tellement. Après avoir été enfermé pendant plus d’un an en isolement dans un asile, il avait toujours des frissons en passant devant un institut médical. Même après avoir accepté l’offre de Galahad de rester à l’hôpital abandonné, il avait toujours cette amertume dans le fond du palais.
- Vous n’avez vraiment pas l’air d’aller bien.
L’idée de l’emmener à l’hôpital lui paraissait inconcevable, presque au-delà de ses forces. L’emmener dans son nouveau logis lui paraissait tout aussi dangereux vu le délabrement des lieux et du matériel médical en piteuse état. Il ne trouvait que faire pour aider cette jeune femme. Dans un coin de sa tête, une tout autre réflexion se posait également. La loi de la jungle s’applique partout, elle transcende tout, que ce soit les lois établis par les gouvernements ou bien par les principes moraux que les gens se sont fixés. Quels intérêts d’aller à l’encontre de la nature ? Si elle rappelait à elle cette jeune fille, pourquoi ne la laisserait-il pas faire ?
Je devrais la laisser là …
Pourtant, il ne pouvait pas s’empêcher de se dire qu’il éprouverait des remords s’il agissait ainsi. Il se sentait toujours divisé entre les enseignements qui lui avaient été prodigués et son envie d’aider son prochain. Une phrase qu’il avait reçue d’Elle résonnait dans sa tête :
Considérer une idée sans pour autant l’accepter est gage d’un esprit éduqué.
La phrase venait d’Aristote à la base mais les enseignements des anciens doivent perdurer, l’époque actuelle a perdu toute la noblesse d’antan d’après Elle, et Torak avait acquiescé sans la moindre once d’hésitation. En même temps, il l’idolâtrait avec un tel fanatisme qu’il ne remettait jamais ses opinions en enseignements en doute. Elle avait été comme une mère pour lui. Il fut tiré de ses pensées, la jeune femme posa le genou à terre.
Ewilan se maudissait intérieurement, elle avait été stupide ! Elle aurait très bien pu se passer de sommeil et aller au lac à la place, c'était vital pour elle ! Elle le savait pourtant !
Le jeune homme insistait et l'empêchait d'aller plus avant, mais pourquoi ne partait-il pas ?! Ne voyait-il pas qu'elle ne désirait pas qu'une quelconque personne l'aide ?! Le commentaire de l'inconnu fit sourire tristement l'élémentaire, évidemment qu'elle n'avait pas l'air bien... Cela faisait deux jours qu'elle ne s'était pas rendue au lac, elle sentait son corps mourir, dans d’atroces souffrances qui plus est... La douleur embrouillait les pensées de la jeune femme, elle ne parvenait plus à réfléchir convenablement et encore moins à formuler un quelconque raisonnement un tant soit peu logique. La jeune femme aux yeux océan tenta de repousser l'inconnu l'empêchant de rejoindre le lac mais elle trébucha et finit à genoux sur le sol.
L'élémentaire d'eau sentit des larmes de douleur couler le long de ses joues brûlantes, elle avait tellement mal... Sa respiration se faisait de plus en plus difficile et désormais son corps refusait de bouger. Ewilan avait l'étrange impression que son corps prenait feu de l'intérieur. Quelle situation dérisoire ! Son corps brûlait de souffrance alors qu'en tant qu'élémentaire d'eau elle avait une peur atroce du feu ou de toute source de chaleur. Et voilà qu'elle se retrouvait, brûlante de fièvre, incapable de se relever pour aller chercher de l'eau...
Son seul espoir résidait finalement en cet inconnu. Mais pouvait-elle avoir confiance en ce jeune homme? Un violent relent de douleur arracha un grondement sourd à l'élémentaire tandis que des larmes de souffrances ne cessaient de creuser des sillons douloureux sur son visage maladif.
Le monde tanguait dangereusement alors que la douleur se faisait de moins en moins sentir. En tant que médecin elle savait que cela ne présageait rien de bon...elle devait à tout prix rester éveillée ! Le mieux aurait encore été de parler sans interruption mais elle se sentait bien trop fatiguée pour y parvenir. Ewilan leva la tête vers l'inconnu juste avant que tout ne devienne noir autour d'elle et qu'elle ne ressente plus la moindre douleur. C'était tellement agréable...la jeune femme allait dormir un peu, elle irait mieux après non? Non?
La petite partie de son esprit qui restait lucide tentait vainement de s'en convaincre. Mais son côté médecin lui hurlait de rouvrir les yeux, de se battre pour rester éveillée et de tout faire pour rester lucide. Le combat interne de la jeune élémentaire ne fut pas bien long puisqu'elle sombra presque aussitôt dans des ténèbres sans douleur ni préoccupations.
S’il venait en aide à cette fille, le regretterait-il un jour ? Pour ne pas avoir suivis et respecté l’ordre naturel. Jetant son regard dans tous les sens pour appeler quelqu’un à l’aide, il vit que les rues étaient à présent désertes et les volets se fermants les uns après les autres.
« - Fais chier …
Il était seul en compagnie de cette fille. Heureusement quelque part, il n’aurait pas à prendre le risque de paraître pour un malfaiteur si jamais quelqu’un le voyait. Torak ne disposait pas de téléphone portable comme tous ses congénères du même âge auraient pu posséder, il lui fallait donc agir vite en sachant que l’hôpital en activité d’Avventura était assez loin. La panique arriva assez rapidement, il ne savait pas quoi faire. Puis, venant troubler son inquiétude croissante, la jeune femme susurra quelques mots :
- -Il...Je...de l'eau...
Peut-être était-elle juste déshydratée ? Qui sait, il ne connaissait pas grand-chose aux filles. Ce sujet n’avait jamais été abordé dans sa vie et Elle faisait en sorte pour que cela reste ainsi. Alors, bêtement mais certain de ce qu’il faisait, il souleva la jeune fille entre ses bras et se dirigea vers les sources chaudes. Il pénétra l’entrée qui ressemblait fort à un petit chalet, très conviviale mais Torak ne s’attarda pas dessus. Il commença à courir comme si la vie de la jeune fille en dépendait. D’ailleurs, il avait l’impression que la peau du visage de l’inconsciente devenait de plus en plus pâle et sèche. Il ne se demanda pas ce qu’il se passait chez elle d’étrange, après tout, on est à Avventura. Le vieil homme, qui devait être le gardien de nuit s’élança après les deux jeunes, surement persuadé qu’ils tentaient une petite escapade en amoureux. Torak continua à courir, traversant les casiers puis les vestiaires pour enfin arriver à la première source chaude. Dépliant consciencieusement les jambes de la jeune fille au sol, pour la maintenir le plus droit possible, il fit des pieds et des mains pour fermer la porte et la bloquer tout en ayant la mystérieuse inconnue contre lui. Puis, le gardien de nuit tambourina contre la porte.
- Fais chier … »
Torak sauta dans l’eau la jeune fille dans les bras.
Pendant quelques instants Ewilan n'avait plus rien sentit mais son repos n'avait été que de courte durée. En effet la douleur ne faisait qu'augmenter pour son plus grand malheur. Son inconscience était bien rapidement devenue un état de semi-conscience dans lequel aucun raisonnement ne semblait possible. Sans doute pleurait-elle toujours à cause de la douleur, à vrai dire elle n'en savait rien, la seule chose qui envahissait son esprit, qui occupait la moindre de ses pensée était la douleur. L'élémentaire se rendit vaguement compte que l'inconnu l'avait soulevé avant de se mettre à courir. La jeune femme respirait difficilement mais son état semblait se stabiliser quelque peu depuis que l'air s'était progressivement chargé en humidité. Le contact avec l'eau fut comme un électrochoc,ses poumons se remplir brusquement d'air lui arrachant une grimace de douleur. L'élémentaire constata cependant avec soulagement que sa peau abandonnait sa précédente couleur cadavérique et ne s'asséchait plus. Ewilan rouvrit les yeux avant de se laisser glisser des bras de l'inconnu pour s'enfoncer un peu plus dans l'eau chaude. La jeune élémentaire n'avait désormais plus qu'une envie: rester ici le plus longtemps possible. Mais avant toute chose il fallait qu'elle remercie l'inconnu, sortant la tête de l'eau la jeune femme riva ses yeux océan dans les prunelles marron de l'inconnu.
-Merci de m'avoir aidé. Souffla t-elle en esquissant un sourire empli de gratitude.
En face d'elle le jeune homme semblait agité alors que de violents coups étaient frappés à la porte. L'élémentaire posa ses mains sur son crâne alors qu'un mal de tête commençait à pointer le bout de son nez. La personne qui était source de tout ce bruit ne pouvait-elle donc cesser?!
-Qui est-ce? Demanda t-elle à son interlocuteur avant de replonger ses bras dans l'eau.
Son manteau gorgé d'eau la gênait, le posant au sec elle s'empressa de cacher ses avants-bras. En effet son tee-shirt trempé reproduisait à la perfection les formes des poignards qui y étaient accrochés; Cet inconnu l'avait secourue, elle lui en était extrêmement reconnaissante mais pouvait-elle lui faire confiance? De toute façon elle ne craignait pas grand chose ici avec toute cette eau. Ewilan ne serait pas aussi puissante qu'au lac mais elle resterait néanmoins difficile à vaincre. Enfin...une fois que ce fichu mal de tête amplifié par les coups sur la porte aurait cessé.
L’eau chaude ne dérangeait pas Torak, bien au contraire. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas connu un tel luxe, à l’asile où il était enfermé, de temps en temps, le personnel l’autorisait à une douche froide et rien d’autre. Pourtant, en cette situation, il n’arrivait à répondre de rien, comme si chaque chose l’entourant avait disparu, qu’il n’y faisait plus attention sans comprendre pourquoi. En fait, il y avait bien une raison mais il préférait ne pas l’exprimer à voix haute de peur de paraître pour quelqu’un qu’il n’est pas même si son regard trahissait ses pensées. En effet, son tee-shirt trempé reproduisait à la perfection les formes et le charme de cette demoiselle précédemment en détresse. Il n’avait même pas fait attention qu’elle le remerciait, il lui souriait bêtement en ne sachant pas où regarder. Fort heureusement, il ne saigna pas du nez, la vie n'est pas toujours issue d'un manga ou d'une bande dessinée. Puis l’imbécile de gardien vint le sortir de son obnubilation en tambourinant à la porte et menaçant d’appeler la milice.
« - Qui est-ce ?
Torak inspecta les environs.
- Les ennuis.
Il cherchait un quelconque moyen de sortir, porte, échelle, palissade à escalader mais rien n’y fit, ils étaient pris au piège si la milice du Cercle se pointait. Toutes sortes de scénarios se créaient dans sa tête pour tenter d’échapper à cette situation mais aucun ne parvenait à se tirer de là sans dommage ou sans risquer de se faire emprisonner. Et être enfermé, c’est quelque chose que Torak ne permettrait jamais de se reproduire.
- Sortez ! Sortez d’ici tout de suite !! Je vous préviens j’appelle la milice !
Il entendait les petits gémissements paniqués de sa nouvelle camarade tel que : « Comment allons-nous sortir d’ici ? », mais il tâchait de réfléchir et de ne pas y faire attention. Il n’empêche qu’elle le fascinait, aussi bien son magnifique tee-shirt mouillé moulant que sa capacité à guérir sous l’eau.
Sous l’eau …
- Mais bien sûr !
Il leva la tête vers son interlocutrice comme si une ampoule venait de s’allumer dans son esprit. Il eut au moins la décence de ne pas crier : « Eureka !! » pour ne pas se ridiculiser devant elle.
- Eh la fille de l’eau, je sais comment sortir d’ici !
Il fit signe de regarder au fond de l’eau pour qu’elle y voit la bouche d’évacuation menant aux égouts et espéra qu’elle comprenne son plan.
Ewilan en vint à se demander si son interlocuteur n'était pas malade, il semblait en effet bien étrange. Il ne cessait d'arborer un sourire bêta sans jamais la fixer. Haussant finalement les épaules la petite élémentaire esquissa une grimace lorsque l'inconnu lui confia que seuls des ennuis les attendaient derrière cette porte close. La jeune femme vit pendant quelque instants de l'inquiétude sur le visage du jeune homme, bien vite remplacée par de la détermination.
- Sortez ! Sortez d’ici tout de suite !! Je vous préviens j’appelle la milice !
Ewilan ne put s'empêcher d'arborer un petit sourire amusé, elle était en effet une partisane du Cercle et n'allait pas tarder à en intégrer l'élite. Une arrestation ne serait certainement pas bien vue par ses supérieurs. De plus, elle doutait que l'inconnu en face d'elle désire se faire arrêter par le Cercle... Ils allaient devoir trouver un moyen de s'évader sans plus tarder. La jeune élémentaire observait avec une grande attention les alentours lorsque la voix de l'inconnu la tira de ses recherches. Penchant légèrement la tête sur le côté avec un air interrogateur, l'élémentaire riva ses prunelles océan sur le jeune homme en attendant une explication quand à sa précédente exclamation. Les humains étaient décidément bien étranges parfois... Si seulement il était humain.
"La fille de l'eau"... Ils s'étaient donnés le mot avec ce surnom, cela la fit sourire, ce n'était pas la première fois que quelqu'un la surnommait ainsi. Suivant le regard de l'inconnu elle fixa la bouche d'évacuation tout en se perdant dans ses réflexions. La jeune élémentaire en avait déjà vu dans les livres... Cela menait aux égouts non? La perspective de visiter ces lieux inconnus l'enchanta même si les écrits en ayant parlé semblaient peu flatteurs. Ewilan tendit une main vers la bouche d'évacuation et fit pression avec l'eau afin de la déplacer. Relevant la tête vers son interlocuteur, elle prit la parole en souriant.
-A vous l'honneur. Déclara t-elle avec son habituel sourire enfantin avant de reprendre sans se départir de ce sourire. Je me nomme Ewilan.
Cela pouvait toujours lui être utile de connaître le prénom du jeune homme, elle n'allait pas éternellement l’appeler "l'inconnu". Derrière eux, la porte ne cessait d'encaisser les coups du gardiens, le battant de bois céderait bien vite... Ewilan baissa les yeux vers ses poignards et caressa l'idée de les dégainer lorsque l'homme cessa de cogner sur la porte. L'élémentaire grimaça en voyant la porte ployer avec violence, le gardien se lançait vraisemblablement dessus maintenant.
-Nous devrions nous hâter, je n'ai aucunement envie de blesser cet homme...
La situation n'allait décidément pas en s'arrangeant aujourd'hui.
S’il n’avait pas vu la jeune fille avec son maillot moulant à cause de l’eau ainsi qu’elle faisant sauter la bouche d’égout, il aurait juré que la bouche d’égout avait sauté à cause de lui tant il sentait sa propre température monter en puissance. Les coups contre la porte cessèrent, une sirène au loin s’entendit et la fille de l’eau se présenta. Evidemment, la situation exigeait une rapidité adéquate mais le sourire qu’elle affichait sur son visage recelait un tel charme qu’il crut qu’il allait s’évanouir.
Ewilan …
Il ne la connaissait pas mais appréciait déjà beaucoup sa compagnie. Puis une fille aux cheveux roses, ça ne court pas les rues. Mais Torak divaguait, en regardant le visage si doux d’Ewilan, il en oubliait presque que la milice allait se pointer d’une minute à l’autre. Alors, à contre cœur, il arrêta de la regarder comme un benêt pour se recentrer sur la situation. Il faillit avoir un mouvement de recul à l’idée de repartir dans les égouts. Cela faisait plus d’un an qu’il avait été forcé de les quittés pour apprendre qu’il y avait quelques lycans sauvages dans ses anciens quartiers. Il avait du quitter toutes ses affaires pour être enfermé dans un asile, en isolement, dans le noir total … Et si jamais cela se reproduisait ? Qu’on l’enferme de nouveau ? Qu’il ne puisse plus revoir la lumière du soleil ou même sentir le vent caresser son visage ? Sans le comprendre, il s’aperçut qu’il avait saisi la main de la jeune fille. Honteux, il la quitta aussitôt.
- Je .. j.. euh .. Exc.. Oui pardon !
T’es ridicule Torak !
Parfois, cela a du bon de s’insulter soi-même. Juste pour être mieux conscient du ridicule que l’on produit. En attendant, Torak regarda en arrière, vers la porte où le gardien tapait auparavant. A présent, les coups étaient intensément plus forts, preuve irréfutable que la milice était arrivée et qu’elle enfonçait la porte. L’eau du bassin se déversait également par la bouche d’égout. Tous deux devait maintenant se pressé pour ne pas se faire mal en sautant s’il n’y avait plus d’eau, alors autant plonger maintenant. D’un geste vif, Torak prit de nouveau la main de la jeune fille mais pour se jeter dans la bouche d’égout. Il n’y avait plus de formalité à faire quand le temps jouait contre eux et il put de nouveau sentir l’odeur âpre de son ancien habitat. Dans un coin de sa tête, il pensa simplement :
Fais chier …
Il ne comptera jamais le nombre de fois où il employa ces deux mots. Les deux jeunes commencèrent à courir, suivis au loin par les hommes armés du Cercle. Tout en continuant de courir dans l’eau d’une couleur peu alléchante, Torak soufflait de temp à autre :
- Par ici. Par-là, suis-moi !
Il reconnaissait les recoins de chaque long couloir cylindrique des égouts mais craignait de tomber sur un lycan à tout moment. Surtout qu’il n’avait plus d’arme pour se défendre. Il prenait la direction pour trouver la sortie du centre-ville, là au moins, il savait que personne ne prendrait le risque de troubler l’ordre public et qu’il pourrait se dissimuler facilement dans la masse. En attendant, la course battait son plein. Le contact avec Ewilan avec sa peau le mettait bizarrement en émoi et lui donnait l’envie de l’impressionner, aux risques de se ridiculiser. Bref, il s’arrêta à une intersection où trois couloirs s’offraient à lui et attendit l’air songeur.
L'inconnu en face d'Ewilan lui semblait décidément fort étrange. Ses joues ne cessaient de devenir de plus en plus rouge et il paraissait ne plus savoir où se mettre. L'élémentaire fut surprise lorsque le jeune homme prit sa main mais le laissa faire sans rien dire, il la lâcha toutefois très rapidement tout en se confondant en excuses qui firent sourire la jeune femme. Ce contact lui rappelait Rémio... Que dirait-il si il la voyait ainsi ? A quelques cheveux de la mort pour ne s'être pas rendue au lac. Le lieu où ils s'étaient rencontrés d'ailleurs... Les bégaiements du jeune homme tirèrent la petite élémentaire de ses réflexions, un sourire ravi flottant toujours sur ses lèvres. Lorsque l'inconnu s'empara une seconde fois de sa main Ewilan tourna les yeux vers la bouche d’égout, elle était à la fois excitée et anxieuse, cela pouvait sans doute paraître stupide pour les humains mais cela l'était beaucoup moins pour une élémentaire. D'autant plus qu'elle ne vivait dans ce monde que depuis quelques courtes années.
L'odeur forte présente dans ces lieux sombres prit la jeune femme à la gorge et elle ne put retenir une grimace tout en se mettant à courir aux côtés de l'inconnu. Malgré cette odeur peu ragoutante l'élémentaire décida aussitôt que l'endroit lui plaisait beaucoup, il regorgeait en effet d'eau et d'humidité. Certes cette eau semblait plutôt sale mais cela importait peu, cela restait de l'eau. Enfin...elle continuerait à se baigner dans le lac. Le jeune inconnu semblait bien se repérer dans les lieux, sans doute y était-il déjà venu. Lorsque les deux jeunes gens stoppèrent leur course face à une intersection plutôt complexe.
Ewilan prit la parole tout en se retournant.
-Je vais m'occuper d'eux, tâche de faire vite, je préférerai qu'ils ne reconnaissent pas mon visage.
Son sourire enfantin n'avait pas quitté son visage tandis qu'elle rabattait sa capuche sur son visage de sorte à rester cachée dans l'ombre. Enfin...ses adversaires reconnaîtraient certainement ses pouvoirs. Tant pis. La jeune femme n'eut qu'à se concentrer sur l'eau noirâtre des égouts pour que cinq litres viennent voltiger autour d'elle avant de partir à toute allure en direction de ses adversaires. Nombre d'entre eux furent désarmés par l'attaque mais deux hommes ne se laissèrent pas impressionner et s'élancèrent à toute allure en direction des deux fuyards. L'élémentaire prit grand soin de rester cachée dans l'ombre de sa capuche tout en dégainant ses poignards. C'est ainsi que débuta l'affrontement.
-Cessez immédiatement toute résistance et nous ne vous ferons aucun mal.
Le ton employé par l'homme ne disait absolument rien qui vaille à la jeune femme qui rappela à elle un maximum d'eau afin d'occuper ses deux adversaires. Se précipitant vers l'inconnu elle commença à le questionner d'un ton quelque peu inquiet. L'élémentaire ne pourrait pas éternellement occuper les deux hommes avec de l'eau et encore moins à cette distance alors qu'éllé était encore faiblarde.
-Je t'en prie dis-moi que tu as trouvé le bon chemin.
La petite jeune femme aux yeux océan prit appui contre un mur poisseux tout en grimaçant, l'eau tournoyant autour des deux hommes retomba aussitôt au sol.
Voici la première chose qu’il prononça quand il fut confronté au problème de direction. Tout en se grattant le menton en même temps. Il avait un trou de mémoire et avait peur de se tromper de direction s’il se décidait à la hâte. Pendant ce temps, Ewilan tenait en respect les membres de la milice du Cercle, ce qui arrangeait bien l’humain, cela lui permettait d’avoir un peu de temps pour réfléchir au problème suivant. Le truc, c’est que cette situation ne resterait pas bien longtemps de marbre. Les pouvoirs d’eau déclenchés plutôt commençaient à flancher, signale qu’il était temps de faire un choix. Il était toujours indécis et ne savait que faire. Ils avaient des armes et Ewilan ne tiendrait plus très longtemps. Il aimait bien son prénom, il avait cette impression qu’il sortait tout droit d’un livre. Puis, au loin, en marchant devant les trois entrées devant lui, Torak entendit des bruits de pas de courses et les claquements qu’ils provoquaient sur l’eau des égouts. Cela ne présageait rien de bon et bien qu’il n’en soit pas sûr, il se doutait de ce qui arrivait à grande allure.
Fais chier …
Il essayait tant bien que mal de se rappeler le chemin. Les bruits se rapprochaient dangereusement et Ewilan cessa de lutter, trop épuisé par la dure soirée. Torak saisit Ewilan par le bras et l’entraîna vers le seul couloir où le silence persévérait. Il courait, le plus vite possible suivant l’état de la fille de l’eau. Au loin, les membres du Cercle leurs couraient après mais plus leurs courses prenaient de l’ampleur, plus les membres du cercle lançaient des hurlements. Ils tournèrent vers un couloir, puis un autre, comment Torak avait-il pu se retrouver dans les égouts pendant si longtemps auparavant ? Tous les couloirs se ressemblaient tant ! Plus ils avançaient, plus la certitude d’être sur le bon chemin prenait place dans la tête du jeune humain. Mais tout à coup, la jeune fille de l’eau cessa de courir, trop épuisé. Torak se doutait qu’il lui faudrait du repos, beaucoup de repos et de l’eau. Elle n’était pas normale, cela ne faisait aucun doute mais il s’en fichait royalement. Il agissait pour elle, mû par un désir de l’aider qu’il ne comprenait pas. Alors, il l’a souleva et continua à courir de plus belle, fuyant ce qui se tramait au loin dans les cris et la douleur.
- On est bientôt arrivé, c’est promis !
Effectivement, il se rapprochait. Les cris de douleurs des « policiers » cessèrent au loin, Torak n’avait apprécié que peu de temps leurs agonies, il n’aimait décidemment pas cette milice prêchant la peur et le couvre-feu des rues. Son cœur battait vite, aussi bien qu’à cause de la course qu’à cause de … Bref, pressé par un hurlement de terreur, il arriva à une porte ronde qu’il ouvra après avoir déposé Ewilan au sol.
- On est arrivé, ne t’inquiètes pas !
Trois paires de brillants yeux jaunes se dévoilaient au loin. Torak souleva à la hâte Ewilan pour entrer dans la pièce et ferma la porte à une vitesse extrême. Ils l’avaient tous deux échappé belle … Il reconnaissait cette pièce et admirait le fait qu’après un an de captivité, elle était restée intact. Mais l’heure n’était venue de s’extasier sur ça. Il s’inquiétait pour la jeune fille et l’aida à se lever pour l’allonger sur un lit.
- Est-ce que tout va bien ? Est-ce que je peux faire quelque chose ?
Tout en écartant une mèche de cheveux de son visage, il lui sourit faiblement. Son geste était peut-être inapproprié, quoiqu’il en soit, il ne l’avait pas fait exprès. Dans l’action, Torak n’avait même pas remarqué qu’il avait été griffé bien profondément à son bras droit. Et même s’il l’avait remarqué, il s’en fichait, seul la santé de la jeune fille l’importait sur le moment, il pouvait bien s’occuper de lui plus tard.
Lorsque l'humain prit le bras d'Ewilan pour commencer à courir cette dernière le suivit mécaniquement, elle sentait la fatigue revenir à grands pas. Chose qui lui semblait tout à fait normale puisqu'elle n'avait pu profiter des sources chaudes que durant quelques courtes minutes. Si elle avait été au lac cela lui aurait suffit à retrouver toutes ses capacités, seulement elle ne se trouvait pas au lac. Elle était u coeur lié, pas un coeur libre, ce qui signifiait qu'elle ne pouvait retrouver la pleine possession de ses moyens en un court laps de temps qu'à l'endroit auquel elle était liée. En l’occurrence le lac de l'Avventura... Pour pouvoir se régénérer entièrement aux sources chaudes il lui faudrait de longues heures que de toute évidence ils n'avaient pas. L'élémentaire se concentra sur les bruits de course de leurs poursuivants, ils n'avaient de cesse d'accélérer lorsque plusieurs cris horribles retentirent. C'étaient de ces cris de terreurs qui donnent froid dans le dos... La jeune femme se demanda quels démons pouvaient bien poursuivre les membres du Cercle. Ewilan ressentit un effroyable pincement au coeur, elle désirait entrer au Cercle mais elle laissait tout de même ses futurs camardes se faire tuer, elle se dégoûtait elle-même à un point inimaginable. Après tout pourquoi fuir? Il lui restait ses dagues, de plus les égouts regorgeaient d'eau qu'elle pourrait utiliser jusqu'à ce qu'elle s'épuise totalement.
Trop absorbée par ses pensées l'élémentaire trébucha et finit à genoux sur le sol crasseux, elle ne parvenait plus à se relever, tout son corps tremblait de fatigue. Il lui semblait que son enveloppe humaine pesait quelques tonnes. Ewilan serra les poings et tenta de se remettre debout, il fallait au moins qu'elle le fasse pour le jeune homme qui l'avait secourue et dont elle ne connaissait pas encore le nom. Lui devait s'en sortir, il ne méritait pas de finir ainsi seulement parce qu'elle n'avait pas la force de continuer à courir. Alors que l'élémentaire luttait toujours pour se remettre debout, le jeune humain la souleva avant de repartir en courant. Au loin les cris de terreur et de douleur se faisaient de plus en plus présent. La voix du jeune homme tira Ewilan de ses pensées et elle hocha faiblement la tête sans rien répondre.
Ce fut lorsque le silence retomba dans les égouts que la petite élémentaire commença à s'inqiéter réellement, maintenant c'était leur tour... L'inconnu la déposa sur le sol tout en parlant mais elle ne comprit pas vraiment ce qu'il disait, elle vit seulement les yeux jaunes qui venaient vers eux.
-Pyro... Souffla t-elle alors que les souvenirs refaisaient surface dans son esprit.
La jeune femme n'eaut pas le temps de s'attarder sur cette vision plus longtemps, en effet, le jeune humain venait de la transporter dans une pièce étrange qui les protégeait des lycans...du moins pour l'instant. Ewilan s'allongea sur le lit et posa ses poings sur son front brûlant, mauvais signe toute cette chaleur. La jeune élémentaire répondit au jeune humain par un faible sourire avant de fermer les yeux tout en lui parlant d'une voix faible mais assurée.
-Pour bien faire il faudrait que je m'immerge une dizaine de minutes dans le lac de la ville ou bien quelques heures dans un autre milieu aquatique. Cela ne va cependant pas être possible dans l'immédiat alors si tu as un peu d'eau potable à disposition je suis preneuse. Marquant une courte pause pour reprendre son souffle elle enchaîna. La plaie présente sur ton bras n'est pas belle à voir, je peux la refermer si tu as une aiguille, du fil et de l'alcool sur place, sinon je me débrouillerai autrement. Et ne t'en fais pas je n’aggraverai pas ta plaie, je suis chirurgien. Assura t-elle avec un sourire amusé.
L'élémentaire jeta un petit coup d'oeil curieux aux alentours avant de reprendre la parole.
-C'est toi qui as créé cette pièce? Résisteras t-elle à une attaque de lycan...?
Accueil
Rechercher
S'enregistrer
Connexion
par Invité Mer 18 Déc - 13:14